Levius

Rubrique consacrée aux seinen, c'est à dire des séries se destinant à un lectorat adulte.
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Koiwai
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Levius

Message non lu par Koiwai » 14 oct. 2015, 16:25

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La fiche sur le site


Tome 1 :

Première série de Haruhisa Nakata, Levius arrive en France auréolé d'une certains réputation due autant à son aspect esthétique qu'à son univers intrigant et à son format inhabituel pour un manga. En effet, l'oeuvre a dès le départ été étudiée pour avoir un sens de lecture occidental au Japon, ce qui se traduit également par des bulles à l'horizontale au lieu des traditionnelles bulles verticales. Ne vous offusquez donc pas de ce sens de lecture : c'est un choix délibéré de l'auteur et de son éditeur, comme expliqué dans une petite postface toutefois un brin pompeuse et prétentieuse ("la nouvelle norme manga mondiale", rien que ça...). Mais passons.

Après de superbes premières pages en couleurs aux teintes sépia qui nous plongent tout de suite dans une ambiance poisseuse et terne, Levius nous perd volontairement dans une première partie de volume posant peu à peu les bases. Ces bases, ce sont celles d'un monde aux influences steampunk où après une guerre, le monde a été entièrement refaçonné.
Tout d'abord, d'un point de vue géographique, ou noms et nations se sont remodelées. A ce titre, la carte présente en début de volume s'avère utile pour jeter les premières bases de ce monde que l'on devine clairement basé sur l'Europe, que ce soit dans la forme de certaines contrées et des océans ou dans leur nom.
Ensuite, au niveau des conditions de vie, où un nouvel art martial est né en puisant sa source dans les nouvelles technologies mécaniques mises au point. Cet art martial, la boxe mécanique, voit s'affronter en arène, souvent jusqu'à la mort de l'un des deux, des combattants qui ont été dotés de membres mécaniques. Ces "améliorations" par les machines peuvent aller très loin.

C'est dans ce contexte que nous voici plongés aux côtés de Levius, jeune garçon vivant de ces combats mécaniques et ayant de telles prédispositions dans cet art qu'il est très bien classé. Mais Levius est également un garçon terne et peu bavard, bien difficile à cerner pour son oncle et coach Zack et pour sa grand-mère. Et dans le genre étranges et mystérieux, ces deux derniers ne sont pas en reste, puisque le premier a parfois des comportement un peu excessifs ou peu ragoutants (il n'hésite pas à péter quand ça lui chante, par exemple), et que la deuxième semble avoir un bizarre capacité de communiquer avec des êtres non-humains, voire à prédire certaines choses.

Toute la première partie du volume nous immisce en plein coeur de cet univers et aux côtés de ces personnages en jouant volontairement la carte du flou. Pendant les premiers chapitres, on se contente de suivre ces personnages un peu moribonds et peu explicites, ou d'assister à un combat de boxe mécanique de Levius, sans cerner grand chose. Ce n'est que petit à petit que les choses se dévoilent, que l'on en apprend plus sur le passé de ce monde qui a été dévasté par la guerre, sur l'enfance et les traumatismes de Levius, sur la manière dont son oncle et sa grand-mère l'ont accueilli, sur la naissance, les spécificités et la hiérarchie de la boxe mécanique... et le résultat est excellent, tout simplement parce que cette narration qui ne dévoile d'abord les choses qu'à petites doses et qui peut paraître faussement confuse nous plonge à merveille dans cet univers peu accueillant où il est difficile de trouver ses marques, et se fait un parfait écho de la propre absence de repères du personnage principal. Un abord original et pleinement immersif, qui peut demander au départ un petit effort, puis qui révèle vite son efficacité si tant est que l'on accepte le parti-pris.

Le parti-pris est également visuel, et là aussi Haruhisa Nakata offre un rendu qui ne plaira pas forcément au premier abord, mais qui s'avère très vite saisissant.
Cela, on le doit en premier lieu à une gestion des décors très intéressante, l'auteur y mettant souvent un effet de flou numérique déstabilisant et réussi. En plus de permettre une mise en avant spécifique d'éléments importants en jouant sur la profondeur de champ, ce parti-pris accentue cette ambiance de perte de repères et, en quelque sorte, de déshumanisation de la terne cité. On ressent notamment très bien cela lors de certaines planches, de certaines cases, par exemples celles où Levius court dans des rues et une foule troubles.
Du côté des scènes de boxe mécanique, Nakata délivre des scènes qui ont besoin de gagner en lisibilité, mais qui délivrent déjà un certain dynamisme, notamment grâce à des angles de vue souvent audacieux et soulignant la rage des combattants (à titre personnel, certains angles de vue m'ont rappelé un peu Ping Pong de Taiyô Matsumoto).

Au fil de tout cela, un réel travail psychologique est effectué sur Levius, qui ne se livre que par petites touches. Nakata offre régulièrement une narration au plus près de son héros, pour mieux nous permettre de le cerner, et pour intriguer toujours mieux autour de lui. Car au bout du compte, au-delà des combats de boxe mécanique, ce sont aussi de nombreuses interrogations qui s'immisce doucement, autour des facultés de Levius au combat, du destin auquel il semble promis, des étrangetés liées par exemple à sa grand-mère, de ce que permet la mécanisation des corps permet... Tout un univers se pose et intrigue.

Audacieux et original, Levius vaut sans nul doute le coup qu'on s'y intéresse, qu'on l'essaie au moins. Son univers étrange, immersif et fascinant n'attend qu'à être exploré, en même temps que son personnage principal. L'édition proposée par Kana est portée par un grand format vraiment très utile pour profiter au mieux du travail visuel de l'auteur, par une traduction sans fausse note, et par 'excellente qualité des premières pages en couleur. Dommage, par contre, que l'encre bave un peu sur certaines pages, et que le papier soit si fin.

Notons qu'au Japon, la série s'est arrêtée après trois tomes dans le magazine Ikki de Shôgakukan, pour se poursuivre chez Shûeisha dans le magazine Ultra Jump.
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Koiwai
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Re: Levius

Message non lu par Koiwai » 17 mars 2016, 10:30

Tome 2 :

Contre toute attente, Hugo, prétendant au combat de qualification pour le niveau I, a été réduit en pièces par son adversaire de dernière minute, l'énigmatique A.J.. Face à la situation, Levius ne peut s'empêcher d'intervenir pour sauver ce qu'il reste de Hugo, mais se fait lui-même mettre hors d'état de combattre par cette belle et mystérieuse jeune fille qui, dans la foulée, glisse toutefois à notre héros ce qu'il entend comme un appel à l'aide. Tandis qu'il se réveille d'un opération délicate et qu'il retrouve un Hugo en bien piteux état, Levius apprend qu'A.J., qu'il devra donc affronter pour le combat de qualification, fait partie d'Amethyst, groupe industriel de guerre considéré comme un sauveur lors de la dernière guerre, mais que le jeune homme hait de tout son être...

Si l'on excepte les toutes premières pages et les dernières qui entament efficacement le combat de qualification, ce deuxième volume s'avère plus calme que le premier et sert surtout à approfondir certaines bases de l'univers. Ainsi l'occasion nous est-elle donnée de voir jusqu'où peuvent mener les combats de boxe mécanique, que ce soit à travers le sort de Hugo qui ne ressemble plus à grand chose pour l'instant, où celui d'A.J. que Levius est amené à retrouver à se rendant là où elle se trouve, chez un certain Clown Jack Puting, représentant d'Amethyst. Et l'on peut dire sans problème que Haruhisa Nakata expose à merveille tout cela. Le lecteur a tout le loisir de cerner l'aspect inhumain qui se cache derrière le populaire sport, tandis que les secrets cachés derrière celui-ci et derrière la puissante entreprise Amethyst ne manquent pas d'intriguer en annonçant des enjeux plus grands qu'il n'y paraît et qui ne font que se confirmer par la suite, avec les nombreuses explications de Bill sur l'enjeu crucial qui se cache derrière le futur combat entre Levius et A.J..

Le style graphique de Haruhisa Nakata, lui, continue de se bonifier, avec des angles de vue audacieux, des éléments de mise en scène brillants par moments, la symbolique autour des yeux d'A.J. témoignant de sa perte d'humanité de plus en plus prononcée... On note également que les nombreux effets de flou du premier volume sont utilisés de façon plus discrète ici, mais de manière peut-être plus pertinente.

Haruhisa Nakata ne s'écarte pas de sa trame, qu'il développe et dont il distille les enjeux habilement, si bien qu'arrivé au bout du tome, on a particulièrement hâte de lire la suite, que ce soit pour les enjeux personnels autour du possible sauvetage d'A.J., ou pour les enjeux beaucoup plus grands autour d'un possible retour à la guerre...
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Re: Levius

Message non lu par Koiwai » 18 mars 2016, 15:22

Tome 3 :

Au sein de l'arène accueillant le duel de qualification pour le niveau I et entourée de deux gigantesques statues à l'effigie des combattants, Levius s'apprête à affronter la belle et redoutable A.J., pion d'Amethyst, jouet du perfide Clown Puting, et ayant pourtant supplié notre héros de lui venir en aide... Le combat qui s'apprête à avoir lieu s'annonce donc intense sur le plan personnel pour les deux adversaires, mais aussi sur un plan plus large, car au vu des plans d'un Puting déterminé à faire de Levius sa nouvelle arme, et des puissances s'agitant dans et autour de l'arène, le duel pourrait changer en partie la face du monde... et pas forcément en bien.

Le deuxième volume de Levius, finement ciselé, promettait un troisième tome mouvementé et doté d'enjeux de grande envergure. Cela ne manque pas, et Haruhisa Nakata mène son récit avec maestria en trouvant un brillant équilibre entre des passages d'action pure enlevés, agressifs et brillamment mis en scène où la tension va crescendo, et des révélations et rebondissements venant constamment entretenir le duel. Que ce soit via les révélations de Puting au sujet de la pauvre A.J. (qui confirme le statut antipathique du bonhomme et d'Amethyst, tout en approfondissant un peu le contexte de la guerre passée), ce qui se passe du côté de Hugo avec ce que ça implique pour Bill, ou les choix d'un Zack au bord de la rupture et dont on découvre certaines capacités, nombre d'éléments tendus apportent un rôle réel à chaque personnage, ont un impact saisissant sur le déroulement du duel, et accentuent encore la force d'une lecture difficile à lâcher avant la fin.

On peut dire que les choses sont rondement menées, et que les visuels de Nakata font tout pour servir le récit. Toute la thématique qui se développe autour des yeux et regards des personnages est saisissante, les plans larges stylisés succèdent aux vues rapprochées immersives, souvent agressives et parfois viscérales, les effets de flou s'avèrent joliment utilisés pour faire ressentir le dynamisme d'un geste ou la profondeur de champ... Il n'y a décidément pas grand chose à jeter, hormis quelques raccourcis sur certains événements, et l'on reste happé jusqu'à la fin de cette première partie... Première partie, oui, car Levius a beau se terminer avec son troisième tome, la saga n'est pas finie pour autant : en passant au Japon de l'éditeur Shôgakukan à Shûeisha, l'oeuvre a changé de nom et se poursuit désormais sous le titre de Levius Est, que l'on attend désormais de voir arriver en France, même s'il faudra sans doute être un peu patient. Mais au vu des ouvertures faites en fin de ce tome, on avoue que l'attente va être difficile !
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