Masakazu Katsura
Tonkam
Série en 5 tomes (finie)
Entre Tomoko, fille qu'il vient de rencontrer et qui lui fait du gringue, son amie d'enfance secrètement amoureuse de lui, Ami, et Karin -attirée malgré elle par l'ADN du Méga Play Boy- le coeur de Junta balance... Entre la promesse charnelle incarnée par Tomoko, l'amour platonique d'Ami et l'attirance fantasmée pour Karin, que choisira Junta?
Une lutte interne
Junta n'est pas pleinement atteint par l'injection d'ADN qui le transforme en méga play boy lorsqu'il entre en colère. Ainsi, et cela semble être cher à Katsura, DNA² narre avant tout la lutte interne à Junta entre l'amour physique et l'amour spirituel -ou véritable. Junta fait en effet rapidement la promesse à Karin de maitriser ses transformations en Méga Play Boy, étant dans lequel il ne se contrôle plus et devient un véritable tombeur en même temps qu'un coureur de jupons. Les principaux personnages féminins présentés représentent ainsi une certaine vision de l'amour.
On notera par ailleurs une vision de l'amour assez particulière: présentée dans un premier temps comme une simple compatibilité génétique. Les sentiments pourraient n'être que la concordance d'ADN, et l'ADN du Méga Play Boy serait tel qu'aucune fille -ou presque- ne pourrait y résister. Cette vision de l'amour est toutefois vite contrebalancée par le souhait de Junta de résister à la tentation du Méga Play Boy et de chercher l'amour véritable. L'histoire avec Kotomi -fille connaissant le même problème de timidité maladive à l'égard des garçons- déclenchera ainsi une lutte chez Junta qui devra contrôler au mieux le Méga Play Boy qui sommeille en lui afin de ne pas succomber à la tentation de la chair. On a donc tout de même une vision assez normative de ce que doit être l'amour dans la mesure où sexualité et sentiments semblent dissociés entre deux personnalités opposées...
Un fort potentiel parodique?
De par son design déjà, il semble plus qu'évident que la transformation de Junta en Méga Play Boy est une référence aux Super Sayen de Dragon Ball. Seulement, au lieu de se déclencher par la colère, le pouvoir se manifeste ici dans les situations les plus propices pour draguer une fille. Cette transformation plus que cocasse prête à rire autant qu'elle contribue au déroulement de l'histoire. L'image du Méga Play Boy, prise au second degré, constitue un gag efficace pour tout fan de Dragon Ball. Seulement, au delà du côté légèrement ridicule, cette transformation confère des pouvoirs extraordinaires (téléportation, décharges d'énergie, forces accrues) à Junta, qui sera parfois sérieusement amené à se battre. Aussi, au delà de la simple parodie, s'agit-il sans doute d'un hommage à Toriyama.
En plus de cette transformation, DNA² a ceci de particulier qu'il s'agit d'un détournement des codes classiques de la science fiction (voyages temporels, manipulation génétique) à des fins humoristiques. La menace terrestre ultime semblant être... la drague! Au delà des invraisemblances scénaristiques: DNA² tient le pari de présenter sous le trait de la science fiction classique une oeuvre assez déjantée.
En outre, en terme d'humour, on notera la présence de gags à répétition: les vomissements de Junta. La scatophilie prend toute son ampleur lorsque Junta se décide à aider Kotomi à ne plus avoir peur des garçons et à maîtriser... ses pets. Lourdingue pour ceux que ce genre d'humour n'amuse pas vraiment -j'en fais partie-, sans doute amusant pour les adeptes du pipi-caca. On attend un sommet du genre dans le tome 1 (Tomoko et Junta dans la cabine d'essayage).
Un condensé de genres
Mais là où DNA² semble tout à fait atypique c'est dans sa capacité à mélanger des genres et des registres tout à fait différents. Les amateurs de comédies sentimentales apprécieront le suspense entretenu jusqu'au bout quant au choix final de Junta. Les amateurs de nekketsu (shonen axé combat) trouveront sans doute intéressantes les scènes de baston, très bien découpées. On reste toujours entre deux eaux, entre comédie pure et histoire sérieuse (notamment sur la fin). D'ailleurs, même traités de manière aussi dérisoire certains thèmes gardent une certaine actualité: le contrôle des naissances, par exemple.
De plus, Katsura puise vraisemblablement son influence en dehors du domaine du manga. La découverte par Ryuji d'un nouveau pouvoir et sa transformation en "bad" super héros dévoile ainsi le goût du mangaka pour les comics. Avec un final proche de la Belle et la Bête! De même, au final, l'œuvre prend une tournure plus sérieuse avec un dénouement dans l'idée d'une intrigue politique inattendue. En l'espace de seulement 5 volumes, Katsura a su diversifier les ambiances, produisant ainsi une oeuvre sur le fil: susceptible de plaire un peu à tous, mais énormément à peu.
Le trait de Katsura, toujours aussi typiquement manga, (un héros viril, courageux et classe, tout en restant concerné par ses problèmes d'adolescent), des jeunes filles sexy aux yeux expressifs (sans tomber dans la caricature) est servi par une minutie et un certain soin du détail. La mise en page, très claire, sert au mieux l'histoire mais reste proche d'un découpage relativement old-school, peut être un poil moins dynamique.
Conclusion
En somme, DNA² est un condensé du style Katsura. Mélant comédie sentimentale, humour potache, science fiction et scènes d'actions efficaces, DNA² est une oeuvre courte mais multiforme. En 5 tomes, Katsura offre un panorama assez détaillé de ses capacités: décrire les sentiments amoureux à l'adolescence (I's), soutenir le rythme par l'action (Zetman) tout en gardant sa particularité: son humour gras et son trait légèrement pervers (de son propre aveu, ce que dessine le mieux Katsura ce sont... les fesses).