Mobile Suit Victory Gundam
Studio: Sunrise.
Réalisateur: Yoshiyuki Tomino.
Année: 1993-1994.
Episodes: 51.
Univers: Universal Century 0153.
Casting:
Uso Ewin : Daisuke Sakaguchi
Shakti Kareen : Yumi Kuroda
Marbet Fingerhat : Ayako Shiraishi
Katejina Loos : Kumiko Watanabe
Chronicle Asher : Tomoyuki Dan
Maria Pia Armonia : Emi Shinohara
Oliver Inoue : Keiichi Sonobe
Odelo Henrik : Masayuki Nakata
Tomache Massarik : Tomokazu Seki
Warren Trace : Rika Matsumoto
Suzy Relane : Satomi Koorogi
Elischa Kranskie : Michiyo Yanagisawa
Martina Kranskie : Konami Yoshida
Fonse Kagatie : Kaneomi Oya
Fuala Griffon : Ai Orikasa
Tassilo Vago : Hidetoshi Nakamura
Lupe Cineau : Miki Ito
Arbeo Pippiniden : Junji Kitajima
Myura Miguel : Mako Hyoudou
Hangelg Ewin : Kenyu Horiuchi
L'Histoire
Universal Century 0153.
Soixante ans se sont écoulés depuis la rébellion de Char Aznable et la disparition de Neo Zeon. L'humanité, responsable de la pollution de la Terre, a décidé de quitter sa planète natale afin de trouver un nouvel avenir dans l'espace. Ce faisant, elle est entrée dans une nouvelle ère. Malheureusement, même éloigné de son monde d'origine, les vieux démons de l'homme ne cessèrent de le rattraper et les mêmes problèmes qui entraînèrent le déclin de la Terre étaient amenés à se répéter dans l'espace. Alors que le monde bascule dans une nouvelle ère interminable de guerres spatiales, nombreux sont ceux qui choisirent de retourner sur la Terre qui commençait à peine à se remettre des ravages de l'humanité.
L'Empire Zanscare, ex-Side 2, proclame son indépendance et affiche ses ambitions conquérantes envers les autres colonies de l'espace. Face à l'absence de réaction d'une Fédération Terrestre qui n'est plus que l'ombre d'elle-même, la domination de l'Empire ne tarde pas s'étendre à travers l'espace et menace désormais la Terre. Afin de prévenir tout acte de résistance par la terreur, les territoires conquis durent réinstaurer l'usage de la guillotine, symbole de leur hégémonie tyrannique. Craignant que le même sort n'attende la Terre si personne ne les arrête, la Ligue Militaire, une milice composée de civils, tente d'endiguer la progression des forces d'invasion en espérant que leurs actions pousseront la Fédération à sortir de sa léthargie. Comme symbole de leur combat, la Ligue ressuscite la légende du Gundam, le Mobile Suit qui combattit autrefois les colons de l'espace aux côtés de la Fédération lors des grandes guerres d'indépendance du passé.
Dans un petit hameau à proximité de la ville de Woowig où résident les classes aisées, Uso Ewin, un jeune réfugié clandestin, mène une existence paisible avec son amie Shakti Kareen. Lorsque l'invasion de Zanscare s'étend à leur région natale de Kasalelia, les circonstances entraînent Uso à prendre les commandes du Victory Gundam de la Ligue Militaire afin de défendre les habitants des villes attaquées. Ce faisant, il entre dans une nouvelle existence faite de combats et de tragédies où la défaite signifie bien souvent la perte de sa tête. Mais plus que de combattre pour défendre la Terre de l'envahisseur, Uso espère plus que tout retrouver ses parents et ceux de Shakti qui ont mystérieusement disparu quelques temps avant l'émergence de l'Empire Zanscare.
Commentaires
Réalisée en 1993, Mobile Suit Victory Gundam est la quatrième série télévisée de la franchise et la dernière à prendre part à la chronologie de l'Universal Century, son univers originel. Deux ans après l'échec du film Gundam F91, il s'agissait de la seconde tentative du réalisateur Yoshiyuki Tomino, le créateur de la saga, de nous raconter le futur de son univers phare se déroulant durant le second centenaire de l'Universal Century, soixante ans après les événements du film Char contre-attaque qui concluait la première saga (les séries Mobile Suit Gundam, Zeta Gundam et Gundam Double Zeta). La production de Victory Gundam fut toutefois marquée par d'importants bouleversements au sein du studio Sunrise suite à son rachat par l'entreprise Bandai et les nouvelles difficultés rencontrées entraînèrent un fort mécontentement de la part du réalisateur, forcé de s'adapter à certains impératifs commerciaux qu'il vécut comme des contraintes restreignant sa liberté créative. Dépressif et voyant l'univers de sa propre saga lui échapper, Tomino allait ainsi marquer les esprits en faisant de Victory Gundam l'une des séries les plus noires, déprimantes et violentes psychologiquement que la franchise ait connue.
Situant sa nouvelle histoire plus d'un demi-siècle après la guerre d'indépendance de Neo Zeon, Tomino se réserve ainsi la liberté de prendre ses distances avec ses travaux précédents afin de réinventer dans une certaine mesure son univers sans pour autant renier le lien de filiation avec ses autres séries. Victory Gundam nous présente donc une nouvelle histoire essentiellement indépendante des intrigues des séries qui l'ont précédé mais se situant toutefois dans le même univers comme en témoignent l'existence de la Fédération Terrestre et des colonies spatiales et la reprise des thématiques habituelles de la saga sous Tomino. Seulement, les choses s'avèrent avoir bien changé depuis la rébellion de Char Aznable. Au cours des soixante dernières années, l'humanité, responsable de la pollution de la Terre, a ainsi quitté sa planète natale pour partir vivre dans l'espace, lui offrant un peu de répit. Mais alors que l'histoire commença à se répéter dans ce nouvel environnement avec l'éclatement de nouvelles guerres spatiales entre les colonies devenues indépendantes, l'homme commença à faire machine-arrière et à retourner dans son monde d'origine, risquant ainsi de rendre caduques les efforts qui avaient été entrepris jusque là pour permettre à la Terre de renaître.
Alors que la Fédération Terrestre a perdu presque toute son influence, passive face à l'émergence de nouveaux régimes dictatoriaux au sein des anciennes colonies, Side 2 proclame son indépendance et devient l'Empire Zanscare. Gouverné par la reine newtype Maria Armonia, Zanscare se lance dans une guerre d'envergure contre l'ensemble des colonies afin d'étendre sa domination sur l'univers. Les territoires conquis durent réinstaurer l'usage de la guillotine, symbole de leur hégémonie, afin de condamner tout acte de rébellion allant à l'encontre de la volonté sacrée de leur reine, élevée au rang de prophète. Les ambitions de Zanscare se portent à présent vers le sol terrestre où elles doivent faire face à la résistance acharnée de la Ligue Militaire, une milice constituée de civils, qui tente de les chasser de leur monde. Traquant la milice qui se dissimule au sein des grandes villes, parmi leurs populations, l'armée Zanscare n'hésite pas à attaquer ces dernières afin d'éliminer toute menace potentielle, ne laissant souvent qu'un tas de cendres et de cadavres brûlés sur leur passage.
C'est dans ce contexte que nous faisons la connaissance du personnage principal de la série. Uso Ewin, un jeune garçon de 13 ans, est un réfugié clandestin résidant dans un petit hameau nommé Kasalelia en marge de la ville de Woowig où il vit avec son amie Shakti Kareen du fruit de la culture des champs et de l'élevage d'animaux. Les deux enfants vivent seuls depuis la disparition subite de leurs parents, ignorant même ce qu'ils sont devenus, et ils n'ont pu survivre qu'en apprenant à se débrouiller seuls et à devenir indépendants, acquérant très tôt le sens des responsabilités. Mais dernièrement, la région est perturbée par les combats entre la Ligue Militaire et les forces d'invasion de Zanscare. Vouant une haine farouche à l'envahisseur de l'espace, Uso se met en travers du chemin du lieutenant Chronicle Asher, le frère de la reine Maria, lui infligeant une sévère humiliation en lui volant son Mobile Suit avant de se porter au secours de Woowig où vit son amie Katejina Loos. Ces événements allaient marquer son entrée au sein de la Ligue Militaire, découvrant sa nature de newtype et ses talents innés de pilotage de Mobile Suits, en prenant les commandes du Victory Gundam, le fer de lance de la lutte armée de la résistance contre l'armée de Zanscare.
Uso s'affiche ainsi comme un pilote de Gundam particulièrement jeune, pas encore entré dans l'adolescence, et cela sert les thématiques de la série avec la traditionnelle dénonciation de la guerre qu'on retrouve dans les séries de Tomino. Le message du réalisateur est clair: la place des enfants n'est pas sur un champ de bataille quand ils sont en âge de jouer. Pourtant, cette époque troublée a fait naître cette aberration où un enfant est amené à prendre les armes pour défendre ses proches et où les adultes sont prêts à lui confier leur destin, reconnaissant ses talents exceptionnels dans une ère où les newtypes ne sont plus qu'un mythe oublié de tous dont on ignore presque s'ils ont jamais réellement existés. Mais si Uso n'est encore qu'un jeune garçon, n'ayant donc pas les mêmes préoccupations existentielles que les héros adolescents des autres séries, il n'en demeure pas moins un personnage d'une exceptionnelle maturité pour son âge, comme de nombreux enfants qui prennent conscience trop tôt de la dure réalité du monde en y étant confrontés en temps de guerre. On a alors affaire à un protagoniste pris à la frontière entre deux âges ce qui entraîne certains paradoxes: d'un côté, il a une maturité très proche de celle des adultes et il agit comme tel, mais de l'autre il lui arrive encore de réagir comme un enfant ou de ressentir les choses de manière très sensible, étant amené à découvrir la réalité des champs de batailles et choqué par tous les drames et toutes les horreurs de la guerre dont il va devenir le témoin. Nombreux sont les camarades qui vont périr tragiquement au combat après avoir partagé de nombreux moments ensemble, et il est lui-aussi hanté par l'idée qu'il doit tuer des êtres humains à chaque fois qu'il affronte des Mobile Suits avec ce motif récurrent de la gâchette comme déclencheur de mort qui trouve sa finalité lors d'une scène particulièrement traumatisante où Uso provoque un génocide de masse dans les rangs adverses, souillant définitivement son âme par le sang du péché. Tout cela a bien sûr un impact très violent sur son esprit mais, contrairement aux adultes qui pourraient facilement sombrer dans la folie avec les traumatismes occasionnés, Uso réalise surtout à quel point la guerre peut être une chose absurde, sans pour autant se défausser de sa part de responsabilité ou même avoir la naïveté de croire que ses actions puissent changer la nature des choses. On a donc affaire à un protagoniste très intéressant auquel il est facile de s'identifier et de s'attacher et qui change un peu des traditionnels adolescents aux problèmes existentiels et en colère contre le monde auxquels nous avait habitué Tomino jusque là.
Par ailleurs, un aspect très intéressant du personnage est de voir à quel point son background se marie vraiment bien avec les enjeux de la série. Alors qu'il recherche ses parents disparus dont il est sans nouvelle, le fait qu'Uso rejoigne la Ligue Militaire et qu'il se retrouve aux commandes du Gundam est loin d'être aussi anodin qu'il puisse apparaître initialement, tel un appel du destin. Avant même que ses parents soient introduits, Uso se retrouve à protéger ses proches grâce à la machine conçue par sa mère, tandis qu'il devient lui-même l'engrenage d'une autre "machine" inventée par son père: la Ligue Militaire. Notre jeune héros hérite ainsi de la force et de volonté de ses parents mais les rapports qu'ils entretiennent sont eux aussi particulièrement intéressants: l'absence de sa mère pèse sur Uso qui se cherche une autre figure maternelle de substitution à travers différents personnages et leurs retrouvailles lui apporte une vraie présence réconfortante, une chaleur maternelle qui lui a manqué et qui lui permet brièvement de retrouver un peu son enfance devenue si éphémère, même si cela ne fait qu'amener à un drame abominable qui achèvera définitivement son enfance de la manière la plus violente qui soit. Du côté du père, Uso a évolué dans son ombre sans le savoir et, à leurs retrouvailles, il est choqué de réaliser à quel point cet homme n'a plus rien à voir avec celui qu'il a connu autrefois, évitant les contacts humains avec son fils afin de se concentrer sur sa mission qu'il estime bien plus importante. On retrouve dans ces relations une dynamique très proche de celle que Hideaki Anno, l'ancien assistant de Tomino, allait insuffler au héros de son oeuvre phare Evangelion quelques années plus tard avec la même approche très sensible et complexe sur les rapports humains où toutes les épreuves sont censées anéantir l'esprit du protagoniste.
Du côté du traditionnel personnage du rival, on a droit à l'immense Chronicle Asher qui est certainement l'un des clones de Char Aznable les plus intéressants et charismatiques à ce jour. Frère de la reine Maria Armonia et fier lieutenant de son armée, Chronicle est un soldat admirable et déterminé qui est prêt à tout pour soutenir sa soeur dans sa mission tout en étant très attaché au sens de l'honneur, veillant à ce que les agissements de l'armée de Zanscare restent respectables afin de préserver leur image et veillant sur ses subordonnés. Sur bien des aspects, et malgré son arrogance et son ego, c'est un homme de valeur et de convictions auquel le spectateur puisse s'attacher facilement, mais les circonstances de la guerre et son orgueil personnel l'amènent à devenir l'ennemi juré d'Uso. Car ce qui rend aussi cette rivalité si riche et si complexe, c'est le fait que les deux hommes occasionnent de nombreuses pertes dans le camp adverse, qu'ils ne cessent de tuer des personnes familières à l'autre, s'entraînant comme des aimants dans une spirale de vengeance qui ne pourra prendre fin qu'avec la mort de l'un d'entre eux. Mais plus que tout autre chose, l'un des motifs principaux de cette rivalité, ce sont avant tout les femmes, ou plus précisément deux femmes, qu'ils se disputent sans cesse, alimentant leur haine réciproque...
La première est l'amie d'enfance de Uso, Shakti Kareen, une autre immigrée clandestine qui vit à ses côtés. Personnage féminin principal de la série, elle tient en gros essentiellement un rôle de demoiselle en détresse, la fille qu'Uso doit sauver à longueur de temps. Dans un premier temps, elle passe son temps à se plaindre de le voir se battre au sein de la Ligue Militaire et elle s'inquiète de le voir changer en une personne plus agressive, n'arrêtant pas de lui demander de rentrer ensemble à Kasalelia, loin des combats, pour finalement finir par partir seule et se fourrer dans le pétrin. Dans un second temps, elle apprend qu'elle est la princesse disparue de l'Empire Zanscare et cela ne fait que la rendre encore plus conne, se livrant parfois à l'ennemi de son plein gré dans l'espoir de faire cesser les combats, ruinant d'un revers de la main tous les efforts que le groupe d'Uso a entrepris pour la protéger, parfois au prix de certaines morts. Et cela finit systématiquement par engendrer de nouvelles tragédies qui auraient pu être facilement empêchées si elle s'était abstenue de faire n'importe quoi, ce qui ne l'empêche jamais de recommencer sans prendre conscience de sa part de responsabilité dans ces drames. Cette fille est un véritable porte-poisse et, si sa naïveté et ses erreurs innocentes peuvent encore être compréhensibles du fait de son jeune âge, Uso aurait certainement toutes les raisons du monde de la haïr et de la laisser tomber avant qu'elle n'empire encore davantage les choses avec ses conneries. Pourtant, envers et contre tout, il ne cessera jamais de tenter de la sauver et les massacres continuent donc. Et cela finit par devenir l'un des moteurs principaux de la rivalité entre Uso et Chronicle qui ne cesseront de se disputer Shakti, le premier voulant préserver son amie d'enfance des mains de l'ennemi qui compte se servir d'elle et de son statut, et le second s'étant juré sur sa vie de protéger sa jeune nièce et future souveraine et de la ramener en sécurité auprès de sa mère en prévision du jour où elle sera amenée à gouverner à son tour en tant que newtype porteuse du sang de la reine Maria. Ce personnage se trouve donc au centre de grands enjeux qui nourrissent les relations entre les personnages, mais elle n'en demeure pas moins plutôt agaçante et assez conne ce qui préfigure déjà la future Relena Peacecraft de la série Gundam Wing.
L'autre personnage féminin important, et limite le personnage le plus emblématique de cette série, c'est Katejina Loos. Pourquoi donc le plus emblématique ? A l'origine, il s'agit simplement d'une jeune femme résidant à Woowig et issue d'une classe aisée à qui Uso porte secours au cours de l'attaque de la ville. Initialement, elle apparait donc comme une des nombreuses victimes de la guerre et une alliée d'Uso, luttant aux côtés de la Ligue Militaire et tentant de préserver le jeune garçon contre l'influence des adultes qui le poussent à risquer sa vie à leur place aux commandes du Gundam, ne comprenant pas pourquoi son ami finit toujours par le piloter de son plein gré. Cette incompréhension, combinée à l'agacement que Katejina ressent face aux sentiments inappropriés d'Uso à son égard, étant son premier amour, lui valent de ressentir une profonde frustration et l'affection qu'elle porte au jeune garçon finit par se muer en profond dégoût et en une haine implacable de tout ce qu'il incarne à ses yeux. Alors qu'elle se reconnait en les idéaux prônés par la reine Maria Armonia de Zanscare, elle en devient à devenir l'ennemie d'Uso, profondément choqué de voir son premier amour changer de la sorte en une véritable psychopathe sur le champ de bataille dont le but ultime semble être de vouloir le tuer. Ne pouvant accepter que la fille qu'il aime soit devenu ce monstre de haine, Uso en reporte toute la responsabilité sur Chronicle Asher, accusé de l'avoir manipulée, devenant là encore une source de tension violente entre les deux. A mesure que la série progresse, Katejina ne cesse de sombrer davantage dans la folie jusqu'à atteindre le point de non-retour. Si, de prime abord, on aurait pu penser que Chronicle la manipulait bel et bien, on ne peut que réaliser que la nature profonde de cette femme est réellement démoniaque et qu'elle est la seule responsable de ses actions et de son destin, manipulant en réalité les deux hommes se disputant ses faveurs afin de les faire s'entretuer pour le seul plaisir de flatter son ego complètement tordu. De tous les personnages de la franchise Gundam, Katejina s'impose donc sans conteste comme le plus dérangé et comme l'un des plus machiavéliques, ne cessant de recourir aux méthodes les plus perverses pour torturer l'esprit du jeune Uso afin de le détruire, avec cette métaphore persistante d'un viol présenté sous la forme d'attaques mentales particulièrement perverses.
A côté de ce quatuor principal, on trouve tout un casting de personnages secondaires excellents et tous très bien développés. En premier lieu, Tomino recycle l'une de ses idées principales du film Gundam F91 avec la Ligue Militaire, sorte de milice composée de civils de tout âge, dans laquelle le héros se retrouve embrigadé comme pilote du Gundam (encore une fois conçu par sa mère) après que l'on ait découvert ses talents de newtype le rendant particulièrement intuitif au pilotage de Mobile Suits. La série s'attarde à nous présenter plusieurs de ses membres que nous apprenons à découvrir à mesure des épisodes, de la pilote d'élite Marbet Fingerhat qui devient la supérieure hiérarchique d'Uso et son substitut de mère à la Shrike Team, une unité d'élite composée exclusivement de femmes glamours qui est nous décrite à juste titre comme "un harem". Comme dans tout bon "harem", chacune de ces filles possède un caractère bien défini et différent les unes des autres et nous apprenons à nous attacher à chacune d'entre elles. A la différence cependant que le terme "harem" n'a pas sa connotation romantique habituelle dans l'univers de Tomino, la vraie question étant plutôt de savoir dans quel ordre ces filles vont crever et quelles manières ignobles Tomino va encore pouvoir inventer pour les faire mourir dans d'atroces souffrances de manière à choquer le personnage principal et le spectateur. Ces morts ne sont jamais utilisées de manière gratuite puisqu'elles servent toujours à faire évoluer le personnage d'Uso et à faire progresser l'histoire, mais on ne peut que constater la manière perverse dont Tomino se sert de ces filles comme d'un compteur, comme s'il fallait passer par la mort d'un groupe tout entier de personnages pour qu'Uso puisse évoluer. Il est évident que c'est là leur utilité principale et que l'intention de Tomino a toujours été d'éliminer l'ensemble des membres de la Shrike Team, ce qui en dit très long sur l'esprit de la série. Et c'est d'autant plus triste que, comme pour pratiquement l'ensemble des personnages, ces filles étaient vraiment très attachantes et charismatiques, chacune offrant de belles scènes avec Uso.
Pour alléger quelque peu cette ambiance, Uso est amené à voyager en compagnie d'un groupe d'enfants et d'adolescents qui n'est pas sans rappeler la bande à Judau dans Gundam Double Zeta ou encore le groupe à Seabook dans Gundam F91. Si dans ces deux séries, c'était surtout un élément comique plus ou moins dispensable, ici l'approche est beaucoup plus sérieuse qu'on ne l'aurait imaginé de prime abord. Loin d'édulcorer l'ambiance de la série, la présence d'enfants de l'âge d'Uso au sein de la Ligue Militaire sert au contraire à appuyer son propos, la jeunesse du héros principal et le fait qu'il se retrouve forcé à lutter sur un champ de bataille à un âge où il devrait encore profiter de sa jeunesse. Ces enfants ne sont clairement pas dans leur environnement, ils ne sont pas là où ils devraient être, mais ils ont encore des espoirs pour leur avenir qui leur justifient de mener les combat actuel auprès des adultes, définissant ainsi l'importance des enjeux. On se dit alors que ce groupe représente quelque part la volonté de Tomino pour la jeunesse, que ces personnages sont en quelque sorte ses protégés et qu'ils doivent survivre alors que tout le monde autour d'eux se fait descendre. Ce serait grandement sous-estimer Tomino que de penser qu'il va épargner une catégorie de personnages: la mort ne fait pas de distinction, elle peut frapper tout le monde au cours d'une guerre. La grande question, à ce niveau, n'est même plus de se demander quel est le prochain à mourir mais plutôt qui va survivre à la fin de la série. Parce que l'on sait que Tomino serait bien capable de tous les tuer s'il le voulait, et il ne s'est pas privé de le faire dans certaines de ses oeuvres (les personnages survivant au film Char contre-attaque se comptaient réellement sur les doigts d'une main).
On pourrait alors penser que tout cela sert à appuyer la cruauté de l'Empire Zanscare et, qu'en tuant autant de personnages attachants dans des circonstances aussi horribles, Tomino cherche avant tout à nous faire haïr ces adversaires. Sauf que ce n'est absolument pas le cas puisque tout le monde est logé à la même enseigne dans cette série: Tomino n'use d'aucune ficelle aussi manichéenne, il cherche juste à représenter le thème de la guerre de la manière la plus réaliste, la plus violente et la plus crade possible, avec tout ce que cela peut impliquer de morts et de tragédies. Le fait que des personnages auxquels le spectateur s'attache meurent est une chose naturelle, de même que la mort de leurs ennemis qui sont des personnes tout aussi humaines qu'eux. Ainsi, si Zanscare est représenté comme un empire d'une grande cruauté comme en témoigne l'usage de la guillotine pour punir les rebelles, on n'en oublie pas moins que les personnages qui composent son armée sont des humains comme les autres, tout aussi complexes que les héros et soumis à leurs propres contradictions, si bien que certains personnages peuvent commettre des actes absolument impardonnables et demeurer extraordinairement ambigus en continuant à dégager une certaine sympathique aux yeux du spectateur, comme Fuala Griffon ou de nombreux autres, et même les plus grosses ordures peuvent se révéler très humaines dans la poursuite de leurs ambitions personnelles. La reine newtype qui dirige cet empire du mal est elle-même l'illustration d'une personne portée par des idéaux nobles mais qui recourt à des méthodes cruelles et tyranniques afin de les imposer au reste de l'humanité, les souillant de ce fait par ses propre péchés.
Que ce soit les membres de la Ligue Militaire ou ceux de l'Empire Zanscare, on a donc droit à un très large casting où la quasi-totalité des personnages sont développés de manière à ce que le spectateur puisse toujours s'y attacher en prévision de leurs futures morts afin de les rendre aussi tragiques et mélodramatiques que possible. La série affiche donc de vraies ambitions narratives en s'attardant ainsi sur les moindres aspects de son univers et elle tient à nous montrer en permanence le point de vue des deux camps sur cette guerre, le spectateur étant familiarisé avec l'ensemble des personnages (près d'une centaine). Que ce soit les camarades d'Uso qui tombent tragiquement au combat ou que ce soit Uso lui-même qui occasionne des tragédies, les deux camps accusent des pertes considérablement élevées et cela nourrit l'atmosphère noire et dramatique de cette série. Contrairement aux séries Gundam habituelles, vaincre l'ennemi n'a absolument rien de victorieux, le vainqueur ne tire aucune satisfaction de la mort d'autrui, c'est juste une question de survie et cela ne fait qu'engendrer toujours plus de tragédies et de tristesse pour les proches des défunts (un épisode s'attarde d'ailleurs sur les conséquences de la mort d'un soldat où Uso culpabilise auprès de ses proches en deuil et tente d'assumer sa part de responsabilité dans ce drame). Et cela sert bien sûr la thématique de dénonciation de la guerre chère aux oeuvres de Tomino: personne ne devrait avoir à devenir un assassin et, dans ces circonstances malheureuses, personne ne peut reprocher à un soldat de tuer son adversaire, pas même les familles des victimes. Ce fléau va jusqu'à souiller l'âme d'un enfant qui portera ce fardeau toute sa vie durant une fois la guerre finie.
La narration de la série est aussi très intéressante car Tomino a dû composer tant bien que mal avec les exigences de Bandai tout en affirmant l'identité artistique propre à sa nouvelle oeuvre. L'exemple le plus frappant en est le premier épisode qui débarque directement dans l'action, sans plus d'explications, pour nous introduire le Gundam éponyme d'entrée de jeu, les trois épisodes suivants allant ensuite nous raconter le véritable début de la série sous la forme d'un long flash-back. Un début de série très déroutant qui annonce bien la couleur, Tomino devant composer avec des exigences commerciales parfois débiles (ici l'ordre des épisodes inversé afin de faire apparaître le Gundam phare dès le début de la diffusion de la série) tout en arrivant à raconter son histoire. Cela n'empêche cependant aucunement Victory Gundam de s'imposer comme l'une de ses séries les plus abouties de la franchise, débordant de créativité et de nombreuses qualités, et il est même surprenant de se dire que le réalisateur ait réussi à créer une oeuvre d'une telle noirceur et d'une telle violence alors que sa liberté créative était beaucoup plus restreinte, Bandai étant alors plus intéressé par les ventes de produits dérivés que par la qualité même de la série.
De manière plus générale, le début de Victory Gundam met un certain temps à installer l'univers et les bases de l'histoire, ce qui entraîne un début de série un peu rébarbatif accusant des longueurs durant la première quinzaine d'épisodes qui tourne autour de la protection d'une caravane de la Ligue Militaire, une période durant laquelle le protagoniste et le spectateur se familiarisent avec les nouveaux personnages et découvrent peu à peu l'univers de la série. L'histoire ne commence vraiment à décoller que vers le quinzième épisode avec l'arrivée dans l'espace en territoire ennemi et c'est à partir de là que l'intrigue commence à dévoiler tout son potentiel, riche en enjeux dramatiques et en rebondissements. L'histoire qui nous est racontée sert par ailleurs parfaitement les enjeux dramatiques et humains de l'oeuvre, nous dévoilant un conflit aux tenants beaucoup plus complexes que la simple lutte contre un empire du mal que l'on pouvait imaginer initialement (c'est loin d'être aussi manichéen). Encore une fois, la dynamique de ce conflit passe beaucoup à travers les personnages et comme la quasi-totalité d'entre eux fonctionnent parfaitement, c'est l'histoire elle-même qui s'en tire merveilleusement bien. On peut même dire qu'à bien des niveaux, Victory Gundam parvient à retrouver les sommets d'excellence atteints jusque là uniquement par la série Zeta Gundam et le film Char contre-attaque, même si son début un peu rébarbatif et lent à se mettre en route la dessert un peu, pouvant dissuader les spectateurs d'en voir davantage alors qu'elle n'a encore rien dévoilé de son véritable potentiel.
Du point de vue de la réalisation, celle-ci aussi traduit des choix artistiques importants. Si la mise en scène de Tomino est toujours aussi aboutie, beaucoup seront surpris par la qualité d'animation de la série qui se révèle très sobre pour une fois, plutôt moyenne en comparaison de la beauté visuelle des animés précédents. Quelle qu'en ait été la cause initiale, choix esthétique volontaire ou contrainte de budget (voire les deux), il se dégage de cette relative pauvreté une atmosphère visuelle assez morne, assez austère, à la fois triste et mélancolique, ce qui contribue pleinement à l'ambiance recherchée par le réalisateur. Une autre conséquence assez étonnante de cette esthétique est que les batailles de Mobile Suits ne sont plus aussi glamours ou funs à regarder qu'auparavant. Rompant de manière radicale avec la mise en scène spectaculaire des animés précédents, le réalisateur a opté pour une vision beaucoup plus fidèle de ce quoi ressembleraient ces affrontements dans le monde réel: quelque chose de violent et de brutal où la mort peut frapper à tout instant. On ne sait jamais quand un tir fatal peut frapper un Mobile Suit et tuer son pilote sur le coup. Il n'y a pas d'héroïsme dans ces batailles, pas de grande victoire triomphale, juste un survivant et un vaincu. Cela ne les empêche pas d'être épiques mais cette dimension ressort davantage du danger et de la tension dramatique omniprésente qui se dégagent de ces affrontements. Les limitations techniques des Mobile Suits sont aussi bien plus appuyées que par le passé, ce qui pourrait paraître un peu étrange du fait que la technologie aurait normalement dû s'améliorer depuis le temps, mais ce n'est pas forcément le point le plus important. Par contre, on notera que les designs de la plupart des Mobile Suits sont exceptionnellement... moches. Loin des mythiques Zakus, les méchas de l'armée Zanscare ressemblent à des espèces de fourmis volantes aux designs franchement hideux et à l'usage des couleurs vraiment peu aguicheur. Seuls quelques Mobile Suits font exceptions tels que les Gundam, mais on peut se demander si Tomino n'a pas volontairement tenté de saborder cet aspect de sa série pour faire un peu chier Bandai étant donné qu'il est vraiment très inhabituel que les designs des méchas soient à ce point ratés dans ses séries.
La bande originale de l'animé est composée par Akira Senju, notamment connu pour la série Fullmetal Alchemist Brotherhood. Victory Gundam étant l'un de ses premiers travaux dans le domaine de l'animation, son travail n'est pas forcément l'un de ses plus inspirés mais on ressent tout de même déjà une certaine patte. Ses musiques classiques rendent vraiment bien la noirceur et la mélancolie, aussi parfois la jeunesse et l'innocence, qui se dégagent de l'atmosphère de cette série et le tout se marie magnifiquement bien avec l'image, ajoutant parfois un surplus de tension, même si à l'inverse ses compositions n'ont rien de bien mémorables en soi une fois séparées de l'image (son travail sera d'une toute autre ampleur dans Fullmetal Alchemist Brotherhood). Du côté du doublage japonais, c'est certainement l'un des meilleurs de la franchise. Le rôle du protagoniste Uso Ewin est parfaitement casté avec le jeune Daisuke Sakaguchi, un seiyu dont l'intonation assez particulière exprime bien la jeunesse et le caractère débrouillard et malin du personnage. L'antagoniste Chronicle Asher trouve un seiyu tout aussi excellent avec le regretté Tomoyuki Dan (la voix japonaise de Batman / Christian Bale dans la trilogie de Christopher Nolan) qui a une voix assez imposante et autoritaire soulignant la détermination farouche et fière de son personnage. Et on ne peut pas ne pas citer l'extraordinaire Kumiko Watanabe qui interprète magnifiquement la chute mentale de la belle Katejina Loos, d'une frêle jeune femme à une psychopathe en puissance qui ne vit que pour la destruction. Le reste de la distribution est également excellent avec notamment quelques personnages secondaires aux interprétations particulièrement intenses (je pense notamment un soldat hargneux qui perd soudainement toute volonté de combattre dès qu'il réalise que le pilote ennemi qu'il voulait abattre n'est encore qu'un enfant et qui finit par se suicider en tentant de le libérer de ce destin funeste, un moment très émouvant servi par une prestation magistrale de la part des seiyus !).
Il y aurait encore énormément de choses qu'on pourrait trouver à dire sur une série d'une telle richesse, mais tout converge vers cette même conclusion: Victory Gundam s'impose clairement comme l'une des séries les plus abouties de la franchise Gundam. Ce n'est pas forcément la série que l'on s'imagine ni celle que l'on attend, mais c'est certainement l'une de ces oeuvres qui savent comment surprendre leur spectateur et toujours de manière positive. Elle n'est pas forcément une série simple d'accès facile à regarder, se destinant à un public averti et plutôt bien accroché, mais c'est une oeuvre qui a vraiment beaucoup à raconter et qui n'y va pas par le dos de la cuillère pour le faire, directe et sans concession. C'est peut-être la plus belle illustration que le réalisateur pouvait faire de sa thématique de dénonciation de la guerre, ne cherchant pas à faire dans le commercial mais livrant un "j'accuse" d'une puissance phénoménale contre tout ceux qui sèment les germes de la guerre et qui occasionnent ce genre de tragédies. On est à l'opposé de ce qu'incarne traditionnellement le genre méchas, à savoir des séries populaires et funs à regarder qui sont destinées à vendre toutes sortes de produits dérivés, Tomino en prenant totalement le contrepied pour nous livrer l'une des interprétations les plus surprenantes et inédites du genre pour l'époque, particulièrement noire et mature. Cette vision différente et extrêmement intéressante n'a toutefois pas su trouver son public, boudée par de nombreux fans, et les tensions vives entre le réalisateur et la Sunrise amorcèrent le divorce et aboutirent à l'abandon de l'Universal Century dont ce fut la dernière incarnation sous forme de série télévisée (cet univers continua cependant à exister dans les années qui suivirent à travers différentes séries d'oav, développant davantage essentiellement sa période phare avec la guerre d'indépendance de Zeon et produites à un rythme très irrégulier, et à travers divers dérivés comme des mangas ou des romans), la franchise s'engageant dès lors sur la voie des univers parallèles, permettant une réinvention perpétuelle de la saga à travers diverses incarnations entièrement indépendantes les unes des autres. Il faudra alors attendre cinq ans avant que Tomino ne revienne à son univers phare avec la splendide série Turn A Gundam dont la tonalité bien plus légère et poétique marqua le signe d'une réconciliation artistique avec la saga après cette période sombre de sa vie qui aura néanmoins vu naître l'un des plus grands chefs d'oeuvre animés de sa carrière et certainement la meilleure série télévisée que cette franchise ait connue après le phénoménal Zeta Gundam !
Verdict: Excellent (19/20).