
Depuis la nuit des temps, l'humanité a toujours rêvé d'explorer la mer d'étoiles qui s'étend à perte de vue au dessus de nos têtes. Le jour où elle partit à la découverte de ce nouveau monde marqua l'avènement d'une nouvelle ère: l'Universal Century. Le surplus de population de la Terre partit vivre dans de gigantesques cylindres en orbite autour de la Terre, les colonies "Sides". A l'intérieur de ces colonies s'étend un monde reproduisant l'écosystème terrestre. Les gens y naissent, y vivent et y meurent.
En l'an 0079 de l'Universal Century, l'ensemble de colonies Side 3, le plus éloigné de la Terre, s'autoproclame Duché de Zeon et revendique son indépendance du gouvernement fédéral terrestre. Cette déclaration de guerre déclencha le premier grand conflit spatial de l'histoire de l'humanité opposant le Duché de Zeon à la Fédération Terrestre qui gouverne la planète natale de l'humanité et qui impose sa domination sur les Sides. Ce conflit vit l'apparition de nouvelles armes révolutionnaires, les Mobile Suits, qui allaient rapidement devenir le nouveau visage de la guerre. Huit mois après le début des hostilités, cette guerre d'indépendance s'est enlisée dans le statut-quo. Plus de la moitié des populations respectives de la Terre et des Sides a été décimée. Les hommes ont appris à craindre leurs propres actions.
A l'écart de la ligne de front se trouve Side 7, une colonie en chantier à l'intérieur de laquelle de nombreux colons continuent de mener une existence paisible, profitant de leur supposée neutralité. Ils ignorent que la partie de la colonie toujours en chantier abrite en réalité une usine développant en secret de nouveaux Mobile Suits pour le compte de la Fédération Terrestre. Le White Base, nouveau vaisseau fédéral, s'arrime au port de Side 7 avec à son bord l'ingénieur Tem Ray, le concepteur de la toute nouvelle arme de la Fédération: le Mobile Suit "RX78 Gundam". Très occupé sur le projet V qui pourrait marquer un tournant majeur de la guerre, il a totalement négligé son fils Amuro, un adolescent livré à lui-même. Cet abandon a engendré de nombreux troubles du comportement chez l'adolescent, absent, associal et assez antipathique à l'égard des autres.
L'arrivée du White Base ne passe cependant pas inaperçu aux yeux des forces armées de Zeon. Le Musai, un croiseur de combat commandé par le lieutenant Char Aznable, héros de la légendaire bataille de Loum qui lui a valu le surnom de "Comète Rouge", a coursé le "Cheval de Troie" jusqu'à Side 7. Ayant eu vent des rumeurs qui voudraient que l'armée fédérale ait développé en secret de nouveaux Mobile Suits sur une des colonies, Char envoie une équipe de reconnaissance afin de déterminer si l'usine qu'ils recherchent se trouve bien sur Side 7. Malheureusement, les espions envoyés se font repérer par les forces fédérales, déclenchant le début d'une bataille sur place au milieu de laquelle les colons se retrouvent pris entre les feux croisés. La colonie étant gravement endommagée par les combats, le capitaine du White Base dépêche sur place nombre de ses hommes afin d'appuyer les soldats sur place et d'aider à l'évacuation des colons à bord du vaisseau.
Au milieu de ce chaos, Amuro et son amie Frau Bow voient périr nombre de leurs connaissances, familles et amis. Ayant connaissance du travail de son père, Amuro prend place à bord du cockpit du Gundam afin de lutter contre les Zaku envoyés par Zeon et protéger les colons innocents du carnage, mais aussi surtout pour sauver sa peau. Alors que Side 7 est condamnée, les efforts conjugués d'Amuro Ray et de Bright Noa, le capitaine par intérim du White Base, détermineront le sort qui attend les rescapés: le salut ou une mort imminente, emportés par les flammes de la guerre ?
Il faut remonter à l'année 1979 afin de trouver les origines de ce manga avec la diffusion d'une série animée légendaire, "Mobile Suit Gundam", sortie tout droit de l'imaginaire d'un réalisateur visionnaire du nom de Yoshiyuki Tomino. Gundam était une oeuvre de science-fiction ambitieuse et révolutionnaire pour l'époque qui réinventa les bases du genre des séries de méchas afin de les traduire dans un univers réaliste et crédible avec l'évolution de la technologie. Cette série marqua durablement la conscience populaire de l'époque en plein boom de l'animation et elle est considérée aujourd'hui comme l'oeuvre fondatrice du sous-genre du real-robot. Déclinée par la suite en une franchise commerciale colossale avec une multitude d'autres animés et un nombre faramineux de mangas et de jeux vidéo, Mobile Suit Gundam demeure l'une des séries animées les plus populaires de tous les temps au Japon.
En 2001, Yoshikazu Yasuhiko, l'un des illustres fondateurs du mythe Gundam, animateur et character designer sur la série originale, réalise le rêve de nombreux fans en annonçant son intention de créer un manga adaptant l'histoire de Mobile Suit Gundam tout en lui apportant un nouveau souffle. Légende vivante de l'animation des années 70 et 80, Yasuhiko s'est par la suite retiré de l'industrie pour se reconvertir en créateur de mangas, signant de nombreuses oeuvres historiques reconnues sur des figures telles que Jeanne d'Arc, Jésus de Nazareth ou Alexandre le Grand, ainsi que sur des périodes troubles de l'histoire. Cette influence se ressent considérablement sur sa vision de l'univers de Gundam qu'il réinvente comme une grande épopée guerrière dans un monde de violence au réalisme très cru.
Dès les premières pages de la série, on découvre un univers futuriste fascinant où l'humanité a colonisé l'espace pour s'installer dans de gigantesques cylindres en métal en orbite autour de la Terre au sein desquels elle a recrée son écosystème, un nouveau monde où les gens peuvent continuer à mener leur vie au sein de la mer d'étoiles. Mais un monde éloigné de la Terre qui voit naître aussi de nouvelles idéologies et de nouveaux régimes politiques totalitaires, amenant de nouvelles guerres dans cet environnement qui aurait dû être un nouvel Eden pour toute l'humanité. Les deux forces en présence se livrent à une véritable course à l'armement qui voit l'émergence d'un tout nouveau type d'armes, les Mobile Suits, et les civils deviennent malgré eux les victimes malheureuses d'un conflit qu'ils n'ont jamais souhaité. Certains jeunes sont embrigadés de force dans les armées tandis que nombreux sont ceux qui trouvent une mort brutale et violente à proximité des combats. Une nouvelle ère de chaos s'annonce où l'humanité continue de répéter encore et toujours les mêmes erreurs.
L'histoire est connue du plus grand nombre mais ce qui importe le plus dans le manga, c'est toute la grandeur que Yoshikazu Yasuhiko apporte à ce récit. La colonie Side 7 est représentée de manière somptueuse avec des dessins très soignés, détaillés et souvent contemplatif. La mise en scène des batailles est aussi très travaillée et arrive à retranscrire avec force toute l'horreur et la violence qui peuvent s'en dégager, notamment à travers les expressions faciales saisissantes des personnages. La terreur, la surprise, la tristesse, la souffrance... Tout peut se lire à travers leurs visages qui suffisent parfois à nous en raconter bien davantage que ne pourraient le faire les dialogues. Pris au coeur des tirs, les personnages d'Amuro Ray et de Frau Bow sont le moteur émotionnel auquel nous autres lecteurs pouvons nous référer. Ce sont de simples jeunes gens qui se retrouvent pris au coeur d'une bataille, qui voit des tirs perdus leur arriver dessus, qui voient de nombreuses personnes (parfois même de leurs familles) mourir juste sous leurs yeux. Et tout autour, les deux camps qui déploient leurs armes mobiles, qui tirent à vue d'oeil sans se préoccuper des dommages collatéraux, qui voient leurs hommes et leurs armements exploser violemment, laissant des bouts de ferrailles, des corps démembrés et quantité de blessés. Une représentation de la guerre sans concession où il est impossible de prendre parti pour l'un ou l'autre des camps, juste de les maudire pour la dévastation et la désolation qu'ils apportent sur ce monde autrefois paisible.
Victimes de la catastrophe, nous suivons un certain nombre de personnages qui vont, à terme, composer le casting régulier de la série. Chacun de ces personnages est bien différent des autres, tous ont leur caractère, leurs talents propres et leurs défauts, et ils sont tous représentés avec beaucoup d'authenticité, que ce soit l'adolescent à problème Amuro Ray qui tente de fuir une réalité trop dure à accepter et qui est réfractaire à toute forme d'autorité, son amie Frau Bow qui est la gentille voisine complètement dépassée par les événements et qui ne sait guère ce qu'il va advenir d'elle après avoir perdu tous ses proches, l'héritière Mirai Yashima qui s'est trouvée par hasard sur la colonie au moment de l'attaque et qui y a perdu son père (un célèbre industriel), le narcissique Kai Shiden qui aime attiser les tensions, Hayato Kobayashi qui est le garçon honnête mais banal qui ne se démarque en rien malgré ses efforts, la ravissante Sayla Mass qui incarne une femme au tempérament endurci qui ne parle que très peu d'elle et qui n'évoque jamais son mystérieux passé avec autrui, l'officier réserviste Ryu José, ou encore le capitaine intérimaire Bright Noa qui n'a aucune expérience préalable de commandement à son actif et qui doit coordonner les efforts d'évacuation des civils et du personnel militaire survivants avant de procéder à l'évacuation de la colonie avec un équipage composé en grande partie de novices et de civils, la plupart des militaires aguerris ayant péri au cours de l'attaque. Un casting hétéroclite, crédible et surtout complémentaire dont nous allons suivre les exploits tout le long de cette série durant leur odyssée en direction de la base fédérale de Jaburo sur la Terre. C'est à travers ces personnages, pour la plupart des civils emportés par le conflit et embrigadé contre leur gré par la force des circonstances, que nous allons découvrir leur quotidien au sein de l'armée, ponctué de nombreuses batailles et de tout autant de tragédies.
Au sein de ce groupe, le protagoniste Amuro Ray devient le pilote réfractaire du Gundam éponyme. Dès les premiers combats, et en dépit de son manque d'expérience flagrant, il parvient à mettre hors d'état de nuire les Zaku de l'ennemi, en très grande partie grâce aux capacités supérieures de son Mobile Suit, mais il occasionne aussi de nombreux dommages qui ne font qu'aggraver les choses. Il y a une prise de conscience très tôt de la puissance de feu considérable de son appareil, capable de percer la surface d'une colonie, et de la nécessité de savoir gérer sa puissance et de garder son calme en toutes circonstances pour pouvoir appréhender chaque situation. Plus facile à dire qu'à faire quand, en face de soi, on a un adversaire sur le point de porter un coup fatal sur le cockpit de l'appareil, capable de nous trancher en deux dès la seconde qui suit. Cette représentation très guerrière et brutale des batailles de méchas renoue avec force avec le souffle épique et la dimension spectaculaire de la série animée.
Ce premier volume de Mobile Suit Gundam: The Origin ne fait pas que nous introduire l'univers et les bases de la nouvelle série. Dès les premières pages, nous sommes transportés au coeur de ce monde et au milieu des batailles en compagnie de personnages auxquels on peut s'identifier immédiatement. La portée humaine de l'histoire originale est intacte et le manga réussit même l'exploit d'être encore bien plus bouleversant que ne l'était l'oeuvre d'origine. L'immersion dans l'univers de Gundam est aussi impressionnante qu'immédiate et on doit cela entièrement au talent de l'auteur Yoshikazu Yasuhiko qui a réussi à dépoussiérer un mythe pour apporter un nouveau souffle guerrier et épique à ce récit, le réinventant tout autant qu'il le modernise. Gundam est aujourd'hui une énorme franchise qui se réinvente continuellement avec de nombreuses séries visant sans cesse à toucher un nouveau public, comme des oeuvres générationnelles. Au milieu de cette saga impressionnante, Mobile Suit Gundam: The Origin fait office d'oeuvre déterminante, revenant aux sources de la franchise pour les réinventer sous une forme nouvelle capable de parler aussi bien aux jeunes d'autrefois qu'aux nouvelles générations avec un récit plus intemporel que jamais. Un manga absolument incontournable pour les fans de la franchise, qu'ils connaissent ou non la série originale.
Note: 19/20.