Alabaster

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Koiwai
Rider on the Storm
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Alabaster

Message non lu par Koiwai » 16 janv. 2012, 19:46

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Sorti au Japon en deux volumes dans les années 70 puis réédité en une intégrale bunko en 2010, Alabaster débarque en France aux éditions Flblb sous la forme d'un gros pavé de près de 500 pages.

Cette nouvelle oeuvre signée Osamu Tezuka nous présente James Block, un brillant athlète noir dont la renommée n'est plus à faire, tant et si bien qu'il est parvenu à draguer la femme dont il est tombé amoureux. Mais quand l'heure de la demande en mariage est venue, il tombe de haut : sa dulcinée le rejette en se moquant de lui, se refusant à l'épouser à cause de sa couleur de peau, et avouant qu'elle ne restait avec lui que pour sa renommée. Entrant dans une colère folle, James tue accidentellement un homme et se retrouve en prison, où il va entretenir un haine indicible pour l'humanité. Alors que cette haine continue de grandir et que l'idée de la vengeance bout en lui, il rencontre en prison un vieil homme, un scientifique qui lui lègue l'une de ses inventions : un pistolet censé rendre invisible. Quand il sort de prison, James part récupérer le pistolet et l'utilise sur lui, mais l'échec est cuisant : l'appareil est loin d'être au point, et tout au plus s'en sort-il totalement défiguré. Dès lors, il décide d'utiliser ce pistolet pour rendre laid tout ce qui est considéré comme beau et façonner un monde à son image, pour redéfinir les critères de la beauté. Pour se faire, il va monter, derrière le nom d'Alabaster, une véritable organisation criminelle, dont feront notamment partie la jeune Amy, une victime des expériences de son père qui est devenue entièrement invisible, et un jeune garçon du nom de Gen.

A la lecture de l'oeuvre, les inspirations de Tezuka apparaissent assez claires : dans son physique comme dans sa mentalité forte de convictions à la limite de la folie, Alabaster rappelle un personnage comme Fantômas, et ses ambitions ainsi que son château évoquent la figure littéraire de Monte-Cristo, tandis que l'idée de l'homme invisible rappelle le personnage du même nom.
On devine donc tout d'abord un anti-héros complexe, comme les aime le Tezuka mâture, un personnage de méchant rongé par la haine, et bienveillant envers une seule personne : Amy, son égérie, qu'il finira par ériger comme la reine de son futur nouveau monde. Le personnage est tout d'abord charismatique, inquiétant, possède tout ce qu'il faut pour marquer les esprits, et finit tout compte fait par retomber, la faute à un propos de fond beaucoup trop limité.

En effet, on attendait beaucoup, au départ, du fond d'Alabaster, prometteur pendant plusieurs dizaines de pages avant de s'essouffler peu à peu. Les sujets abordés par Osamu Tezuka sont ici nombreux, comme toujours : le racisme primaire du début, puis la vengeance et tout ce qu'elle a de plus fou, ensuite la folie scientifique à travers le savant qui a sacrifié sa femme et condamné sa fille, et également la notion de beauté, qui n'est jamais rien d'autre qu'une vision imposée par la majorité, vision que compte bien détruire Alabaster. Malheureusement, ces évocations prometteuses finissent par tourner en rond ou par s'effacer, Tezuka restant finalement très superficiel là-dessus. Les idées ne sont pas réellement approfondies, juste esquissées, et le fond en devient beaucoup trop limité.
Une impression accentuée par les personnages, véritables stéréotypes, finalement peu approfondis. Ainsi, l'Alabaster prometteur du début laisse petit à petit place à un homme finalement très peu nuancé et peu approfondi, dont la haine toujours plus forte envers l'humanité entière tend à devenir de moins en moins crédible vis-à-vis de l'événement qui l'a déclenchée. A côté de ça, on retrouve en Amy l'archétype de la jeune fille exagérément naïve, dont les quelques retournements de personnalité sont trop soudains pour satisfaire pleinement. Quant à Gen, il reste un personnage classique incarnant en quelque sorte la figure du bon, loin d'être un exemple, mais présentant des valeurs plus humaines, et finissant peu à peu par craindre son maître. Finalement, le personnage le plus intéressant est peut-être l'agent du FBI Rock Holmes (dont le nom est une référence à Sherlock Holmes et à un autre personnage de Tezuka), pourri narcissique parmi ceux censés amener la justice, qui vient contrebalancer un peu le personnage d'Alabaster pour une confrontation intéressante détruisant le manichéisme primaire qu'aurait pu montrer l'oeuvre. Finalement, s'il y a quelque chose à retenir du fond de l'oeuvre, c'est le jeu des apparences : personne n'est totalement bon ou totalement mauvais, et encore moins parfait.

A défaut d'offrir un véritable développement de ses idées, Osamu Tezuka nous offre alors une oeuvre qui, au fil des pages, se présente de plus en plus comme un pur divertissement. Petit à petit, l'action et les rebondissements prennent le dessus sur tout le reste, et à vrai dire il paraît difficile de s'ennuyer tant les talents de narrateur du Dieu du manga sont bel et bien là. Tezuka nous offre une oeuvre au rythme de plus en plus soutenu, enchaîne les rebondissements, et peut s'appuyer sans problème sur sa narration sans failles et sa mise en scène dynamique. Malgré la déception croissante au niveau du fond, le divertissement est là.

Après un début très prometteur, il faut avouer que l'on attendait beaucoup plus du fond d'Alabaster, Tezuka mettant en avant plusieurs thèmes sans finalement aller au bout des choses (peut-être s'est-il finalement freiné à cause de la prépublication dans un magazine shônen ?). On finit alors par avoir une oeuvre trop limitée dans le fond, où les rebondissements finissent pas primer sur le reste, mais après tout, c'est déjà pas si mal : les talents de narrateur de Tezuka étant là, on ne s'ennuie pas une seule seconde, et à défaut d'être le manga bourré de réflexion que l'on attendait au début, Alabaster constitue un bon divertissement.
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