Fatima Déesse de la Vie

Rubrique consacrée aux seinen, c'est à dire des séries se destinant à un lectorat adulte.
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Koiwai
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Fatima Déesse de la Vie

Message non lu par Koiwai » 24 sept. 2014, 17:31

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La fiche sur le site


Tome 1 :

Dans un monde désertique où l'eau est devenue une denrée rare, Fatima fait figure de bénédiction. Surnommée la Déesse de la Vie, cette femme centenaire mais toujours aussi jeune, muette et profondément énigmatique, détient le pouvoir de déceler les sources d'eau, ce qui lui vaut d'être précieusement gardée dans la ville de Chaouen par les intendants, qui se succèdent de père en fils. Désigné pour remplacer son père mourant au poste d'intendant de Fatima, le jeune Utarid est très vite confronté à des graves problèmes : la ville de Chaouen, qui possède le pouvoir absolu grâce à son contrôle des sources, attise les jalousies d'autres contrées, mais attire également la convoitise plus personnelle d'individus prêts à s'emparer de la Déesse pour s'enrichir. Quand Fatima est enlevée par un un bandit roux nommé Erik, Utarid se doit de retrouver ça trace, mais il n'est pas au bout de ses surprises, car d'autres dangers guettent sa ville, et la Déesse en personne risque de lui réserver quelques surprises...

Courte série qui est la première oeuvre reliée de la mangaka Raika Mizushima, Fatima Déesse de la Vie voit paraître simultanément les deux volumes qui la composent aux éditions Komikku, l'éditeur ayant par ailleurs décidé de chouchouter son nouveau bébé. Si la quatrième de couverture pourra laisser circonspect (quelqu'un peut me dire ce qu'est la "néo-fantasy" ?), on reste séduit par une édition française enrichie par rapport à l'édition japonaises : la couverture bénéficie d'un grand soin, les pages couleur de la prépublication nippone ont été reprises, et papier, impression et traduction sont franchement agréables. Mais une superbe édition ne peut occulter les défauts d'une série sans doute trop brève pour bien exploiter son univers.

Il y a pourtant, d'emblée, un certain charme qui se dégage du monde imaginé par l'auteure. Il faut toutefois passer des dessins dont les décors orientaux s'avèrent assez pauvres, lisses, très peu nuancés dans les teintes et dans les jeux d'ombre, pour découvrir un design des personnages assez plaisant dans son aspect élancé, surtout en ce qui concerne la fameuse Fatima, sublime créature dont les traits fins et les yeux perçants s'avèrent séduisants, ou en tout cas suffisamment séduisants pour que notre héros s'entiche vite d'elle. Il faut dire qu'en plus de sa beauté, la demoiselle, de par son mutisme, ses gestes gracieux, le fait qu'elle soit enfermée, son âge qui n'a pas prise sur son physique et les légendes négatives qui courent sur elle (quiconque l'approche trop voit sa vie écourtée, ce qui se confirme avec les différents intendants), dégage une forte aura de mystère et de fascination, autour de laquelle on attend des explications. Mais celles-ci arriveront-elles ?

Pas dans le tome 1, en tout cas, Raika Mizushima préférant très vite emballer son récit autour de l'enlèvement de la Déesse et de ce qu'il implique de menaces pour Utarid et pour la ville de Chaouen. Et les problèmes débutent par-là : tout va très vite, et sur le seul tome 1 on a le sentiment de passer à côté de beaucoup de choses dans cet univers qui mériterait un peu plus d'attardement. Le monde désertique et la ville de Chaouen sont à peine présentés, le rôle qu'aura Utarid en tant qu'intendant est vite passé en revue, certains ajouts plus futuristes (les engins volants du tout début) sont simplement aperçus et ne servent pour l'instant à rien, les quelques personnages secondaires comme Aicha manquent cruellement d'intérêt car ils sont mal (voire pas) introduits...
Arrivé à la moitié de la série, c'est l'impression d'un univers plein de charme mais largement sous-exploité qui domine, impression renforcée par des événements peu immersifs. Attention, le rythme est bien au rendez-vous, et quelques surprises sont là du côté des décisions qui se profilent chez Fatima, mais globalement on peine à s'intéresser aux tourments liés au passé dramatique de la Déesse qui sont trop vite expliqués, à l'action qui manque de punch et est peu limpide, aux quelques drames qui auraient pu être forts s'il n'étaient pas expédiés en quelques cases (sur le coup, votre serviteur n'avait même pas compris qu'un certain personnage était mort, c'est dire), aux agissements d'autres ennemis qui sont eux aussi trop vite mis en place.

Pour apprécier le titre, il faudra donc passer outre de nombreuses carences dans les dessins, l'univers et le déroulement de l'histoire. Si vous y parvenez, vous découvrirez une lecture qui ne vous marquera sans doute pas, mais qui révèle un certain charme dans ses connotations orientales et fantastiques et dans son envoûtante héroïne.
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Koiwai
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Re: Fatima Déesse de la Vie

Message non lu par Koiwai » 29 déc. 2014, 14:13

Tome 2 :

L'armée d'Areg a envahi la cité de Chaouen pour s'emparer de la déesse Fatima, mais celle-ci a déjà été kidnappée par quelqu'un d'autre : Erik, brigand qui ne laisse pas la déesse insensible, car il ressemble trait pour trait à un très ancien amour...
Fait prisonnier par la Princesse d'Areg Rachid alors qu'il revenait tout juste dans sa ville, Utarid est chargé par celle-ci de retrouver Fatima, sans quoi le saccage de la ville et de ses habitants reprendra. Accompagné de deux sbires de Rachid, le jeune intendant se met en route, mais il n'est pas au bout de ses peines, car les retrouvailles avec la déesse risquent fort de provoquer d'autres drames...

Après un premier volume à l'ambiance intéressante mais où le fond peinait à décoller, la suite et fin de Fatima Déesse de la Vie fait réellement décoller les choses, en enchaînant des rebondissements suffisamment bien huilés pour capter l'attention. Avec des événements comme ce qui se passe à Taza (où tout est trop rapide) ou l'arrivée de la Princesse Lulu (qui semble sortir un peu de nulle part), on reste clairement sur des rebondissements assez artificiels, mais ils ont le mérite d'arriver au bon moment et, surtout, d'offrir malgré tout des pistes intéressantes, comme la traite des blancs à Taza, ou l'ambivalence de chacune des villes en guerre, qui souhaitent simplement s'emparer de la déesse pour survivre. Suite à quoi la cité de Chaouen, qui a toujours égoïstement monopolisé la déesse pour son compte, se voit grandement nuancée.

Mais ces nombreux événements sont surtout un excellent moyen pour Raika Mizushima d'approfondir un peu plus ses personnages. Tandis que l'on découvre mieux l'ancien amour perdu de Fatima, ce qu'elle ressent pour Erik et le bon fond que pourrait cacher le brigand, on découvre ou retrouve également avec plaisir des personnages secondaires comme les deux sbires de Rachid ou la petite Aicha, et l'on suit avec intérêt le ressenti de la princesse d'Areg ou de la princesse Lulu, bien que cette dernière soit expédiée. Surtout, c'est évidemment Utarid qui est le plus intéressant, partagé entre son désir de protéger sa ville et l'égoïsme que celle-ci a pu montrer, et tiraillé entre son amour impossible pour la déesse, le fait qu'il devra peut-être la tuer si les choses tournent trop mal, et sa prise de conscience de tout le mal que les siens lui ont fait par le passé.

La fin de la série se révèle alors riche de sens, avec une sorte de rédemption humaine plutôt douce-amère et très bien tournée... qui, toutefois, n'occulte pas l'aspect très rapide de la plupart des événements, et la mise en suspens de ce qu'il advient de la plupart des personnages secondaires.

A la manière d'un contre des Mille et Une Nuits, ce sera donc au lecteur de combler certains trous au gré de son imagination. Comme beaucoup de contes, Fatima déesse de la vie occulte beaucoup d'éléments secondaires (au risque de frustrer), pour mieux se concentrer sur les principaux tourments de son récit, où la créature fantastique qu'est Fatima captive en étant l'objet des desseins d'hommes ni tout blancs ni tout noirs, chacun d'eux ayant une faute à réparer. L'impact visuel assez unique, où les décors bien présents mais toutefois trop lisses sont compensés par le beau design des personnages (l'élancée Fatima reste fascinante), contribue grandement à l'ambiance plutôt immersive.

Et pour profiter au mieux de ce conte aux notes orientales, nul doute qu'il vaut mieux lire les deux volumes d'une traite (le tome 2 compensant bien les lacunes du volume 1), d'où l'excellente initiative des éditions Komikku d'avoir publié les deux tomes simultanément !
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