Manie Manie/Harmagedon

L'édition collector:
Manie Manie est un ensemble de trois courts métrages datant de 1987, et réalisés par trois grands noms de l'animation: Rintarô (Albator 78, Metropolis, Galaxy Express 999...), Yoshiaki Kawajiri (Ninja Scroll...), et Katsuhiro Otomo (Akira, Steamboy...). Quant à Harmagedon, il s'agit d'un long-métrage réalisé en 1983 par ce même Rintarô avec la collaboration de Katsuhiro Otomo pour le chara design, adaptation du manga Genma Taisen de Kazumasa Hirai et Shotaro Ishinomori. Les éditions Dybex nous proposent de découvrir ou de redécouvrir, à travers une seule et même édition collector, ces deux oeuvres importantes dans la filmographie de chacun des trois réalisateurs.
Manie Manie se découpe donc en trois courts métrages.
Le premier, nommé "Labyrinthe", est l'oeuvre de Rintarô. D'une durée d'une dizaine de minutes, il nous invite à suivre Sachi et son chat Cicéron, qui passent à travers un miroir et se retrouvent dans un monde fantasmagorique où un clown bien mystérieux leur sert de guide. Tout au long de ces quelques minutes, nos deux héros voient se dérouler devant eux toutes sortes de phénomènes étranges. Ainsi, Rintarô nous invite ici dans un univers étrange et onirique, qui puise ses sources dans l'univers du cirque, pour un rendu plutôt captivant et légèrement inquiétant, parfois à la limite du psychédélique. L'espace de quelques minutes, on se déconnecte volontiers de la réalité pour suivre Sachi et Cicéron.
Dans "Le Coureur", réalisé par Kawajiri, nous découvrons l'histoire d'un pilote participant à des courses où tous les coups sont permis. Excellent en la matière, il s'est taillé une réputation et un palmarès exceptionnels... Mais quels sont donc ses secrets ? C'est ce que nous serons amenés à découvrir peu à peu, par l'intermédiaire d'un narrateur inquiétant. En dehors de cela, peu de dialogues dans ce court-métrage, tout se joue sur une ambiance rendue encore plus inquiétante par l'univers très fermé décrit ici. A travers un chara design incisif, on reconnaît bien la patte du réalisateur de Ninja Scroll.
"Stopper le travail", le dernier des trois courts métrages, celui réalisé par Katsuhiro Otomo, nous plonge dans une toute autre ambiance. Sugioka est envoyé par son patron sur un chantier à l'abandon avec pour mission d'ordonner aux robots s'occupant des travaux de cesser leurs activités. Mais les robots en question, un brin détraqués, ne se montrent guère très obéissants. Entre absurde et loufoque, ce court-métrage aborde également avec une certaine légèreté la thématique des limites des relations d'interdépendance entre l'homme et la machine, thématique qui se verra travaillée un peu plus en profondeur dans d'autres oeuvres de l'auteur. Bien qu'elle soit ici un peu vieillotte, la réalisation made in Otomo conserve toute sa puissance, et sert à merveille cette oeuvre de jeunesse du papa d'Akira qui se présente comme le plus intéressant des trois court métrages.
Au final, on se retrouve avec un ensemble éclectique, un peu vieillot mais non dépourvu de charme, et qui, de par le fait qu'il s'agisse là d'oeuvres anciennes de trois réalisateurs de grande renommée, se présente comme un indispensable pour quiconque s'intéresse à l'histoire et aux grands noms de l'animation japonaise.
Dans Harmagedon, la jeune princesse Luna est victime d'une effroyable vision qui lui montre la destruction de la planète par une force indicible nommée Genma. Mais une nouvelle génération de jeunes gens a fait son apparition aux quatre coins de la terre. Ces êtres possèdent des pouvoirs paranormaux, et leur communion parviendra peut-être à anéantir le mal, ceci avec l'aide d'un robot venu du fin fond de l'espace.
On est un peu plus mitigé face à ce long métrage.
Si l'oeuvre reste également incontournable dans la cinématographie de Rintarô et tire un intérêt certain du chara design véritablement excellent d'Otomo, elle révèle une histoire beaucoup trop classique, qui s'étire beaucoup en longueur (le film dure plus de 130 minutes !). Incohérences et facilités sont au programme, de même qu'un développement des personnages très limité. A cause de tout ceci, l'histoire ne décolle jamais totalement, et au final, l'ennui guette souvent.
On retrouve ici un style très proche de ce que nous proposait le réalisateur sur Albator 78: une lenteur certaine, laissant la place à de nombreux passages un brin contemplatifs faisant honneur à des décors travaillés, le tout régulièrement fort bien souligné par des musiques envoûtantes, un peu désuètes, s'inscrivant bien dans ce que l'on pouvait faire à l'époque. Dommage qu'à côté de cela, d'autres musiques soient beaucoup plus convenues. L'ensemble dégage donc par moments un certain charme un peu désuet, dans lequel on retrouve bien l'ambiance de l'époque, mais tout ceci reste inégal et plombé par la longueur.
Au final, s'il est intéressant de retrouver une réalisation typée années 80 de Rintarô et un excellent chara design d'Otomo, le film en lui-même s'avère peu original, inégal, manquant de vie, de peps.
En ce qui concerne cette édition collector, les éditions Dybex nous offrent un travail de grande qualité. A une excellente qualité d'image et de son vient s'ajouter un bonus très intéressant: une longue interview (50 minutes !) de Rintarô, dans laquelle le réalisateur apporte de nombreuses anecdotes sur Manie Manie et Harmagedon, et revient sur son parcours, parle avec passion du métier de réalisateur, de la manière dont il conçoit ce rôle, de ses choix artistiques, de ce qu'il pense du monde de l'animation... Extrêmement riche, cette interview passionne d'un bout à l'autre. En dehors de cela, le packaging reste agréable mais aurait pu être meilleur pour une édition collector. Mais cela s'appelle chipoter, et cette édition constitue un indispensable pour les amateurs purs et durs d'animation japonaise, malgré toutes les limites des oeuvres qui y sont présentées. Au final, un objet à prendre pour ce qu'il est.