Underwater

Rubrique consacrée aux seinen, c'est à dire des séries se destinant à un lectorat adulte.
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Koiwai
Rider on the Storm
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Underwater

Message non lu par Koiwai » 20 janv. 2016, 18:59

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Tome 1 :

Depuis la fin du superbe Mushishi en 2009, nous avions un peu perdu de vue Yûki Urushibara. Il faut dire que la mangaka n'est pas parmi les plus prolifiques : depuis la conclusion de Mushishi en 2008 au Japon, et avant le retour de sa série-phare en 2014 via de nouveaux récits, elle n'a signé qu'une seule autre série, à savoir Suiiki, un titre en deux tomes prépublié de 2009 à 2011, et que les éditions Ki-oon nous proposent ici de découvrir dans leur collection Latitudes sous le nom Underwater - Le Village immergé !

Un retour de l'auteure en France que l'on a longtemps espéré, et qui attire l'oeil dès le regard posé sur l'édition : grand format, couverture en embossage (reliefs/creux) dont les formes rappellent de l'eau, couleurs douces et hypnotiques, premières pages en couleur saisissantes... Couplés à une excellente traduction et à une très bonne qualité d'impression, il y a tout pour que l'on se laisse prendre par le nouveau récit paisible et poétique de l'auteure...

Ce récit, c'est en premier lieu celui de Chinami. Dans un Japon en proie à de très strictes restrictions d'eau, l'athlétique adolescente s'évanouit pendant un entraînement. Quand elle se réveille, elle semble néanmoins très loin de chez elle, sur les berge d'une rivière à l'eau très pure et attirante. Pour elle qui a à peine le droit de prendre des bains à cause des restrictions d'eau, ce lieu est aussi étrange que fascinant, et il est trop tentant de se baigner dans l'eau cristalline qui l'entoure. Mais une interrogation est forcément en elle : que fait-elle là ? S'agit-il d'un rêve ? Elle n'a pas trop le temps de se questionner, car son monde réel et contemporain finit par la rappeler.
Mais Chinami aura rapidement la sensation voire la confirmation qu'il ne s'agit pas d'un simple rêve, car dès que ses yeux se ferment, la voici replongée dans ce cadre naturel idyllique, dont elle va pouvoir découvrir toutes les richesses. En parcourant les lieux, elle finit par tomber sur un petit village, qui semble avoir été totalement déserté, sauf par deux personnes : Sumio, un mystérieux garçon de son âge, et un vieil homme du nom de Tatsumi avec lequel il vit. Elle prend contact avec, tout en se demandant toujours où elle est, et qui ces deux garçons peuvent bien être.
Mais son étrange et fascinante expérience de cet "autre monde" n'est que le point de départ de tout. Car en évoquant son rêve à ses parents et à sa grand-mère, Chinami va réveiller en eux les souvenirs secrets du passé...

Il paraît difficile d'en raconter plus sur l'histoire sans en dire trop. Car à partir de la "visite" de Chinami dans ce village, et de sa rencontre avec Sumio et Tatsumi, Urushibara va développer un récit où la découverte captivante de ce cadre va laisser place à une histoire familiale ancestrale aux élans dramatiques, où toutes les générations vont s'entrecroiser. Personnages du présent et du passé se mêlent, en même temps qu'époque moderne se mêle au lieu qui semble hors du temps, que le rêve se mêle à la réalité, et que le surnaturel fascinant de ce lieu et de mythes comme le dragon Ryujin se mêle au dur réalisme qui attend le village. Et la mangaka mène à merveille sa barque, tant tout s'entrecroise sans jamais choquer, tant les différentes facette de son oeuvre sont bien intégrées pour narrer une histoire qui laisse difficilement de marbre.

Il faut dire de Yûki Urushibara a toujours sa patte visuelle pour elle. Déjà fascinante dans Mushishi, elle l'est à nouveau ici. Son trait fin, ses nuances de gris, son utilisation intelligente des trames, son souci du détail sur les décors, sont autant d'élément qui accrochent le lecteur pour mieux le plonger à la découverte de ce village, de son environnement, et de son histoire. On retrouve le goût de l'auteure pour les détails à l'atmosphère à la fois mystérieuse et paisible voire relaxante, comme les dessins de l'herbe ou des feuilles bruissant au gré du vent, de l'eau de la rivière et de la cascade qui attirent irrémédiablement, de ce village typique avec son vieux pont... Les lieux emblématiques, comme cette cascade qui semble cacher bien des secrets et des légendes, où ce vieux pont, ressortent parfaitement et semblent constamment attirer les personnages et les lecteurs.
Exactement comme dans Mushishi, Urushibara se fait presque naturaliste dans sa manière dé dépeindre tout l'univers qui entoure ses personnages, et dans sa façon dont ce cadre naturel possède une influence forte sur les hommes qu'il accueille. Cela rappelle notamment les oeuvres de Daisuke Igarashi, dont Urushibara semble avoir été très imprégnée.
Un élément naturel, plus que tous les autres, témoigne parfaitement de cette impression : l'eau, évidemment. A une époque où notre héroïne connaît de fortes restrictions d'eau au point de ne pas pouvoir prendre de bain comme elle le veut, son arrivée au bord de la rivière est salvatrice et nous rappelle à quel point cette eau a de la valeur pour la vie. L'eau sera ensuite omniprésente, notamment via la cascade, théâtre de nombre d'événements. Même bien qu'elle soit source de vie, cette eau peut être aussi source de disparition, que ce soit concernant les homme,s ou concernant le village lui-même...

En somme, le retour d'Urushibara dans nos contrée ne déçoit aucunement et captive dès les premières pages. L'auteure écoule son récit avec maestria, nous invitant à y plonger au plus profond. Laissez-vous donc immerger, vous ne devriez pas le regretter.
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