Une petite synthèse de mon avis sur Berserk.
Accrochez-vous, ça égratigne (et c'est un peu long)
Berserk est une série pour laquelle j'ai de plus en plus de mal à conserver mon engouement.
Si j'aime beaucoup son côté épique et sa caractérisation (pour Guts et Griffith principalement, parce que les autres personnages ne sont guère gâtés), je trouve qu'elle est victime de son succès et traîne en longueur sans apporter beaucoup de réponses à propos de personnages introduits très tôt (le skull knight, Zodd l'immortel).
Je trouve aussi les combats très peu lisibles, tant les cases sont chargées en lignes de vitesse.
Clairement, pour moi, la série a donné ce qu'elle avait de meilleur pendant la période de la troupe du faucon.
Découverte par le biais du scantrad, sa relecture au fil de la sortie des volumes m'est aujourd'hui très pénible, la palme étant décernée sans problème à l'insupportable volume 15 truffé des âneries de Puck censées soulager la tension dramatique.
La qualité de l'adaptation est très discutable. Je ne parle pas une goutte de japonais, mais je suis capable de reconnaître une phrase française bancale, et malheureusement, cela arrive trop souvent dans la version de Glénat.
Il y a deux ans, j'aurais été dithyrambique à l'égard de Berserk, car je le reconnais, son exploration de la noirceur est intense. Le fait d'infliger au héros tant de blessures aussi bien physiques que psychologiques me coupe le souffle, mais parallèlement, les autres paraissent bien fades. Par exemple, Casca était pour moi un personnage à fort potentiel, et j'estime que Miura l'a "stupidement gaspillé" en la faisant régresser à l'état de débile profonde tout juste capable d'articuler "ga gouuuuuuuu". Le cliché du sacrifice de la belle, même s'il était en germe depuis longtemps, est mis en scène comme un pauvre hentai. Casca méritait mieux que de se faire ravaler au rang de sidekick dont le viol alimente la machine à fantasme du lecteur.
Leur interaction est d'ailleurs devenue totalement accessoire : on voit Guts tenter de l'approcher à quelques reprises, elle panique, le rejette ; puis quelques temps plus tard il réessaye, ça foire de nouveau donc on a compris et il met ça de côté.
À partir de là commence la quête de vengeance de Guts qui (à mon sens) perd peu à peu de sa substance en virant au feuilleton à rebondissements : on voit du pays, des apôtres, du sang qui gicle, des beherit en goguette et des innocents massacrés. Guts casse du monstre et se fait légèrement vivisectionner au passage puis il poursuit son chemin. Il donne l'impression d'avancer au hasard, sans itinéraire précis et la marque du sacrifice qu'il porte lui assure 100% de satisfaction en matière de monstruosités insectoïdes et autres aberrations sorties tout droit des cartes du monde de l'époque des grandes explorations.
Comme dans One Piece (premier exemple qui me vient à l'esprit) on connaît sa situation de départ et le but qu'il veut atteindre, mais les péripéties pour y parvenir sont multipliables à l'infini et, dans une certaine mesure, interchangeables.
Dans le cas de Berserk, ça me gêne parce que les combats ne présentent pas d'enjeu : on sait que Guts va gagner à la fin même s'il va s'en prendre plein la gueule et, pire encore, ils ne lui apportent rien qui lui permette de progresser. Et s'il s'agit d'une entreprise d'éradication des apôtres, la mener de cette manière ressemble fort à une tentative de vider l'océan à la petite cuiller.
Mais en attendant, dès qu'un bout de tentacule se pointe, on sait qu'on est reparti pour 4 ou 5 chapitres qui comportent invariablement les mêmes ingrédients :
face à face avec échange de provocations
engagement du combat
première blessure
commentaires des spectateurs
retour au combat
deuxième forme de l'adversaire, nécessairement plus puissante
mise en mauvaise posture du héros
victoire à l'arraché
Puis hop, un pansement, un Mars et ça repart parce qu'au village suivant c'est aussi le bordel.
Le meilleur exemple est d'ailleurs l'arc des
Enfants perdus qui ne sert strictement à
rien d'autre que voir Guts découper de la viande en faisant semblant de ne pas venir en aide à une pauvre ch'tiote
Rétrospectivement, je n'accroche pas aux nouveaux membres du groupe.
[spoiler]L'adjonction de Farnese et Serpico ne m'a pas convaincue, et je ne parle même pas des gamins qui arrivent par la suite et sont bien plus synonyme d'emmerdements supplémentaires que d'aide concrète dans la poursuite des buts de Guts.[/spoiler]
La dynamique dans laquelle est le manga depuis 3 ou 4 volumes (je parle de la parution au Japon) me fait le même effet que les derniers albums de Thorgal : on nous raconte une péripétie pas désagréable en elle-même qui nous fait nous demander, une fois conclue, en quoi elle a servi l'intrigue principale.
S'il y a toujours des temps forts [spoiler](comme l'entrée en possession de l'armure du berserker)[/spoiler] je trouve que les évenements périphériques qui les accompagnent leur font perdre de leur saveur, comme une sauce trop délayée.
Alors, OK, Miura s'est énormément amélioré en dessin, en découpage, tout ce qu'on veut, mais si Berserk m'a plu au départ, ce n'est certainement pas pour ses combats. Et si le scénario se résume maintenant à les enfiler comme des perles sur un collier après avoir planté un décor, il ne m'intéresse plus.
Par contre, j'ai toujours envie d'en apprendre plus sur la nature supposée surhumaine de Guts, sur le rôle précis de Zodd et l'influence de la God Hand, sur la nature et les motivations du chevalier Crâne et, de manière générale, sur les lois du monde dans lequel ils vivent. Là est la richesse de Berserk, et il me tarde de la retrouver.