Collection "Classiques" de Soleil Manga

Rubrique consacrée aux seinen, c'est à dire des séries se destinant à un lectorat adulte.
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Wang Tianjun
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Re: Collection "Classiques" de Soleil Manga

Message non lu par Wang Tianjun » 14 sept. 2011, 21:36

Mon beau topic sur les classiques de Soleil a bien eu mal avec le crash T.T
(d'ailleurs le topic Soleil dans les news a mouru lui aussi... c'est une malédiction ! )
Bon, en attendant de passer aux chroniques des deux nouveautés que j'ai dévoré dans la soirée, revoilà les précédentes :

"Général Napoléon... J'ai remporté une bataille aujourd'hui."
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Le Rouge et le Noir
Fiche du titre

Après avoir entamé sa collection "Classiques" avec l'adaptation du Capital, les éditions Soleil récidivent en s'attaquant simultanément à deux chef-d'œuvre de la littérature française. Pourtant, qu'il semble difficile de trouver son public avec "Le Rouge et le Noir", titre qui aura fait frémir de nombreuses générations de lycéens, dont votre serviteur a fait partie, par sa relative complexité et son contexte historique très marqué. Comment peut-on d'ailleurs adapter un roman si riche en un manga de moins de 200 pages, sans dénaturer le récit ? Avant de se lancer dans les hostilités, l'éditeur nous prévient que ce titre n'a nullement l'intention de remplacer la version littéraire d'origine, mais au contraire d'inciter les lecteurs à se plonger dans le récit de Stendhal dans son ensemble. Le pari est-il réussi ?

Avant toute chose, établissons le synopsis de l'œuvre, bien que le terme ne paraisse pas très bien approprié devant un tel monument : Nous sommes au XIXe siècle, dans une petite ville de Verrières où vit un fils de charpentier, du nom de Julien Sorel. Passionné par le mythe de Napoléon, Julien rêve de se hisser en haut de la hiérarchie sociale, chez les puissants. Mais le rouge de l'armée ayant perdu de sa superbe, le jeune homme vise la voie du noir ecclésiastique. Recommandé par son mentor l'abbé Chélan, Julien se retrouve du jour au lendemain précepteur des enfants chez Monsieur De Rênal, maire de la ville. Son charisme et son intelligence seront rapidement remarqués et sollicités, tandis que sa beauté ne laissera pas indifférente Louise, la maitresse de maison. Julien comprendra alors son pouvoir de séduction et conquerra les faveurs de son employeuse, et que l'Amour pourrait bien être le sésame qui lui ouvrira toutes les portes vers la haute-société... à moins qu'il ne cause sa propre perte ?

Julien Sorel, l'archétype du protagoniste téméraire et ambitieux, aux qualités indéniables et au charisme certain : cela ne pouvait faire qu'un héros de manga idéal ! Malgré son aspect volontairement efféminé, sans doute pour s'attirer les faveurs du public féminin, force est de reconnaitre que le studio Varietty Artworks rend honneur à toute la complexité du personnage de Stendhal. Tantôt volontaire et opportuniste, son regard s'allume lorsqu'un chemin s'ouvre à lui, sans jamais fomenter de mauvais coups indignes à sa fierté; tantôt candide, sa jeunesse ressurgit lorsqu'il se retrouve pris au piège de l'Amour et dans de sombres complots. S'il faudra se replonger dans le roman pour saisir toute sa psychologie, l'essentiel est là, dépeint en quelques chapitres bien saisis. On regrettera en revanche l'inégalité des personnages féminins : si Mathilde offre quelques bons moments par son caractère égocentrique et passionné, Louise De Rênal ne dépasse hélas jamais le statut d'amante déplorée. Les autres intervenants secondaires sont quant à eux relativement basiques, tant dans leur expression que dans leur style : on reconnait aisément les méchants des gentils, les quelques retournements de veste s'exprimant jusqu'au physique.

Comparé au Capital, où il aura fallu inventer un scénario original, l'adaptation du roman de Stendhal pourrait sembler plus aisée : c'est là sous-estimer les nombreuses thématiques de l'oeuvre qu'il convient de mettre en lumière ! Le Pouvoir, la Religion, l'Amour, la Mort,... tout s'entremêle de manière très équilibré au fil des épisodes. Il ressort de cette adaptation japonaise une vision d'une France sublimée, voguant entre les illusions perdues et le retour d'un noblesse à qui tout semble permis. On aurait en revanche espéré que la lutte des classes s'exprime d'avantage, hors de la bouche de Julien. La religion, quant à elle, se présente d'avantage comme une autre forme de pouvoir que sous une vraie dimension spirituelle, hormis le caractère dévot de Louise se croyant maudite par son péché. Et l'Amour, dans tout ça ? Déclarations enflammées mises de côtés, les auteurs parviennent à garder l'ambiguïté autour des sentiments qu'entretient Julien pour ses amantes. Parfois, on s'étonne aussi de voir poindre une certaine modernité dans les relations entre personnages, s'attirant de manière très légère.

Le graphisme, quant à lui, s'avère peu marquant, suffisamment passe-partout et acceptable pour ne rien gâcher, même si l'on ressent parfois quelques inégalités et maladresses chez les personnages. Bien que discrets, les décors font preuve par moment d'une vraie minutie, témoignant d'un travail de reproduction abouti tout en restant naturel. Le seul véritable bémol viendra d'une mauvaise manie du(des) dessinateur(s) à incorporer des expressions typiques du manga peu appropriés, dénaturant parfois quelques scènes-clés de l'œuvre. Mais dans l'ensemble, le tout se lit avec une certaine aisance, sans crier au génie.

Du côté de l'édition, Soleil semble avoir pris quelques leçons suite à la parution du Capital, en offrant un ouvrage convaincant, et optant toujours pour un sens de lecture français pour atteindre un public particulier. On adhère d'ailleurs à l'adaptation en français des onomatopées, même si certaines d'entre elles (les plus verbales) dénaturent quelque peu l'ambiance du titre. En effet, la traduction opte pour un langage soutenu et d'époque, avec des expressions du plus bel effet pour renforcer l'immersion. Du très bon travail dans l'ensemble !

Ainsi, en l'espace d'un seul volume, Le Rouge et le Noir version manga parvient à faire ressentir l'essentiel du roman original, en mettant en lumière un héros passionnant. Le pari des "Mangas de Dokuha" que suit aujourd'hui Soleil est une nouvelle fois réussi, et même s'il est présomptueux de dire que ce manga se suffit à lui-même, les idées qu'il prend à Stendhal suffisent pour offrir un moment de lecture très agréable et sans temps morts. Sur ce, je vous laisse et m'en vais retrouver mon enseignante de français pour lui conseiller ce titre... sans rancune !
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Re: Collection "Classiques" de Soleil Manga

Message non lu par Wang Tianjun » 14 sept. 2011, 21:38

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Les Misérables
Fiche du titre

Libéré du bagne après avoir purgé une peine de 19 ans, Jean Valjean prend un nouveau départ et décide de s'engager vers la voie du bien, suite à sa rencontre avec l'évêque Myriel. Mais suite à un malentendu, le voilà déjà accusé de récidive.... Quelques années plus tard, l'ancien détenu a changé d'identité et est devenu le maire respectable de Montreuil-sur-Mer, jusqu'au jour où son passé refait surface : Javert, un de ses bourreaux, est devenu inspecteur de police dans cette même ville. Alors qu'il cherche à fuir cet homme qui n'a jamais cessé de le poursuivre, une affaire concernant Fantine, une jeune mère les pousseront à une nouvelle confrontation. Valjean parviendra-t-il un jour à fuir son passé, et à prouver aux yeux du monde qu'il est un homme respectable ? Sa rencontre avec Cosette, fille de Fantine, pourrait bien être décisive...

Cette histoire, ces noms, vous les aurez sans doute reconnu très rapidement : nous sommes bien dans la plus grande œuvre de Victor Hugo : Les Misérables. Et pourtant, il s'agit également d'un synopsis de manga, à savoir le troisième titre de la collection Classiques de Soleil Manga, après Le Capital et Le Rouge et le Noir, ce dernier étant sorti simultanément. Nous sommes toujours dans le catalogue de l'éditeur japonais East Press, plus précisément dans les productions du studio Varietty Artworks qui s'est fait une spécialité dans l'adaptation de romans intemporels. L'avant-propos du manga soulève la question que le lecteur curieux se sera déjà posé : comment retranscrire un roman aussi colossal de mille cinq cents pages en à peine plus de deux centaines de planches en noir et blanc ? L'éditeur ne cache pas son enthousiasme quant au succès de ce pari, mais nous resterons plus modérés.

Bien sur, accordons au format de nombreuses ellipses et modifications dans le récit de Hugo pour rendre l'ensemble de l'histoire dynamique et cohérent malgré les troncatures de-ci de-là. Notons d'ailleurs, comme ce fut le cas dans Le Rouge et Le Noir, que certaines scènes sont annotées d'une remarque pour expliquer les différences avec le roman. Que les plus réticents soient rassurées : la lecture est nullement barbante ou austère, le rythme est efficace, et les évènements se succèdent de manière aisée. Sans que l'on s'en rende compte, on arrive rapidement au bout de ce one-shot sans en décrocher, avec le sentiment d'avoir passé un agréable sentiment de lecture.

Le hic, c'est que sorti de ce moment de satisfaction, il n'y a pas grand-chose d'autre à retenir du manga si ce n'est, bien sur, l'envie de se replonger dans le roman original pour explorer les choses bien d'avantage en profondeur. La principale qualité de cette adaptation est également son plus grand défaut : en allant très vite pour ne pas perdre le lecteur, on perd beaucoup de la richesse originale. Prenons tout d'abord les personnages : là où Julien Sorel, et même Robin(personnage totalement inédit de l'adaptation du Capital), étaient dépeint avec une grande finesse, le Jean Valjean que nous découvrons ici ne semble animé que par une seule direction : fuir son passé, et aller vers un nouveau confort qui ne sera que temporaire. Les nombreux personnages de cette saga se retrouvent toujours ainsi cantonnés dans un seul trait de caractère, s'appréciant alors jusqu'à leur expression graphique : Fantine est l'incarnation même de la pitié, les Thénardiers ont les yeux remplis d'avarice, Gavroche remplit le contrat du gamin édenté, joufflu, et jovial... Mais la palme du plus caricatural est sans contexte décernée à Gargam... euh, je veux dire Javert, manichéen au possible et jamais présenté autrement que dans une dimension cruelle et obsessionnelle.

Ainsi, cette version imagée donne surtout l'impression que le roman n'est composé du début à la fin que d'une gigantesque course-poursuite à travers les époques. Les autres thématiques très fortes, comme la peinture de l'époque, la pauvreté, les révoltes qui grondent,... sont bien là mais traitées de manière si expéditive qu'elles ne passent qu'au plan secondaire, au mieux. Ces tentatives seront d'ailleurs bien vaines, tant le lecteur restera plongé dans le face à face entre Valjean et Javert, mais qu'il est dommage de résumer Les Misérables à celà. Aussi, un format plus long (en deux tomes) n'aurait pas été de refus pour offrir d'avantage de perspectives...

Graphiquement, hormis le design des personnages précédemment évoqué, il n'y a pas grand-chose à redire sur les travaux de Varietty Artworks, offrant des dessins à la fois modestes et agréables. Les décors sont également assez réussis, sans être profondément marquant ni faire ressentir un quelconque aspect "à la française". Mais après tout, le but du studio n'étant pas de trop s'écarter de l'œuvre originale, on comprend aisément cette sobriété générale. Du côté de l'édition, on appréciera également l'adaptation totale des onomatopées, conséquence directe (mais non négligeable) d'un support en sens de lecture occidental.

Au final, cette adaptation des Misérables constitue un bon petit moment de lecture, avec une course poursuite assez prenante, mais n'ira hélas pas plus loin dans notre subconscient une fois le volume refermé. Faute d'un rythme narratif privilégiant l'efficacité, les nombreux personnages et intrigues n'ont pas suffisamment de temps pour se développer. Pour en savoir plus, il faudra donc bien se résoudre à se tourner vers l'œuvre de Victor Hugo, et en cela, cette version manga remplit finalement, mais de peu, son pari !
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Re: Collection "Classiques" de Soleil Manga

Message non lu par Wang Tianjun » 15 sept. 2011, 21:28

« Ma vie fut quelque chose de formidable et de grande valeur !! »
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A la recherche du temps perdu
Fiche du titre sur le site

Parfois, la résurgence d’une simple sensation oubliée peut faire ressurgir des souvenirs lointains. Ainsi, la douceur d’une madeleine, trempée dans un thé, ramène un écrivain d’âge mur dans sa jeunesse passée à Combray, à l’époque où il n’était qu’un enfant innocent adorant sa mère. Peu à peu, le voilà s’éveillant à la jalousie, la possessivité, mais aussi à l’amour vers quelques jeunes filles en fleurs. Son histoire, ancrée dans une France du début du vingtième siècle, nous fait découvrir un portrait saisissant de la bourgeoisie et de l’aristocratie française… tout en nous ramenant à des émois d’adolescence, que nous sommes tous amenés à connaître, aujourd’hui encore.

Tel est donc, très grossièrement, le canevas d’A la recherche du temps perdu, l’œuvre majeure pour laquelle Marcel Proust a dédié les quinze dernières années de sa vie. Sept volumes, parus entre 1913 et 1927, composent ce long roman qui ne préfigure pas d’une biographie mais plutôt d’une réflexion complète sur l’Homme, le Temps et la Vie. Près d’un siècle plus tard, voilà qu’il nous arrive cette adaptation au format si particulier : un manga ! Si cette histoire a déjà connu plusieurs transpositions par le passé, et même en bande dessinée, le pari semble tout de même audacieux. Pourtant, les précédentes productions de Varietty Artworks qui nous sont parvenues par le biais de l’éditeur Soleil nous ont prouvé que ce collectif d’auteur parvenait à vulgariser les plus grands écrits de la littérature. Qu’en sera-t-il cette fois-ci ?

Si Les Misérables ou Le Rouge et le Noir ont pu décontenancer par leur aspect synthétique, on sera étonné de voir que l’adaptation de l’œuvre de Proust bénéficie d’un format autrement plus imposant : près de quatre cents pages, soit le double des éditions précédentes, sont reliées pour retransmettre avec application les grands chapitres de la saga. Nous y découvrons donc le narrateur, sans nom, se remémorant sa vie depuis son enfance dans un milieu bourgeois. Le jeune garçon s’éveille aux sentiments amoureux, d’abord de manière très naïve et idolâtrée, virant ensuite à la séduction, à la possession et même aux regrets, dans un monde habité par une certaine passion. Par son regard, on y découvre également une haute société dans laquelle l’enfant, devenu jeune adulte, rêve de s’immiscer. L’analyse de l’aristocratie y est juste, dénué d’acidité mal placée, sans pour autant occulter les abus de quelques profiteurs. Certains assoient leur domination, tandis que d’autres grimpent dans l’échelle sociale aux prix de quelques faveurs déplacées. Au fur et à mesure de la progression de notre héros, le masque de ce petit monde se brise, laissant apparaître ses tabous et ses interdits.

A la différence des adaptations précédentes (hormis peut-être Le Capital), ce manga ne jouit pas forcément d’un fil conducteur percutant, mais propose quelques fragments de vie liés les uns aux autres par une multitude de personnages. On se délectera de suivre le parcours de chacun : le narrateur en tête, bien sur, mais aussi Albertine, son amante, et le baron de Charlus, vouant pour le héros une affection troublante. On comprend alors que l’épaisseur du volume se justifie par ce parcours à rebondissements et aux chassés-croisés incessants, retranscri par une narration sans fioritures. Se voulant contemplatif dans les premiers chapitres, le rythme s’accélère au fil de la lecture sans que l’on s’en rende compte, jusqu’à un assourdissant tumulte d’émois dans les dernières pages. Sans le savoir, on s’est attaché à des différents individus, réalistes dans leurs attitudes malgré quelques heureuses coïncidences scénaristiques. On se prendra même parfois à l’identification dans quelques séquences, preuve que l’œuvre n’a rien perdu de son impact.

Graphiquement, le dessinateur du collectif nous offre un trait plutôt léger et rondouillard, maladroit par moments. Il est également regrettable que quelques personnages soient trop proches dans leur design et que quelques expressions soient parfois exagérées. Néanmoins, le style offre des figures particulièrement attachantes, et les jeunes filles ne manquent pas de charme. Les décors sont suffisamment présents pour enrober le contexte historique, sans pour autant noyer le lecteur dans un flot d’informations. Bref, on pardonnera aisément les erreurs de jeunesse détectables à froid, tant elles ne gênent en rien l’entrain de la lecture.

Du côté de l’édition, Soleil reste dans un sens de lecture occidental comme pour les autres titres de la collection, en offrant au passage un bel effort de traduction des onomatopées, même si certaines semblent parfois peu appropriées. Mais surtout, on saluera de voir que le prix de l’ouvrage ne change pas, pour un contenu double ! Une raison supplémentaire de ne pas bouder l’achat de cette superbe adaptation.

Le pari était audacieux et pourtant, Varietty Artworks est bel est bien parvenu à retranscrire avec brio l’œuvre de Marcel Proust. Au travers de ses nombreuses pages, le manga parvient à retranscrire les descriptions de l’auteur, laissant apparaître en filigrane ses questionnements philosophiques, tandis que la narration parvient à retenir l’attention du lecteur. Passant pourtant après quelques ambassadeurs de poids pour inaugurer le label, tout est réuni pour qu’A la recherche du temps perdu s’impose comme le standard de cette collection classique. Au vu du rapport qualité/prix, il serait bien dommage de s’en priver !
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Re: Collection "Classiques" de Soleil Manga

Message non lu par Koiwai » 25 sept. 2011, 20:25

Guerre et paix:

En attendant de lire A la recherche du temps perdu, ce Guerre et Paix m'est apparu, de très loin, comme le moins bon manga de la collection Classiques à ce jour. Même en occultant un Napoléon qui réussit à être plus cliché que tous les clichés que j'ai pu voir, j'ai trouvé tous les protagonistes beaucoup moins développés que dans le roman d'origine. On me dira que c'est normal, mais les autres adaptations manga choisissaient néanmoins quelques axes et parvenaient, à partir de là, à offrir un réel intérêt à leur héros. Ici, j'ai trouvé l'avalanche de personnages non adaptée à un nombre de pages aussi court, et au final, aucun protagoniste ne sort véritablement du lot, aucun n'arrive à être vraiment intéressant.

De même, si les raccourcis sont inévitables, on les sent un peu trop ici, surtout vers la fin. Dommage.

Sinon, en dehors de ce Napoléon cliché sur pattes, le coup de crayon, simple et expressif, s'adapte bien au contenu. Il faudrait juste éviter cette trop forte tendance à la grosse caricature au niveau des personnages historiques.

Bref, pas convaincu du tout par ce volet, pas désagréable, mais souffrant d'un trop gros déséquilibre. Ce coup-ci, les axes choisis par Variety Art Works n'ont pas été les bons, ou n'ont pas été suffisamment ciblés.
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Re: Collection "Classiques" de Soleil Manga

Message non lu par Wang Tianjun » 28 sept. 2011, 21:17

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Guerre et Paix
Fiche du titre sur le site
Europe, début du XIXème siècle. Napoléon, héritier de la révolution française, étend sa domination sur le continent de jour en jour. Demain aura lieu la bataille d’Austerlitz, qui rentrera bien plus tard dans l’histoire. Parmi les renforts venus de Russie pour aider la Prusse, André, un jeune officier, tombe au combat. Laissé pour mort par l’empereur, il retournera auprès des siens, relativisant la vacuité de ces batailles. Loin des combats, son ami Pierre s’inquiète d’avantage des fréquentations de sa femme, Hélène, et noie ses inquiétudes dans l’alcool. Entre les deux hommes virevolte une jeune femme naïve mais pleine de charme, Natacha, qui les entraine par sa force de caractère. Leurs destins s’entremêlent dans une société bouleversée par cette guerre, aux portes de leur pays…

En cette rentrée 2011, les éditions Soleil nous font découvrir deux nouveaux titres de leur collection classique. Parmi eux, Guerre et Paix, chef d’œuvre du célèbre écrivain Léon Tolstoï (1828-1910). Sous fond des guerres napoléoniennes et de la campagne de Russie de 1812, l’auteur narre les histoires croisées d’une foule de personnages de la société de l’aristocratie moscovite. Au travers de ces péripéties, Tolstoï délivre ses idées pacifistes et humanitaristes, avec un regard novateur sur le destin des Hommes et sur le fatalisme de l’Histoire.
Toutes ces notions auront, hélas, bien du mal à transparaître dans l’adaptation offerte par le studio Varietty Artworks, spécialiste du « manga de dokuha ».

Après Le rouge et le noir ou Les Misérables, nous commençons à comprendre la manière qu’à le studio de vulgariser les grandes œuvres de la littérature : la réduction des évènements en un seul tome de deux cents pages tend bien sur à la simplification du propos, mais jusque là, le collectif d’auteurs réussissait à faire ressortir les idées fortes de l’œuvre d’origine, pour que le lecteur ait envie de s’y plonger. Avec Guerre et Paix, cette mécanique d’essorage est sans doute trop explicite. Cela se ressentira tout d’abord au niveau des péripéties, qui s’enchaînent bien trop rapidement pour que le lecteur ait le temps de les apprécier à leur juste valeur. De même, les évènements concluant l’œuvre seront entraînés dans une accélération fatale, si bien que les pistes principales du récit semblent avoir été omises au passage. Pour pouvoir en retrouver une partie, il ne faudra se contenter que de belles paroles d’un prisonnier philosophe à ses heures perdues…

Le principal problème réside surtout dans les différents protagonistes. S’ils font preuve de moins de stéréotypes que dans Les Misérables, le récit ne s’attarde pas suffisamment sur chacun d’entre eux pour leur permettre de s’exprimer totalement. Le jeu des relations est lui aussi précipité, et l’on peine à ressentir l’impact de la disparition ou des traumatismes de certains d’entre eux, l’empathie étant proche du néant. Pourtant, certains promettaient de beaux départs, comme la délicieuse Natacha… Au final, le seul héros pouvant faire réagir le lecteur sera Napoléon lui-même, mais pas forcément pour le meilleur. Caricatural dans ses attitudes comme dans son design, l’empereur français figure ici d’un tyran manichéen sans grand relief. Quel affront pour notre chauvinisme !

Le one shot corrige légèrement le tir du point de vue graphique, avec un design assez réussi, bien que parfois exagéré. Les personnages sont reconnaissables au premier coup d’œil et laissent transparaitre leurs traits de caractère majeur, comme il est souvent de mise dans la collection. Les décors détaillés parviennent à nous plonger dans l’époque, mais on déplorera l’inconstance des scènes de batailles, confuses et sans grande intensité. L’édition de Soleil reste très satisfaisante, dans la lignée des précédents volumes avec un effort sur la retranscription des onomatopées. Quelques inversions de textes sont cependant à regretter par endroits.


Premier couac dans la collection Classiques, l’adaptation en manga de Guerre et Paix n’en est pourtant pas trop désagréable à lire, mais sera aussi vite oubliée une fois le tome refermé. La précipitation nécessaire dans ces versions de découverte se ressent ici trop fortement pour que l’on se sente impliqué. Au bout du compte, on n’en retiendra que les exagérations, notamment pour une de nos célèbres figures historiques. Des détails qui, finalement, ont leur importance !
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Re: Collection "Classiques" de Soleil Manga

Message non lu par Koiwai » 31 oct. 2011, 13:52

A la recherche du temps perdu:

Hé bien, on tient là le meilleur ouvrage de la collection Classiques de Soleil, à n'en pas douter !

Variety Art Works a parfaitement su tirer le meilleur de chacun des romans composant A la recherche du temps perdu, enchaînant les choses de manière cohérente, rendant les personnages réellement intéressants (Albertine *.*), mettant habilement en avant les principaux sujets de l'oeuvre originale, comme la description de la société bourgeoise de l'époque, la découverte de l'homosexualité par le narrateur via son entourage, le souvenir et le temps qui passe sans qu'on puisse le rattraper.

Le coup de crayon, plus arrondi que sur les autres titres de la collection, peut d'abord paraître laid, mais on s'y habitue très rapidement tant il parvient à coller au contenu.

Bref, très bonne adaptation, l'épaisseur de l'ouvrage permettant à Variety Art Works de développer le tout de la meilleure des manières. Par ailleurs, merci à Soleil pour le prix qui reste petit malgré l'épaisseur du truc.
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Re: Collection "Classiques" de Soleil Manga

Message non lu par Wang Tianjun » 22 mars 2012, 17:16

"Dites moi... C'est quoi, pour vous, l'égalité ?"
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Le Manifeste du Parti Communiste


Fiche du titre sur le site
Ils s'appellent Bill, Frank, Simon, Bert. Ce sont des ouvriers, des ouvriers comme il en existe par centaines, par milliers, dans une Europe du XIXème siècle à l'industrie florissante. Dans un système capitaliste remettant au gout du jour les notions de dominants et de dominés, ils sont, comme leurs semblables, exploités par leurs patrons pour un salaire de misère. Mais, dans l'ombre, peu à peu, la contestation gronde et un nouveau mouvement de révolte pourrait naître du mécontentement des prolétaires. Un autre alternative est-elle possible pour cette société où le profit est roi ? Ces travailleurs veulent y croire, en croyant à un autre modèle, que l'on nommera bientôt socialisme, ou communisme...

Plus d'un an après la sortie du Capital, la collection Classiques de Soleil Manga revient aux sources en proposant une nouvelle adaptation de l'œuvre de Marx et Engels. Après avoir décortiqué et désassemblé les rouages du système capitaliste, Varietty Artworks nous présente ici une vision du modèle défendu par les deux philosophes. Mais, plutôt que d'aller dans une exposition laborieuse de la théorie, le collectif d'auteurs choisit une fois encore de romancer le propos original, en introduisant une véritable histoire et quelques protagonistes personnifiant les différents courants de pensée de l'époque.

A l'instar du Capital, c'est donc par l'exemple que les grandes idées de Marx seront dévoilées. Sans surprise, on retrouvera d'ailleurs un tronc commun entre ce précédent récit et ce manifeste illustré, notamment lors de la première partie du volume. Cadences infernales, salaires ridicules, chômage grandissant... Mais, là où le Capital suivait le parcours d'un jeune patron noyé par la machinerie capitaliste, le Manifeste se place ici du points de vue des ouvriers, pour mieux découvrir leur colère, leur envie d'envoyer ce système en l'air. Des premières émeutes à la construction de mouvements plus élaborés, la progression dans le récit se veut didactique. On sent, là encore, la volonté du collectif d'auteurs de rendre le texte original plus accessible, avec des personnages rapidement identifiables dans leurs rôles respectifs. Cependant, on notera, une fois n'est pas coutume, que les apparences sont trompeuses pour certains protagonistes.

Si l'ouvrage respecte le parti pris engagé dans l'essai original, il sait être également critique sur les modèles défendus par le communisme, lorsque ce dernier est poussé dans ses extrémités. Ainsi, au prix d'une ellipse temporelle un peu malhabile, nos personnages sont soudainement projetés dans une ville utopique, à la paix et à l'équilibre factice. Les valeurs socialistes, encore naissantes, ont encore bien du mal à s'exprimer et dérivent parfois vers des sociétés pires que celle de départ. Hélas, le volume a bien du mal à présenter ces abus sans tomber dans la caricature et les raccourcis faciles. De même, la conclusion se veut abrupte, bien que réaliste dans le contexte dépeint, pour s'orienter vers une fin ouverte cherchant à nous interpeller. Si le message passe assez facilement, on regrettera une fois le volume fermé l'absence d'ambition de l'histoire. Les "héros" semblent surtout avoir été manipulés d'un bout à l'autre, leur rage s'exprimant moins de manière libre que manipulée par des groupes idéologiques. Par ce curieux destin qui les attend, le message d'origine s'en retrouve plus ambigu, plus hésitant, même si l'on saluera une fois encore cette volonté de tout traiter par l'exemple.

Graphiquement parlant, le Manifeste version manga reste dans la lignée de ce que nous a offert Varietty Artworks jusqu'ici : perfectible, parfois sommaire, mais avec un design simple et immédiatement accessible au plus grand nombre, rappelant cette fois le trait de Toriyama à certains moments. On retrouve cette volonté didactique avec le sens français choisi par Soleil pour s'ouvrir à un lectorat plus large, avec adaptation complète des onomatopées.

En conclusion, Le Manifeste du Parti Communiste est le complément idéal pour ceux qui auront aimé le Capital version manga, pour approfondir les théories de Marx et Engels. Entre personnification des deux philosophes, et version romancée de l'essai, l'intersection commune entre ces deux adaptations est large pour assurer une certaine complémentarité. Malgré quelques facilités et certaines hésitations dans la conclusion, les grandes lignes de l'œuvre originale semblent avoir été respectées, pour délivrer un message qui peut encore résonner à l'heure actuelle...
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Re: Collection "Classiques" de Soleil Manga

Message non lu par Koiwai » 30 sept. 2012, 11:10

Le Prince :

Pour comprendre l'état d'esprit de Machiavel quand il a écrit le Prince, il convient de revenir sur quelques siècles d'histoire. C'est ce que propose ce one-shot, qui se présente surtout comme un récit historique visant à présenter l'évolution de l'Europe et de Florence au fil des siècle, jusqu'à l'époque très tourmentée de la cité florentine à l'époque de Machiavel. Dates, explications historiques, apparition et impotance de nombreux personnages historiques, contexte géopolitique de l'Europe autour d'un territoire italien encore divisée, des puissants royaumes de France et d'Espagne... En un one-shot, le récit va évidemment à l'essentiel, mais tout est là pour bien comprendre dans quel monde a évolue Machiavel, et ce qui l'a amené à écrire le Prince. C'est très clair, on apprend pas mal de petites choses, c'est très bien foutu même si ça reste toujours ausis moche visuellement parlant. Sans doute à ce jour l'oeuvre la plus intéressante de la collection Classique.
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Re: Collection "Classiques" de Soleil Manga

Message non lu par Koiwai » 02 août 2014, 15:45

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Ce 2ème et dernier tome se sera fait attendre longtemps (plus d'un an et demi o_O), mais il est aussi plaisant que le premier. Moins mal dessiné que la plupart des autres titres de la collection Classiques, il offre une première approche limpide et intéressante de la pensée de Confucius, et aborde également plusieurs autres personnages gravitant autour.

Un joli pont vers l'oeuvre originale.
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Wang Tianjun
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Re: Collection "Classiques" de Soleil Manga

Message non lu par Wang Tianjun » 02 août 2014, 18:34

Il se sera fait tellement attendre que j'ai complètement oublié de me le procurer, celui-là :mrgreen:
"Ah.. je suis en train.... de tomber en morceaux..."
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