nombre de volumes au Japon: 9 (série terminée)
nombre de volumes en France: 9 (Kodansha, distribués par les presses de la cité, quasiment introuvables)
Intro pour situer la série:
Paru originellement à partir d'avril 1975 dans Nakayoshi, Candy Candy dessiné par Yumiko Igarashi et écrit par Kyoko Mizuki, fut l'un des grands succès de la bande dessinée sentimentalo-mélodramatique japonaise. La série ayant été popularisée en France par l'entremise des 115 épisodes du dessin animé télévisé, l'éditeur japonais kodansha prit une décision des plus logiques en le proposant aux petites lectrices françaises dans une présentation populaire et à un prix démocratique.
L'histoire (y a probablement des spoils, pour les - de 20ans, les autres doivent connaitre par coeur ^^):
L'action se situe en Amérique, puis en Angleterre, puis en Amérique à nouveau, au début du XX siècle. Enfant trouvée, Candy est élevée dans le petit orphelinat de la sympathique Melle Pony et de la bienveillante Soeur Maria. Elle est une sorte de garçon manqué, prompte à grimper aux arbres, mais agrémentée par ailleurs de toutes les vertus féminines.
Sa première grande peine est de voir partir, pour être adoptée par une riche famille, sa meilleure amie, Annie. Ce jour là, elle voit dans la lande un énigmatique jeune homme jouant de la cornemuse. Il devient son "prince de la colline", figure fantasmatique, incarnation de son idéal, et qu'elle cherchera à travers tous les hommes dont elle s'éprendra. Plus modestement, le prince de la colline sera son premier amour, mais n'anticipons pas.
Candy est adoptée à son tour par la famille Legrand, vaste tribu régie par un mystérieux oncle William, que l'on ne voit jamais, et par délégation de signature, par la revêche tante Elroy. Candy est d'emblée détestée par la vieille tante, et brutalisée par Daniel et Eliza, deux horribles petits monstres méprisants, capricieux et hypocrites plus que tous les moutards réunis de tous les romans de la Comtesse de Ségur. Bref, de fille adoptive, Candy deviendra bientôt fille de cuisine, puis... garçon d'écurie, comme le petit Heatchcliff avant elle dans Les Hauts de Hurlevent.
Les cousins Alistair et Archibald, deux frères, adorent l'orpheline. Et puis, il y a un troisième cousin, Anthony, qui a tout l'air d'être le prince de la colline, y compris le kilt et la cornemuse. Lors d'une promenade aux environs de la propriété, Candy manque de se noyer. Elle est sauvée par un mystérieux jeune homme, monsieur Albert, sorte de Blanche-Neige au masculin, qui vit en ermite avec ses amis les petits animaux. Candy et monsieur Albert deviennent très amis.
De retour chez les Legrand, Candy est injustement accusée de vol par Eliza et Daniel, bien entendu, et on l'envoie dans une ferme au Mexique. Mais les trois cousins parviennent à la faire revenir et à la faire adopter par la famille André. Puis c'est le drame,
Bien entendu, les infects Daniel et Eliza sont envoyés dans la même école et peuvent continuer à persécuter l'orpheline. Alistair et Archibald sont là aussi. Quant à monsieur Albert, il a trouvé un job au zoo de Londres.
L'école contient aussi le dandy Terrence, dédaigneux de la discipline, qui cache (mal) le secret de sa naissance illégitime (maman est une actrice célèbre qui a fauté). Bien entendu, Candy et Terry découvriront (lentement) qu'ils s'aiment.
Ceci n'est que le resumé des 3 premiers volume et les lecteurs n'ont rien vus encore!
Candy découvre sa vocation d'infirmière, se met en ménage (en tout bien tout honneur) avec monsieur Albert devenu amnésique.
Les personnages prennent de la maturité à l'approche de la 1ère guerre mondiale.
La narration:
D'abord le dessin qui est joliment detaillé et recueille habilement les émotions des personnages dans un genre qui est trés codifié. On s'attache trés vite aux mimiques de Candy qui apparait rapidement trés attachante.
La fiction d'Igarashi et de Mizuki repose sur une véritable économie de la séparation et de la réminiscence. Candy passe son temps à se souvenir des gens qu'elle a connus, se remémore les joies et les peines de son existence, s'interroge sur ses sentiments. Elle se place ainsi, d'arbre en arbre, en marge du récit de sa propre histoire et en fait l'inventaire. Toute la fiction est recyclée périodiquement, sur un mode quasi incantatoire.
Cette manie de la réminiscence sert également à étager la fiction en fonction du temps. Les personnages grandissent ou vieillissent insensiblement. Le rappel d'un souvenir de leur tendre enfance est donc le meilleur moyen de faire mesurer au lecteur le chemin parcouru. "Comme le temps passe !" s'exclament ensemble Candy et son public.
Enfin, la réminiscence devient parfois envahissante, et pèse alors de tout son poids sur les actions des personnages. Pendant qu'ils tombent dans les bras l'un de l'autre dans l'appartement de Broadway, Candy et Terry voient défiler (presque) tous les moments de joie et de peine au collège anglais.
Reste que ce parti-pris du "on prend les mêmes et on recommence", s'il répond parfaitement à l'économie de la réminiscence que je mentionnais plus haut, est en contradiction avec une fiction où les personnages prennent de l'âge.
Ainsi, la scénariste a du mal à maintenir en selle Daniel et Elisa, les juvéniles persécuteurs de Candy. L'une est traitée sur le mode humoristique par Candy. L'autre Daniel qui, vis-à-vis de Candy, passe directement de la persécution au harcèlement sexuel, il nous paraît bien un peu ridicule, parfait exemple de puberté difficile.
Il aurai fallu, somme toute, plus de culot à la scénariste et qu'elle consentit à ce que les adultes réglent les comptes de leur enfance. Il est frappant de noter qu'il est ancré dans l'enfance, qu'il ne met en scène, somme toute, que des enfants grandis. Mais ces enfants ont d'emblée des passions d'adulte, à en juger en tous cas par leur violence.
L'intrigue (répétitive) n'est au reste dans Candy Candy que le prétexte à de grandes envolées lyriques, propres au shojo manga, à grand renfort d'images morcelées, soleils couchants, feuilles aux vents, la pluie battant au rythme des humeurs de Candy, tandis qu'invariablement le retour à la réalité (c'est à dire au drame) est concrétisé par une image unique en double page, vue en plongée, sur la brutalité d'un fond noir.
En conclusion
Fondamentalement, Candy Candy relève du roman d'apprentissage. Sur la dynamique petite orpheline planent les ombres de Dickens, de Johanna Spyri (Heidi), et de la Comtesse de Ségur. Nous suivons l'héroïne de sa naissance à l'âge adulte, et la voyons faire la découverte des différents aspects de l'existence tout en conservant son caractère. Elle accumule les expériences heureuses et malheureuses, découvre et affermit sa vocation d'infirmière, rencontre l'amitié, l'amour et la zone intermédiaire, l'amitié amoureuse.
D'autre part, comme le mentionnent fort justement les auteurs du précieux Shonen Shojo managa besuto 100 (Bunshun Bunko, 1992, en japonais), le dénouement même avertissement que plus haut. surlignez pour lire. cette histoire de mystérieux oncle William, qui se révèle être le monsieur Albert que Candy voit tous les jours, ressemble beaucoup à certaines comédies de Fred Astaire ou au roman de Jean Webster qui l'a inspiré, Daddy-long-legs (Papa-longues-jambes, bibliothèque du chat perché, un vrai chef d'oeuvre). L'ouvrage cité mentionne une autre source, Anne aux pignons verts (Anna of the greengables de Montgomery).
A part ça, nos auteurs usent de toutes les ficelles, ne ratant aucune des scènes à faire pour le plus grand plaisir des lectrices, ou leur plus grand chagrin. Les morts, en particulier, sont très réussies,
J'ai eu personnellement beaucoup de plaisir à lire cette série, bien au dela des prejugés que l'on peut en avoir.