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Les histoires courtes de Kazuo Umezu

Posté : 12 août 2015, 18:27
par Koiwai
Un topic qui sera consacré aux différents recueil de Kazuo Umezu qui seront publiés par Le Lézard Noir.

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La Maison aux Insectes
Pour beaucoup de ses congénères, il est le père fondateur du manga horrifique. Parmi ceux qui avouent son importante influence sur leur travail, on compte notamment Junji Ito, Junko Mizuno, ou même le cinéaste Kiyoshi Kurosawa qui signe la préface du présent album. Pourtant, jusqu'à présent, on ne connaissait en France que deux de ses oeuvres-phares, L'école emportée et Baptism, publiées chez Glénat il y a plusieurs années. Et il aura fallu attendre 8 ans après la fin en France de Baptism pour enfin redécouvrir Kazuo Umezu en France, grâce au Lézard Noir, qui, après cette Maison aux Insectes dont il est ici question, publiera au moins deux autres recueils de l'auteur dans quelques mois (Le Voeu maudit et Hebi Onna).

La Maison aux Insectes est un recueil regroupant 7 histoires parues au Japon entre 1968 et 1973. Après la préface de Mr Kurosawa qui contextualise idéalement ce que l'on s'apprête à lire, on découvre des récits dont l'horreur est bien différente de ce que l'on a l'habitude de voir. Ici, cette horreur se veut plus psychologique, elle se base sur quelques élans fantastiques et sur des drames réalistes pour pousser à l'extrême la folie qui s'empare des protagonistes. Et cette folie naît d'un élément commun à toutes les histoires : la passion. Ou, plutôt, l'obsession. Celle de cette femme qui, pour échapper à son mari violent, devient apparemment un insecte. De cet homme qui, après avoir tué son épouse infidèle et détruit son visage, a une peur constante de voir cette tête ressurgir soudainement dans sa nouvelle vie. De cette épouse idéale sous tous rapports qui passera pourtant sa vie à craindre que son mari n'apprenne qu'elle l'a trompé une fois. De cette femme obsédée par une vie ratée et qui espère pouvoir la revivre en faisant un autre choix amoureux plus réussi. De cet homme accusé à tort du meurtre de sa femme et de sa fille qui, la veille de son exécution, semble avoir droit à une nouvelle chance à la lueur d'une étrange bougie...

Quasiment toutes ces histoires ont pour point de départ des relations de couple négatives, que celles-ci soient forcées dès le départ, illusoires, ou vouée à être brisée par un drame alors qu'elle semblaient heureuses. Et aucune d'elles ne peut se targuer d'offrir une conclusion optimiste. A chaque fois, au fil des pages, les relations et les passions/obsessions s'avèrent destructrices pour celles et ceux qui les vivent, et ce sont elles, couplées à ces incursions fantastiques inexplicables, étranges ou inquiétantes, qui suscitent chez le lecteur une insondable angoisse.

Pour porter le tout, on peut compter sur la puissance du dessin d'Umezu, qu'on retrouve avec joie après ces huit longues années d'absence de publication française. Le trait épais et très sombre, avec ses forts aplats de noir, crée instantanément l'ambiance recherchée, comme dans la première histoire (celle qui donne son nom au recueil) ou le suffoquant aspect clos de la maison se ressent jusque dans les fenêtres qui ne laissent rien filtrer, pas même un rayon de lumière. Et le travail de mise en scène y répond brillamment. Par exemple, les zooms des la première histoire amènent forcément le lecteur à poser son attention sur un détail d'une pièce (comme le portrait de l'épouse), ou sur un regard qui en dit long (celui apeuré de l'épouse, ou celui colérique du mari). Et que dire de la dernière histoire, "La fin de l'été", dont les premières pages pourtant calmes, paisibles, mélancoliques sur la plage, affichent pourtant des élans d'inquiétude nous laissant attendre le pire pour la suite.

Il était temps qu'un éditeur s'intéresse de plus près à cet incontournable auteur qu'est Kazuo Umezu, et une nouvelle fois la bonne surprise vient du Lézard Noir, qui propose ici un premier recueil particulièrement réussi.