Thirst

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Erkael
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Thirst

Message non lu par Erkael » 17 mars 2013, 16:59

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Sang-Hyeon (Song Kang-Ho), un prêtre catholique, participe comme cobaye à des expérimentations dans un dispensaire africain afin de mettre au point un vaccin contre une maladie mortelle. Contaminé et succombant au virus, une transfusion le ramène miraculeusement à la vie. Le prêtre, adulé, est invité par tous pour réaliser des miracles. Il rencontre Kang-Woo (Shin Ha-Kyun) et sa mère, qui l'accueillaient lorsqu'il était encore enfant pensionnaire dans un orphelinat. Il retrouve aussi Tae-Ju (Kim Ok-Bin), devenue la femme de Kang-Woo contre son gré. Très vite, une relation adultère se noue entre le vampire et l'esclave.

Avec Thirst, le réalisateur Park Chan-Wook se lance encore dans une entreprise étonnante : un soi-disant « film de vampire ». Il n'oublie pas de s'appuyer sur bon nombre de références, dont l'une très marquée à Thérèse Raquin de Zola. Comme Camille, Kang-Woo est simplet et niais. Sa mère le surprotège et s'avère une véritable marâtre pour Tae-Ju. A la manière de Thérèse Raquin, Tae-Ju n'en finit plus de souhaiter la liberté. Park Chan-Wook reprend de même le célèbre passage de la barque ou la description du lit adultère. Le cinéaste se base sur la figure du vampire sensible et torturé par son sens moral, déjà vue dans Entretien avec un vampire en 1994. Au-delà, les codes du genre sont là et Park Chan-Wook montre toute sa maîtrise dans leur utilisation : soif irrépressible de sang, crainte de la lumière, puissance physique décuplée. Concernant la traditionnelle soif, le cinéaste file une métaphore. La soif n'est pas seulement celle du sang mais aussi celle de la chair. Le prêtre devenu vampire voit son envie du sang mêlée à celle de sexe. S'organisant pour satisfaire au mieux la première (des moyens originaux sont trouvés), il tente de réprimer la seconde... ce qui s'avèrera vain, tant Tae-Ju attisera cette envie. Sang et sexe sont des drogues dont Sang-Hyeon ne peut plus se passer. Park Chan-Wook propose du nouveau : l'érotisme mêlé à l'hémoglobine, ce qui donne lieu à des scènes tout à fait réjouissantes, tout aussi esthétisantes, ironiques et provocantes que celles observées dans ses oeuvres précédentes.

Le prêtre Sang-Hyeon est prêt à se sacrifier pour sauver les Hommes mais ce sacrifice ne trouve jamais de récompense. Elément nouveau, il va même à l'encontre de ce qu'il voulait, puisque soumis à des pulsions violentes le rendant dangereux. Un individu confronté à des situations sur lesquelles il n'a aucun contrôle... cela ne vous rappelle rien ? Le réalisateur reprend ainsi des schémas déjà aperçus dans le triptyque sur la vengeance.

Park Chan-Wook traite deux aspects : le plaisir de la transgression et le tourment entraînée par celle-ci. La subversion et le côté choquant, patte du réalisateur, naissent du premier. L'enrichissement psychologique des personnages naît du second. Un schéma narratif plutôt efficace pour donner un film riche. Néanmoins, Thirst n'est pas aussi réussi dans sa narration qu'ont pu l'être les oeuvres précédentes, loin de la maîtrise d'un Old Boy, de la logique implacable de Sympathy for Mr Vengeance et du mélange réussi de Lady Vengeance. Le film semble se contenter d'assembler des scènes esthétisantes sophistiquées sans qu'un fil conducteur soit bien défini. Bien sûr, on est jamais perdus et ce fil existe bel et bien. Mais un sentiment, présent dès le début du film, perdure tout au long de cette oeuvre de plus de 2 heures (sans d'ailleurs que le film paraisse trop long) : tout n'est pas très clair et on a cette impression d'assemblage hasardeux, le rythme général étant de ce fait plutôt saccadé.

Heureusement, Park Chan-Wook continue d'exceller dans la mise en scène. Bon nombre de scènes très esthétiques sont cultes. On pense notamment à la symbolique de la fin. L'ambiance générale est évidemment très soignée : du dispensaire africain (on est d'ailleurs agréablement surpris d'entendre la langue de Molière) aux intérieurs urbains sud-coréens, tout est impeccable. L'ambiance rattrape d'ailleurs le rythme et la narration très spéciaux. On pense notamment à une scène sonnant typiquement thriller lors d'une partie de mah-jong.

Les effets spéciaux paraissent dépassés : de simples câbles pour des vols de vampires, l'effet est un peu kitsch. Mais sur certaines scènes, cet effet peut avoir un charme, parce que le film sait aussi s'adonner à la simplicité : les corps semblent non pas forts et puissants mais très légers et éphémères. Ainsi, on remarquera la puissance d'une scène érotique après un massacre, où l'utilisation d'un câble renforce justement l'érotisme.

Niveau son, la musique classique est toujours privilégiée et c'est tant mieux, arrivant à merveille à susciter suspense et tension.

Côté acteurs, on découvre l'étonnante Kim Ok-Bin. Cette actrice qui tient là son premier rôle majeur réussit l'exploit de passer à travers un panel diversifié d'émotions. L'évolution du personnage se fait en 3 étapes et la narration de Park Chan-Wook ne pose pas ici problème, car cette petite nouvelle est parfaite. Inhibée et marginale en début de film, l'adultère la transforme, et sa transformation en vampire achèvera de changer son tempérament. Son charme est indéniable lors de la dernière étape. Son hystérie en fin de film contribue grandement à nous réconcilier avec l'ensemble de l'oeuvre. La métamorphose d'une actrice en corrélation avec celle de son personnage est impressionnante. Cette actrice est à suivre de très près ! Au niveau des hommes, Shin Ha-Kyun, après sa performance de Sympathy for Mr Vengeance, est exemplaire lorsqu'il reprend le Camille de Zola, idiot, sale, et malgré tout attachant. On regrette vraiment de ne pas pouvoir observer cet acteur plus souvent, car cela fait trois fois qu'il nous sort le grand jeu (le soldat de JSA, le sourd muet de Sympathy et maintenant un « Camille contemporain sud-coréen »). Song Kang-Ho, qui a le rôle principal, laisse un sentiment plus mitigé. Non pas qu'il soit moins bon que d'habitude, mais ce rôle ne l'amène pas à livrer une performance aussi marquante que celles d'autres films. Très bon en prêtre zélé en début de film, sa performance en tant que vampire torturé est plus relative. C'est aussi le rôle qui veut ça.

Concernant l'édition, on regrettera l'image illustrant la jaquette. Sans doute pour rattraper un succès très relatif au cinéma, l'éditeur espérait se rattraper avec l'édition DVD. Il propose ainsi un visuel de Song Kang-Ho et Kim Ok-Bin enlacés, calquée sur le visuel célèbre de Twilight premier du nom, avec un arrière-plan rougeâtre et un clair de lune bien visible. Cette jaquette n'illustre en rien la folie et l'inventivité du film. Niveau contenu, le DVD du film se contente du minimum (et un étrange bug renvoie au menu titre après que l'on ait choisi la langue pour ensuite lancer le film). Un second DVD peut être disponible selon les versions de l'édition simple, gorgé de bonus : making-of très complet, de la bande-son aux décors en passant par le jeu d'acteurs, galerie photos...

A cause d'un rythme plutôt saccadé et d'un sentiment étrange d'assemblage de scènes, Thirst peine à se hisser au niveau des autres oeuvres du cinéaste. Park Chan-Wook se contente d'un très bon film de genre, qui a pour lui des acteurs toujours impeccables et un soin évident sur les décors et la symbolique. Comme dans I'm a cyborg but that's ok, l'on peut néanmoins pointer du doigt le fait que le réalisateur impose trop souvent son style, semblant céder à ses propres caprices au détriment de la clarté de la narration. On espère donc que le réalisateur nous émerveillera de nouveau avec des oeuvres plus maîtrisées, qu'on espère tout aussi personnelles évidemment, mais plus propres, comme le furent JSA, Mr Vengeance et Old Boy.

CRITIQUE DE ROGUE
On ne peut pas gagner à tous les coups mais on ne peut pas perdre à chaque fois non plus!

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