Je ne suis pas un homme

Rubrique consacrée aux seinen, c'est à dire des séries se destinant à un lectorat adulte.
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Koiwai
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Je ne suis pas un homme

Message non lu par Koiwai » 01 août 2011, 17:35

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La fiche sur MN


Tome 1:

A 17 ans, il était un lycéen admiré de tous grâce à son altruisme, son humour, son intelligence et sa beauté ensorcelante. A 24 ans, il n'est plus que l'ombre de lui-même, une loque décomposée, malade, désintéressée de tout, au bord du gouffre. Comment Yôzô Oba, un homme qui semblait avoir absolument tout pour lui, a-t-il pu, en seulement quelques années, sombrer totalement au point de devenir une véritable épave ?

C'est ce que nous propose de découvrir le mangaka Usamaru Furuya, déjà connu en France pour des titres psychologiquement forts et dérangeants (le Cercle du Suicide, L'âge de déraison) ou un peu plus grand public (Tokyo magnitude huit), à travers cette adaptation personnelle du roman du célèbre écrivain Osamu Dazai, la Déchéance d'un homme, déjà adapté il y a peu en un film animé de grande qualité.

Dès les premières pages, on comprend que Je ne suis pas un homme ne ressemblera à aucun autre manga. Pour ouvrir son récit, Furuya choisit de se mettre lui-même en scène, cherchant de nouvelles idées de manga sur internet, et finissant par découvrir la page autobiographique d'un dénommé Yôzô Oba. Dès lors, le récit prend la voie de l'introspection en nous invitant à suivre l'histoire d'Oba du point de vue du principal concerné. C'est donc via l'esprit tourmenté du jeune homme que nous découvrons la vie faite de mensonges d'un esprit développé avec maestria.

Le début des choses narrées par Oba donnent le ton: affichant un visage de façade, il cache en réalité en lui un vide sentimental quasiment total, et, plutôt que de se confronter à la société, préfère jouer le rôle que celle-ci attend de lui, quitte à n'être qu'une vulgaire marionnette.
Pourtant, Oba ne pourra bientôt plus tenir ce rôle. Face aux actes de faux amis ou d'amis potentiellement vrais mais qu'il croit faux, il finit par se laisser entraîner dans la déchéance, s'éloignant du rôle que la société lui imposait. Il enchaîne les rencontres décevantes, les conquêtes sexuelles, les échecs professionnels et familiaux, en prenant toujours le tout de manière lointaine (exception faite d'une jeune femme, Papillon, qui, quelque part, lui ressemblait étrangement dans son malaise), remettant en cause le pouvoir tout puissant de l'argent et de l'hypocrisie de relations feintes au sein d'une société dont nous découvrons petit à petit quelques-uns des plus sombres aspects. Et de ce fait, c'est la lente chute du jeune homme que nous voyons se profiler.

L'ambiance générale est résolument malsaine, pessimiste, étouffante (le sentiment de voir Oba complètement enfermé dans une société d'où il ne peut fuir est saisissante), et saupoudrée d'une profonde pointe de cynisme portée par les réflexions d'un anti-héros qui perce littéralement les pages, tantôt fascinant, tantôt détestable. La plongée dans l'esprit d'Oba est d'une redoutable efficacité.
Pour porter en avant tout ceci, Furuya s'appuie sur un coup de crayon à tendance réaliste, qui ne cherche pas à en faire trop, mais l'auteur ne cherche pas non plus à cacher les choses, et enchaîne les représentations de situations assez dérangeantes. Les épais cadres noirs participent beaucoup à l'ambiance, une ambiance rendue encore plus étouffante et désespérée lorsque ce noir en vient à prendre possession de pages entières.

Très immersif et dérangeant, Je ne suis pas un homme est un titre face auquel il paraît difficile de rester de marbre, la plongée dans cet esprit marginal qui est celui de Yôzô Oba donnant beaucoup à réfléchir sur notre propre manière d'appréhender la société qui nous entoure.

Du côté de l'édition, Casterman nous offre un travail mettant pleinement en avant le travail graphique de l'auteur grâce à un très grand format et à une impression de qualité sur papier glacé. La traduction, quant à elle, est fluide, malgré quelques fautes de frappe. Enfin, on notera que le sens de lecture est occidental, ce qui, apparemment, serait du à une volonté du mangaka de faciliter une publication dans ce sens.
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Koiwai
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Re: Je ne suis pas un homme

Message non lu par Koiwai » 05 sept. 2011, 16:08

Tome 2:

Incapable de s'intégrer dans une société où il se marginalise, Yôzô Ôba poursuit sa déchéance, vivant aux crochets d'une mère de famille qu'il entretient sexuellement, puis d'illustrations pour des romans porno. Rien ne semble vraiment pouvoir le sauver, jusqu'à sa rencontre avec Yoshino Asai, une jeune vendeuse de tout juste 18 ans. Touché par l'extrême pureté de la demoiselle, Yôzô tombe pour la première fois de sa vie réellement amoureux et, à force de la fréquenter, cet amour devient rapidement réciproque. Sur un coup de tête, Yôzô la demande en mariage, celle-ci accepte. Un vie de couple commence tandis que la carrière de Yôzô décolle dans le milieu du manga. Tout semble enfin aller pour le mieux. Mais le drame peut toucher n'importe qui à n'importe quel moment, et un terrible coup du sort va s'abattre sur le couple et détruire définitivement les illusions de Yôzô...

Alors qu'on ne s'y attendait pas forcément, on assiste en début de tome à une amélioration de la vie de Yôzô, à partir de sa rencontre avec la charmante Yoshino. Mais pour autant, on continue de percevoir en filigranes les tourments de l'esprit du jeune homme, notamment via sa relation conflictuelle avec son ami Horiki. Une relation particulièrement réussie, difficile à cerner, où les deux hommes semblent se détester sous leur apparente amitié. Ou, tout du moins, c'est ce qui se dégage des pensées de Yôzô, car il reste quasiment impossible de savoir réellement comment Horiki considère notre héros, et c'est bien ce qui rend la psychologie de notre héros d'autant plus perturbante.

A travers ce genre de relation, on retrouve un Yôzô en meilleur état d'esprit, mais l'on sent bien que le moindre bouleversement de taille pourrait le faire chuter définitivement dans la paranoia et la folie. Et le bouleversement en question finit par arriver vers le tiers du tome, soudain et implacable, impossible à éviter, et la chute s'accélère alors à nouveau, occupant tout le reste du volume. Petit à petit, Yôzô chute, s'en prend à sa femme, sombre dans la drogue, et malgré quelques éclairs de lucidité le remettant vaguement sur le droit chemin de temps en temps, plus rien ne semble pouvoir le sauver, son physique reflétant son agonie psychologique: cheveux qui blanchissent, visage qui se creuse, coiffure non soignée....

Cette chute définitive, Usamaru Furuya nous invite donc à la suivre pendant environ 200 pages sur les 300 que compte ce dernier tome, et l'auteur témoigne, d'un bout à l'autre, d'un talent fou pour créer des atmosphères terriblement malsaines. Le trait, franc et expressif, n'épargne rien de la folie qui s'empare du jeune homme et des malheurs qui tombent sur Yoshino, tandis que le tout passe toujours par les pensées torturées de notre (anti)héros.

L'ambiance est là, happe totalement et rend la lecture étrangement addictive, le lecteur étant mal à l'aise face au plaisir de lecture qu'il prend à suivre l'histoire de la chute de Yôzô. Et pourtant, quelques points viennent ternir le dernier volet de cette excellente lecture. En effet, si le drame qui arrive à Yoshino et Yôzô vers le tiers du tome crée clairement son effet car présenté tel qu'il peut arriver dans la vraie vie, soudainement et sans qu'on puisse revenir dessus pour l'empêcher, on regrette tout de même que toute la suite du volume ne repose que sur ce bouleversement-ci. Alors que l'on se régalait de la quasi auto-marginalisation de Yôzô, il est dommage, ici, de voir que sa chute n'est plus due qu'à un seul événement, même si l'on a conscience que la faiblesse psychologique du jeune homme a le premier rôle. Mais cette impression est accentuée par une tendance chez l'auteur à rallonger la sauce, vers la fin, autour de la chute dans la drogue du jeune homme. Grâce à l'incursion dans les pensées de plus en plus folles et incohérentes de Yôzô, l'ensemble reste globalement un délice dans son genre, mais clairement, Furuya en fait trop à certains moments.

S'il possède des défauts, ce deuxième volume conclut Je ne suis pas un homme de manière percutante. Même si Furuya s'égare sur la fin en rallongeant la sauce, sa peinture pessimiste du monde et de certaines de ses tares (viol, drogue, marginalisation...), portée par des personnages jamais embellis et qui ont tous des faiblesses, font de l'ensemble une lecture intense, à découvrir avec curiosité.
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Re: Je ne suis pas un homme

Message non lu par Hitsuji » 05 sept. 2011, 16:33

Koiwai a écrit :S'il possède des défauts, ce deuxième volume conclut Je ne suis pas un homme de manière percutante.
"Conclut" ? Je croyais que la série comptait trois tomes (dit le monsieur qu'en n'a pas encore acheté un seul) ? =o

[ http://www.manga-news.com/index.php/ser ... kaku-vo#JP ]
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Re: Je ne suis pas un homme

Message non lu par Koiwai » 05 sept. 2011, 17:01

C'est bien fini en 2 tomes, Casterman le confirme à l'arrière du bouquin, et puis étant donné la fin du tome 2, je ne vois pas trop ce qu'il pourrait y avoir dans un tome 3 XD

Au vu de l'épaisseur des deux bouquins français ( environ 300 pages chacun), je pense que les 3 tomes japonais ont été compilés en 2.
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Re: Je ne suis pas un homme

Message non lu par Hitsuji » 05 sept. 2011, 17:12

Oki.^^

Du coup, ils ont été vachement rapide pour traduire le dernier tome (sorti en juin dernier au Japon) ! Ô_o
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Re: Je ne suis pas un homme

Message non lu par Koiwai » 05 sept. 2011, 17:42

Furuya ayant travaillé directement avec Casterman pour cette version française, ceci explique peut-être cela :)
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