Junji Ito: Tomie, Spirale, Gyo

Rubrique consacrée aux seinen, c'est à dire des séries se destinant à un lectorat adulte.
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Hallyu
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Re: Junji Ito: Tomie, Spirale, Gyo

Message non lu par Hallyu » 17 juin 2012, 14:57

Pour Gyo j'ai juste vu un "gros resumé" de l'anime, et vu le prix du DVD, je compte pas le prendre, tant pis.

Pour Tomie, j'ai aprecié tout les films, meme si j'ai une preference pour Forbidden Fruit [spoiler]avec une petite dose de Yuri[/spoiler]. Le tomie VS Tomie aussi est pas trop mal, ça reprend une partie du livre que j'avais beaucoup aimé [spoiler]le transfert de sang de Tomie dans le corps de bébés[/spoiler].
Enfin, le dernier (Tomie : Unlimited) est pas trop mal, avec pas mal de scènes vraiment spéciales qui collent, je trouve, plus à l'univers de l'auteur.

Enfin globalement, aucun des films n'est raté, sans doute grace au fait que le scénario de Tomie ne tiennent qu'en quelques lignes :D
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Luciole21
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Re: Junji Ito: Tomie, Spirale, Gyo

Message non lu par Luciole21 » 12 sept. 2012, 15:21

Tomié Intégrale :


Comme je l’ai probablement déjà expliqué, j’ai eu le coup de foudre pour Junji Ito (ou plutôt pour ses œuvres ^^) avec la découverte de Spirale qui fut vraiment une véritable claque en ce qui me concerne. C’est donc avec une impatience non contenue que j’ai attendu l’intégrale d’une autre œuvre initialement en trois volumes de l’auteur : Tomié. Après quelques six mois et des poussières de reports, j’ai enfin pu apprécier l’ouvrage qui se place second dans le classement de mes Ito favoris.
Le premier aperçu de l’œuvre est fort agréable bien qu’au premier abord assez éloigné de ce qu’on attend de l’auteur puisqu’il s’agit de la couverture, représentant Tomié, belle et nue, sur fond rose. Le second aperçu du manga est moins agréable, il s’agit des graphismes en début de volume. Le style de dessin d’Ito est indéniablement original, on aime ou pas mais en ce début de volume, il est original et des plus imparfait, heureusement cela s’améliore nettement passé 3 ou 4 chapitres ou l’on retrouvera la patte maîtrisée déjà présente dans Spirale. Cette inégalité dans le manga s’explique par la longueur de la parution de l’ouvrage, qui s’effectue au total sur 13 ans.
En terme de scénario, nous sommes face à de l’étrange mêlé à du gore plus poussé que dans toute les autres œuvres de l’auteur : Tomié, femme fatale parmi les siennes, manipule les hommes jusqu’à ce que ceux-ci deviennent fou et décident de la découper en morceaux, mais notre Tomié ne se laisse pas arrêter par la mort. A partir de là, on enchaine les histoires courtes avec différentes Tomié, et au fil de l’œuvre, les mystères qui l’entourent se lèvent. La plupart des histoires sont bonnes, voire très bonnes mais je regrette l’absence de fin plus liée, comme dans Spirale.
Le manga est donc très bon, mais ne surpasse malheureusement pas Spirale, qui demeure le paroxysme de l’art d’Ito.
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Luciole21
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Re: Junji Ito: Tomie, Spirale, Gyo

Message non lu par Luciole21 » 23 oct. 2012, 19:29

http://www.manga-news.com/public/images ... tonkam.jpg

http://www.manga-news.com/index.php/serie/Black-paradox

Synopsis : Quatre personnes aux tendances suicidaires se rencontrent sur un site Internet, http://www.black-paradox.com. Il y a Marceau, une fille qui a peur de son avenir, Taburo, un homme qui voit son double maléfique dans la vie courante et se croit condamné, Peter, un étudiant dans une université technologique qui a créé un robot à son image et qu’il considère meilleur que lui sur bien des points, et Barati, une femme dont le reflet dans le miroir la pousse à mettre fin à ses jours. Ils décident de se retrouver tous les quatre pour en finir, mais sur le trajet, ils croisent leurs doubles dans la même voiture qu’eux...

On déconne pas avec Ito, aussitôt acheté, aussitôt lu ^^
Tout d'abord, ça fait plaisir d'avoir un aperçus des travaux "récents" de l'auteur, toutes les autres parut en France datant d'au moins 10 ans (Gyo, en 2002), et sur une histoire "longue" qui plus est.

J'ai été dans un premier temps un peu déçus, mais juste un peu, de voir que le trait de l'auteur n'avait absolument pas bouger, un peu de changement (tout en restant dans son style) aurait été le bienvenue. Comme on voit la différence avec le début et la fin de Tomié, j'aurais aimé qu'on voit celle entre les travaux de 2002 et ceux de 2009. On retrouve donc les graphisme habituel, que j'adore personnellement, et qui sont parfaitement maîtrisés.

On en vient au scénario. L'histoire ne manque pas d'originalité (l’imagination avant tout n'est-ce pas), elle nous offre une interprétation Itoyenne (il mérite son propre adjectif non ?) de la vie après la mort, et plus particulièrement du paradis et de la liaison de l'âme et du corps : nul glande pinéale, mais l'auteur nous livre quelque chose dans ce ton (influence cartésienne ? Ce serait le comble ^^), mais le tout demeure intéressant et on s'y immerge facilement. Les personnages prennent le temps d'être développés un minimum (un luxe que l'auteur n'offre pas toujours) et l'intrigue suit son cours avec régularité... Avec régularité ? Et bien oui, et c'est bien la le plus gros problème de ce one shot : il surprend peu. Je ne dis pas qu'il ne surprend "pas", j'aurais été bien en peine de deviner les retournement de situations, qui sont bien là, mais qui sont trop sages. L'horreur d'Ito à pour particularité de faire perdre tout ses repères au lecteur, de le mettre face à une insécurité absolue, et à le plonger dans l'inconnu, ou plutôt dans un quotidiens si emprunt de folie que les fondements les plus élémentaires de l'univers ne signifies plus rien. L'étrange est présent, mais la folie, celle qui d'habitude s'empare sans crier gare des parents, des enfants et surtout, de ceux que l'ont croyait les plus sains d'esprits, n'est que trop peu présente.
Pour conclure en une phrase sur l'histoire éponyme, un récit très intéressant et immersif, mais trop sage.

Le volume contient également deux histoires courtes (comme on n'en trouve dans dans les recueils de l'auteurs), dont une entièrement colorisé, bien qu'elle ne fasse que quatre pages. Elle sont assez anecdotiques, je vous laisse donc vous faire un avis en les lisant.

Pour finir, l'édition est de bonne qualité malgré quelques oublies de mots et autres tournures maladroites.

PS : J'ai vérifié, le site http://www.black-paradox.com n'existe pas :wink:
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Koiwai
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Re: Junji Ito: Tomie, Spirale, Gyo

Message non lu par Koiwai » 01 nov. 2012, 19:37

Black Paradox :

Possédant son cercle de fans, Junji Ito, maître nippon de l'horreur, continue d'imposer sa patte et de séduire ses plus fidèles lecteurs, malgré des oeuvres pouvant varier en qualité. Cette fois-ci, l'auteur revient avec Black Paradox, une histoire de 200 pages, soit bien plus longue que la plupart des récits de ce mangaka surtout connu et apprécié pour ses histoires courtes.

Tout commence pourtant comme une histoire courte : candidats au suicide s'étant rencontrés sur le site "Black Paradox", quatre jeunes gens se réunissent pour mettre fin à leurs jours ensemble. Marseau, jolie infirmière, s'inquiète sans cesse de l'avenir au point de ne plus le supporter. Baratchi ne supporte plus le visage défiguré que lui renvoie son miroir. Tableau est inquiété par les apparitions inquiétantes d'un sosie qui semble le haïr. Pitan, scientifique expert en nouvelles technologies, est sous le joug de son double robotisé.
Tout semble d'abord se dérouler normalement, les quatre suicidaires étant en route pour leur mort. Mais dans la voiture, le doute commence à s'installer chez Marseau : Baratchi n'a pas de reflet dans le rétroviseur. Quant à Pitan, il émet d'étranges bruits mécaniques... On devine rapidement où tout ceci va mener, mais le talent d'Ito est là : on retrouve son don pour croquer des personnages assez normaux, qui se voient déstabilisés par l'apparition d'événements inexplicables ou inquiétants. Tout se devinant rapidement et le surnaturel étant moins marqué, on ne pourra pas dire que ce premier chapitre est angoissant, mais l'ensemble s'inscrit dans la lignée des histoires courtes de l'auteur et est plutôt plaisant. C'est après que les choses se gâtent un peu.

Ayant survécu, nos quatre compagnons voient arriver face à eux des événements toujours plus étranges. Après être passé près de la mort, Pitan revient à la vie, comme ébloui par ce qu'il a vu de l'autre côté : un monde éblouissant, hypnotique, qui arrive bientôt dans le monde des vivants sous la forme d'étranges sphères faites dans un matériau inconnu, aussi dur que fascinant... Quel est exactement cet autre monde ? Que sont ces sphères ? Autant de questions d'abord inexplicables, qui font décoller dans un premier temps le récit dans la veine de ce que fait si souvent l'auteur : l'inconnu est bel et bien là. Mais l'effroi, non. Pourquoi ? Parce que loin d'être effrayés par ce qu'ils voient, d'être perdus face à ces événements incompréhensibles, les personnages finissent par se prendre de fascination pour eux. Les sphères captivent certains protagonistes, si bien qu'ils finissent par les rechercher. Ils sombrent petit à petit dans une chute psychologique, dans la folie, et c'est plutôt sur ça que joue ensuite l'auteur.

Dans les faits, pourquoi pas, car cela nous montre une autre facette de l'auteur. Le problème, c'est que plus l'histoire avance, et plus l'ensemble finit par tourner en rond et à mettre en avant les mêmes points, sans plus chercher à angoisser. Inconnus, l'autre monde et les sphères finissent petit à petit par se dévoiler un peu plus, tandis que les personnages chutent toujours plus. Mais au bout d'un moment, plus rien n'évolue, et l'on se contente de regarder les personnages devenir de plus en plus obsédés par ces sphères aux étranges propriétés, jusqu'à un final sans grande surprise, ouvert comme sait si bien le faire l'auteur. Mais après s'être trop étiré, l'impact angoissant n'est pas là. Le pouvoir d'attraction des sphères sur une humanité qui finit par être manipulée par celles-ci aurait pu offrir un final inquiétant, mais tombe finalement à plat, car Junji Ito, en rallongeant trop la sauce, a fini par oublier en route l'angoisse.

En somme, Black Paradox comporte de belles idées aussi étranges qu'inventives, qui finissent par s'étioler à force d'être étirées. Reste un récit globalement sympathique à suivre, qui renouvelle un peu la bibliographie du mangaka, mais qui ne restera clairement pas parmi les meilleurs d'un auteur qui ne révèle jamais mieux son talent horrifique que dans les histoires courtes.

C'est d'ailleurs une histoire courte qui arrive après, comme pour nous rappeler ce talent de l'auteur pour les récits courts. Le temps d'une trentaine de pages, "La Femme Langue" s'inscrit dans la droite lignée des nouvelles de l'auteur, en montrant des personnages tout à fait normaux soudainement confrontés à une situation inexplicable dont ils ne trouveront pas la solution : ici, une femme tuant les gens avec une langue très étrange et vraiment peu ragoûtante.

Quant à la dernière histoire de 4 pages, conçue pour présenter le site de l'expo Gifu 2105, elle vaut surtout pour le plaisir de voir le planches d'Ito colorisées.

Côté dessins, on a droit ici à du Ito assez récent, donc avec des traits plus maîtrisés, plus précis, plus fins que ce qu'il faisait par exemple au début des années 90. Mais ne comptez pas sur l'auteur pour trahir son style si caractéristique : on retrouve globalement les stéréotypes d'Ito, comme la belle brune aux longs cheveux lisses. Les silhouettes habituelles de personnages tout à fait classiques, voire "lambda", histoire de mieux faire ressortir les étrangetés qui apparaissent face à eux.

Côté édition, Tonkam s'est moins lâché que d'habitude sur la couverture, avec juste un vernis sélectif et un fond noir laissant deviner des silhouettes de corbeaux. Le rendu est sympathique. A l'intérieur, c'est le travail habituel : papier de bonne qualité, traduction de bonne facture où viennent juste pointer quelques fautes de frappe.
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Luciole21
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Re: Junji Ito: Tomie, Spirale, Gyo

Message non lu par Luciole21 » 07 janv. 2013, 13:15

Spirale - Intégrale :

« Je vais arrêter cette voiture rien que par la force de mon amour ! »
« Il y a des spirales…au fond de tes oreilles… »

Presque dix ans après sa première parution en France chez Tonkam, l’oeuvre phare du maître de l’horreur bénéficie d’une seconde édition en un unique gros pavé de plus de six cents pages. Il s’agit bien évidemment de Spirale, de Junji Ito.

Passée la magnifique couverture cartonnée, une édition irréprochable au papier glacé débutant par quelques pages couleurs s’ouvre à nous. L’unique reproche que l’on puisse faire à cette édition tient à un certain inconfort de lecture dû à la couverture rigide et au nombre important de page de l’ouvrage.

Kirié Goshima, personnage principal et narratrice omnisciente, débute son récit en surplombant Kurouzu, la ville ou siègera la folie, le chao et la désunion, la ville de la Spirale. Elle et son petit ami Shuichi vont être les témoins d’un phénomène qui débutera anodinement, presque invisible, avant de s’immiscer dans la vie de chacun et finir par prendre possession de la ville entière.
Un homme, le père de Shuichi, se comporte étrangement. Il passe ses journées enfermé dans une pièce dans laquelle il a amassé un nombre effarant d’objets en forme de spirale, et qu’il passe des heures à observer avec attention.
Une jeune fille tombe amoureuse de Shuichi et cherche par tous les moyens à attirer son attention, lui qui est le premier à repousser ses avances. Parallèlement, la cicatrice sur son front prend la forme d’une spirale, et croît de plus en plus.
Les cas se multiplient, toujours plus dérangeants, toujours plus fréquents, et plus rien ne semble bientôt pouvoir freiner l’influence de la spirale sur les habitants de Kurouzu.

Ces histoires plus ou moins indépendantes, qui finissent par se lier entre elles pour nous mener vers un final grandiose, sont avant tout des récits horrifiques. Des récits horrifiques, façon Junji Ito.
Le propre de l’horreur chez Ito est de nous proposer un environnement de base des plus sain et ordinaire. Dans ce lieu ordinaire, chacun est rassuré par la normalité environnante, par un cocon familial compréhensif et des amis dignes de confiance. Une fois ce décor posé, l’auteur entreprend d’y introduire une folie qui s’empare de ceux dont on est le plus proche, de ceux qui ont toujours été là pour nous orienter ou nous éduquer, et cela commence par la famille. Ito s’attaque aux repères les plus élémentaires et les plus solides que nous ayons pour les faire sombrer dans un gouffre insondable de folie irrémédiable, et c’est dans cette folie que notre inconscient, notre véritable « nous » se montre enfin à nu. L’unique entité intouchable est l’être aimé, que l’amour sauvera toujours des déboires que la spirale tente d’infiltrer dans son esprit.

Les dessins de l’auteur, uniques en leur genre, sont extrêmement fins et maîtrisés, ce que le grand format du manga met très bien en valeur. Ils parviennent à déranger le lecteur, non seulement par l’horreur qu’ils montrent, mais aussi par une façon de représenter les yeux et les expressions faciales détaillées et noircies des plus efficaces. Cette peur graphique, combinée à celle du scénario, crée immédiatement un sentiment de malaise chez le lecteur, une prouesse que l’auteur effectue d’ailleurs sans jamais (ou presque jamais) tomber dans le gore.

À la fin de l’ouvrage se trouve un essai d’un certain Masaru Satô, qui justifie à lui seul l’achat (et même le rachat) du manga. Celui-ci nous explique, pourquoi Junji Ito a écrit Spirale, ce que ce dernier à chercher à dire à travers son œuvre, et c’est criant de vérité. Selon lui, le manga à une vertu presque prophétique : il prévoyait qu’un jour, le capitalisme mènerai le monde à la catastrophe (c’est la crise actuelle). A travers un parallèle entre Spirale et le Capital de Marx, il nous explique que la Spirale EST le capital. Elle s’encre dans la société et obnubile un nombre toujours plus imposant de personnes de façon exponentielle, elle détourne des valeurs sentimentales et réelles, pour tout changer en données chiffrées, en résultats, en possessions. Le narcissisme et l’égoïsme se développent alors de façon irrémédiable, et le résultat, c’est notre société moderne (il prend l’exemple du Japon, mais c’est largement applicable à de nombreux autres états). Deux ans avant la parution de Spirale, en 1996, un certain Chuck Palahniuk publiait Fight Club ; en 2000, Frédéric Beigbeder publiait 99F. Spirale fait lui aussi partie de ces œuvres anti-capitalistes de la fin du vingtième siècle.

Un scénario aboutit et riche, une lecture à plusieurs facettes et des graphismes accrocheurs, le tout combiné à une horreur dérangeante et efficace, telle est la recette de Spirale. Non content d’être une référence en matière d’épouvante, ce chef d’œuvre de Junji Ito s’impose comme l’apogée de son art, un manga qui dans son genre, est tout simplement parfait.


J'aurais voulu mettre une phrase du type "Ito, que l'on savait être un excellent créateur d'histoires courtes, s'avère manier les récits plus long avec d'avantage de virtuosité encore". Mais une phrase dans la chronique de Koiwai si dessus m'en a empêché :mrgreen: Je ne suis pas d'accord avec lui sur ce point et techniquement je peux exprimer mon avis mais là, la contradiction était trop visible ^^
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Re: Junji Ito: Tomie, Spirale, Gyo

Message non lu par Koiwai » 07 janv. 2013, 14:16

Le truc, c'est que Spirale, de mémoire, ce n'est pas totalement un récit long, mais avant tout une succession de petites histoires ayant les mêmes héros et le même thème (un peu comme le Journal de Soichi ou Tomie), donc ça passe bien (même si dans mon souvenir Spirale finissait aussi par beaucoup s'essouffler... Il faudrait que je relise ce titre, qui reste mon premier Junji Ito...). Dans Black Paradox, Ito tourne beaucoup trop en rond. Pour me convaincre pleinement, ce récit aurait dû avoir les mêmes qualités qu'un Remina ou qu'un Gyô (d'autres récits longs d'Ito, que j'adore ce coup-ci, où l'auteur parvient constamment à faire avancer les choses et à se renouveler tout en plongeant toujours plus ses personnages dans la folie).
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Re: Junji Ito: Tomie, Spirale, Gyo

Message non lu par Luciole21 » 07 janv. 2013, 14:45

Spirale est en effet une une succession d'histoires courtes, mais le fil rouge est très visible d'une histoire à l'autre. Il y a sans arrêt une certaine continuité avant que les épisodes ne se suivent vraiment avant le final. Relis le, c'est génial ^^
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Re: Junji Ito: Tomie, Spirale, Gyo

Message non lu par Kiraa7 » 31 janv. 2013, 11:18

Le Tunnel

La folie Ito continue chez Tonkam après plus d'une dizaine de titres publiés et voici que l'année 2013 commence de toute grâce avec "Le Tunnel", une anthologie dont le nom nous fait frémir depuis quelques temps sachant qu'il était déjà inscrit sur les précédentes anthologies dans la catégorie des titres à paraître. Au programme, cinq nouvelles plus ou moins effrayantes publiées en 1997 à l'exception d'une datant de 1995.

La première histoire, et sans doute la moins passionnante, s'intitule "De longs rêves". Celle-ci nous entraîne dans un hôpital où un patient se rend souvent à cause d'évènements étranges : en effet, celui-ci voit ses rêves s'allonger au fil des nuits, lui donnant l'impression qu'ils durent des années ! Ne pouvant plus supporter ces affreux cauchemars, notre patient demandera de l'aide aux médecins afin d'analyser son étrange maladie...
Comme dit précédemment le recueil commence par l'histoire la moins accrocheuse : l'intrigue étant assez faiblarde ainsi que de véritables scènes d'horreur étant absentes, aucun frisson ne devrait vous traverser le corps. Ce n'est pas pour cela que l'histoire en devient mauvaise, loin de là, mais tout le monde sait qu'analyser les rêves est une mission difficile et Junji Ito n'aura peut être pas été le meilleur aventurier dans cette quête. Mention spéciale tout de même au charisme dégradant du patient où ici, on reconnaît tout le talent de l'auteur en tant que dessinateur.

La seconde, celle qui donne le nom à l'ouvrage, redresse complètement l'intérêt du recueil. Ito nous amène dans une peur que de nombreuses personnes ont du ressentir une fois dans leur vie, celle de s'aventurer vers un lieu inconnu et sombre, dont on n'est pas sûr de pouvoir sortir. Ainsi cette nouvelle nous narre l'histoire d'un jeune homme dont la mère fut morte après être entrée dans un tunnel à l'histoire des plus morbides. Quel secret renferme ce gouffre du diable ? Pour pouvoir répondre à cela il n'y a qu'une seule façon : pénétrer à l'intérieur, et aller jusqu'au bout.
Là où Le cirque des horreurs avait déçu en donnant le titre de sa plus mauvaise nouvelle au recueil, c'est avec grand plaisir qu'ici, l'ouvrage porte le nom d'un récit qui vaut le détour ! En mettant en scène un scénario presque probable, Ito nous captive du début à la fin avec cette histoire à vous faire frémir. Un très bon cru donc, chapeau bas !

On enchaine avec "Le buste de bronze", qui est également une très bonne nouvelle elle aussi ! Nous voici devant la vie quotidienne d'un village où commèrent quelques dames âgées sur la femme du défunt maire : en effet, celle-ci a fait hisser une statue en bronze à son effigie montrant une splendide créature, alors que pourtant cette dame est laide comme un pou. Mais comment cela se fait-il que les enfants jouant à côté de cette statue l'entendent parler ? Quel est le secret de cette femme et de son fidèle sculpteur ? Une bien étrange enquête se dresse devant vous...
Ah, quel plaisir de continuer avec une nouvelle toute aussi intrigante ! Voici sans doute une des meilleures histoires du recueil qui vous tiendra en haleine de bout en bout, l'envie de savoir ce que manigance cette vieille dame étant très présente. Bien que publiée deux ans plus tôt que les autres nouvelles constituant le reste du recueil, on voit qu'Ito était déjà un auteur au talent confirmé auparavant. Un régal donc !

En quatrième position se trouve "Les Noiraudes". Ici, on tend plus dans le fantastique que dans l'horreur même : rien de gore, rien pour faire spécialement peur, plus une histoire à faire réfléchir. Cette nouvelle nous amène à suivre un jeune homme qui se met à collecter des noiraudes, sortes de plantes noires à l'allure d'oursin qui flottent dans les airs. Cependant, ce qui fait leur spécialité est que lorsque vous les touchez, celles-ci parlent ! Plus précisément, elles empruntent la voix de quelqu'un et exclament ce que la personne a au fond de ses pensées. Et si cela vous arrivait, comment réagiriez-vous ?
Une bonne petite histoire en somme, qui nous fait un peu réfléchir à la manière dont on réagirait si l'on se trouvait face à cet incroyable évènement, où tout nos secrets seraient révélés au grand jour à quiconque souhaite capturer la noiraude exclamant votre pensée. Une idée intéressante, qui nous fait voir une narration différente de la part du maître de l'horreur.

Enfin, la dernière nouvelle revient vers les bases de l'auteur, avec un héros médecin lambda atterrissant dans un village pas comme les autres qui a l'air frappé par une malédiction des plus étranges. Pourquoi tout le monde se met à se vider de son sang puis à regonfler comme si de rien n'était et pourquoi chaque visage affiche un teint blanchâtre ? Mystère...
Le recueil se conclut donc par un récit efficace, pas forcément des plus originaux pour ceux ayant déjà lu les oeuvres antérieures de l'auteur mais dont la mise en scène a de quoi nous surprendre et nous intéresser du début à la fin. Une belle manière de conclure cet ouvrage donc.

Autant le dire tout de suite, nous avons bien là un des meilleurs recueil de l'auteur où les histoires se voient être d'une efficacité égale entre elles. Toujours en mêlant nos craintes les plus inquiétantes, ce recueil nous captive de la première à la dernière page sans laisser paraître un quelconque ennui, et cela fait diablement plaisir quand on sait que quelques nouvelles de Ito sont d'un niveau moindre face à d'autres. Tout est réuni donc pour séduire les amateurs de l'auteur et les néophytes seront tout aussi comblés par le talent déjà reconnu de l'auteur. Un met des plus savoureux donc !

Au niveau de l'édition, on voit que Tonkam tient toujours à coeur un des auteurs fétiches de leur catalogue avec un travail sur la couverture des plus remarquables et une édition en soi de très bonne facture. Cependant, deux petits points noirs sont à noter : la page 144 est constituée de plusieurs fautes un peu "simples" ("Comme si elle avalé" au lieu de "comme si elle avalait"...) et la côte du livre est un peu faible (du moins à mon goût), on remarquera qu'il manque d'ailleurs le petit logo de Tonkam, les collectionneurs trouveront peut être ça dommage, la chose faisant un poil "tâche" à côté des autres titres de la collection.
A part ceci, le tout est donc un ouvrage de qualité, en fond comme en forme, et il vous est recommandé de le lire de toute urgence !
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Koiwai
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Re: Junji Ito: Tomie, Spirale, Gyo

Message non lu par Koiwai » 06 juin 2013, 13:15

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Après une longue absence, Ryusuke revient dans sa ville natale, et cela ne l'enchante pas, car même s'il y retrouve son amie d'enfance et premier amour Midori, il garde surtout en mémoire une contrée quasiment toujours plongée dans le brouillard, où il a peur de voir ressurgir un souvenir d'enfance morbide et tragique.
Et ses craintes sont rapidement justifiées, quand il voit revenir en force une mode qui existait des années auparavant : les divinations de rue, où les gens attendent au coin des rues pour demander au premier passant venu des prédictions sur leur avenir amoureux. Déjà étrange à la base, cette pratique devient dangereuse lorsqu'apparaît dans les rues brumeuses de la ville un étrange jeune homme incroyablement beau, dont les prédictions toujours négatives poussent de plus en plus de personnes dans une folie suicidaire...

Plutôt habitué aux histoires courtes, Junji Ito nous livre avec Le Mort Amoureux l'un de ces quelques longs récits qu'on lui connaît, pour un titre qui vient donc s'inscrire aux côtés d'un Rémina, d'un Black Paradox ou même d'un Spirale. Et si l'on connaît les inégalités des récits longs de l'auteur, Le Mort Amoureux s'affiche assez facilement comme un titre maîtrisé dans ce genre.

En guise de récit long, Ito nous offre ici une succession de quatre chapitres où différentes petites histoires dans la grande viennent petit à petit accentuer les malheurs et le malaise de Ryusuke face à ces prédictions de mauvais augure et ce qu'elles entraînent : suicides de plus en plus nombreux, personnes qui en stalkent littéralement d'autres pour avoir des prédictions, apparitions fantomatiques dans les rues brumeuses... Tout naturellement, la tension monte donc, en insistant toujours plus sur la folie ambiante d'une population de plus en plus obsédée par les prédictions, ainsi que sur les mystères liés au passé de Ryusuke et à l'identité de ce mystérieux beau garçon aux prédictions fatalistes qui semble à l'origine de tout. Du côté de ces mystères, il n'y a pas de grandes surprises : le passé de Ryusuke est rapidement révélé, et c'est alors le beau garçon aux prédictions qui entretient le mystère tout au long du récit. Un mystère évidemment en lien avec notre héros, qui offre bien quelques petits rebondissements mais qui au final ne comporte pas vraiment de surprise, mais le principal intérêt de l'oeuvre n'est finalement pas là, mais dans le concept des prédictions.

En effet, sur cette simple idée des prédictions de rue, Junji Ito parvient à faire de très bonnes choses, car il exploite son idée à fond, sous tous les angles : tandis que le mystère s'épaissit autour du beau garçon aux prédictions, du brouillard dominant la ville et des étranges apparitions qui y ont lieu, Ito s'attaque tout autant à l'autre facette, aux personnes d'abord normales et qui sombrent petit à petit à force de se confronter à ces prédictions. On assiste donc à plusieurs cas différents : ceux qui en arrivent à se suicider, ceux qui se mettent à stalker les gens pour avoir des prédictions, les groupies qui se prennent d'une passion dévorante pour l'homme aux prédictions... tout est prétexte à faire sombrer peu à peu les gens, et l'on ne peut d'ailleurs s'empêcher d'y voir de la part d'Ito une sorte d'ironie, un humour noir extrapolant l'absurde d'une certaine réalité autour des suicides. Après tout, les suicides pour des raisons aussi ridicules qu'un vague amour ou qu'une passion pour des "stars" (ici, le ebau garçon aux prédictions) sont légion dans notre monde, surtout au Japon d'ailleurs, et voir l'auteur pousser ainsi la chose jusque dans ses derniers retranchements devient alors aussi malsain que ridicule, comme paré d'un humour très cynique.

Ce long récit s'avère donc prenant, même si l'on y retrouve l'une des tares de l'auteur sur certains récits longs (Black Paradox en tête) : une tendance à parfois perdre le rythme, à laisser un peu retomber la tension. Il y a clairement quelques longueurs dans ce Mort Amoureux, parfois un petit brin de lassitude face à quelques situations trop étirées, mais l'ensemble est rattrapé par une narration très claire, qui s'écoule logiquement (ce qui n'est pas toujours le cas chez l'auteur), peut-être même un peu trop logiquement tant on a plutôt l'habitude de voir Itô dans des narrations plus folles. Et c'est également la patte graphique de l'auteur qui rattrape certains défauts : on a droit ici à du Itô de 1996, donc à du Itô déjà assez élaboré, au trait précis, et capable de véritables prouesses. Ainsi, les expressions des personnages sont bien rendues, on ressent bien leur chute sur des visages de plus en plus creusés, les mines du beau garçon aux prédictions et des apparitions fantomatiques savent se faire inquiétantes, les rares touches de gore (on a connu Itô plus trash visuellement) sont plutôt correctes. Et, surtout, le brouillard de la ville, avec ses ombres difficiles à identifier et son côté poisseux, est parfaitement rendu et contribue grandement à l'ambiance.

Le Mort Amoureux est donc un bon cru. Junji Ito exploite à fond son idée, réalise quelques prouesses côté ambiance, dessins et humour noir, même si l'ensemble s'étire parfois un peu trop et manque un peu de folie par rapport à la plupart des autres titres de l'auteur. Ce qui, du coup, pour les néophytes d'Ito, en fait peut-être un très bon moyen de découvrir l'auteur un peu plus en "douceur".

Côté édition, Tonkam offre globalement du bon travail, surtout pour la qualité du papier et la couverture à relief. Il est juste dommage que quelques coquilles viennent se glisser dans le texte.
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Koiwai
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Re: Junji Ito: Tomie, Spirale, Gyo

Message non lu par Koiwai » 18 févr. 2014, 20:51

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Dans le premier quart du 19ème siècle, un homme du nom de Walton part en expédition au Pôle Nord. Son objectif : percer les secrets du magnétisme. Mais tandis que son équipage et lui choisissent finalement de faire demi-tour à cause des conditions climatiques, ils croisent la route de deux individus énigmatiques. L'un est un géant, parcourant la banquise en traîneau dans le brouillard. L'autre est au seuil de la mort, et poursuit un objectif bien précis : débarrasser la planète du monstre qu'il a créé. Il se nomme Victor Frankenstein, et il va conter à Walton son histoire, celle qui, à cause de son ambition scientifique démesurée, a vu tous ceux qu'il aimait disparaître...

Après six années de bons et loyaux services, l'anthologie Junji Ito, revenant sur les dix premières années de carrière de l'auteur, tire ici sa révérence. Et pour son ultime représentation, elle nous offre un récit assez différent de ceux auxquels l'auteur nous a habitués : en lieu et place des histoires courtes voyant l'inexplicable apparaître de façon horrifique devant les personnages, on trouve une adaptation de Frankenstein, le roman culte de Mary Shelley.

Le Frankenstein de Junji Ito se veut fidèle au roman original. On en retrouve toutes les grandes lignes, ainsi que certaines spécificités qui ont contribué à la popularité de l'oeuvre de Shelley, dont la mise en abyme narrative : un récit où Frankenstein raconte à Walton son histoire, une histoire dans laquelle le monstre qu'il a créé raconte lui-même son parcours après s'être échappé.
Celles et ceux qui connaissent le roman (tout le monde, espérons) n'auront donc aucune surprise... et les autres n'en auront que peu, l'issue de ce drame horrifique étant avouée dès le départ par Frankenstein. Ce qui doit alors retenir notre attention, c'est le talent, à la fois narratif et visuel, d'un auteur qui s'applique parfaitement à retranscrire l'ambiance lugubre de l'oeuvre originale. On a donc droit à un récit assez bavard, qui s'étire de la vie de Victor avant qu'il ne plonge dans son obsession scientifique jusqu'à l'inévitable final, et qui expose clairement chacun des principaux personnages de cette vie, de la belle Elizabeth promise à Victor jusqu'à l'ami Henri, en passant par le père, par la servante Justine, le petit William et, bien sûr, Victor et le monstre. Junji Ito procède méthodiquement afin de ne rien oublier, dépeint joliment les promesses d'une vie heureuse aux côtés d'Elizabeth, puis les ambitions de plus en plus démesurées de Victor, avant de croquer avec un certain effroi la création du monstre à partir des morceaux de cadavres, la peur qu'il crée bien malgré lui chez les autres, sa solitude, sa haine grandissante pour les humains, et enfin ses actes de vengeance morbide. Rien n'est oublié, et tout s'écoule avec fluidité.

Junji Ito ne tombe jamais dans la surenchère de gore, mais n'occulte pas pour autant l'horreur physique. S'il est capable d'offrir des planches très élégantes dans les moments plus calmes (surtout au début, donc), il offre aussi des choses crues dès que la situation le demande. Ainsi, la création du monstre voit Victor profaner les cimetières en déterrant les morts, scier les cadavres pour récupérer leurs membres... La chair en décomposition est bien là, les pages se veulent de plus en plus noircies, le visage de Victor de plus en plus marqué par ce qu'il a fait... L'ambiance est bel et bien là, de plus en plus sombre, poisseuse, étouffante, malsaine. On a un auteur au sommet de sa forme.

En fin de tome, vous trouverez également deux très courtes histoires (6 et 4 pages) : un récit de poupée morbide, et une histoire de caca très bizarre... Avant que l'auteur ne s'offre une délicieuse mise en scène dans sa postface.

Loin des récits horrifiques plus ou moins longs pour lesquels on l'a connu jusque là, Junji Ito s'offre donc ici une adaptation d'un célèbre roman particulièrement aboutie, assez bavarde et forcément peu surprenante, mais où l'auteur a l'occasion de prouver tous ses talents narratifs et visuels dans le registre de l'adaptation. Une manière convaincante et un brin originale de dire au revoir à l'anthologie Junji Ito... en espérant fortement que le mangaka ne sera pas oublié en France à l'avenir !




Bon, ben voila, l'anthologie Junji Ito, c'est fini :cry:

J'espère que l'auteur ne sera pas oublié et qu'il continuera d'intéresser Tonkam ou d'autres éditeurs français. Je rêve de voir sortir en français Yûkoku no Rasputin.
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