Dictatorial Grimoire

[Koiwai]

La fiche sur le site


Tome 1 :

Après Kazé Manga et son excellent Moonlight Act, Grimms chez Pika ou Tonkam avec son Ludwig Revolution, au tour des éditions Doki Doki de nous proposer leur manga axé sur les contes de notre enfance : bouclé en trois tomes, Dictatorial Grimoire nous permet de découvrir en France la jeune mangaka Ayumi Kanô.

Grimm Otogi, descendant des célèbres frères Grimm, est sommé de venir emménager seul dans le manoir familial. Une nouvelle vie commence pour lui dans son lycée, où il a un peu de mal à créer des liens, la faute à un caractère un brin renfrogné. Mais tout bascule quand une voix plaintive se fait entendre dans le manoir. En la suivant, Grimm découvre un étrange livre... d'où finissent par sortir les personnages des contes recueillis par ses ancêtres ! Et leur histoire est bien différente des contes, puisqu'ils ne sont autres que des démons qui, en échange de la vie de leur descendant, ont offert aux frères Grimm des histoires que ceux-ci ont largement édulcorées. A présent, les entités malfaisantes reviennent, prêtes à enfin récupérer leur dû... Grimm !

Les choses démarrent vite dans Dictatorial Grimoire, puisqu'il ne faudra que quelques pages avant de voir débarquer les premiers personnages de contes, mettant vite notre jeune héros dans l'embarras, et mettant vite dans le bain le lecteur quant au parti pris de l'auteure sur les personnages de contes. En effet, ceux-ci s'avèrent bien différents des originaux. Non pas que leur nature démoniaque se ressente pleinement dans leur look, mais ne vous étonnez pas de découvrir en Cendrillon, seul allié démoniaque de Grimm, un grand mec élégant, mais qui adore jouer les boniches, est accro au ménage et a de fortes tendances masochistes. De manière générale, les démons rencontrés, de Blanche-Neige au Chaperon Rouge en passant par le Chat Botté, sont tous des mecs. Des mecs un peu particuliers, qui changent suffisamment des personnages des contes, mais Ayumi Kanô parvient habilement à les rattacher à leurs modèles originaux grâce à différents traits de caractère les en rapprochant. On a déjà évoqué Cendrillon, on vous laisse découvrir les autres !

Pour le moment, le récit se découpe de manière assez linéaire, Grimm faisant face, les uns après les autres, à différents personnages. Malgré tout, l'auteure parvient à apporter ce qu'il faut pour éviter toute redondance dans le schéma. Ainsi, les problèmes liés aux démons seront autant d'occasions pour Grimm de nouer des liens avec certains camarades de classe, à commencer par l'excellente Hiyori, à première vue cruche de base qui cache pourtant quelques talents secrets à la baston, ou encore Yûma, jeune homme en apparence très sociable, qui semble pourtant cacher bien des choses. Et au fil des pages, on en arrive à s'interroger sur certains points : pourquoi Grimm a-t-il été envoyé dans ce manoir ? Et pourquoi Cendrillon, personnage-clé, s'est-il mis aux ordres du jeune garçon ? En toile de fond, on devine une histoire qui ne s'est encore que peu dévoilée...

Pour porter le tout, la jeune auteure montre un certain sens du rythme, s'appuyant sur des notes d'humour bien distillées, fortement portées sur les caractères. Les histoires, assez lisses, ont toutefois le mérite de ne pas trop traîner, de ne pas non plus être bâclées, et de bien mettre en avant les caractères largement déviés des personnages de contes. Enfin, sous un trait assez épais qui n'empêche pas certains personnages d'avoir un look un brin androgyne (Grimm et Cendrillon en tête), Ayumi Kanô offre un rendu visuel dynamique, susceptible de plaire aussi bien aux filles qu'aux garçons.

Exploitant bien son sujet, vivant, régulièrement drôle, ce premier tome a donc de vrais atouts pour lui, et accomplit sans mal son rôle de divertissement. On n'attendait pas forcément grand chose de cette courte série au synopsis ayant un arrière-goût de déjà vu, la surprise n'en est alors que plus agréable.

[Koiwai]

Tome 2 :

Pourchassé par les Märchen, créatures démoniaques issues des contes compilés par ses illustres ancêtres, Grimm Otogi, pour s'en sortir, ne peut compter que sur son amie Hiyori et surtout sur Cendrillon. Mais quand Cendrillon le trahit pour d'obscures raisons, le jeune garçon se retrouve en fâcheuse posture...

Dans ce deuxième volume, Dictorial Grimoire conserve ses principales qualités : une histoire qui évolue très vite et qui ne stagne pas autour d'un schéma répétitif qu'aurait pu amener un tel concept, et des personnages bien campés.

Ainsi, sans prendre de détour, la mangaka Ayumi Kanô enchaîne les choses de manière logique, certaines trahisons aboutissant sur de nouvelles alliances.
Le retors et prétentieux Blanche-Neige finira-t-il par être sincère ? Hiyori parviendra-t-elle à se montrer suffisamment forte pour nouer une vraie amitié avec les deux camarades de classe qui profitent d'elle ? Yûma, nouvel ennemi déclaré, est-il si mauvais que ça ? Et que cache la trahison de Cendrillon ? Autant d'interrogations permettant de mettre en avant chaque personnage de manière plutôt convaincante. Ainsi en découvre-t-on davantage sur me passé de Yûma qui a grandement conditionné son caractère, tandis que Hiyori séduit dans sa bonne volonté. Quant à Cendrillon, les réponses sur sa trahison arrivent sans traîner.

Entre quelques touches d'humour apportées par des personnages au caractère bien exploité et par une revisite astucieuse des contes, et ces nombreux rebondissements et révélations, Dictatorial Grimoire reste donc vivant et rythmé. L'ensemble va vite, parfois un peu trop toutefois, si bien que certains lecteurs risquent de rester un peu sur leur faim face au développement expéditif des raisons de la trahison de Cendrillon et de l'amitié de Hiyori envers ses deux camarades.

L'auteure privilégie un rythme soutenu plutôt qu'un long développement. Grâce à un rendu fluide et malgré quelques développements trop rapides, on reste sur un divertissement qui se maintient très bien.

[Koiwai]

Tome 3 :

Victime du pacte passé par ses célèbres ancêtres écrivains, Grimm Otogi est poursuivi par les Märchen, personnages des contes de Grimm qui en veulent à son coeur. Mais au fil des épreuves, notre héros a su s'allier avec certains de ses ennemis, bien aidé par ses compagnons Cendrillon et Hiyori. Mais tandis qu'il a encore fort à faire pour nouer une vraie amitié avec Yûma, il doit toujours faire face aux autres ennemis de contes, réunis sous l'escouade "Jägen" menée par le Chat Botté. Alors qu'ils sont en voyage scolaire, nos héros voient arriver face à eux le redoutable Chaperon Rouge, et devront s'en défaire avant de se lancer dans la recherche du père de Grimm, qui pourrait peut-être avoir la solution pour mettre fin à la malédiction...

Ce troisième et déjà dernier volume de Dictatorial Grimoire commence de façon plutôt correcte, suivant le même schéma que les précédents, avec le combat contre le Chaperon Rouge. De par une certaine inventivité dans le look des personnages et des petits relents amusants de shônen-ai qui plairont aux fans, le tout se suit sans mal, même si le face à face avec le Chaperon est bourré de facilités et reste on ne peut plus basique, et n'est au final qu'un bon prétexte pour consolider l'amitié entre Grimm et Yûma.

C'est après que les choses se gâtent réellement, quand la dernière ligne droite de la série est entamée avec la recherche du père de Grimm, qui aboutira sur le combat final et nombre de révélations. Quel est le passé énigmatique et sombre de Cendrillon ? Quel secret se cache derrière le pacte fait par les ancêtres de Grimm ? Ayumi Kanô nous amène les réponses, des réponses qui se veulent surprenantes tant elles sont parfois inattendues... et c'est tout. On est surpris, mais pas forcément en bien, parce qu'on ne voit pas toujours où la mangaka veut en venir, et, surtout, parce que toute la dernière ligne droite à un fort goût de bâclé, aboutissant même sur ce qui est en réalité une petite non-fin.

Le problème ici, c'est qu'on a l'impression qu'Ayumi Kanô avait encore dans sa réserve bon nombre d'idées, mais qu'elle a été stoppée dans son élan, comme si la série avait dû s'arrêter rapidement. On se retrouve alors avec des révélations très mal amenées et qui ne touchent pas autant qu'elle auraient dû, à commencer pas celles sur le passé de Cendrillon qui sont trop vite abordées. Mais ce n'est rien à côté du sentiment de WTF que laisse le coup de théâtre sur l'identité du véritable ennemi et sur ses motivations, qui sont minimes et ne riment pas à grand chose... Clairement, on sentait derrière cette idée-là quelque chose de plus ambitieux, qui a dû être expédié vite fait bien fait. Enfin, le déroulement du combat final contre l'ennemi principal et ses sbires de contes ne tient aucunement ses promesses : on voit se préparer des duels intéressant, comme la partie d'échecs opposant Yûma au Chaperon Rouge ou le combat de Blanche-Neige et du Chaperon contre Hansel et Gretel, mais en réalité on n'y assistera pas du tout. De même, Ayumi Kano, comme pressée par le nombre de pages qui lui restent, ne peut pas faire grand chose des nouveaux ennemis qu'elle présente, comme Barbe-Bleue, elle aussi assez originale dans son genre mais finalement pas du tout exploitée.

A chaque page de la dernière ligne droite, Dictatorial Grimoire sent le manga stoppé pour x raison. On sent qu'Ayumi Kano avait encore bon nombre d'idées sous le coude, que certaines étaient assez ambitieuses, et qu'elle a dû tout condenser vite fait bien fait et un peu n'importe comment sans pouvoir exploiter réellement ses idées. Même si ça ne ressemble pas à grand chose tant tout est un peu vomi dans tous les sens, on saluera la mangaka pour cette volonté d'offrir malgré tout un semblant de fin, mais cela ne suffit malheureusement pas à sauver la lecture. Cruelle déception.