Mr Nobody

[Koiwai]

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Tome 1 :

"Et as-tu déjà croisé quelqu'un... capable de te prouver que tu existes ?"

Travaillant pour une agence de détectives, Kawai semble avoir de quoi tout réussir, puisqu'il est proche de se marier. L'homme en apparence assez sûr de lui est pourtant constamment hanté par des visions. Celles d'un match de baseball qu'il a autrefois perdu et dont il est le seul à se souvenir, et d'autres visions à l'origine plus incertaine... Sa mémoire lui joue des tours, et cela ne fait que commencer quand une mission l'emmenant au fin fond de la Russie prend une tournure aussi imprévue qu'inquiétante. Contacté par un étrange homme nommé Mr Nobody qui semble tout connaître de sa vie, le voici dans un motel russe avec trois autres gars e tune jeune fmeme qui ne comprennent pas totalement ce qu'ils font là non plus. Dans tous les cas, ils doivent exécuter la mission qui leur a été confiée : aller ouvrir le wagon d'un train en pleine nuit. Rien de plus simple, à ceci près que sort du wagon un homme qui les prend en chasse, tuant rapidement deux d'entre eux. Kawai arrive à s'enfuir avec la fille, mais les voici désormais au plus mal : piégé dans la Russie profonde, pris en chasse par des inconnus, ils n'ont aucune idée de ce qui se trame. Pourquoi veut-on les faire disparaître ? Qui est ce Mr Nobody qui semble si bien les connaître ?

Découvert avec plaisir en France il y a quelques années avec The Outsider et Kasane, Gô Tanabe revient enfin dans notre pays et reste dans le genre qui a fait sa réputation : le polar, sombre et inquiétant, plongeant doucement dans la part sombre et instable de l'humain.
On retrouve le ton typique de l'auteur, un ton ampli de mystères, d'informations jamais pleinement révélées, nébuleux, très nébuleux... à tel point que, pour l'instant, on a du mal à réunir tous les éléments mis en place. L'auteur nous balade, et joue d'autant mieux avec le suspense et avec les nerfs des personnages que tout reste pour l'instant une énigme, et que les interrogations autour des personnages abondent. Car que ce soit du côté de Kawai, de sa compagne d'infortune ou de l'autre homme parvenant à s'échapper de son côté, chacun semble cacher quelques secrets dont il n'a pas forcément conscience. L'un est rongé par des visions du passé qu'il ne comprend pas toujours, l'autre a été marquée par la soudaine volatilisation de sa mère, le troisième a autrefois commis l'irréparable... C'est bien sur ce point là que le mangaka brille le plus, en jouant sur l'une des plus terribles angoisses : celle de l'identité. L'impression de ne pas être vraiment maître de sa vie, de ne pas savoir exactement qui on est ou ce qu'on a fait, d'avoir l'impression d'oublier des choses... Kawai, lui, est constamment rongé par cette angoisse. Ce match de baseball qui le hante, l'a-t-il réellement vécu, étant donné qu'il est le seul à s'en souvenir ? Quant à la fille, comment expliquer la disparition de sa mère, qui n'a laissé aucune trace nulle part ? Pire encore, comment l'énigmatique Mr Nobody peut-il connaître tout sur tout de leur vie, alors qu'eux-même ont parfois l'impression de n'être personne ?

Pour appuyer l'angoisse que suscite son nébuleux récit, Gô Tanabe peut évidemment compter sur ses dessins très sombres et immersifs, portés par des visages marqués même si un peu inexpressifs, et par des décors omniprésent et très encrés. Dommage, par contre, que la narration et la mise en scène ne suivent pas toujours, la première ayant tendance à parfois passer du coq à l'âne, et la deuxième étant un brin confuse quand les choses bougent un petit peu plus.

Dès lors que l'on accepte le ton très nébuleux du récit, ce premier tome nous happe dans son ambiance angoissante, teintée de quelques mystères encore inexplicables. On lira la suite avec intérêt et curiosité.

[Koiwai]

Tome 2 :

Sommé de se rendre au fin fond de la Russie par le mystérieux Mr Nobody en compagnie de 4 autres personnes, Kawai a vu 2 d'entre elle abattues sous ses yeux, pendant que lui et la dénommée Nastasia parvenaient à s'enfuit de justesse. Désormais, il lui faut comprendre. Pourquoi l'a-t-on fait venir en Russie ? Pourquoi veut-on le tuer ? Comment Mr Nobody peut-il en connaître plus sur son passé que lui-même ? Le tome 1 finissait par jeter une voile de doute en plus quand apparaissait un tueur ayant exactement le me^me physique que Kawai...

Toujours pourchassé, notre détective remonte la pistes du wagon et finit par trouver une personne capable de lui en apprendre davantage sur cette histoire, sur lui, et sur un sombre passé secrètement caché au plus profond de la Russie et datant d'avant la chute soviétique. Cette rencontre est le point de départ d'une succession de révélations ayant lieu dans ce tome, si bien qu'arrivé à la fin de ce deuxième volume, nous avons déjà quasiment tout ce qu'il faut savoir sur l'identité (ou le manque d'identité ?) de Kawai, et sur ce qu'il est.

Après avoir entretenu le mystère autour de Kawai, après avoir plongé celui-ci dans de véritables troubles identitaires assez intéressants, Gô Tanabe décide de déjà apporter quasiment toutes les révélations, assez soudainement, sans plus jamais vraiment chercher à conserver l'ambiance mystérieuse du premier volume. C'est un peu dommage, car les révélations sont, à vrai dire, très banales et peu inventives, amenuisent clairement les promesses autour de ce héros psychologiquement rongé par les questions sur son identité, et arrivent beaucoup trop vite, un peu en bloc, donnant alors l'impression de saboter l'aura mystérieuse. Cette impression est renforcée par une narration et une mise en scène qui ne sont guère plus fluides que dans le premier tome.

Restent néanmoins ces dessins très encrés et sombres, mais surtout quelques éléments un tant soit peu prometteurs : l'énigme de l'identité de Mr Nobody, et les agissements de Kawai, de son allié et de Nastasia qui pourraient offrir une conclusion prenante.

[Koiwai]

Tome 3 :

La mission de l'inspecteur Mikhalkov piétine et voit sa fin précipitée quand il apprend que l'enquête a été subitement annulée, et de son côté Nastasia suit Jora en tâtonnant. Le plus proche de la vérité est finalement Kawai, qui, depuis qu'il a rencontré son sosie tueur, ne peut que se poser encore plus de questions sur son identité. Une seule personne pourra répondre à ses interrogations : Mr Nobody...

Commençant d'abord par brouiller un peu les pistes autour de Kawai et du tueur qui lui ressemble tant, Gô Tanabe nous perd volontiers entre deux personnages qui se confondent, au fil d'une narration dont on se demande souvent si elle est volontairement ou involontairement nébuleuse, avant de nous faire arriver jusqu'aux révélations finales tant attendues. Le laboratoire qui existait 20 ans plus tard, qui est exactement Mr Nobody, et, surtout, qui fut à l'origine Susumu Kawai : les réponses sont là... mais sont amenées sans grande saveur, pour certaines très rapidement, pour les autres beaucoup trop longuement au fil d'un long flashback dont on peine à saisir tout l'intérêt, tous les tenants et aboutissants. L'auteur, qui sur ses précédentes oeuvres n'était déjà pas un modèle de narration, se perd un peu trop dans ses propres explications qu'il semble vomir en bloc, sans subtilité et sans y dégager grand chose. Tout ceci camoufle finalement mal une histoire très banale, qu'on devinait assez vite et qui ne dégage que peu de tension, y compris dans son final rapide et sans panache, où l'on en vient même à remarquer l'inutilité flagrante de la plupart des personnages secondaires, qu'il s'agisse de l'inspecteur Mikhalkov, de Nastasia ou de Jora. La seule véritable qualité reste ce coup de crayon très ancré, sombre, offrant même quelques double-pages saisissantes.

Ni bon ni mauvais, mais simplement anecdotique et on ne peut plus banal dans son fond, Mr Nobody témoigne une nouvelle fois des qualités visuelles et défauts narratifs habituels de cet auteur.