Blue Exorcist
Auteur : Kazue Kato
Éditeur : Kaze Manga
Traducteur : Sylvain Chollet
Volumes Vo : 4 (en cours)
Volumes Fr : 3 (en cours)
Rythme de parution : quadrimestriel, voire davantage
Adopté dès son plus jeune âge par un exorciste de renom, Rin apprend un jour qu'il est le fils du mal incarné, quand son véritable père, Satan lui-même, apparaît pour l'emmener dans son monde. Mais impossible pour le jeune homme d'oublier tout ce qui lui a été enseigné jusqu'ici… Confronté à un adversaire invincible qui a consumé le seul homme à l'avoir jamais aimé, Rin fait alors le choix de combattre aux côtés des exorcistes, quitte à libérer, en dégainant l'épée de son père, la puissance démoniaque qui sommeille en lui !
Sincèrement, aucun des titres des éditions Asuka ne m'a jamais intéressé. Je faisais (et fait toujours) Gunslinger Girl, et c'était tout. Mais depuis qu'ils sont devenus Kaze Manga, les titres m'intéressant personnellement ont commencé à affluer. Moonlight Act, bien sûr. Rinne, en grand fan de R. Takahashi. My Girl, qui s'est révélé une très bonne lecture. Et enfin, Blue Exorcist, un manga sorti de nulle part, un shônen de plus, qui sera sans doute un de ces jours suivi par Kure-nai.
J'ai l'impression d'écrire toujours sur du shônen, mais en même temps, il s'agit du genre avec lequel je suis le plus à l'aise. Le seinen a ce quelque chose qui me pousse à l'introspection par moment, et que je n'ai pas spécialement envie de partager tout de suite, voire pas du tout. Et quand au shôjo et Josei, je ne pense pas avoir assez lu pour rendre un avis potable sur mes lectures, même si j'aime de plus en plus le genre (Simple comme l'amour, Sawako, Sweet Relax, pour n'en citer que quelque uns). Mais le shônen a une certaine universalité qui me pousse à en parler, et surtout, je maîtrise, je crois, assez bien les codes qui le compose pour juger de la valeur d'un titre de manière plus ou moins objective. Et je dois dire que Blue Exorcist est un très bon titre.
Comment j'en suis venu à m'intéresser à Blue Exorcist ?
J'en sais rien. Franchement, les histoires d'exorcistes et de fils de Satan, je m'en méfiais sérieusement. Les Japonais ont de bonnes idées de départ, mais ça part bien trop souvent dans le convenu une fois les deux premiers tomes dépassés. Puis je suis tombé dessus en magasin, j'ai feuilleté, et j'ai trouvé que le dessin était pas mal, et que l'histoire prenait place au Japon. Bon, c'est déjà ça, on ne se retrouvera pas dans une espèce d'Europe fantasmé, et l'auteur n'essaiera pas de jouer cette carte pour combler un éventuel vide scénaristique. Le découpage avait l'air sympa, et dernier argument de finir de me convaincre, c'est que c'était traduit par Chollet. En général, j'aime beaucoup les titres qu'il traduit, et en plus, j'étais certain que la lecture au moins des textes serait plaisante, à défaut de l'histoire. Bon, j'avais rien d'autre à acheter, j'ai emporté les deux premiers volumes pour me faire une idée sérieuse (je déteste lire debout dans une librairie), et je ne l'ai pas regretté.
Kazue Kato est une mangaka et vient donc gonfler les rangs des auteurs féminins de shônen. Et on sent une différence assez marquante avec leurs homologues masculins.
Déjà dans le traitement des personnages.
Comment dire, bien qu'ils possèdent tous certains caractères types de ce genre d'oeuvres, ils sont plus... humains. Plus crédibles. Ce ne sont pas des héros de films d'action, ils ont une vie propre qui s'impose tout de suite à nous. C'est ce qui accroche de prime abord dans Blue Exorcist, cette cohérence. Rin est le fils de Satan, et a causé la mort de son père adoptif, un prêtre, de manière bien involontaire en s'opposant à lui. Une amorce assez rude je dois dire, de voir après seulement un volume un personnage, qui nous semblait important, mourir. Mais c'est aussi ce qui servira de base à la quête de Rin, vers un destin qui le dépasse très nettement.
Cette mort servira aussi à affirmer la relation de Rin avec son frère jumeau, Yukio. Ce dernier est lui devenu exorciste très jeune, avant que Rin ne développe ses flammes démoniaques. Il est lui aussi le fils de Satan, même si il n'a pas hérité de sa puissance. Il a par contre de grandes capacités intellectuelles et un très bon sens du combat.
La relation entre les deux frères est intéressante à plus d'un titre. Déjà, pas de rapport amour/haine conventionnel, ou de rivalité. Yukio en a voulu à Rin d'avoir provoqué la mort du Père Fujimoto, qui s'est toujours très bien occupé d'eux. Les deux ont cependant dialogué de manière très ouverte, et les sentiments de rancoeur de Yukio se sont apaisés plus ou moins. J'ai beaucoup aimé le fait que les deux frères ont dialogué à leur manière, et que l'abcès a été vite crevé. J'ai trouvé ça bien plus naturel pour deux proches qui se sont toujours très bien entendus. J'apprécie aussi beaucoup qu'il n'y ait pas de rivalités entre les deux. Chacun a ses points forts, tout simplement. Yukio est un intellectuel qui connaît bien les démons et autres créatures, et se bat à l'aide de flingues de manière efficace. Il a d'ailleurs un rang assez élevé dans la hiérarchie des exorcistes. Quant à Rin, bien qu'un peu simple d'esprit par moment, il a lui aussi une vision claire de la situation, et est loin d'être un idiot. Il se rend bien compte que le fait d'être le fils de Satan pourrait lui valoir d'être pourchassé et tué pour cela, mais jamais il ne se plaint, jamais il ne se lamente sur son sort. Il a su accepté son pouvoir, et compte bien l'utiliser pour mettre sa pâté à son père bien planqué aux enfers. Ca fait quand même bien plaisir de ne pas avoir comme héros un bébé pleurnichard trop malheureux et seul au monde, et qui sait apprécier les personnes qui l'entourent. Bref, déjà rien qu'au niveau de son héros, Blue Exorcist est une très bonne lecture.
Les personnages secondaires ne sont pas en reste. Shiemi a beau avoir l'air d'une petite pleurnicheuse au début, elle a une certaine force de caractère et ne demande qu'à évoluer. Niveau design, faut avouer que Kazue Kato est plus douée pour dessiner les personnages masculins, mais elle reste plus ou moins mignonne malgré tout. Sa psychologie reste intéressante, et sa courbe d'évolution énorme. Plus un petit coup de foudre de Rin qui rend leur relation intéressante.
Méphisto, le directeur de l'école, est un des personnages les plus intriguants qu'il m'ait été donné de voir. Il apparaît clairement comme faisant partie du monde des enfers, et pourtant, il a une haute position dans la hiérarchie des exorcistes. Il complote quelque chose avec certains rois des enfers, mais en même temps, il protège l'académie. Avec son look plus qu'excentrique, cela achèvera de titiller notre curiosité. Un personnage dont on ignore tout des motivations, et qui ne semble ni bon, ni mauvais. À surveiller de près, en tout cas.
Pour les autres personnages secondaires, je dois dire que le casting est pas mal : le rival sans vraiment l'être, les copains sympas mais un peu plus que seulement cela, la garce mais aussi un peu plus développée, la bombasse qui a tout de même une histoire... l'auteure a soigné sa galerie de personnages, et c'est tant mieux.
Au niveau de l'univers...
Et bien, c'est un peu un mélange de fantaisie à la Harry Potter (pour l'école notamment) et de créatures très occidentales, comme les gobelins, avec un look assez spécial et plus japonais. L'univers est agréable, facilement identifiable, on accroche assez facilement. L'auteure ratisse large dans ses références, avec Satan bien sûr, d'autres démons, des créatures comme les goules ou les fantômes, des invocations par le sang et avec des cercles cabalistiques... De manière générale, l'auteure revient à la source de l'exorcisme occidental. Pas de yokai ou de monstres japonais en nombre. Les personnages exorcisent à coup d'eau bénite, de passages de la bible, de plantes, et autres artifices. Un choix bien vu, qui a le mérite de se démarquer du reste de la production des autres exorcistes (Bleach, D. Gray Man, Ga-rei et même Kekkaishi). En tout cas, j'accroche bien. Ca n'a rien de foncièrement original, mais le traitement est très bon, et on passe un moment très agréable dans cet univers.
Au niveau de l'histoire...
Là par contre, même si c'est très fluide et que ça se laisse bien lire et accrocher, impossible de savoir encore dans quelle direction l'auteure va nous emmener. Aller combattre Satan, ce n'est pas rien. À quel point Rin va-t-il devoir évoluer pour aller affronter cette entité ? Peut-elle même être anéantie ? Le problème de Blue Exorcist viendra peut-être de là, de son ambition peut-être démesurée. Rien ne nous permet évidemment de l'affirmer pour l'instant, et sincèrement, j'aime beaucoup ce qu'a fait l'auteure pour ses trois premiers volumes. Mais si j'avais une inquiétude, elle viendrait de là. Autant je fais confiance à un vétéran comme K. Fujta pour nous faire une oeuvre hyper cohérente avec un monde aussi riche que celui des contes dans Moonlight Act, autant j'espère bien que K. Kato a déjà un peu en tête le déroulement de son histoire, vu que c'est une toute jeune auteure.
Mais pas de pessimisme, l'oeuvre reste très agréable pour l'instant, et promet beaucoup. On verra bien au fur et à mesure de l'avancée de l'histoire. Elle a de l'ambition, et c'est très bien comme ça, et tout ce qu'on peut faire, c'est l'encourager dans cette voie.
Surtout que franchement, elle a la maîtrise de sa narration. C'est très fluide, avec des angles bien choisis, une très bonne narration dans les dialogues, une pointe d'humour juste quand il faut. Les combats sont pas mals, rapides et sans fioritures. Rien de marquant à ce niveau-là, mais ils ne sont pas en reste.
En résumé, Blue Exorcist est un bon shônen. Un titre qu'on lit pour son univers et ses héros, pour voir comment va évoluer l'histoire et pour découvrir la vision de l'auteure sur les croyances occidentales et son folklore. Un titre qui accroche bien et va un peu au-delà du simple divertissement. Beaucoup d'éléments positifs, et on ne peut qu'espérer que cela continue ainsi. Un titre qui m'a enthousiasmer en tout cas. À essayer, donc.