Prépublication : Rutile
Editeur VO : Gentosha (5 tomes - en cours)
Editeur VF : Taïfu (5 tomes - en cours)
Tome 1 :
Sae et Kazuki, deux amis mannequins, emménagent dans l’appartement de la belle Naoyuki.
Mais contrairement à ce qu’elle semble, Naoyuki n’est pas une fille mais un garçon, ami d’enfance de Kazuki ! Ce trio aux relations étranges va rencontrer de nombreux personnages, tous plus complexes les uns que les autres.
Ce premier tome peut tout d’abord s’imposer comme une comédie romantique classique … On croit apercevoir le couple phare dans l’entente Sae / Nao, et le personnage spectateur en Kazuki … Pourtant KIKI, l’auteur, bouleverse les stéréotypes de ce genre de mangas. En effet, les relations entre les personnages ne sont pas si simples, et les jeunes adultes ne tombent pas dans les bras l’un de l’autre à la première occasion pour ne plus se quitter … Les liens entre eux sont ici compliqués, toujours survolés sans de grandes déclarations amoureuses de tous les côtés … On ne sait plus bien qui intéresse qui, et qui veut plaire à qui … Au-delà de simples relations homosexuelles, KIKI refuse de se focaliser sur des liens basiques et romanesques, pour raconter simplement comment des hommes, des femmes, peuvent se plaire, se désirer ou tout simplement s’amuser. Love me tender est donc une comédie romantique pleine de gaieté faisant preuve d’une grande maturité et d’une originalité très appréciée.
C’est comme si chaque personnage n’était même plus homme ou femme (ce qui est bien mis en avant par les travestissements perpétuels dans un sens comme dans l’autre), mais simplement des humains. Ainsi, Sae, qui semble être le plus convoité, entretient diverses relations passées ou présentes, de la plus évidente à la plus étonnante. Sa bisexualité lui permet d’apprécier Nao dès le début, même s’il reste très flegmatique et évasif, ainsi que son meilleur ami qu’il aime taquiner. En plus de cela, on apprend qu’il a eu une relation avec le patron du café où il se rend souvent, ainsi qu'avec la femme de ce même homme. Et pour parfaire le tout, leur fille unique aime tout particulièrement la compagnie de ce mannequin aux cheveux d’or. De son côté, Naoyuki joue avec Sae, et s’éprend d’une fille. Homme, femme, que penser de Nao ? C’est là toute la subtilité de l’auteur et l’intérêt de la série. Il n’y a plus de réelle différence entre les sexes. D’ailleurs, il semblerait que dans la VO, Nao parle de lui au masculin et au féminin. Par commodité, cela a été supprimé dans l’édition française, bien que cela aurait pu être fort intéressant, en ajoutant un sentiment de décontenance du lectorat …
De plus, même si le scénario au jour le jour n’est là que pour mettre en avant des triangles amoureux les plus improbables, la narration est dynamique et la lecture savoureuse. L’humour de la mangaka et le détachement dont elle fait preuve face au sens commun y est pour beaucoup : cela réussit à faire de Love me tender une série réellement rafraîchissante et passionnante, autant par le rire que par le questionnement, car bien chanceux celui qui pourra deviner qui finira avec qui … A aucun moment les relations ne sont dramatisées, les personnages vivent au quotidien des relations qu’eux seuls comprennent, avec leurs problèmes que l’on découvre au fur et à mesure avec délice … Les caractères, posés et matures, sont relevés d’un soupçon d’humour, le tout agrémenté d’un graphisme vraiment esthétique. Les yeux sont dessinés avec beaucoup de soins, ce qui permet de faire ressortir les expressions des protagonistes. De plus, les erreurs de graphisme sont minimes, souvent inexistantes, et on conserve la douceur d’un trait de shojo sans pour autant tomber dans les grands yeux brillants et les coupes de cheveux classiques.
Bref, tant au niveau du graphisme qu’à celui du scénario, Love me tender est un petit bijou d’originalité et de réussite. Même le manque de décor, habituellement préjudiciable, ne fait que mettre en avant la « complexe simplicité » des personnages. Ce josei est un grand bol d’air frais au milieu des tonnes de shojo et shonen peu mystérieux, où le seul but est de deviner comment ils vont finir ensemble ou gagner une bataille … Enfin, merci à Taifu Comics qui a fait un bon travail de traduction, ainsi qu’un choix de format agréable, ce qui justifie le prix par rapport aux autres séries qu’ils ont pu sortir. Voilà une progression de l’édition qui fait plaisir à voir !
>> Pour les tomes 2, 3 et 4 je ne vais pas copier coller ce que j'ai déjà écrit, ça ferait un peu indigeste ... Alors voici les liens, si la série vous intéresse, pour vous faire un avis plus détaillé sur la suite :
http://www.manga-news.com/index.php/ser ... -me-tender
Tome 5 :
D’avril 2008 à Juin 2009, on ne peut dire qu’une chose, ce tome cinq nous aura fait attendre. L’espace entre chaque volume s’agrandit au fur et à mesure, on ne peut reprocher à la mangaka que son rythme de parution. Cependant, Love me tender n’est pas une série à lire d’une traite et rapidement. Il faut la savourer, faire quelques pauses pour mieux apprécier la narration particulièrement légère, qui ne captive que par sa nonchalance. Dans ce volume, l’arrivée de deux nouveaux personnages donne un souffle novateur à la lecture. L’humour en profite pour revenir au galop, à travers une situation plus qu’improbable : un garçon qui va se travestir en fille et une fille qui aime faire ressortir sa part masculine se rencontrent. De l’extérieur, le premier véritable couple de la série pourrait avoir l’air normal, mais c’est sans doute le plus étrange. Love me tender est une série réaliste par les sentiments qu’elle amène et la manière de dérouler les vies qui se croisent et se décroisent, mais une part de romance et d’imaginaire subsiste, ce qui lui confère un caractère léger et des plus agréables. Kiki, à aucun moment, n'a du mal à gérer ses personnages, leurs réactions. Tout se suit naturellement, apportant une fluidité bienvenue à la lecture.
Bien que la série garde son habitude de mélanger tout ce petit monde, ce tome ci est plus centré sur la relation Sae / Kazuki. Ce dernier, qui manquait un peu d’intérêt lors des précédents volumes, revient sur le devant de la scène, et ses sentiments alambiqués restent pour l’instant les plus aboutis du titre. Son amitié avec Sae est quelque chose qui lui tient à cœur, et on découvrira un Sae plus tendre, un peu plus sensible qu’à l’ordinaire, notamment au contact des enfants. Son nouveau travail apporte quelque chose à l’histoire, et soutient le scénario, bien plus que le premier. Par ailleurs, cela nous fait voir un panel de personnages secondaires, comme Maki, la directrice, qui ajoute à l’humour et à l’ambiguïté des relations entre les protagonistes. Enfin, pour sortir du schéma Sae / Kazuki, on appréciera un chapitre dédié à Mikami, qui prend la narration, ainsi que quelques apparitions de Nao (de plus en plus joli(e), soit dit en passant) qui se stabilise au contact de ses amis. Il n’y a que Kazunari qui soit un peu oublié, bien que les pages de fin nous permettent de le voir un court instant …
C’est principalement le retour d’une légèreté oubliée, associé à un regain d’intérêt pour les travestissements en tous genre, qui hisse ce nouveau tome au rang de l’excellence. Un esprit ouvert suffit pour lire cette petite série qui suit sa route, sans véritablement renverser des choses, juste en nous parlant de la vie au jour le jour. Une vie qui diffère selon les personnes, les moments. Des brins de destins qui s’entrecroisent, sans exagération sentimentales, au fur et à mesure, voilà ce que Love me tender défend avec brio. Le rythme calme et lent est soutenu par le graphisme épuré, où les garçons androgynes ne sont pas choquants, où faire la différence entre filles et garçons est la clé de l’histoire. Dans un autre contexte, cette ambiguïté pourrait déplaire, mais c’est le principe même de la série : fille, garçon, peut importe. Il n’y a pas d’intérêt à séparer les deux, à leur attribuer un rôle et des caractéristiques. La fraîcheur de la lecture est une bouffée d’air au milieu des autres titres, et c’est avec plaisir que l’on lira ce tome tant attendu … De plus, l’édition est meilleure que dans les derniers tomes, où les couleurs passaient mal. Ici, les détails sont tous bien visibles, et les jeux de lumière mieux intégrés dans le trait de Kiki, soulignant un découpage simple, régulier mais efficace. Enfin, les visages et les attitudes restent expressifs et esthétiques, et les gardes robes changeantes amènent une diversité salutaire.
>> Je finirais en vous recommandant chaudement cette série. Elle ne sera pas appréciée par tout le monde, mais c'est un josei d'excellente facture. Il ne faut surtout pas s'arrêter aux premières impressions, aux travestissements incessants, qui ne sont qu'un outil de la narration si singulière.