Bestiarius

Destinés à un public adolescent masculin mais faisant néanmoins fureur chez certain(e)s adultes et/ou jeunes filles, les shonen ont droit à leur propre rubrique!
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Koiwai
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Bestiarius

Message non lu par Koiwai » 08 oct. 2015, 15:40

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La fiche sur le site


Tome 1 :

S'étant imposé en une poignée d'oeuvres comme l'un des plus bluffants dessinateurs de sa génération, Masasumi Kakizaki nous revient en France avec une oeuvre toujours en cours au Japon avec 3 volumes : Bestiarius, sa toute première série publiée dans le Shônen Sunday de Shôgakukan (jusqu'à présent, l'auteur n'a été publié que dans des magazines historiquement orientés pour jeunes adultes).

Débutée en février 2011 avec la publication d'un récit auto-conclusif en deux chapitres dans le magazine Shônen Sunday de Shôgakukan, cette saga fut reprise par son auteur en 2013, peu de temps après la fin de Green Blood. Le tome 1 regroupe le 1er épisode (le one-shot en 2 parties sorti en février 2011) et le 2ème épisode (4 chapitres). Le volume 2, quant à lui, regroupe les 7 premiers chapitres constituant le 3ème épisode.

Ce format fait de récits indépendants est-il gênant à la lecture ? Hé bien pas du tout, puisqu'il colle très bien à ce que l'auteur souhaite y développer : une sorte de saga faite de "mythes", de légendes héroïques inventées par ses soins, où il entremêle deux univers qui n'avaient a priori pas grand chose en rapport. En effet, après avoir abordé l'horreur dans Hideout et avoir offert sa version du western dans Green Blood, Kakizaki revisite ici l'apogée de l'Empire Romain... en y incorporant des éléments de la mythologie, mais aussi des éléments de fantasy via un bestiaire tout droit issu de ces récits fantastiques !

Nous voici donc plongés en plein premier siècle après Jésus Christ, au coeur d'une apogée Romaine où Kakizaki, malgré ses rajouts surnaturels et sans jamais chercher à être minutieux historiquement, respecte toutefois au minimum les quelques éléments rigoureusement historiques qu'il expose, surtout autour du règne de Domitien et de sa réputation de despote. Dans un contexte où Rome ne cesse plus d'étendre sa domination en Europe et soumet les unes après les autres les contrées hostiles, tous les êtres marginaux sont forcés à devenir des esclaves guerriers tout juste bons à s'affronter dans l'arène pour le bon plaisir de l'Empereur et du peuple romain. Au-dessus de ça, l'auteur nous offre l'incursion de cet élément qui dénote tant : le bestiaire issu de la fantasy et de la mythologie. Ainsi croisera-t-on dragons, wyvernes ou autres minotaures aux côtés des criminels et orphelins prisonniers, pour des combats en arène ou des amitiés naissantes pour le moins atypiques.

C'est dans ce contexte que le mangaka nous offre dans ce premier tome deux récits distincts et faisant fi de la chronologie (le deuxième récit ayant lieu avant le premier).
Dans le premier, nous suivons, à l'époque de Domitien dans les années 80, la relation entre l'humain orphelin Finn et la wyverne Durandal qui est le dernier représentant de son espèce (massacrée par Rome). Tous deux prisonniers dans l'arène, ils entretiennent une relation digne d'un père et d'un fils pour des raisons que nous découvrons peu à peu mais que nous devinons vite. Cela dit, cette relation risque fort d'être menacée par le sadisme d'un Domitien qui décide de les faire s'affronter...
Dans le deuxième, Kakizaki met de côté le bestiaire fantasy pour réinterpréter à sa sauce un mythe déjà existant : celui du Minotaure. Mais en dehors de la présence des personnages mythologiques, les éléments et événements y sont bien différents du mythe original, ne serait-ce que par le comportement très différent du Minotaure et d'Ariane/Arianna, que nous vous laissons découvrir...

Dans les deux cas, on ne peut pas dire que le fond des histoires soit original. Il reste même très basique, en développant assez rapidement les relations entre les personnages et en ne proposant que des rebondissements totalement prévisibles. On a la sensation que les choses s'écoulent de façon très peu surprenante, en se contentant d'aller à l'essentiel sans développer grand chose, et c'est précisément là que l'on ressent les limites de la genèse du projet. En effet, à l'origine, Bestiarius ne durait que deux chapitres (les deux premiers de ce tome 1), le mangaka avouant même clairement que ce projet a été développé dans la précipitation. Et comme déjà dit, il ne sera repris qu'en 2013 pour un deuxième récit, celui du Minotaure. Dans le premier cas, on a une histoire courte qui se devait de tenir en deux chapitres. Dans le deuxième cas, on tient un récit qui est arrivé deux ans après le premier, et pour lequel l'auteur devait donc surtout se remettre dans le bain. Dans ces conditions, on a forcément deux premières histoires assez banale... mais qui posent des bases intéressantes. L'envie de Kakizaki d'inventer, en quelque sorte, sa propre "mythologie" dans cet univers romain a tout pour offrir par la suite des choses plus ambitieuses, ce qui pourrait arriver dès le deuxième volume qui offrira un récit beaucoup plus long. Et puis, l'aspect indépendant de ces deux premiers récits n'empêche aucunement le mangaka de leur offrir tout de même une connexion promettant d'apporter une cohérence à son univers s'il poursuit ces connexions. Enfin, malgré le classicisme des deux histoires, on y retrouve clairement une thématique qui a nourri les précédentes oeuvres de l'auteur, Rainbow et Green Blood : la volonté d'être marginalisés, pressés, prisonniers de leur condition sociale et de l'univers sombre dans lequel ils évoluent, de regagner leur liberté et leur honneur.

En somme, ces deux récits très classiques ont au moins le mérite de poser efficacement le concept et les bases de l'univers. Mais c'est évidemment un autre élément que l'on attendait impatiemment de découvrir à la lecture : quand on connaît la verve graphique de Kakizaki, on attendait évidemment beaucoup des dessins. Et on n'est aucunement déçus.
Du côté des humains, on retrouve les designs typiques de l'auteur : des vraies "gueules", sournoises comme celle de Domitien, belle mais inquiétante comme celle d'Arianna, brute comme celle de Sextus, ou affichant une certaine forme d'honneur et de pureté comme Finn et Zénon. Redoutablement efficace.
Mais c'est évidemment le bestiaire que l'on attendait de voir, et celui-ci est tout bonnement impressionnant. La double page couleur du début suffira à vous en convaincre. Dragon, wyverne, manticore... les créatures dessinées par Kakizaki regorgent de détails, sont d'une précision et d'une cohérence d'orfèvre, dégagent de fortes impressions de puissance quand il le faut. Leur façon de se déplacer est elle aussi superbement rendue (par exemple, on ressent bien le mélange de puissance et de lourdeur de Durandal quand il se déplace ou vole). C'est tout bonnement impressionnant, d'une telle densité que l'on en arrive à regretter que le format ne soit pas plus grand, histoire de mieux profiter de ces designs monstrueux.
Le seul regret ? Le manque d'ampleur des combats. Pour l'instant, malgré les visuels précis et intenses, ils se contentent du minimum, ne s'étalent jamais longtemps, et leur mise en scène se contente d'aller à l'essentiel. C'est parfois dommage, surtout dans le cas du combat contre l'impressionnante et effrayante manticore.

Ce premier tome n'est que la mise en place d'un univers à la croisée de deux influences, où Kakizaki, qui pour l'instant ne fait que se rôder niveau histoires, devrait par la suite mieux exercer ses talents de conteur pour nous offrir ses propres mythes et légendes. En attendant, on a tout de même droit à la claque visuelle que l'on attendait. un divertissement très prometteur, qui nous en met déjà plein les yeux et qui devrait fort logiquement se bonifier par la suite.

L'édition française est on ne peut plus satisfaisante ! La traduction est très claire, le travail sur les polices d'écriture est très bon (par exemple, les propos de Durandal sont dans une autre police, judicieusement choisie car elle colle à son statut de créature), la qualité d'impression rend très bien honneur aux dessins de l'artiste, et, bien sûr, les 8 pages en couleur sont un bonheur.
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Koiwai
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Re: Bestiarius

Message non lu par Koiwai » 08 oct. 2015, 15:42

Tome 2 :

En 86 après Jésus-Christ, en Albion, dans un petit village de la région d'Hebden où humains et non-humains vivent en harmonie, le jeune Arthur mène un quotidien aux côtés de ses amis : Pan, Galahad, et la mignonne mais caractérielle Elaine. En cette année, ils ne savent pas encore dans quelle horreur va basculer leur vie, à partir du moment où la Rome conquérante menée par Lépide, gouverneur de Britannia, vient massacrer leur village et faire des prisonniers. Elaine fait malheureusement partie de ces derniers, tandis que nos jeune héros voient leur parents tués. C'est avec un sentiment de désespoir mêle à une haine profonde envers Rome qu'Arthur décide de tenir un promesse faite à Elaine : lui, qui est si faible et peureux, deviendra un combattant brave et fort, à même de venir jusqu'à Rome pour la sauver. Mais encore faut-il trouver une personne apte à lui enseigner le combat... Lui, Pan et Galahad pourraient bien trouver leurs maîtres auprès de deux êtres récemment croisés : un imposant guerrier humain, accompagné d'une imposante wyverne...

Après avoir présenté un lien entre humain et wyverne puis repris à sa sauce le mythe du Minotaure dans le premier volume de Bestiarius, Masasumi Kakizaki s'attaque cette fois-ci à une tout autre légende, et une de taille : celle d'Arthur, qu'il reprend d'une façon bien à lui ! Une nouvelle fois, le mangaka reste sommairement fidèle aux très grandes lignes de l'apogée romaine (avec la tentative de conquête de l'Angleterre, appelée aussi Albion ou Britannia, qu'il avait déjà brièvement abordé dans le tome 1), mais il se fait plus que jamais un plaisir de reprendre tout le reste à sa sauce. Ici, le célèbre Lépide n'est plus au bon siècle, Arthur se voit accompagné d'un Pan clairement inspiré de la divinité mythologique grecque, et le preux chevalier arthurien Galahad devient une sorte de gobelin. Kakizaki mélange les différentes influences avec bonheur, ce qui ne l'empêche pas de conserver un récit efficace et cohérent par rapport au tome 1 (cette nouvelle histoire ayant à son tour une connexion claire avec les deux premières) et de bien mettre en place les personnages. Avec sa gueule de brute mauvaise, Lépide campe sans problème un méchant détestable. Pan et Galahad sont sans doute un peu trop discrets, tandis qu'Arthur s'impose comme un personnage très classique mais intéressant, devant passer de gamin faible à guerrier fort pour aller sauver Elaine. En cela, Arthur rappelle d'ailleurs Luke de Green Blood, qui suivait la même évolution, devant s'endurcir radicalement pour survivre aux duretés d'un monde sans foi ni loi et pour protéger ceux en qui il tient. Toutefois, c'est bien Elaine qui risque le plus de faire son effet, grâce à son tempérament de feu !

Le fond reste classique, mais le fait que cette nouvelle histoire soit plus longue permet un développement moins rushé, même s'il reste clairement des facilités (ne serait-ce que les changements physiques totaux d'Arthur et de la petite Elaine en seulement un an... Les effets dévastateurs de la puberté ?). Dans tous les cas, la narration s'avère mieux maîtrisée, encore plus immersive, car l'auteur peut mieux prendre son temps. On continue de découvrir petit à petit cet univers où les êtres les plus horribles ne sont pas les non-humains (qui, souvent, vivent en harmonie avec les humains), mais bel et bien les tyranniques et conquérants romains qui réduisent tout le monde en esclavage et n'éprouvent que dégoût pour les non-humains qu'ils considèrent comme inférieurs. Et l'on obtient un divertissement rudement efficace dès que l'on ajoute à cela les prouesses visuelles du mangaka, qui est en pleine forme. Les petites scènes de combat sont mieux posées, et les designs des créatures sont toujours aussi précis, qu'il s'agisse des personnages les plus modestes comme Pan, Galahad et les gobelins, ou des créatures plus imposantes comme le Béhémoth.

Le troisième récit de Bestiarius n'est pas encore terminé à la fin de ce deuxième tome, et il s'offre même un très bon petit cliffhanger. Au vu du tome 1, on était en droit d'attendre un divertissement addictif, et cette fois-ci on l'a bel et bien !
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Re: Bestiarius

Message non lu par Koiwai » 27 janv. 2016, 20:45

Tome 3 :

Une année s'est écoulée depuis que le romain Lépide, ancien gouverneur de Britannia, est reparti pour Rome après avoir anéanti le village d'Arthur et enlevé Elaine. Désormais fort de son entraînement aux côtés de Finn et Durandal, le jeune garçon, accompagné de ses fidèles amis Pan et Galahad, est parti pour la cité romaine afin de libérer la femme qu'il aime. Mais sur place, une terrible épreuve les attendent tous les trois. Au sein de l'amphithéâtre Flavien (ou Colisée), le jeune garçon fait face à sa dulcinée, devenue une redoutable et impitoyable gladiatrice, dont Lépide a pris soin de laver le cerveau, à tel point qu'elle pense qu'Arthur et ses amis sont les ennemis ayant détruit son village. Un cruel combat s'engage alors entre les deux jeunes gens... Arthur parviendra-t-il à raisonner Elaine, à la sauver, et à se sortir indemne de ce lieu de mort ?

Quasiment tout le volume se déroule au coeur de l'amphithéâtre, pour un résultat enchaînant action et coups de théâtre. Car Arthur, en plus de devoir sauver Elaine, devra aussi déjouer les après les autres les plans odieux et sournois de Lépide qui va tout tenter pour éliminer les intrus tout en grandissant auprès du peuple son image et celle de Domitien. Autant dire que la tâche, d'emblée, s'annonce rude, car face à une Elaine devenue une combattante impressionnante, Arthur et les siens ne peuvent se résoudre à se battre pleinement. Comment pourraient-ils blesser celle qu'ils sont venus sauver ? Alors ajoutons à cela les plans de Lépide, tous plus fourbes et cruels les uns que les autres, et l'on obtient un résultat où fleure bon la cruauté et le désespoir. Arthur, Pan et Galahad ne sont d'ailleurs pas dupes : prisonniers de l'ennemi au sein d'un théâtre fermé de toutes parts, ils n'ont quasiment aucune chance de s'en sortir vivants, et sont prêts à mourir pour Elaine...

Concrètement, difficile de faire plus linéaire et manichéen que ce tome, globalement prévisible d'un bout à l'autre. Entre la cruauté totale d'un Lépide enchaînant les épreuves sadiques et les lavages de cerveau sur Elaine, l'amitié indéfectible de Pan et de Galahad envers Arthur, et l'inébranlable volonté de ce dernier de sauver la femme qu'il aime, on a tous les classiques du genre. Ce qui fait la différence, c'est la talent de l'auteur.
Car il est indéniable que Kakizaki a un don pour faire ressentir tout le parfum de cruauté, d'injustice et de désespoir de cette situation. Ses rebondissements ont beau être classiques et linéaires, il sait les mener efficacement pour relancer régulièrement le suspense, et parvient à teindre son récit d'une ambiance de mythe toujours aussi plaisante. En plus de continuer de se réapproprier brièvement et à sa sauce certains mythes (ici, notamment, germaniques avec les personnages de Tyr, Wodan et Donar), les monstres, les combats épiques et la volonté profonde du chevaleresque héros de sauver sa dulcinée restent des thématiques très présentes dans la mythologie, que celle-ci soit gréco-romaine ou arthurienne.
Et évidemment, il y a les prouesses visuelles d'un auteur qui se fait plaisir. Son trait riche, ses combats bruts où la poussière du Colisée vole sous les coups, ses design de monstres marqués, ses visages humains forts en gueule... Un tel sujet, un tel univers, sont taillés pour le coup de crayon dense et impressionnant de cet auteur.

Classique mais efficace, voila donc ce qui peut résumer ce troisième tome, un peu à l'instar des deux premiers. Le récit est classique et assez linéaire, et c'est bien le talent de Kakizaki qui assure tout le spectacle. Un excellent divertissement... dont la suite se fera désormais attendre longtemps. Mis en pause pendant un certain temps après la fin de cet arc sur Arthur, la série a repris fin 2015 dans le Shônen Sunday Super, un magazine mensuel. On a hâte de voir ce que le mangaka nous réserve pour la suite, mais il faudra prendre son mal en patience. En attendant rien de frustrant, puisque l'arc sur Arthur est bien bouclé à la fin de ce troisième tome.
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