Oeuvres de Kazuichi Hanawa

Rubrique consacrée aux seinen, c'est à dire des séries se destinant à un lectorat adulte.
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Koiwai
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Oeuvres de Kazuichi Hanawa

Message non lu par Koiwai » 03 janv. 2010, 00:52

Contes fantastiques
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La fiche sur Manga-news


En France, avant que les éditions Kana ne s'y intéressent, nous connaissions déjà Kazuichi Hanawa pour ses ouvrages Avant la prison (malheureusement stoppé en cours de route par l'éditeur français), Dans la prison, Tensui et la Fille Fantôme. Avec Contes fantastiques, l'éditeur belge nous propose un deuxième recueil de contes de l'auteur, après les Contes du Japon d'autrefois, ce dernier ayant toutefois été, chronologiquement parlant, réalisé une vingtaine d'années plus tard. En effet, Contes fantastiques, qui date de 1979, est l'une des premières oeuvres de l'auteur, et cela se ressent fortement dans sa qualité.

L'auteur revisite ici plusieurs contes populaires japonais pour enfants en leur offrant une teinte plus adulte. Les différents contes repris n'ont pas grand chose à voir les uns avec les autres, si ce n'est qu'ils datent tous de la période Heian, qui s'étendit de 794 à 1185. On y retrouve donc de célèbres histoires comme le conte du coupeur de bambous et l'histoire d'Urashima Tarô.

L'ambiance fantastique de ces contes est là, et à celle-ci viennent s'ajouter un aspect volontairement plus grotesque et horrifique qui, malheureusement, a toutes les peines du monde à convaincre, la faute à une narration plate et à un style graphique qui, tout aussi réussi soit-il, ne colle pas du tout au côté "conte". De plus, on notera tout de même que le style graphique accuse son vieil âge et le manque d'expérience de l'auteur à l'époque, le tout étant parfois inégal et manquant cruellement de dynamisme. A tout ceci vient s'ajouter parfois une note d'humour mal intégrée qui finit de casser le rythme.
Au final, il se dégage de l'ensemble une certaine confusion et un côté très poussif qui donnent régulièrement envie de lâcher prise, et qui rendent les différents récits désespérément fades.

On aurait pu se consoler en se disant que l'on a ici l'une des premières oeuvres d'un auteur atypique, et que l'on y découvre ou redécouvre par de manière certes détournée des célèbres contes japonais, mais même pas, la faute à l'édition: figurant pourtant dans la collection Sensei de l'éditeur, censée nous faire découvrir de manière pertinente des titres aux sources du manga et/ou ayant été des sources d'inspiration par la suite, l'ouvrage se paie le "luxe" d'être totalement dépourvu de clés et de notes de lecture qui auraient pu (qui auraient dû) nous faire apprécier au mieux le titre. A cet aspect gênant viennent s'ajouter une traduction pataude et une qualité d'impression très discutable.

Au final, Contes fantastiques est un titre assez peu intéressant dans son fond, mais qui aurait pu avoir un intérêt si l'édition française médiocre ne l'avait pas enfoncé encore plus.
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Koiwai
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Re: Oeuvres de Kazuichi Hanawa

Message non lu par Koiwai » 23 nov. 2013, 16:35

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Si Kazuichi Hanawa a déjà vu publiées en français plusieurs de ses oeuvres, nous offrant ainsi un joli panel de la variété que l'auteur a acquise au fil des années, il manquait pourtant toujours dans notre langue une époque-charnière dans la carrière de l'auteur. Le mal est désormais réparé grâce au Lezard Noir, qui nous amène sur un plateau la Demeure de la Chair, un recueil d'histoires courtes datant toutes du début des années 70, au début de la carrière de Hanawa, à l'époque où il exerçait plutôt dans le genre spécifique de l'eroguro.

C'est donc du Hanawa très ancien que l'on découvre ici, et cela se ressent bien pendant la lecture, où l'on découvre de nombreuses histoire courtes pas très profondes et qui donnent parfois l'impression de ne pas être totalement abouties, mais qui ont toutes pour intéressant point commun de mettre en scène des femmes qui, pour une raison ou une autre, vont sombrer, voire faire sombrer avec elles d'autres personnes. Humiliées, torturées, séquestrées, contraintes de s'abaisser aux pires horreurs pour s'en sortir, jouets du destin ou de conflits autour d'elles... Autant de situations coinçant les femmes dans diverses formes de malheur : envies de vengeance les poussant à laisser exploser leur cruauté et parfois à s'enfermer dans une spirale infernale, chute psychologique, mort annoncée avec impossibilité de s'échapper... S'il n'y a finalement rien qui apparaît unique puisque bon nombre de titre eroguro disponibles en France ont réutilisé ces recettes depuis, il faut souligner l'imagination d'un auteur qui, dès ses premiers travaux, a su varier constamment les situations qu'il mettait en scène, n'hésitant pas à aller assez loin en narrant tortures, humiliations et actes sadiques de façon assez poussée, sans pour autant tomber dans la gratuité visuelle, et également en distillant plutôt habilement de petites notes d'humour noir.

Il se crée entre le contenu des histoires et le style graphique un certain contraste, l'aspect cruel ou horrible de ce qui se joue étant montré via un trait fin, plutôt élégant, et pas profondément voyeuriste, même s'il est très imparfait. On peut notamment souligner l'incapacité de l'auteur à créer des visages effrayés ou qui souffrent réellement. Par contre, de nombreuses planches sont là pour témoigner d'un talent de composition déjà brillant à l'époque, à l'image des illustrations d'ouverture de plusieurs chapitres.

Les dernières pages, quant à elles, mettent de côté ce type d'histoires cruelles pour plutôt présenter des petites histoires de monstres japonais, tout à fait sympathiques.

La Demeure de la chair accuse son âge mais témoigne d'une belle inventivité d'un auteur qui, dans un genre s'apparentant à l'eroguro, semble avoir vite trouvé sa marque, en mettant bien plus en avant la cruauté qui ressort de ses personnages ou qui s'abat sur eux, plutôt qu'une représentation poussée du sexe déviant ou du gore.
Pour en profiter pleinement, il faudra plutôt prendre le livre comme un objet de curiosité et de découverte autour d'un auteur culte. Et pour apprécier au mieux cela, on peut compter non seulement sur une excellente préface de la traductrice Miyako Slocombe, mais aussi sur un texte de Hanawa lui-même. La lecture de ces textes permettent d'appréhender réellement la mentalité de l'auteur à l'époque, puis ses évolutions par la suite. Quant à l'édition avec couverture rigide et reliure de qualité supérieure, elle offre un beau cachet au livre.
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Re: Oeuvres de Kazuichi Hanawa

Message non lu par Koiwai » 23 nov. 2013, 16:37

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Plus connu pour ses contes folkloriques et mystiques, Kazuichi Hanawa nous a également offert des oeuvre autrement plus rélaistes et terre à terre. C'est le cas de Dans la prison, où l'auteur nous décrit pendant 230 pages les trois années qu'il a passées dans une prison de l’île nord d’Hokkaidô à partir de fin 1994 pour détention illégale d’arme à feu.

S'il est présenté comme une critique du système carcéral nippon, ce récit ne s'emporte jamais dans un registre dénonciateur, et préfère se focaliser sur la description du quotidien. De ce fait, l'oeuvre, fortement apparentée au gekiga, a de quoi décontenancer au premier abord. La première approche est difficile, car on ne sait pas trop sur quel pied danser, on ne s'attendait pas à un récit de ce type, où chaque élément de la vie carcérale est décrit avec moult précisions : les repas, les vêtements, le rangement des cellules, la vie en cellule individuelle puis en cellule collective, la présentation d'autres détenus parfois bien marqués (le fils à papa, le lèche-bottes...). L'auteur se veut très descriptif, enchaîne jusqu'aux moindres petits détails (les poils retrouvés par terre, par exemple), si bien qu'au bout d'un moment, après s'être habitué à ce parti pris ultra-descriptif, on aurait l'impression d'avoir vécu les choses avec lui, s'il ne se montrait pas autant capable de prendre lui-même du recul, de la distance.

Ainsi, tout y passe : les conditions de vie, les activités, la vie en communauté dans cette prison... Et étrangement, le ton reste toujours très calme, au point de paraître totalement neutre. Kazuichi Hanawa joue plutôt l'humilité, ce qui est conforté par un style graphique où il ne se met pas du tout en valeur, où il apparaît assez écrasé... Comme étouffé par la vie carcérale, peut-être ?
Pourtant, on se rend finalement compte que le ton adopté par le mangaka est sans doute le plus intelligent qui soit : en apparence neutre, le récit, de par ses nombreuses description, son compte-rendu ultra-détaillé de la vie carcérale, finit par faire ressortir le plus naturellement du monde l'autoritarisme du système carcéral nippon, à la règlementation extrêmement stricte au point d'être ridicule. Et quand viennent pointer au-dessus de cela des pointes d'ironie difficilement perceptibles au premier abord (quand le mangaka dit se réjouir de sa situation, par exemple), on se retrouve avec un récit d'une rare subtilité. Une subtilité bien cachée sous des atours plus austères, que ce soit dans ce ton ultra descriptif ou ce graphisme à vocation réaliste.

Dans la prison est donc une oeuvre tout d'abord difficile à appréhender, puis qui finit par révéler ses subtilités au lecteur attentif qui se sera laissé porter par cette immersion minutieuse dans un système carcéral nippon vivement critiqué sans qu'il n'en paraisse.

Côté édition, Ego comme X offre un travail de bonne facture : la traduction est très bonne, le papier épais et clair. Seules les notes de traduction pourraient en décourager chacun puisqu'elles sont toutes regroupées en fin de volume.
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