Anthologie AX

Rubrique consacrée aux seinen, c'est à dire des séries se destinant à un lectorat adulte.
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ShadO
Dreamer in the rain
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Anthologie AX

Message non lu par ShadO » 25 févr. 2011, 22:46

Anthologie AX
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Vol. 1:

2002. C'est cette année là que s'éteint la référence des magazines underground, Garo. Heureusement, pour reprendre le flambeau, un autre nom s'était élevé quelques années auparavant et occupe désormais la place de son défunt ainé: AX. Mis sur pieds par des anciens de Garo, cette nouvelle revue, aujourd'hui vieille d'une quinzaine d'année, est désormais ce qu'il se fait de mieux en matière de manga alternatif. Comprenez par là des œuvres qui laisse à l'imagination débordante une place prépondérante et une totale liberté d'action aux auteurs. Le lezard noir nous invite ici à une découverte des fruits engendrés par ce magazine au travers du travail d'un peu plus de 30 artistes et dans une épaisse anthologie de 400 pages.

Parmi les auteurs présents dans le recueil, on retrouve un certain nombre d'inconnus pour le public francophone mais aussi d'autres que l'on a déjà eu l'occasion de croiser ça et là. Akino Kondoh (Eiko, Les insectes en moi) par exemple, ou encore Kazuichi Hanawa (Contes du Japon d'autrefois, La fille fantôme,...), Yusaku Hanakuma (Tokyo Zombie), Shin'ichi Abe (Paradis, Un gentil garçon,...) pour n'en citer qu'une partie. Beaucoup sont issus de Garo et ont déjà une longue carrière derrière eux, que ce soit en tant que mangaka, illustrateur, musicien et j'en passe. D'autres sont plus jeunes mais puisent également leur inspiration dans les travaux de leurs prédécesseurs. Le heta-uma (que l'on peut traduire par "maladroit-génial"), notamment, est un terme qui revient souvent lorsqu'il s'agit de qualifier le style de ces dessinateurs hors-normes. Le folklore et la tradition japonais sont aussi des thèmes récurrents et demandant une certaine connaissance dans le domaine pour pleinement apprécier et comprendre les références qui y sont faites même si, globalement, l'ouvrage tend à s'ouvrir à tout type de public cherchant à entrer en contact avec un style méconnu et pourtant bourré de qualité. Même si réduire ce qui nous est ici proposé à un seul style est, en réalité, une pure hérésie.

Se faire un avis définitif sur cette anthologie reste cependant compliqué. Et, ce, pour la simple et bonne raison que, de part le fait de l'originalité et l'unicité de chacun des auteurs, chacune des histoires ici-présentes est entièrement différente de celle qui la précède et encore plus de celle qui la suit. Du coup, si certains récits nous apparaissent, pour l'une ou l'autre raison, particulièrement réussis que ce soit sur le plan graphique, narratif, ou scénaristique, comme faisant passer un message clair et fort, comme débordant d'ingéniosité, d'autres, au contraire, seront plus hermétiques et auront tendance à nous laisser de marbre. Mais c'est probablement aussi un aveu de la richesse du livre que de faire ce constat. Quoi qu'il en soit, dès la première œuvre du bouquin, le ton est directement donné. On se trouve face à un récit vulgaire et sans concessions qui vient immédiatement nous alerter: nos habitudes vont être bousculées, nos vérités démenties en un instant. Il est évident que ça ne plaira pas à tout le monde mais, toutefois, il serait vraiment dommage de ne pas chercher à poursuivre l'aventure et la découverte de ce que la bande dessinée nippone, libérée du joug des éditeurs tout-puissants, peut nous offrir. Folie, poésie, agression des sens et de notre cœur. Et ce n'est pas le format des récits, souvent très court, qui vient entraver les auteurs lorsqu'il s'agit de marquer le lecteur, loin de là. Autre caractéristique que l'on retrouve relativement souvent: le manque de véritable fin aux histoires. L'une ou l'autre en ont une bien définie, oui, mais, dans la majorité des cas, cela ne se vérifie pas. Est-ce un mal pour autant ? Encore une fois, non. Car, dans les cas où il n'y pas cette conclusion attendue, c'est généralement parce que l'intérêt de ce qui nous est conté est ailleurs que dans le scenario en lui-même, ce dernier ne servant que de prétexte à exposer un thème ou une idée précise.

Maintenant que l'on a quelque peu parlé du fond, venons-en aux dessins. Dites-vous bien que, pour beaucoup d'artistes peuplant les pages de cette anthologie, il vaut mieux vous défaire de ce à quoi vos yeux sont habitués pour profiter pleinement de ce qui est ici présenté. La patte graphique de chaque auteur se veut très personnelle et risque, là aussi, de ne pas plaire à la majorité. Et si, dans deux ou trois cas, il faut bien reconnaitre que c'est assez peu esthétique, voir même repoussant, de manière générale chaque coup de crayon possède un charme bien à lui. D'un style extrêmement épuré à un autre beaucoup plus dense, d'une fausse maladresse à des courbes enivrantes, on aura l'occasion de traverser une vaste gamme d'ambiance et de traits. En outre, on ne peut, une fois plus, que saluer les initiatives et trouvailles présentes, que ce soit au niveau du découpage, de la narration, ou du dessin en lui-même. Et, quoi qu'il en soit, il parait également clair que ces dessins atypiques servent, la plupart du temps, les récits qui leur sont associés de maitresse manière.

Pour ce qui est de l'édition, Le lezard noir fait du très bon travail. Outre une présentation de chaque auteur en fin de tome, on a également droit à une préface de Paul Gravett très agréable et surtout très bien fichue, nous présentant superbement bien ce à quoi on va avoir droit durant notre lecture. Reste peut-être un petit manque d'explications en ce qui concerne l'une ou l'autre référence même si ça aurait pu, d'un autre côté, surcharger l'ouvrage.

Mine d'or de récits improbables, sombres pour certains, porteurs d'espoirs pour d'autres, ou tout simplement kafkaïens, absurdes, cette anthologie AX nous entraine hors des sentiers battus à la découverte de ce que le manga peut nous offrir de mieux, ou de pire, lorsqu'il sort de ses carcans habituels. Que l'on apprécie ou non les histoires qu'elle contient, elle aura au moins le mérite de ne laisser personne indifférent et, après tout, c'est aussi ça le but de l'art.
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