Auteur : Yuu Watase
Publication : Kurokawa (3 tomes, en cours)
Etat : 9, en cours au Japon
Résumé :
Dans un monde lointain, le temps est venu de procéder au couronnement d’une nouvelle princesse. Cependant, au cours de la cérémonie, cette dernière est sauvagement assassinée et le jeune Arata est injustement accusé du meurtre. Traqué par les chevaliers de la garde, il se réfugie dans la mystérieuse forêt de Kando qui renferme un passage sacré vers une autre dimension… Au même moment, dans le Japon moderne, un jeune lycéen aussi nommé Arata se retrouve lui aussi propulsé dans l’autre monde : les deux Arata ont chacun permuté leur esprit et se retrouvent incarnés dans le corps de l’autre. Pour eux, c’est le début d’une extraordinaire aventure qui deviendra légende…
Chroniques :
Vol 1 :
Yuu Watase l’a dit. Elle, la déesse du shojo pour toutes les jeunes filles (et moins jeunes !) a toujours voulu faire du shonen. C’est enfin chose faite, avec les deux premiers tomes d’Arata qui sortent en même temps chez un éditeur encore inconnu de l’auteur, Kurokawa. Changement total donc ? On verra ça plus tard … On est en tous les cas ravis d’accueillir une œuvre qui tenait autant à cœur à Watase, et rien que pour cela, les fans de l’auteur se délecteront de la lecture. L’histoire est celle d’Arata et Arata, deux garçons au même prénom qui verront leurs vies bouleversées. D’un côté, il y a Arata et son quotidien au lycée d’élève persécuté et trahi par le seul qu’il considérait comme son ami. De l’autre, il y a Arata, un jeune homme débrouillard d’un autre monde, qui doit se faire passer pour une fille afin de succéder, comme toutes les femmes de sa famille, à la princesse qui rend à présent sa couronne avant de perdre les pouvoirs caractéristiques de cette lignée. Cependant, son stratagème est découvert et il est pris dans un complot politique, où les gardiens de la princesse se rebellent contre elle et donnent la chasse à Arata. Pour s’abriter, le jeune homme se réfugie dans une forêt particulière, qui va permuter les deux jeunes gens. Débarquant ainsi tous deux dans un monde inconnu et angoissant, ils sont pris par leur entourage pour le véritable Arata, et doivent s’expliquer sur un tel changement de personnalité.
Quand un adolescent normal se retrouve une épée à la main, en menace de décapitation et que son homologue panique à la vue d’une voiture … C’est du Watase. L’auteur reprend des thèmes chers à son cœur, ainsi le contexte des mondes parallèles et des permutations est présent dans les sagas de Fushigi Yugi, même si d’ordinaire il n’y a qu’une héroïne, alors que là deux Arata se partagent (plus ou moins) la vedette. Il est nécessaire, par la suite, de développer bien plus avant le garçon qui se retrouve dans un monde de technologies actuelles. Ceci dit, la lecture de ce premier volume est un très agréable moment à passer. On retrouve l’esprit Watase tout en restant dans le shonen, ce qui permet de varier un peu les stéréotypes et surtout de remplacer la cruche de service par un jeune homme plutôt débrouillard et courageux, ce qui n’est pas négligeable et rend ce tome à l’intrigue élaborée mais somme toute assez classique dans le fantasy bien plus intéressant qu’il n’aurait pu l’être dans un contexte de shojo ! Les sentiments sont bien exprimés, le but du héros est clair et son parcours est dynamique. Ses antécédents et sa réserve lui permettent une adaptation toute particulière au monde fantastique dans lequel il débarque, pour appréhender le concept très plaisant des armes habitées par des dieux. Bref, un personnage principal charismatique, et dont les péripéties avancent rapidement et efficacement. On remarque aussi que ce cadre de narration permet à l’auteur de faire quelque chose de bien moins négligé et brouillon qu’à l’ordinaire. Beaucoup de choses à développer encore, et c’est une ouverture en fanfare que fait la mangaka dans le monde su shonen, orienté toutefois vers un public qui sait apprécier les shojos, tant sa patte est reconnaissable.
Que dire des dessins de Watase-senseï à part qu’ils sont superbes ? Cette note shojo omniprésente rend ce titre à la frontière de deux univers, et permet à la lecture de se rendre accessible à un large public. De plus, le fait d’avoir un héros de sexe masculin empêche le côté « bisho » trop prononcé, comme Tamahomé dans Fushigi Yugi. Enfin, le trait se veut tout de même plus simple, avec des recrudescences d’attention sur Kotoha et ses habits, son regard. Les décors sont globalement bien remplis, et les scènes d’action bien plus développées que dans des débuts de shojo. Ça bouge, c’est vivant, et ça ne traine pas ! Voilà un manga qui démarre bien, plein de promesses. Beaucoup d’idées encore, bien qu’il faille se défier de la capacité de Yuu Watase à détruire elle-même ses excellents coups d’inspiration, malgré quelques stéréotypes qui subsistent. En tous les cas, on ne s’ennuie pas, et c’est avec une édition sympathique et soignée que l’on part à l’aventure sur les traces des deux Arata. Notamment un grand merci à Kurokawa pour avoir TRADUIT et ADAPTE les onomatopées, détail très important qu’il faut souligner tant il est rare, ainsi que des petits textes qui restent lisibles ! Un gros travail très apprécié à la lecture, en plus de la bonne traduction et de la blancheur des pages. Juste, malgré les jolies couvertures, la typographie du titre n’est peut être pas totalement adaptée, avec son air de piraterie, ou tout du moins d’une écriture des pays arabes.
Vol 2 :
Le deuxième tome d’Arata, sorti en même temps que le premier, nous invite plus profondément dans l’étrange monde parallèle créé par Watase, dont elle est une spécialiste. Arata du futur, en compagnie de ce qui semble être l’amie d’enfance du véritable Arata, débarque à Gatoya, une prison sur une île, de laquelle nul ne peut sortir autrement que par le jugement qui se met en place à l’intérieur de ce monde clos, éliminant ainsi deux prisonniers par jour. De quoi vivre dans la crainte perpétuelle et permanente. Rapidement, Arata devra apprendre à se battre, pour lui mais également pour Kotoha qu’il protège tout naturellement. Sur l’île, le jeune homme va apprendre des notions importantes, va se développer en apprenant à se débrouiller par lui-même, à réfléchir et à se battre. L’amitié est alors un thème clairement abordé en seconde partie de volume, ce qui lui permet d’être renvoyé à sa propre expérience douloureuse, lui donnant bien plus de force qu’un garçon de son âge aurait au naturel. Son cœur pur et meurtri l’anime alors d’une chaleur incroyable, qui va même lui permettre de sauver tous les habitants de Gatoya de cet effroyable jugement que tous redoutaient.
Ce qui est sûr, c’est que l’on retrouve beaucoup d’action, des combats, une intrigue qui ne lambine pas, des sentiments et un humour très shonen (ce n’est plus une héroïne comme Miaka que l’on surprend nue …) que l’auteur avait déjà … Bref, un tableau qui convient bien à l’état d’esprit qu’elle veut faire passer dans ce manga qui démarre extrêmement bien, en étant très plaisant à la lecture. Cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas réussi à nous surprendre, Sakura-gari étant à part. De plus, la fin de cet opus nous laisse fort à penser que le prochain exploitera enfin le Arata du passé, dans un monde que lui non plus ne connait pas … On a hâte de voir comment il va régler les problèmes de communication et le blocage social de celui dont il a pris la place … Par la force, sans aucun doute. La revanche d’un jeune homme rejeté, pendant ce que dernier se bat en temps réel pour démontrer le courage dont il fait pourtant preuve, au plus profond de lui. Que de beaux sentiments, pour une série qui s’annonce vraiment sympathique !
Vol 3 :
On nous promettait l’évolution d’Arata dans le monde actuel, alors que personne ne comprend ses comportements étranges et décalés de toute logique. Et on en aura ! Mais bien peu par rapport au reste. Alors certes, le manga se cible surtout sur l’autre monde dans lequel a été transporté le Arata que l’on aurait pu connaitre, celui qui vivait dans un Japon où fleurissent les téléphones portables. C’est néanmoins le début de la fin en ce qui concerne les brimades dont Arata était la cible grâce à son alter ego, ou le commencement des ennuis, qui sait … Pendant ce temps, dans un autre monde, nos amis enfin échappés de Gatoya évoluent à quatre, mais perdent rapidement un membre dans les retrouvailles joyeuses de la famille. Peu émouvant, cet instant n’aura qu’un impact limité tant Ginchi a été peu exploité. Cette séparation aurait pu arriver bien plus tard dans la narration que ça n’aurait pas été une mauvaise idée … Le trio restant va donc continuer sa route, obligé qu’ils sont de traverser les terres de Kannagi sans se faire attraper. Difficile tache que celle-ci, d’autant plus quand ses vassaux sont partout.
Un tome qui devrait apporter sa dose d’émotion, grâce à Ohika et sa petite famille. Malheureusement, l’action extrêmement brouillonne et les clichés dans le méchant qui a du cœur et un but ainsi que le véritable bourreau qui se révèle après coup ternissent de beaucoup ce petit moment sentimental. Pourtant, Watase nous a habitués à beaucoup mieux en ce qui concerne ce genre de situation, notamment avec la famille de Tamahomé dans Fushigi Yugi. Ici, l’émotion sera lointaine et la fin assez décevante, par le côté tout puissant qu’Arata prend grâce à son épée Hayagami qui aurait une puissance toute particulière d’unifier les autres … Même dans le shonen, on retrouve la patte de l’auteur qui appose ses habitudes et les recettes qui par le passé ont marché avec brio. Seulement ici le scénario n’est ni assez profond ni assez ancré pour véritablement faire ressortir le côté héroïque d’Arata. Un nouveau but, une motivation accrue, et un peu de fan service sentimental pour la route et nous voilà repartis vers la princesse du monde d’Arata … Un réel plongeon dans ce tome, qui déçoit énormément autant qu'il gêne par la grosseur de ses idées.