Auteur : Yellow Tanabe
Éditeur : Pika
Nombre de volumes au Japon : 35 (terminée, snif)
Nombre de volumes en francophonie : 30 (en cours)
Rythme de parution : ??? Bonne question
Traducteur : Sylvain Chollet (tome 1 à 23), Basile Krasnopolsky (tome 24 à 27), Emmanuel Bonavita (tomes 28 -)
Sumimura Yoshimori et sa voisine Yukimura Tokine sont en cours la journée et chasseurs de créatures surnaturelles la nuit. Une rivalité ancestrale déchire leur famille. L'héritage de la lignée de Kekkaishi est en jeu. Les dignes héritiers sont tenus de protéger le château des seigneurs Karasumori.
Deux possibilités : soit lire le dossier qui reprend de façon plus ou moins exhaustive les points forts de la série, soit lire le résumé qui se trouve juste en dessous du lien du dossier. Dans les deux cas, la force de Kekkaishi y est apparent, c'est le principal.
Il est difficile de complètement réinventer le genre shônen-baston. Certains tirent leur épingle du jeu en proposant un monde gigantesque et inédit, afin de faire rêver le lecteur. D’autres proposent des combats incessants, ce qui créent une sorte de chantage, parce qu’on veut quand même savoir comment ça finit, même si ça devient super nul et que ça se prend super au sérieux. Certains essayent de nous faire miroiter une grande intrigue, afin de cacher les énormes ficelles du genre. Et d’autres n’essayent pas d’innover, nous mettent une bonne couche de combat, mais font ça avec tellement de sincérité et de passions qu’on ne peut que trouver ça prenant.
Kekkaishi, lui, prend une voie peu explorée, voire quasi-absente. Et peut ainsi passer plus facilement inaperçu face aux grands qui roulent des mécaniques et essayent d’aveugler le lecteur à grands renforts de paillettes et de promesses.
Un concept carré
Kekkaishi, c’est certes de la baston, mais de la baston comme on en a rarement vu.
Yellow Tanabe, l’auteure, part d’un concept simple, un cube, pour nous proposer des combats intelligents, passionnants, tactiques, et plein de possibilités divers. D’un seul geste, un kekkaishi est capable d’enserrer sa proie à l’intérieur d’un cube, pour soit l’emprisonner, soit l’exterminer. Il peut également servir de plateforme de soutien aux kekkaishis pour s’élever dans les airs, ou pour éjecter l’ennemi, de défense contre les projectiles ou les attaques directes… Un concept qui peut sembler peu attrayant, mais qui renferme une foule de possibilités une fois en action.
Les kekkaishis peuvent aussi compter sur : leurs shikigamis, leurs serviteurs de papier auxquelles ils peuvent donner la forme qu’ils veulent, et même une partie de leur propre pouvoir ; les nenshis, des liens spirituels qu’ils tissent à partir de leurs paumes ; et certains kekkaishis sont si puissants qu’ils sont capables de s’entourer d’une énergie qui désintègre tout ce qui entre à son contact à l’exception de son utilisateur, et d’ouvrir des portails vers d’autres dimensions.
Pouvoir original, ok, ça s’est fait. Ca commence bien.
La vie est un combat
Combien de héros de shônen ont vraiment le temps d’aller à l’école, de faire de la pâtisserie, une petite sieste dès que possible, ou de boire du café au lait ? Yoshimori, lui, a le temps de faire tout ça. Son boulot, c’est de protéger le domaine la nuit. La journée, les monstres dorment ou sont affaiblis, donc il a le loisir d’avoir une vie comme tout le monde. Son pouvoir ne lui est pas monté à la tête ; il cherche, comme beaucoup (tous ?) de héros de shônens à devenir fort, certes, mais il le fait uniquement pour la fille qu’il aime, sa tendre Tokine. Enfin, tendre, ça dépend. La demoiselle est son égal complet, dans le sens où elle est aussi une kekkaishi talentueuse (même si elle a moins de puissance brut que son collègue) et a été élue par le domaine lui-même. Elle n’a pas besoin de lui en permanence pour se tirer d’embarras, et sait se débrouiller seule. Et qui plus est, en plus d’être mignonne, elle est aussi bien plus intelligente et maîtrise mieux ses pouvoirs que notre ami Yoshimori. Pas une bombe sexuelle, pas une gourde qu'il faut sauver sans arrêt, Tokine est, comme Yoshimori, une jeune fille normale, avec des responsabilités pas banales. Une héroïne de shônen parmi les mieux traitées, une de mes préférées, qui garde toujours sa place dans l'histoire, et qui est au même niveau que les autres. Une fille vraiment bien, et Il faudra du temps à Yoshimori avant d’être un homme suffisamment méritant pour une fille pareille.
Bref, on suit à intervalles réguliers, entre deux combats, la vie de tous les jours de nos deux kekkaishis (en se concentrant sur Yoshi, normal pour une série s’adressant aux garçons). Une respiration qui non seulement fait du bien, mais permet de vraiment s’attacher à nos héros. L’empathie est ainsi bien plus forte, et c’est vraiment un grand plaisir de voir les personnages principaux évoluer en-dehors de la tension des combats. Et de plus, Yoshimori est un personnage vraiment particulier dans le microcosme des héros de shônen. Pas vraiment charismatique au niveau physique, pas particulièrement classe, ni intelligent, Yoshimori est simplement un personnage « vrai ». Tanabe n’a pas cherché à en faire un parangon de virilité (c'est le moins qu'on puisse dire), mais un garçon normal, voire banal, qui aurait des responsabilités qui ne le sont pas. Ce n’est pas un justicier épris de justice, c’est un gardien de la nuit, qui fait son devoir, pour protéger la population. Il ne cherche pas à être plus haut qu’il ne l’est, il essaye juste de faire en sorte que plus personne ne soit blessé à cause du domaine. Un héros disposant d’un capital sympathie juste énorme, même s'il n’en met pas plein la vue. Et son amour pour Tokine est assez drôle et touchant, et vrai. Un de mes héros de shônen préféré, et celui sans doute qui est le plus proche de nous.
Héros original, c’est fait aussi.
Une histoire de famille, d'héritage, et de pouvoirs
Mais au-delà de son aspect quotidien, de ses héros « normaux », de ses combats inventifs, Kekkaishi nous propose un scénario qui tient la route et se révèle plein de mystères et de thèmes intéressants. Sans en dévoiler de trop, le domaine Karasumori fait partie d’un tout qui pourrait causer de profonds bouleversements dans le monde. En effet, il n’est pas le seul de cette nature dans le pays, même s’il a une place spéciale parmi ceux-ci. Que ce soit du fait d’un mystérieux groupe de yôkai, ou d’une guilde regroupant des utilisateurs de pouvoirs particulièrement puissants, nos kekkaishis auront affaire à forte partie pour empêcher une catastrophe qui s'annonce imminente.
Alors certes, ils ne peuvent voyager à loisir, et explorer le monde. Mais il se passe suffisamment de choses dans ce seul lieu pour que le risque de répétition ou de lassitude soit proche de zéro. Kekkaishi est un titre conçu pour nous proposer une approche différente de nos habitudes, et pour cette raison, ne sera pas parfois jugé à sa juste valeur. Le tout est de savoir à quoi s’attendre, pour ne pas risquer d’être déçu.
S’il n’y avait que ça…
Autant le dire tout de suite, Kekkaishi est un manga sur lequel je peux m’étendre, et m’étendre encore. Aucun volume inutile, aucun personnage introduit juste pour combler un vide, un rythme parfaitement balancé, un dessin juste excellent et avec une vraie personnalité tout en restant très accessible, des thèmes matures et profonds et sur lesquels il y a beaucoup à dire… tout ça fait de ce titre un manga comme on en voit peu. On ne peut pas le classer comme un simple divertissement de pure baston comme peut l’être Fairy Tail ou Zatch bell, mais il lui manque cette ampleur et cet esprit de voyage et de grands horizons pour pouvoir être comparé à One Piece ou FMA. Mais dans un genre différent, il est sans conteste leur égal.
Kekkaishi est un manga à part, dans le sens où malgré son statut de shônen, il est difficile de le comparer à un autre, créant à lui seul une sorte de nouveau genre et standard. Même si je n’ai encore vu aucun titre proposant le même genre de formule.
Pour tout fan de shônen manga, il me semble nécessaire d’au moins s’essayer à ce titre. Il est évident qu’il ne plaira pas à tout le monde, mais quel que soit l’angle abordé, je ne lui trouve aucun défaut majeur, aucune longueur, aucunes fausses notes… Chaque lecture est un plaisir, et chaque nouveau tome une découverte, même après autant de volumes.
Une série comme on en voit trop peu et parmi les meilleurs éditées en francophonie, mais qui souffre d’une image trop banale et pas assez dépaysante pour le lecteur lambda. Mais il ne faut jamais se fier aux apparences, c’est le cœur et ce que le titre a réellement à proposer qui reste le plus important. Une leçon qui dépasse de beaucoup le seul monde du manga.
À découvrir, à posséder, à emprunter, à acheter d’occaz., ce que vous voulez ( sauf à voler évidemment) mais à lire, tout simplement.