Les oeuvres d'Ebiné Yamaji
Posté : 01 févr. 2009, 16:49
Résumé:
Jeune artiste célibataire, Shiori est aussi réservée que secrète. Le seul à recueillir ses confidences est son meilleur ami, Toda, étudiant à la faculté.
Mais tout bascule le jour où elle rencontre (est-ce le hasard ?) Kageyama, camarade d’université de Toda, qui semble aussi solitaire qu’elle. Tout de suite, elle est comme fascinée par le jeune homme et va chercher à apprendre un peu plus sur lui, jusqu’à ce que la fatalité fasse naître le début d’une étrange histoire d’amitié…
Avis:
Ce One Shot est assez surprenant car il mélange la douceur et la poésie avec la dureté de la vie. Il raconte l'histoire de Shiori, étudiante discrète et solitaire, qui va faire la rencontre de Kageyama, un jeune homme sombre et difficilement abordable. De plus, il semble voir vécu une terrible tragédie. Il va tout de suite attirer sa curiosité et le destin va les réunir d'une bien cruelle manière. On peut dire que Yamaji Ebine nous livre un manga à l'univers bien particulier. Les personnages apportent un ton très mystérieux et secret à ce titre. Ils sont aussi bien l'un que l'autre très discrets, assez solitaires, et devrons chacun faire face a de grandes souffrances. En effet, ce One Shot traite de sujets très durs tels que le viol ou même le meurtre, mais le style de l'auteur fait qu'il n'y a pas pour autant de surenchère du drame ou de la violence. Ce manga aborde également la complexité des sentiments amoureux en mettant en scène des amours homosexuels, à sens unique et des relations difficiles. D'autres personnages seront d'ailleurs mis en scènes et vont graviter autour des deux héros, leur apportant leur lot de réconfort ou au contraire de souffrance. L'auteur explore tous les doutes et les vices de l'âme humaine, des plus anodins aux plus effroyables. Malgré cela, on ne tombe jamais dans le désespoir car les protagonistes savent relever la tête et affronter leurs démons. Le titre a aussi un coté poétique apporté par le caractère et les réflexions des personnages principaux et du milieu dans lequel ils évoluent. Les personnages se trouvent en effet dans le monde de l'art.
Des graphismes épurés vont contribuer à apporter ce coté poétique. Shiori ne ressemble en rien aux héroïnes de manga habituelles. Cheveux courts et clairs, très chétive... son style correspond tout à fait à sa personnalité fragile et sensible. Elle semble représenter la pureté alors que le héros a un aspect plus sombre. Il n'y a presque pas de décors, ce qui renforce l'aspect renfermés sur eux mêmes qu'ont les deux protagonistes. Seuls certains lieux clé du scénario seront bien détaillés. Le style graphique de l'auteur appuie donc à merveille l'univers de son titre.
Yamaji Ebine mêle donc habilement drame et légèreté, beauté et noirceur des sentiments tout en maintenant une intrigue tout au long de son tome.
Il s'agit d'un titre dont on ne ressort pas indemne, tellement la douleur et la sincérité des personnages sont touchantes. Le seul reproche que je puisse faire est qu'un passage de la fin semble un peu tiré par les cheveux, ce qui est dommage car jusque là tout était abordé avec assez de réalisme. Néanmoins, cela reste un très bon titre qui m'a beaucoup marquée, aussi bien pour sa beauté que pour la dureté des thèmes abordés.
Free Soul
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Mais sache qu'elle tenait énormément à toi. Sinon jamais elle n'aurait dit « ça me fait mal
Un tome significatif de premières fois à bien des égards. Un des premiers titres de l'éditeur Asuka, un des premiers Ebiné Yamaji et un des premiers et rares Yuri édité en France. Free Soul nous parle de manga, de musique et d'homosexualité féminine.
Kaito est une jeune dessinatrice dont l'intention est de réaliser une histoire sur Angie, son personnage de chanteuse Soul et homosexuelle. Les aléas de la vie vont la conduire à partager la vie de l'atelier d'une vieille artiste excentrique. Il s'agit là d'un récit « tranche de vie » où le lecteur va suivre les moments de joie et de peine de notre héroïne. Son rapport avec ses parents, ses doutes sur sa vie et sa rencontre avec Niki, une trompettiste ni vraiment hétéro ni vraiment homo, âme libre et détachée de toute contrainte. La relation qui va se tisser entre les deux personnages devient le moteur du récit sans le monopoliser pour autant. Kaito qui ne doute pas de ses sentiments, doute de ceux de Niki, attend sans vraiment forcer les choses, entre espoir et désillusion, sentiments parfaitement traduit par la narration de la mangaka.
Ebiné Yamaji réalise également une mise en abime avec le personnage d'Angie, personnage fictif crée par Kaito, elle-même fictive. Et pourtant, tout est clair et s'imbrique parfaitement. La vie d'Angie se suit aussi bien que celle de Kaito, jusqu'à ce que le dernier chapitre lui soit entièrement consacré. Angie et Kaito, personnages antinomiques mais complémentaires. On sent tout le courage que Kaito tire de sa création au fil de l'histoire.
Mais la plus grande réussite de ce titre est la simplicité avec laquelle Yamaji traduit les sentiments des héroïnes. On oublie vite qu'il s'agit de deux femmes. Comme dans le Jeu du chat et de la souris, quelques scènes érotiques parsèment le récit, suffisamment explicites mais jamais devenir vulgaires ou inutiles. On ne s'interroge pas clairement à l'homosexualité, on suggère. Tout n'est que subtilité dans ce récit, une subtilité qui sublime les sentiments bien au delà des sexes et des apparences.
Graphiquement, le trait d'Ebiné Yamaji se veut très dépouillé. La mangaka se limite à l'essentiel. Les personnages, qu'ils soient masculin ou féminin, sont dessinés avec beaucoup de simplicité. Pour autant chacun est parfaitement reconnaissable. Les décors sont peu travaillés mais suffisants. Comme souvent dans les shojo, le dépouillement du dessin est là pour magnifier les visages et le texte. Le trait sobre de l'auteur réussit parfaitement son office.
L'édition française est perfectible. Traduction et adaptation sont correctes mais l'impression connait quelques soucis avec surtout des problèmes dans les niveaux de gris, parfois trop clairs ou trop sombres. Mais rien de bien méchant cependant.
Sans jamais tomber dans la mièvrerie, Ebiné Yamaji nous raconte une histoire de vie et d'amour où les sexes n'ont plus grandes importance. Free Soul est un titre fort de part l'émotion qu'il provoque. Peut-être l'équivalent « au féminin » du Jeu du chat et de la souris.
Sur la nuit

Une dizaine d'histoires courtes sont proposées. Il ne s'agit pas de véritable yuri malgré la collection d'Asuka. Même si certaines relations saphiques sont suggérés, il n'y a rien d'autre qui puisse qualifier ce recueil de yuri. Les histoires sont de type fantastique, plutôt macabres, tournant souvent autour de la peinture. Les thèmes du meurtre et de l'automutilation sont très présents au milieu d'amourettes torturées. Cependant la plupart de ces nouvelles reste confuse. La narration de l'auteur n'est pas aboutie, ce qui rend la compréhension difficile. La mangaka ne donne pas assez d'éléments au lecteur. Difficile de saisir le sens de « Water » nous montrant les jeux d'une petite fille avec l'eau, s'agit-il d'une métaphore sexuelle abordant la pédophilie (impression personnelle) ou n'y a-t-il rien de tout ça ici ? Les histoires restent trop obscures pour vraiment en profiter.
Le dessin est lui aussi de qualité variable. On peut voir évoluer le trait de l'auteur et on se rendra vite compte des progrès réalisés depuis ses débuts. La mise en page n'est pas suffisamment réfléchi, ce qui renforce l'impression de confusion à la lecture des chapitres.
L'édition française souffre de quelques problèmes d'impression avec des niveaux de gris trop sombres par moment. La traduction et l'adaptation sont correctes.
En bref, un recueil dispensable à réserver aux fans de la mangaka.