Ikigami - préavis de mort

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Koiwai
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Ikigami - préavis de mort

Message non lu par Koiwai » 26 févr. 2011, 01:05

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A l'origine d'Ikigami, on retrouve le manga éponyme de Motorou Mase. Véritable révélation du paysage seinen en France ces deux dernières années, le manga, en cours de parution dans nos contrées chez Kazé Manga, jouit d'une réputation tout aussi flatteuse au Japon, au point d'avoir été adapté en 2008 en un film d'un peu plus de deux heures, sous la houlette du réalisateur Tomoyuki Takimoto, qui signe ici son troisième film. En tête d'affiche, on retrouve le jeune acteur Shota Matsuda, révélé dans le drama de Boys Before Flowers (adaptation du manga Hana Yori Dango) et surtout dans celui de Liar Game, ainsi que dans quelques autres séries. Il signe ici sa première incarnation au cinéma, dans le rôle de Kengo Fujimoto, fonctionnaire du Ministère de la Santé et de la Protection Sociale chargé de remettre l'ikigami.

Dans un Japon alternatif, le gouvernement a instauré une loi nommée "loi pour la prospérité nationale". Chaque année, une grande campagne de vaccination est mise en place au moment de la rentrée des classes, pendant laquelle tous les nouveaux écoliers du pays se voient injecter un sérum. Parmi ces vaccins, un sur mille contient une nano-capsule qui tuera son malheureux propriétaire quand celui-ci aura entre 18 et 24 ans. 24 heures avant l'heure fatidique, un fonctionnaire de l'état est chargé de transmettre à la future victime l'ikigami, son préavis de mort. Il reste alors 24 heures à la personne pour profiter de la vie. Fujimoto est l'un de ces fonctionnaires. Il croit dur comme fer en la loi de la prospérité nationale, et n'a de toute façon pas le choix, le moindre opposant étant éliminé. Persuadé du bien fondé de cette loi visant à faire prendre conscience aux jeunes de la valeur de la vie, Fujimoto va pourtant voir ses convictions petit à petit mises à mal au fil des mésaventures des trois principales victimes qu'il rencontrera dans ce film.

Cette version cinématographique d'Ikigami se partage donc entre trois parties, si l'on excepte la scène d'introduction reprenant les tout premiers chapitres du manga. De manière plus générale, les trois histoires ici présentes adaptent en version live les volumes 1 et 3 du manga. Un choix judicieux, qui permet de mettre en avant trois cas réellement différents.

Depuis maintenant longtemps, Tsubasa Tanabe n'a jamais perdu de vue son rêve de se lancer dans une carrière musicale avec son ami Hidekazu Morio, et les deux jeunes garçons continuent de jouer ensemble dans la rue, jusqu'à ce que Tsubasa soit repéré par une major, mais pas Hidekazu. Les deux amis se séparent en mauvais terme, mais bientôt, alors qu'il est sur le point de faire ses débuts dans une émission télévisée, Tsubasa se voit remettre son préavis de mort. Ne sachant plus que faire face à sa mère complètement abattue, qu'il va laisser seule, face à sa carrière musicale qui était sur le point de débuter, face à son ami qu'il a laissé derrière lui, le jeune homme devra faire le point, pour finir par comprendre ce qui était le plus important pour lui. Au-delà du message d'amitié très classique qui en découle, cette première partie révèle surtout tout son intérêt à travers la détresse de l'entourage de Tsubasa, à commencer par cette mère qui voit sa dernière raison de vivre lui échapper. Si l'ikigami permet ici à Tsubasa un retour salvateur vers ce qu'il a toujours été, le préavis de mort montre surtout ici à quel point il peut briser les vies.

Dans la deuxième partie, les choses se passent différemment. Kazuko Takizawa est une députée soutenant vivement, à coup de grands discours, la loi pour la prospérité nationale. Son fils, Naoki, est devenu un bon à rien, trop pressé par les attentes de sa mère à son sujet. Aussi, lorsque ce dernier reçoit l'ikigami, sa mère y voit avant tout un bon moyen de promouvoir sa campagne électorale. Désespéré par cette mère sans coeur, naoki sombre dans une folie furieuse, dérobe un pistolet un policier et se rend à un discours public de sa mère dans le but de l'abattre ou, tout du moins, de faire échouer sa campagne... Ici, loin d'être salvateur, l'ikigami fait sombrer dans la déchéance le progéniture d'une femme qui soutient pourtant le projet. L'absurdité de la loi, loin de permettre au jeune ici présent de vraiment prendre conscience de la valeur de la vie, est ici mise en exergue.

Dans la dernière partie, nous faisons la connaissance de Satoshi Iizuka et de sa soeur aveugle Sakura. Depuis la mort de leurs parents, le jeune homme n'a de cesse de protéger par tous les moyens sa soeur, trempant dans des travaux louches dans le seul but de pouvoir lui financer une opération des yeux. C'est alors qu'il reçoit l'ikigami. Le préavis de mort lui donnant de nombreux droits pour ses dernières 24 heures, il choisit de taire à sa soeur sa mort prochaine pour lui offrir ses cornées en guise d'adieu. Mais la jeune fille découvre rapidement la vérité et semble incapable de l'accepter... Une nouvelle fois, on assiste à une déchirure familiale dans la douleur, Sakura semblant incapable d'accepter la mort prochaine de son frère. Mais Satoshi, lui, y voit enfin une opportunité de redonner la vue à sa soeur. la fois déchirant et salvateur pour Sakura, l'ikigami reste décidément la marque d'une loi bien étrange.

Trois destinées tragiques, trois visions différentes de la loi pour la prospérité nationale, mais dans tous les cas, l'ikigami reste assurément ici la marque d'une loi absurde et injuste, qui détruit les vies plus qu'autre chose. De ce fait, on ressent en Fujimoto une incompréhension de plus en plus forte envers son métier, envers ce système totalitaire qui se voit donc doucement critiqué. Il faut bien avouer que l'on aurait aimé voir cette critique abordée plus vivement, mais finalement, le réalisateur Tomoyuki Takimoto choisit de rester dans la droite lignée du manga original, qui n'a pas encore pleinement abordé le sujet après 7 tomes. Toutefois, la fin du film restant sur un épilogue ouvert, une suite allant plus dans ce sens, par exemple en incluant la collègue révolutionnaire de Fujimoto, volontairement laissée de côté ici, ne paraît pas impossible.
Finalement, un petit problème se pose au niveau du fond de ce film: à force de vouloir adapter trop fidèlement le manga original, le contenu manque ici d'impact, et certains sujets importants ressortent tout aussi mal que dans la version papier. On notera malgré tout quelques très légères différences avec le manga, à l'image du supérieur et des bureaux où travaille Fujimoto, ici beaucoup plus froids et impersonnels, ce qui ne manque pas d'apporter une plus grande froideur, un aspect encore plus inhumain à l'ensemble.

Du côté de la réalisation, Takimoto a pris le parti d'offrir un rendu sobre particulièrement efficace. On reste séduit par les plans tragiques où les personnages atteints par l'ikigami tombent dans le désespoir ou dans les larmes, à l'image du passage très poignant où la mère de Tsubasa apprend la terrible nouvelle de la future mort de son fils. Mais malheureusement, on n'évite pas de nombreuses scènes faisant beaucoup trop dans le pathos, tout comme dans le manga, à l'image de la chanson finale de Tsubasa, qui a un petit goût de too much. La sobriété générale de l'ensemble reste néanmoins fort bien servie par une mise en scène dépourvue d'artifices, simple, peut-être d'ailleurs un peu trop puisque certaines scènes se basent sur des plans revenant trop souvent ou étant simplement mal choisis. De plus, régulièrement, la caméra semble effectuer parfois des petits mouvements qui laisseraient plus penser à une réalisation amatrice qu'autre chose. Du côté des acteurs, Shota Matsuda incarne à merveille un Fujimoto globalement inexpressif et plus proche de l'anti-héros que du héros. Les autres acteurs sont globalement bons, malgré une petite tendance de certains d'entre eux à surjouer. Enfin, les musiques savent se faire présentes ou discrètes quand il le faut, et contribuent grandement à l'ambiance.

En somme, cette version cinématographique s'avère être de bonne facture, la volonté de bien faire du réalisateur et des acteur étant bel et bien là. Le film se suit sans problème, mais il est toutefois dommage qu'il n'y ait pas eu une prise de libertés plus importante par rapport au manga. Le réalisateur se contente finalement de porter à l'écran deux tomes de la version papier sans tenter de réellement apporter son emprunte à l'oeuvre. On aurait tout simplement aimé un projet possédant un peu plus de personnalité.

Du côté de l'édition, Kazé Manga s'en sort bien. Image et son sont de bonnes qualités, et la présence d'un doublage français est une excellente initiative, bien que celui-ci soit beaucoup moins convaincant que la version original, qui dégage beaucoup plus d'émotion. Du côté des bonus, on a droit à des vidéos assez intéressantes sur l'univers d'Ikigami ou encore sur les lieux du tournage, mais également à un épais livret renfermant des informations sur les acteurs, le réalisateur et les étapes du tournage, ainsi que les premières pages du manga de Motorou Mase.
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