VpourViennetta a écrit :Je serai moins dur que toi sur ce point : que le lecteur, quel qu'il soit, ait des remarques et qu'elles puissent être entendue, je trouve ça important, surtout si ça peut mener à un résultat constructif. Bien sûr, faire tout un plat d'un « droit au but » ou je ne sais quoi, les manières en moins, je comprends que ça puisse énerver.
Ce qui m'agace surtout, c'est que ces lecteurs ne jugent jamais, ou disons "le plus souvent" pour modérer mon propos, qu'un seul côté de la traduction, c'est-à-dire le mot-à-mot dans des domaines bien précis. Et cela m'énerve d'autant plus qu'un texte qui présente des défauts techniques sur certains termes soit tout de suite marqué du sceau de "mauvaise traduction", même si le français derrière est excellent.
Sauf que pour moi, ce n'est pas ça, la mauvaise traduction. Bon, je prêche pour ma paroisse et je parle d'expérience, étant traducteur diplômé. Il est bien entendu que je n'ai pas la même perspective que le citoyen lambda, pour qui la traduction consiste quasiment à faire du mot à mot en s'aidant de google trad. et refaire une phrase dans l'ordre ensuite. Et j'exagère à peine, toujours d'expérience...
La mauvaise traduction, c'est une inadéquation entre le ton du texte original et du texte traduit.
Par exemple, un texte juridique se doit d'être d'une précision parfaite, et le traducteur n'a pas le droit à l'erreur. Néanmoins, il s'agit d'un travail plus technique qu'autre chose, où il n'est laissée aucune place aux figures de style, parce qu'il existe un langage juridique codé et qui doit être respecté. Une fois les mécanismes compris et les références prises, le travail devient plus aisé et mécanique.
Dans le cas d'une traduction littéraire, et je compte le manga dedans bien sûr, le style doit primer. En traduction littéraire, il n'y a pas une seule bonne réponse, mais bien davantage, dépendant du niveau et de la personnalité du traducteur.
Mais dans tous les cas, le plus important dans ce type de traduction réside dans l'adaptation à un langage parlé et la fluidité des dialogues. Ce à quoi les gens, dans l'immense majorité des cas, ne prêtent aucunement attention.
Pour eux, ce qu'ils regardent c'est : nom des personnages (tout ce qui a été dit sur Pipo dans One Piece par exemple), nom des techniques (One Piece à nouveau et quelques autres genre Lost Canvas il me semble), et quelques termes bien précis dans certains domaines. Bref, des préoccupations de lecteurs de scans.
En dehors de ça, le style, ça ne fait aucune différence. Il n'y a aucune sensibilité au travail d'adaptation ou au langage utilisé, aucun intérêt pour le travail sur la langue parlée. Ca leur passe complètement au-dessus. Pourtant, c'est loin d'être si évident que cela.
Paradoxalement, j'ai vu bien plus de critiques envers des bons traducteurs qu'envers des mauvais. Sylvain Chollet sur One Piece évidemment, Fabien Vautrin sur Soul Eater dans le topic dédié sur le forum, et bien sûr le duo de traducteurs qui officie sur Dream Team. Pourtant, la lecture de leur trad sur leur(s) titre(s) est un vrai plaisir, en grande partie parce que c'est du français qui coule de source, qui respire et qui chante, qui est adapté à la personnalité de chaque personnage... Bref, qui fait langage
parlé.
Je m'égare et je m'emporte, mais voilà, la traduction littéraire n'est pas un travail de technicien. Je ne dis absolument pas qu'ils peuvent bâcler leur travail de recherche sur certains termes simplement parce qu'ils écrivent bien. Mais par rapport à leur travail et à leur style, on peut largement leur laisser le bénéfice du doute sur le temps qu'ils ont eu pour se renseigner sur les termes adéquats. Il est évident qu'ils ne s'occupent pas que d'une série à la fois, et ce ne sont pas des machines. Apposer un sceau de "mauvaise traduction" simplement parce que certains noms utilisés sont incorrects (ou plutôt imprécis, parce qu'ils ne gênent pas la compréhension), je trouve cela vraiment passé à côté de l'essentiel. Et surtout, cela fait une mauvaise publicité injustifiée pour la série, le lecteur potentiel pouvant largement être refroidi par de tels propos pris hors de leur contexte.
Parce que ça, hum :
Bonjour, J'écris aujourd'hui ici car je viens de commencer la lecture de Dream Team et je dois dire que la traduction des postes me reste en travers de la gorge. Le terme americain “center” ne se traduit pas par un bête "centre", ça ne veut rien dire. Le terme français est “pivot”. Et il n'y a pas d'avants ou de défenseurs au basket. “Power forward” et “small forward”, on les appelle des ailiers et pas des avants, et enfin un “point guard” c'est un “meneur” et pas un “défenseur”. Je comprends bien que votre traducteur ne connaît rien à ce sport mais le minimum est qu'il soit corrigé pour les termes techniques, parce que là j'ai franchement eu l'impression qu'il a utilisé Google trad.
Ca pue quand même l'arrogance parce que ça s'y connaît un peu en basket (qu'est-ce que je disais pour Google trad...). Mais j'ai eu beau relire mes tomes par après, je n'ai aucun souvenir de passages qui m'a coupé dans mon élan au point que je ne voyais pas du tout de quoi les personnages parlaient.
Et ce genre de remarques présentés de cette façon, ça entraîne des réactions de ce genre :
Je ne savais pas qu'il y avait ce genre de problème de traduction sur Dream Team, du coup j'attendrai pour commencer la série...
Attention, je ne dis pas que la traduction imprécise ou incorrecte de termes spécifiques n'est pas une chose importante à surveiller et à améliorer. Mais il faut savoir aussi modérer son propos et ne pas lancer des jugements définitifs parce qu'on n'a pas aimé la traduction de cinq mots sur un tome, surtout quand ils n'ont quasiment aucune incidence sur la compréhension et ne sont simplement pas les termes consacrés dans un domaine bien précis.
Je sais bien que le français, c'est un truc d'intellos dans la tête des gens, et que c'est pas grave tant qu'on comprend. Sauf quand il s'agit de termes techniques. Parce que les gens sont le plus souvent des techniciens qui regardent uniquement les détails, et se foutent de l'ensemble, surtout quand il est excellent.
Mais moi qui ai été élevé avec Chick Bill et avec Gaston Lagaffe, où Tibet et Franquin jouait avec la langue, faisait des jeux de mots, m'ont enseigné quantité d'expressions idiomatiques qui m'ont fait aimer le français, je dis qu'il ne faut pas avoir fait des études de philo ou de lettres pour savoir juger et reconnaître la pertinence et de l'élégance d'une traduction dans un manga... Simplement aimer sa langue. Mais les défenseurs de la langue française sont une denrée rare dans le milieu du manga, et partout ailleurs en général. Et pourtant, ce sont ceux qui s'y connaissent à peine qui gueulent le plus fort et le plus souvent, pour des détails techniques.
C'est comme aller au restaurant, commander un menu, et dire que le repas était mauvais simplement parce que la soupe manquait de sel, alors que tous les autres plats étaient excellents. C'est pas foutu de juger de la qualité de la nourriture, et pourtant ça râle sur les détails dès qu'ils le peuvent.
Et j'exagère à peine.
Bon, désolé, je m'emporte (euphémisme), mais vu qu'on était sur le sujet...
Pour répondre à ton point dans le même temps :
VpourViennetta a écrit :Tu soulèves un point important de l'exercice de traduction : si l'auteur emploie un lexique approximatif ou s'il commet un non-sens, dans quelle mesure le préposé à la traduction doit-il intervenir ? Au nom de la fidélité de l'œuvre, il devrait faire preuve de rigueur dans l'approximation voire dans l'erreur.
Question épineuse que j'avais déjà posée en mon temps à un de mes profs, et oui, on se doit de corriger certains termes si on en a l'occasion, mais pas de changer tout le texte. Parce qu'on entre dans le domaine de la réécriture, et on a donc largement dépassé le stade de la traduction et de l'adaptation.
Pour le coup, si l'auteur dans le texte original a fait une erreur technique au niveau d'un terme, je pense qu'il n'y a pas de problèmes à rectifier le tir dans la traduction. Encore faut-il aussi être sûr de son coup à 100% avant de prendre une telle initiative. C'est toujours au cas par cas, et il n'y a pas de réponses absolues, en fait, parce que l'éditeur ou l'auteur de l'original peut avoir son mot à dire également.
VpourViennetta a écrit :ou un « Maki Kaibutsu […] s'est dressé à quatre reprises devant Fujima », ratage épique et savoureux, surtout quand on finit par comprendre comment ça a pu arriver.
Franchement, j'avais cru sans problème qu'il s'agissait de son nom de famille.^^ Et manquerait plus qu'on s'acharne sur la traduction de Slam Dunk, qui reste toujours un vrai plaisir à la lecture par sa fluidité et l'adaptation des dialogues par rapport au caractères des personnages...
La traduction manga (et en général aussi) est décidément un métier bien ingrat. On s'en fout complètement quand vous faîtes un travail exemplaire ou médiocre dans le français, mais faites une faute technique et on vous crucifie.
Et résultat, c'est une belle tartine que voilà...