Sakura-Gari
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Honte sur moi je n'avais pas posté un petit avis ici sur ce chef d'œuvre
Vol 1 :
Depuis le temps qu’on fantasmait sur les beaux personnages masculins de l’œuvre de Yuu Watase ! Les longs cils, le regard sensuel et les traits fins du graphisme caractéristique de la mangaka se mettent enfin au service du yaoi, afin de combler les espérances d’une grande partie de ses lecteurs, qui ne vivaient que par les sous entendus que la dame pouvait faire à longueur de temps. Cependant, connaissant Watase, on ne peut qu’avoir peur pour la suite du titre. Qu’à cela ne tienne, le premier tome ne sera peut être pas si surchargé de sentiments mièvres et situations redondantes. C’est donc avec appréhension que l’on ouvre les premières pages … Et que l’on s’y plonge, pour ne plus décoller ! L’histoire commence très fort, et cette noirceur n’est pas sans rappeler Ayashi no Ceres. Seulement, cet aspect ne s’essouffle pas autant que dans ce dernier, puisque le ton de la narration est dur, voire violent. Le viol du personnage principal pourrait même déranger les non habitués, mais elle s’inscrit parfaitement dans l’esprit du manga, ainsi que dans la volonté de l’auteur de faire de cette histoire d’amour une relation totalement différente des précédentes. Qui sait, peut être Watase aurait elle trouvé un bon filon pour corriger ce qu’on pouvait lui reprocher … C’est d’ailleurs pour ça que l’on attendra avec la plus grande impatience le tome suivant.
Bon, l’histoire, donc. Un serviteur, un jeune et beau maître, fortuné. Le schéma manque un peu de dynamisme, mais étonnamment la réalisation est superbe. Des sentiments interdis, des tabous à la pelle, un univers dépassé et relativement peu connu, et plus que tout une histoire … Même si le suspense n’est pas démesuré, la logique est bonne, la dose de sentiments plus que raisonnable car assez limitée dans ce premier tome, et rien n’est vraiment précipité. Tout se passe naturellement, aucun cliché, aucune précipitation, des personnages qui en disent long … On a hâte d’en savoir plus sur la sœur de Monsieur Soma, la réaction de ce dernier après son acte de possession délibérée et surtout l’attitude de notre petit Tagami après ce traumatisme. Espérons que tout restera aussi réaliste et évident, tout comme la lecture de ce premier volume qui est plus que fluide, passionnante et menée d’une main de maître. Voilà qu’on retrouve Watase telle qu’on a pu l’aimer dans certains débuts de ses séries. Sans les faiblesses qui transparaissent d’ordinaire … N’oublions pas les questions que posent certaines réactions de Monsieur Soma, qui demeure trop mystérieux pour que l’on puisse le comprendre de sitôt. Si la mangaka sait s’arrêter, Sakura gari sera une grande œuvre de sa carrière !
Au fil du temps, l’auteur a su tirer profit de ses erreurs scénaristiques, mais aussi graphiques. Le trait reste très fin, et ici on peut déplorer la féminité de Monsieur Soma, qui semble pourtant être justifiée par un comportement étrange vis-à-vis de son père … Par contre, les amants de notre aristocrate gardent leur statut d’hommes ou de jeunes garçons, en dépit de leurs beaux yeux et de leurs corps d’éphèbes. Watase a su jouer de son talent pour adapter un cadrage dynamique, un dessin à la grande qualité esthétique, et un soin tout particulier attribué aux décors. On remarquera aussi l’attention réservée aux vêtements d’époque, aux détails de ceux-ci et à l’authenticité des émotions exprimées par Watase. Celle-ci se débrouille tellement mieux lorsqu’aucune fille ne vient interférer, car alors ses personnages masculins gardent leur consistance et sont tout de suite plus réels, moins assommants. Que ce soit graphiquement ou au niveau de son histoire, la mangaka surprend autant qu’elle satisfait. Et qu’en est-il de Tonkam, qui nous propose une édition au même prix qu’un Angel Sanctuary deluxe, basé sur le même concept ! Pourtant, la lecture est plus rapide et le contenu moins conséquent. On est alors en droit de se demander pourquoi un tel manque de différence … d’autant plus que le contact de la couverture d’AS est plus agréable que celle-ci, fragile et rapidement gênante. De plus, les pages sont un peu rigides et pourtant pas spécialement épaisses (transparence) … Mais la traduction est correcte et les contrastes très clairs. De plus, la présence de pages couleurs et d’une lecture claire ne fait qu’ajouter au plaisir du titre. L’appréhension n’était pas de mise, nous voilà ici en présence d’un petit bijou. La suite !
Vol 2 :
Avant tout, il faut bien préciser que ce tome là va encore plus loin que le premier, que l’auteur ne recule devant rien pour faire suivre son histoire. A réserver à un public qui sait de quoi il s’agit, qui sait différencier Sakura gari de l’œuvre habituelle de Yuu Watase. Loin de l’amour platonique, du prince charmant et des romances tendres, Sakura gari dresse un portrait véritablement malsain et violent de l’amour entre deux hommes, à une époque où seul le jeu sexuel est accepté entre des individus du même sexe. Aimer est alors un terme bien illusoire. Et Soma révèle pourtant toute la force de ses sentiments, à travers des sévices qu’il regrette, à travers de mots anodins et pourtant lourds de sens, mais avant tout par une preuve indéniable : il ressent quelque chose. Lui si froid, si impassible, éprouve des sentiments pour quelqu’un qui se refuse à lui, quelqu’un qu’il a trahi. Car Masataka a eu de l’affection pour son maître, qu’il pensait comme un ami, voire un frère. En parlant de fratrie, on amène ici un point final à l’histoire entre le jeune serviteur et son frère aîné. En trois tomes, la mangaka commence à fermer des portes pour se reconcentrer sur l’essentiel, à savoir la relation entre Soma et Masataka, mais aussi l’influence de mademoiselle Sakurako et du docteur Katsuragi. Deux noms à retenir, au vu du rôle qu’ils empruntent l’un et l’autre. Un grain de folie, de déraison dans l’environnement de Soma explique beaucoup de choses. Une petite fenêtre s’ouvre sur son passé, son enfance, le fameux cerisier. Une fenêtre que Masataka entrouvre, s’y glissant pour mieux connaître cet homme qu’il dit détester.
Sentiments contradictoires, viols et sexualité exacerbée sont au rendez vous. Point de douceur, si ce n’est sur la fin pour amorcer enfin le dernier volume qui devrait mettre un point final à tout ceci. En attendant, chantage, violences, désillusions, retours en arrière et manipulation sont au programme. Le personnage principal nous permet surtout de découvrir les passionnantes figures que sont Masataka, la fourbe Sakurako et le passionné Katsuragi. Mais en lui-même, ce héros a de quoi intéresser. Le paradoxe de ses sentiments, ses faiblesses, sa pureté souillée encore et encore, l’évolution de ses sentiments pour ce maître inconstant … Comment ne pas apprécier cet adolescent, totalement perdu dans un monde de brutes dégénérées, qui se relève malgré tout et qui, loin de passer son temps à pleurnicher, se redresse et suit son impulsion, quitte à replonger. Il est bon de faire remarquer, également, la richesse des figurants intervenants de manière plus occasionnelle. Un fond suffisamment chargé pour nous donner une idée de la réalité du quotidien de Masataka, sans prendre trop le pas sur la narration. Chaque élément se rapporte à une logique complexe, pleine d’interactions et de nouvelles idées. Watase sort de son chapeau des protagonistes absolument géniaux, le tout étant servi par un vocabulaire soutenu, une excellente traduction et adaptation, notamment au niveau des poèmes et des onomatopées. Bref, un second opus qui surprend : encore meilleur que le premier ! Mais que nous réserve le troisième et dernier volume ? Celui-ci est sorti le mois dernier au Japon, et on espère qu’il arrivera rapidement dans nos mains avides. En attendant, que les amatrices d’un récit mature soient averties avant de se jeter dessus !