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par Koiwai » 02 sept. 2010, 16:54
Alors, que penser de ce coffret collector et de son contenu ? *_____*
Il aura fallu attendre longtemps avant de voir débarquer en France les oeuvres de Makoto Shinkai, pourtant considéré au Japon comme l'un des plus talentueux réalisateurs de ces dernières années. Ainsi, après la Tour au delà des Nuages en 2009 chez Pathé, c'est au tour de Voices of a Distant Star et 5 centimètres par seconde, ses deux oeuvres les plus appréciées du public à ce jour, d'arriver dans nos contrées en cette année 2010, grâce à Kazé.
Mais qui est exactement Makoto Shinkai ? Pour mieux cerner le talent de cet artiste aux multiples facettes, il convient de revenir un peu sur sa carrière ô combien atypique.
C'est, à l'âge de 24 ans, en 1997, et pour s'émanciper de son travail de créateur d'animations dans l'univers des jeux vidéo où il ne se sentait pas totalement à son aise, que Shinkai réalise son premier court métrage, d'une durée de 5 minutes: Kanojo to Kanojo no Neko (She and her Cat), qui connaît un vif succès d'estime et remporte même quelques prix. Face à ce succès, il décide de poursuivre dans cette voie, en sortant en 2001 Voices of a Distant Star (Hoshi no Koe), moyen-métrage de 25 minutes qui a la particularité d'avoir été entièrement conçu par Shinkai: en effet, il y a tenu tout les rôles (sauf la musique), de réalisateur à animateur en passant par character designer, scénariste... La qualité visuelle et narrative de l'ensemble n'en est que plus bluffante. Cette nouvelle oeuvre rencontre à nouveau un succès qui accroît la notoriété de Shinkai, les prix s'enchaînent à nouveau, et les ventes des DVD sont excellentes.
C'est suite à ce succès que le réalisateur décide de concevoir son premier long métrage pour le cinéma. D'une durée d'1h30, La Tour au-delà des Nuages (Kumo no Mukou, Yakusoku no Bacho), projet plus long et pour lequel Shinkai a donc dû s'entourer d'un staff pour l'animation, le character design et les décors, sort sur les écrans en 2004, lui vaut de nouveaux prix au Japon et des sélections dans des festivals étrangers, avec là aussi quelques prix à la clé. Le succès populaire est grandissant, l'édition DVD connaît des ventes records au Japon, et le film est exploité dans un trentaine de pays.
Il faudra ensuite attendre 2007 pour retrouver une nouvelle oeuvre de l'artiste: c'est cette année-là que sort 5cm per second, série de 3 courts-métrages liés les uns aux autres d'une durée totale d'une heure. Une oeuvre sur laquelle il confie à nouveau le chara design, les décors et l'animation, mais aussi la production, à d'autres personnes, mais où il conserve une nouvelle fois tout les autres rôles. Un film pour lequel les prix pleuvent à nouveau. 5cm per second est à ce jour le dernier travail sorti du réalisateur.
Voices of a Distant Star nous présente, dans un futur ou l'humanité s'est étendue dans l'espace et doit faire face à des attaques extra-terrestres, deux collégiens débutant une histoire d'amour: Mikako et Noboru. Mais un jour, Mikako, en raison de ses capacités intellectuelles et physiques, est choisie pour partir affronter les extra-terrestres. Ne pouvant se résoudre à cette séparation, la jeune fille et Noboru vont entamer, après le départ de Mikako, des communications régulières par l'envoi de messages. Mais au fil du temps, Mikako est amenée à s'éloigner de plus en plus de la Terre, et les messages des deux jeunes gens mettent de plus en plus de temps à arriver à leur destinataire...
Une histoire simple, sublimée par la réalisation de Shinkai. Ici, si l'on excepte quelques vagues scènes de combat, pas d'action folle contre les aliens ou quoi que ce soit du genre, ce n'est pas le style du réalisateur, qui aborde ici l'un de ses thèmes de prédilection: les difficultés de l'amour à distance, et les conséquences du temps qui passe sur celui-ci. Ici, tout passe avant tout par deux éléments: les dialogues très nombreux, et la beauté des décors.
A travers leurs communications et leurs pensées, le spectateur découvre en Mikako et Noboru deux êtres profondément touchants. Chaque dialogue sonne avec une sincérité bouleversante mettant en exergue l'amour des deux jeunes gens, qui ne parviennent pas à s'oublier malgré le temps qui passent, et malgré l'immensité spatiale qui les sépare.
Une immensité parfaitement rendue par l'aspect visuel de l'ensemble. Pour une oeuvre faite par une seule personne, Voices of à Distant Star est visuellement absolument magnifique. Les vastes décors étoilés ou pas s'enchaînent paisiblement, et ne sont troublés que par des jeux de lumière animés de manière saisissante, ou par une 3D plutôt bien intégrée et présente principalement pour l'animation des éléments de technologie futuriste, comme le vaisseau que pilote Mikako. Il ressort de l'ensemble une infinie poésie contemplative qui nous émerveille et nous touche.
En 25 minutes, Shinkai réalise un véritable tour de force: son récit nous captive, ses personnages en plein doute et non dépourvus d'humanité nous émeuvent au plus haut point.
Dans 5cm per second, exit la science-fiction.
Dans le premier court-métrage, intitulé "Extraits de fleurs de cerisiers", Takaki Tohno et Akari Shinohara se rencontrent alors qu'ils sont encore écoliers. Leur amour pour la lecture les ayant rapprochés, ils deviennent rapidement les meilleurs amis du monde. Ils deviennent très proches au point d'envisager déjà leur vie lycéenne ensemble, jusqu'au jour où Akari doit déménager au nord de Tokyo. La relation entre les deux enfants se poursuit donc à travers l'échange de lettres...
Dans le deuxième court-métrage, "Cosmonaute", Takaki a à présent 17 ans. Mais le récit va plus se focaliser ici sur Kanae, une camarade de classe amoureuse de lui, mais qui ne sait pas comment se déclarer à ce garçon qui semble souvent si distant, si loin... Par tout les moyens, cette jeune fille indécise quant à son avenir tentera de lui faire comprendre indirectement qu'elle tient à lui. Mais les pensées du jeune garçon se trouvent définitivement ailleurs, sont toutes adressées à quelqu'un d'autre...
Dans le troisième et dernier court-métrage, "5cm per second", Takaki est devenu adulte, et il manque toujours quelque chose, ou quelqu'un, dans sa vie. Mais alors qu'il vient de quitter un travail qu'il trouvait morne, il croise sur un chemin de fer celle qui était autrefois son amie d'enfance et qu'il n'a jamais totalement oubliée. Mais le temps de se retourner et de laisser les trains passer, et Akari n'est plus là. Le jeune homme va alors se remémorer tout ce qui a fait sa vie depuis son enfance avec Akari...
On retrouve ici à nouveau ces thèmes si chers à Shinkai que sont la relation à distance, les affres du temps, et le souvenir. Mais 5cm per second s'enrichit d'un sujet que les précédentes oeuvres du réalisateur n'avaient pas forcément: l'impact que peuvent avoir ces héros distants sur leur entourage, ce qui se ressent ici beaucoup à travers Kanae, tout aussi attachante que Takaki et Akari.
Entre chaque court-métrage, l'ellipse est de mise mais ne nuit en rien au récit, bien au contraire, car permettant de se focaliser encore plus sur les évolutions de la relation Takaki/Akari. Une relation qui touche de par son caractère profondément humain. Tout le monde, ou presque, a déjà vécu une séparation d'une personne qu'il aimait, et la perte progressive de tout contact avec cette personne pourtant impossible à oublier. Ici, Makoto Shinkai parvient à mettre cela en valeur avec une simplicité qui dégage pourtant une émotion forte: pas d'esbroufe dans le récit, pas de rebondissements, pas même de fin à proprement parler, juste la vie pure et simple de personnages attachants tant ils nous ressemblent.
Une nouvelle fois, l'aspect visuel apporte beaucoup. On y retrouve ces nombreux plans larges sur un ciel riche en jeux de lumière saisissants et en mettant plein la vue, ces décors calmes ultra-réalistes finissant d'apporter une ambiance paisible hypnotisante. Le récit joue la carte de la lenteur, et pourtant, en dehors de quelques petits passages un peu poussifs, on ne voit pas le temps passer, jusqu'à ce que l'heure soit venue de voir Takaki se remémorer tout ses souvenirs avec une émotion certaine chez le lecteur, émotion rendue plus vive encore par l'excellente gestion de la musique.
Magnifique aussi bien dans son fond que dans sa forme, le dernier travail en date de Makoto Shinkai est également le plus abouti.
Artiste dans tout ce que ce mot peut signifier, Makoto Shinkai est une valeur sûre de l'animation japonaise de ces dernières années, et ce coffret de Kazé vient enfin nous le confirmer dans une édition française. Une édition par ailleurs excellente. Si l'on ne peut que saluer l'impeccable qualité visuelle et sonore des DVD, ainsi que l'appréciable présence de pistes sonores françaises, notre attention se focalisera grandement sur le principal intérêt de ce coffret collector: un DVD bonus d'une grande richesse, contenant l'excellent premier court-métrage du réalisateur, She and her Cat, deux entretiens très intéressants avec Shinkai lui-même, d'autres entretiens avec les principaux comédiens de doublage de "5cm per second", et un album photo du tournage. Des éditions de cette envergure, on en redemande, surtout pour des oeuvres de cette qualité.
