
C'est l'un des événements éditoriaux du monde du manga en France en 2015 : le mythique Gô Nagai est enfin de retour dans notre pays grâce aux éditions Black Box qui lui dédient une collection. Et c'est évidemment son oeuvre la plus populaire en France, Goldorak qui inaugure celle-ci, avec le one-shot original dessinée par Nagai en 1974-75, et le reboot en 4 tomes dessiné par Gosaku Ota là aussi en 1975.
Si Goldorak est l'oeuvre la plus populaire de Gô Nagai en France, c'est beaucoup moins le cas au Japon, et l'oeuvre doit surtout son aura chez nous à son dessin animée qui a bercé toute une génération. En réalité, le manga Goldorak est, au Japon, la troisième oeuvre d'un ensemble qui a vu naître avant Mazinger Z et Great Mazinger, deux titres beaucoup plus emblématique et à la portée beaucoup plus forte puisqu'ils ont contribue dans leur pays à l'émergence du genre mecha.
Le premier constat à faire concernant le one-shot concerne l'édition elle-même et est mi-figue mi-raisin. Annoncé dans une édition de haute volée, le titre comporte en réels points forts sa première page couleur sur papier glacé, son autre page couleur un peu plus loin, sa traduction très claire, son grand format et sa qualité d'impression très honnête. Mais pour le reste, c'est plutôt maigre : la couverture reste austère et ne comporte aucun synopsis, le papier souffre d'un effet de transparence bien qu'il soit agréable au toucher, la police manque de variété... et, surtout, il y a de quoi regretter l'absence totale de textes de présentation. Aucune présentation de Gô Nagai, aucune présentation de Goldorak et de l'impact que l'oeuvre a eu en France... Après tant d'années à attendre le retour de Nagai en France, un minimum syndical aurait été vraiment agréable, d'autant que l'éditeur nous avait plutôt habitué à offrir des textes de présentation sur la plupart de ses titres.
Notons, enfin, que la traduction a choisi de conserver les noms français utilisés dans le dessin animé. Un choix qui pourrait éventuellement diviser les lecteurs, mais qui reste logique, tant le titre vise avant tout les nostalgiques du dessin animé. Et plus personnellement, je trouve que des noms comme Actarus, Alcor ou Venusia sont plus jolis que les noms originaux nippons, plus banals/passe-partout.
Passons maintenant à l'oeuvre en elle-même, et autant vous le dire d'emblée : hormis les noms et les grandes lignes de l'histoire que des échos m'ont donné, je ne connais strictement rien du dessin animée Goldorak et n'en ai jamais vu un seul épisode. Cette chronique est donc celle d'un néophyte.
L'histoire, elle est simple : ayant fui à bord du robot Goldorak sa planète Euphor détruite par les armées de Vega, le prince Actarus atterrit sur Terre et fait la rencontre d'Alcor, jeune garçon qui l'amène en laboratoire pour qu'il soit soigné. Une nouvelle vie commence dans un ranch pour le prince d'Euphor aux côtés d'Alcor et des voisins, le vieux Rigel et ses enfants dont la jolie Venusia. Mais Actarus est toujours traqué par les armées de Vega, décidées à l'abattre, quitte à détruire la Terre avec. A l'intérieur de Goldorak, le prince d'Euphor n'aura de cesse de lutter contre les forces du mal pour protéger ses nouveaux amis, mais aussi pour venger la mort de ses parents, de ses amis et de tous les habitants d'Euphor.
Ainsi, le titre consistera surtout en une succession de menaces qu'Actarus tâchera de repousser, affrontant les uns après les autres les sbires de Vega, à commencer par les célèbres Golgoths. On a donc un schéma assez linéaire, dans lequel on pourra regretter le manque de consistance de la plupart des personnages. Qu'il s'agisse de Venusia, de Rigel , du professeur Procyon ou de Mizar, aucun n'a vraiment droit aux honneurs, ne serait-ce que dans des scènes plus quotidiennes qui manquent un peu, si bien que l'on n'a pas vraiment le temps de bien cerner toute l'amitié qu'Actarus a pu développer pour eux. Seul Alcor sort du lot. C'est un peu le même topo du côté des ennemis, ou des personnages comme le commandant Minos ou même Vega lui-même sont peu mis en avant.
Ce schéma linéaire et ces personnages globalement peu (voire pas) mis en avant suffisent-ils à rendre le titre inintéressant ? A vrai dire, clairement pas, car ce one-shot sait rester un divertissement efficace, emmené par un style graphique qui a bien vieilli. Gô Nagai a en effet su insuffler un design travaillé à ses robots, Goldorak en tête, et parvient sans difficulté à en faire ressortir le gigantisme et la puissance à coups de techniques bien connues comme le fulguro-poings, et c'est d'autant plus le cas qu'il le fait dans des scènes d'action qui ont conservé tout leur dynamisme et bénéficient d'angles de vue souvent travaillés où la notion de profondeur est bien palpable, ce qui est plutôt bien joué pour un titre vieux de 40 ans. Sans oublier les décors assez présents et plutôt riches, et le design des personnages humains expressifs et aisément reconnaissables. Et le schéma à beau être plutôt basique, il sait apporter ce qu'il faut d'enjeux et de tension quand il le faut, notamment à partir du moment où apparaissent Mazinger Z et Great Mazinger qui auront une grande importance dans toute la seconde moitié du tome. Mais on retiendra surtout le dernier affrontement du volume contre Barendos, un ennemi qui, de par son sadisme et sa grande cruauté, accentue considérablement le côté sombre, et permet à Nagai de laisser s'exprimer un peu plus sa propre facette sombre. La violence est bien présente, on l'avait déjà entrevue auparavant dans le volume avec quelques scènes d'exécution ou de décapitation, elle explose réellement dans ce dernier combat avec notamment des enfants broyés. Cela n'est qu'un avant-goût de plusieurs autres titres très sombres du mangaka, comme Devilman ou Violence Jack.
Finalement, l'ultime défaut des gros one-shot de 280 pages est qu'il ne comporte pas de vraie fin. Le livre se termine sur l'affrontement contre Barendos, en plein milieu d'un scénario abandonné avant de connaître une nouvelle vie avec le reboot en 4 tomes, sorti en même temps chez Black Box.
Il faudra donc prendre le one-shot original de Goldorak pour ce qu'il est : un titre inachevé, très perfectible, mais en même temps très intéressant, ne serait-ce que pour découvrir les origines en manga du mythique robot. Désormais, affaire à suivre dans la série en 4 tomes.