La Divine Comédie

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Koiwai
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La Divine Comédie

Message non lu par Koiwai » 14 oct. 2015, 10:33

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Tome 1 :

Avant-dernier manga de la première collection Gô Nagai des éditions Black Box, la Divine Comédie, comme son nom l'indique, voit l'auteur adapter l'oeuvre colossale de Dante Alighieri sous la forme de trois volumes qui nous sont servis dans une éditions comportant les mêmes qualités et défauts que Goldorak et Devilman : un grand format qui permet d'apprécier au mieux les pages fouillées du mangaka, une traduction claire, un papier blanc permettant une meilleure qualité d'impression, une frise se dessinant sur le dos des tomes... mais aussi un petit effet de transparence du papier, quelques bulles coupées sur les bords, et surtout l'absence totale de travail explicatif. La présentation sur la quatrième de couverture est minime, il n' y a aucune notre de traduction sur les nombreuses références mythologiques et historiques... C'est dommage, même si l'éditeur ni peut visiblement rien, puisqu'il a dû se calquer fidèlement sur les éditions parues en Italie.

Quoi qu'il en soit, celles et ceux qui connaissent l'oeuvre originale ressentiront facilement toute la fidélité que Nagai a voulu avoir dans son manga. Missionné par les Cieux et guidé par le poète romain Virgile, Dante visitera le Monde des Morts, découvrant au fil des pages l'Enfer, le Paradis, puis le Purgatoire. Et quand on connaît le mangaka, on n'est pas étonné de le voir s'intéresser plus spécifiquement à l'Enfer, qui occupe tout ce premier volume et dont la visite n'est pas encore terminée au bout de celui-ci.

Traversant les uns après les autres les lieux infernaux comme le Styx, Dante découvre les différents cercles infernaux, correspondant pour la plupart aux péchés capitaux : luxure, gourmandise, colère... Là, il voit les pécheurs condamnés à expier éternellement leurs erreurs à travers des châtiments tous plus horribles les uns que les hommes : se faire dévorer constamment par Cerbère, brûler... Dante ne manquait pas d'imagination concernant les châtiments, et Gô Nagai lui emboîte facilement le pas en étalant le tout via des dessins denses et immersifs. Bien sûr, l'oeuvre, âgée de plus de 40 ans, a forcément pris un coup de vieux visuellement, principalement dans le design des personnages humains. Mais la mise en scène et le découpage ont conservé toute leur puissance, et tout le travail d'imagerie a conservé sa portée. Les inspirations de Gustave Doré (qui a offert une vision illustrée de l'oeuvre de Dante, rappelons-le) se ressentent très souvent dans les décors et dans le physique des habitants infernaux, et certains dessins offrent même des reprises très claires et fidèles des illustrations de Doré, à l'image de celles mettant en scène Charon.

On retrouve également dans cette adaptation manga tout le croisement d'influences de Dante : les éléments traditionnels chrétiens se mêlent à une mythologie grecque omniprésente, ainsi croise-t-on Charon, Minos, Cerbère, les Gorgones, Pluton... Pour appuyer son récit, Dante livre ses propres visions de personnages humains historiques ou mythiques comme Cléopâtre, Didon ou Pâris qui sont enfermés dans le cercle de la luxure, auxquels il mêle certains de ses contemporains comme une sorte d'exutoire, et recrée comme une sorte de guide l'image de Béatrice, la femme qu'il aima, qui mourut trop jeune et qui le laissa dans le chagrin toute sa vie.

Ce parcours symbolique et violent en Enfer permet également de soulever toute l'ambivalence de certaines situations où Dante, en même temps que le lecteur, est poussé à s'interroger sur les péchés des pauvres âmes damnées. Plus d'une fois, les pécheurs apparaissent pus comme des victimes, à l'image de Paolo et Francesca dont la seule tare fut de s'aimer d'une passion dévorante. En ceci, toute la dernière partie du volume s'avère encore plus intéressante dans sa peinture religieuse qui trouve encore un écho aujourd'hui à travers les incessants conflits de religion. Toutefois, on regrette que les quelques réflexions et remises en cause de Dante n'aillent pas plus loin.

L'oeuvre de Dante étant colossale, il est évident que Gô Nagai offre ici une adaptation très raccourcie. Mais l'auteur parvient à aller à l'essentiel et offrir une oeuvre riche et symboliquement forte.
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Koiwai
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Re: La Divine Comédie

Message non lu par Koiwai » 14 oct. 2015, 16:22

Tome 2 :

Après un premier volume qui proposait déjà un contenu très fort, le voyage de Dante au coeur de l'Enfer se poursuit, l'artiste missionné par les Cieux et par sa défunte muse Béatrice continuant de s'enfoncer dans des profondeurs infernales terribles, où les nombreux pécheurs rencontrés au fil des cercles connaissent des châtiments toujours plus horribles : rongés par les vers au point de s'arracher la peau et les organes, transpercés, forcés à surnager dans un fleuve de déjections... Le premier volume n'était déjà pas tendre, mais Gô Nagai accentue encore ici les images d'horreur et de violence. Ses dessins très noirs et encrés, croquant un bestiaire impressionnant et des châtiments insoutenables, offrant des décors chaotiques immersifs, et où l'on ressent toujours les inspirations des gravures de Gustave Doré, font alors encore plus de merveilles pour nous plonger dans une ambiance et un monde sordides et sans espoir. Et les nombreuses influences chrétiennes et mythologiques s'y entremêlent toujours au portrait de certains contemporains de Dante.

Ce deuxième volume, qui emmènera Dante jusque sur les traces des Géants et de Lucifer au plus profond du Cocyte, est donc dans la droite lignée du premier tome, mais il va plus loin. Il va plus loin dans le portrait de l'Enfer et dans les visuels, bien sûr, mais il va également plus loin dans l'abord des nombreuses tares que peuvent montrer les êtres humains. Le portrait des différentes affres humaines s'avère assez complet et pousse forcément l'esprit du lecteur mal à l'aise à se faire sa propre critique, voire son autocritique. Mais le portrait de la condition humaine passe également par la mise en avant de certains châtiments paraissant trop durs ou injustes, chose soulignée à travers les brèves interrogations de Dante sur le fait que les suppliciés ont mérité ou non leur châtiment.

Le voyage en Enfer prend fin avec ce deuxième volume, et l'éprouvant mais riche périple de Dante l'est tout autant pour le lecteur. Le troisième et dernier volume, quant à lui, s'attaquera au Paradis et au Purgatoire.
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Re: La Divine Comédie

Message non lu par Koiwai » 16 oct. 2015, 13:30

Tome 3 :

Après deux tomes complets consacrés au voyage de Dante en Enfer, ce troisième volume le voit poursuivre son parcours dans le Purgatoire, avant de la terminer dans le Paradis.

Se présentant comme une montagne à gravir jusqu'à son sommet, le Purgatoire se voit divisé en plusieurs gradins où les pécheurs, portés par les prières que les vivants leur accordent, peuvent peu à peu expier leurs péchés. Au fil de ces gradins, ce sont les sept péchés capitaux qui sont mis en avant à tour de rôle, de façon plus ou moins longue : certains passages s'étirent un peu, tandis que d'autres sont tout juste esquissés. Mais ce long chemin vers le sommet de la montagne présente une épreuve d'une nature différente que celle de l'Enfer pour Dante : là où il se contentait surtout d'observer les nombreux châtiments en Enfer, désormais il doit lui-même se débarrasser peu à peu de ses péchés, car il lui faudra être totalement pour pour pouvoir ensuite accéder au Paradis. Dante devant se purifier, c'est un effort d'introspection plus prononcé qu'il doit faire, en affrontant de face ses propres erreurs et ses interrogations. Ainsi, Gô Nagai en profite pour souligner un peu plus fortement certaines interrogations sur la condition humaine et sur ce qui fait l'homme. Si les hommes ont été créé par Dieu, pourquoi sont-ils si mauvais et commettent-ils tant de péchés ? Nous voyons ici que la morale et la vertu peuvent très vite laisser place aux péchés, et que la frontière peut être ténue entre le Bien et le Mal. Aborder ces thématiques avait quelque chose d'assez nouveau dans le paysage manga à l'époque de la prépublication de la Divine Comédie, aujourd'hui cela paraît un peu plus désuet et basique, d'autant que les interrogations que Nagai nous offre ne sont pas très approfondies. Elles le seront plus dans l'oeuvre suivante du mangaka, le cultissime Devilman.

Le Paradis, divisé en sept ciels avant d'atteindre la Lumière, est malheureusement très vite passé en revue. Nagai se contente d'y aborder l'essentiel à travers quelques cas vertueux, mais on sent bien par-là que les partie sur le Purgatoire et surtout sur l'Enfer l'intéressaient beaucoup plus (sans surprise). Et au bout, une fois la Lumière atteinte, la conclusion est malheureusement très rapide, expéditive.

Reste que les dessins, eux, restent jusqu'au bout portés par une grande densité et par tout le travail d'imagerie hérité des illustrations de Gustave Doré.
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