7 Shakespeares

Rubrique consacrée aux seinen, c'est à dire des séries se destinant à un lectorat adulte.
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Koiwai
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7 Shakespeares

Message non lu par Koiwai » 04 avr. 2012, 01:09

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La fiche sur le site


Tome 1:

Quelques années après Beck, manga rock ayant conquis nombre de lecteurs, Harold Sakuishi revient aux éditions Kazé Manga avec sa dernière oeuvre en date, Seven Shakespeares. Un manga qui, comme son nom, l'indique, s'avère original et ambitieux, puisqu'il propose ni plus ni moins que de se pencher sur la vie énigmatique du célèbre dramaturge et sur ses oeuvres, en mettant en avant sa possible imposture.

Le premier chapitre nous plonge donc en l'an 1600, à l'époque où l'une des plus célèbres pièces de Shakespeare, Hamlet, fait un carton auprès des amateurs, y compris auprès de la Reine d'Angleterre elle-même. Pourtant, tout le monde ne voit pas encore d'un bon oeil le théâtre de Shakespeare, vu comme un loisir vulgaire et corrupteur brisant la bienséance. Ce partage d'idées autour du théâtre, c'est ce que nous propose de découvrir Harold Sakuishi dans un premier temps, tout en dressant en Shakespeare un personnage un brin énigmatique, ce que viendra confirmer l'une des dernières répliques du chapitre : le célèbre dramaturge serait en réalité un imposteur.

Ici, il faut reconnaître l'indéniable talent du mangaka pour introduire son histoire : les enjeux du théâtre shakespearien, apprécié des uns et vu par les autres comme un blasphème, est parfaitement mis en valeur par un premier chapitre intriguant, qui nous immerge vite et bien dans le vif du sujet, en se basant sur quelques réalités fondées, à l'image de détails intéressants telles l'importance du manuscrit pour une pièce de théâtre, la date d'aboutissement de Hamlet, qui a vraisemblablement réellement vu le jour vers l'année 1600, ou la reprise de personnages ayant réellement existé, comme le chambellan Georges Carey ou la Reine d'Angleterre elle-même, dont le goût pour le théâtre shakespearien était certain. L'introduction se fait facilement immersive, jusqu'à cette conclusion sonnant comme un coup de théâtre (c'est le cas de le dire) : Shakespeare serait un imposteur.

Et c'est précisément à ce moment-là que le récit commence réellement. Si le premier chapitre est sobrement nommé "prologue", ce n'est pas pour rien, et Harold Sakuishi va alors, par la suite, nous perdre volontiers sur une première piste en nous faisant voyager dans le temps, un peu à la façon de Naoki Urasawa dans Billy Bat, histoire de faire un comparatif facile avec un manga débuté récemment en France. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que le lecteur se sentira peut-être un peu perdu dans la suite de l'oeuvre, Sakuishi mettant vite la pause sur l'imposture de Shakespeare pour nous amener 13 ans auparavant, en 1587, au sein d'une communauté chinoise installée à Liverpool : Chinatown est née. Et si les plus pointilleux pourront soulever les possibles erreurs de l'auteur, le quartier chinois de Liverpool étant vraisemblablement apparu au 19ème siècle, difficile de ne pas succomber au charme de ce que raconte le mangaka, même si l'on ignore d'abord totalement où il veut en venir... à la manière d'Urasawa sur Billy Bat.

Après 60 premières pages immersives, le récit s'engage donc, de manière étonnante, sur une tout autre voie, bien éloignée de Shakespeare, puisqu'elle nous propose de découvrir la vie de plusieurs familles chinoises installées à Liverpool. Une vie loin d'être facile, ces étrangers, aux coutumes bien différentes des occidentaux, étant mal vues par les Anglais. Ainsi l'auteur s'engage-t-il dans une réinterprétation de la fameuse "Chasse aux Sorcières", tout en explicitant les origines de l'arrivée des Chinois à Liverpool. Le récit est clair, fluide, se tient bien et dresse d'emblée des personnages bien reconnaissables, à commencer par la dénommée Li, que nous découvrirons largement plus en détail, puisqu'elle sera le réel point central de ce premier grand arc. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que Harold Sakuishi dresse en cette jeune fille un personnage profondément charismatique, attachant, énigmatique... et mystique, étant donné qu'elle semble posséder un pouvoir lui permettant de prédire l'avenir proche des personnes autour d'elle, ce qui lui vaudra bien des tourments la rendant toujours plus attachante tant on la prend en pitié, et qui permettra au mangaka d'enchaîner sur un nouveau saut dans le temps pour découvrir son tragique passé. Mais cette dose de surnaturel pourra aussi être la plus critiquable, tant elle pourra apparaître facile pour les réfractaires.
A vrai dire, si les personnages, nombreux mais pourtant tous facilement reconnaissables, ont tous un petit quelque chose rendant leurs aventures pourtant assez simples plaisantes à suivre, c'est bel et bien sur la jeune Li que tout repose, Sakuishi la mettant en avant sans forcer, puisque l'on comprend rapidement que c'est elle qui sera l'enjeu de cette première partie. Shakespeare semble ici bien loin, on se demande un peu où veut en venir le mangaka, mais quoi qu'il en soit, le portrait qu'il nous propose ici captive tant il est fluide, prend le temps de bien amener les enjeux sociaux et économiques de Chinatown, de bien développer les choses (sans, toutefois, éviter quelques longueurs, en se répétant au sujet des facultés surnaturelles de Li). Là aussi, on ne peut s'empêcher de comparer les portraits de personnages à ceux qu'est capable de faire Naoki Urasawa. Et les portraits de personnages constituent justement l'une des grandes forces de ce dernier.

Visuellement, il paraît là aussi difficile, comme c'est parti, de ne pas faire un rapide comparatif avec Naoki Urasawa : à l'image de ce dernier, Harold Sakuichi possède indéniablement un don pour créer des "gueules", des visages aisément reconnaissables, expressifs et tous bien différents, parfois à la limite de la caricature sans perdre cette lueur de réalisme dans l'expression des émotions, mais servant exceptionnellement bien le fond. On découvre des bouilles attachantes, collant bien aux différents caractères. Les lecteurs de Beck reconnaîtront tout de suite la patte de l'auteur, tandis que les autres découvriront un trait expressif, chaleureux, allant un brin dans la surenchère au niveau des visages, et qui nous donne l'impression de connaître les différents protagonistes depuis longtemps.

Sans savoir où Harold Sakuishi va nous amener, on se laisse donc porter par cette première grande partie fort bien racontée, jusqu'à un final s'enfonçant petit à petit dans le tragique, avant de nous laisser entrevoir le rapprochement avec le sujet initial, qui, rappelons-le, est Shakespeare. En cela, ce premier volume finit de nous convaincre : la fin du tome et la bande-annonce du deuxième volume laissent clairement entrevoir où Sakuishi va en venir, et l'on a le sentiment que l'auteur sait parfaitement où il va, comme le laisse suggérer le titre. 7 Shakespeares, ou 7 grandes inspirations à l'oeuvre du célèbre dramaturge ?

Malgré quelques petites longueurs et le doute que peut laisse l'aspect surnaturel, et bien qu'il ne faille vraisemblablement pas le considérer comme un récit rigoureusement strict quant à tous les différents aspects historiques abordés, 7 Shakespeares nous propose d'emblée une belle réinterprétation de la rumeur selon laquelle le célèbre dramaturge serait un imposteur. Le concept est original, la lecture est fluide, haute en couleurs, surprenante et ambitieuse dans sa construction, et se présente clairement comme une lecture à essayer à tout prix.

Du côté de l'édition, Kazé Manga nous offre un travail d'excellente facture. La traduction coule de source, l'impression et le papier sont de qualité, les premières pages en couleur sont un plus sympathique, et le prix que 9,99€ se justifie facilement quand on voit que l'on a affaire à un joli pavé de près de 300 pages.
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shun
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Re: 7 Shakespeares

Message non lu par shun » 05 mai 2012, 22:38

tome 1:

je suis ressorti de la lecture "étonné", je m'attendais clairement a un truc chiant et ce premier tome est tout le contraire, prenant, rythmé, intéressant ! par contre ce tome 1 n'est clairement pas suffisant pour se faire une idée, excepté le premier chapitre, tout le reste du tome est consacré au passé d'un autre personnage et n'a sur le moment rien avoir avec le héros! étonnant comme mise en bouche.
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Luciole21
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Re: 7 Shakespeares

Message non lu par Luciole21 » 25 mai 2012, 21:20

7 Shakespeare 01 :
Qu'est-ce que ça fait plaisir de retrouver Sakuishi après le sublissime Beck \°/
Et je ne suis absolument pas déçus !
Et si le célèbre Shakespeare n'avait été qu'un imposteur ? S'il n'avait pas écrit un traite mot des œuvres qu'on lui attribue ?
Je ne connais Shakespeare que par Hamlet et Roméo et Juliette, mais d’emblée, le personnage m'est sympathique (bien évidemment c'est une fiction, mais je suppose que Sakuishi s'est un minimum renseigné). Il n'est que peu présent dans l'ouvrage mais possède un charisme fou et promet d'être des plus intéressant.
Plus des trois quarts du volume sont ensuite centrés sur l'histoire de la ville de Chinatown. Très bien géré, extrêmement fluide et émouvant à souhait, l'auteur n'a rien perdu de son talent narratif.
Graphiquement, sa patte unique plaît ou pas (moi j'aime beaucoup ^^), le trait presque caricaturale est très bien maîtrisé.
Bref, un chef d’œuvre en perspective, à lire !
17/20
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Koiwai
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Re: 7 Shakespeares

Message non lu par Koiwai » 18 juin 2012, 19:08

Tome 2 :

1587, l'une des années perdues de la biographie de Shakespeare, que nous retrouvons ici sous le nom de Lancer Carter, jeune commerçant qui s'est juré, avec son ami Wallace, de faire fortune, et qui prend également plaisir dans l'écriture de pièces de théâtre qui ne connaissent aucun succès. Un soir, comme attiré par une larme qui serait tombée de la lune, Lance finit par trouver, inanimée au bord de l'eau, la jeune Li. Il ne sait pas encore que cette rencontre va changer sa vie...

Recueillie par Lance qui la confie à son camarade Mill, Li reste coincée par la barrière de la langue, mais les efforts de Mill seront le point de départ de son apprentissage de la langue anglaise, et très vite, la jeune Li, curieuse de tout, démontre d'incroyables facultés d'assimilation. Dans ce volume qui peut paraître assez longuet de par sa forte focalisation sur l'apprentissage de Li, la jeune fille continue pourtant de toucher, non seulement parce que le lecteur connaît son passé, passé qui ressurgit à plusieurs reprises comme autant de souvenirs douloureux, mais aussi parce que celui-ci a tout le loisir d'observer la curiosité maladive de la petite chinoise envers tout ce qu'elle croise, curiosité à l'origine de ses facultés d'assimilation, et qui se traduit par des bouilles amusantes et irrésistibles rendant la petite chinoise plus attachante que jamais.

Si l'évolution de Li dans une société qu'elle ne connaît pas encore est le principal leitmotiv du volume, Harold Sakuichi n'oublie pas le reste en route. Ici, on découvre un Shakespeare qui n'est pas encore le célèbre écrivain que l'on connaît, et qui rencontre moins le succès dans l'écriture que dans le commerce. Par bribes, l'auteur nous invite à voir l'évolution du jeune homme, intéressé par l'écriture mais n'y ayant aucun talent, et qui va peu à peu découvrir en Li - qui va elle-même montrer de grands talents dans la poésie - une source d'inspiration à laquelle il pourrait bien s'intéresser de près, au risque de négliger son commerce et son ami Wallace...

Evolution incroyable de Li, découverte par Shakespeare de ses talents de poétesse, négligence du commerce : les pistes développées par l'auteur sont multiples, mais certains lecteurs pourraient être un brin déçus par le déséquilibre indéniable existant dans le développement de ces différentes pistes : tandis que l'évolution de Li s'étire largement sans pouvoir empêcher de trouver les apprentissages de la fillette exagérément simples, les problèmes liés à la négligence du commerce se cantonnent finalement à une histoire d'arnaque très banale, et que l'on devine largement à l'avance. Quoi qu'il en soit, il y a des points sur lesquels Sakuichi ne déçoit pas : la confrontation entre la culture de Lance et celle de Li, et la mise en avant des talents d'écrivain de la jeune chinoise, qui parvient à puiser l'inspiration dans l'observation et le respect de la moindre vie, comme le montre son amour pour les poissons de l'étang et pour le chiot que Lance lui offre.

Parfois un peu longuet, un peu déséquilibré, ce deuxième tome parvient pourtant à captiver, tant la narration est fluide, Li attachante, Lance intrigant. Aucune raison de bouder son plaisir si l'on a aimé le premier volume.
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Re: 7 Shakespeares

Message non lu par Koiwai » 03 oct. 2012, 18:39

Tome 3 :

Recueillie par Lance, la jeune Li poursuit son éducation auprès du brave Mill, et montre une mémorisation incroyable. Reste que la jeune fille est toujours hantée par son passé et la manière tragique dont tout s'est terminé. Au contact de ses bienfaiteurs, elle sait pourtant qu'elle se doit de faire table rase du passé pour repartir dans la vie. Pendant ce temps, Lance reste subjugué par les écrits de la jeune fille, et comprend vite qu'il pourrait en tirer profit pour remporter ses prochains défis théâtraux, à commencer par celui l'opposant à un riche et orgueilleux marchand de vin, pour les yeux de la belle Anette...

Malgré son nombre de pages toujours aussi imposant, 7 Shakespeares continue d'évoluer doucement, mais sûrement, et celles et ceux qui reprochaient aux deux premiers volumes un certain manque de rythme ne se réconcilieront pas ici avec la série de Harold Sakuishi, l'auteur prenant de nouveau tout son temps pour dépeindre le quotidien de nos héros, et la façon dont il évolue. A ceci près qu'il passe un eu trop rapidement sur l'évolution de Li vis-à-vis de son passé.

Pourtant, entre les bouilles adorables de Li et les apparitions amusantes de ce brave bonhomme de Mill, qui sont toujours là pour égayer le récit, les évolutions sont nombreuses, ou plutôt, les amorces d'évolution. Car l'heure est venue pour Lance de prendre pleinement conscience de toutes les facultés d'écrivain de Li, capable de rédiger sans mal des poèmes beaux à en pleurer. Et l'on découvre alors un homme bien décidé à en tirer profit lors de son prochain duel théâtral, où il joue aussi bien l'amour d'Anette que son avenir dans le théâtre. Mais l'amour de la belle Anette, le jeune homme semble n'en avoir que faire, tout au plus y voit-il un bon moyen de se hisser un peu plus haut dans le théâtre. Séducteur, Lance se montre surtout manipulateur, et on découvre alors une autre de ses facettes, que l'on devinait déjà auparavant, et que l'on voit de plus en plus visiblement. Notre héros n'a jamais été aussi intrigant.

De ce fait, on se demande bien comment va évoluer le futur Shakespeare, d'autant que son duel théâtral captive, le mangaka sachant y mettre en valeur les textes théâtraux et poétiques et parvenant sans mal à rendre horripilant l'orgueilleux rival de Lance.

En bref, ce troisième volume fait évoluer les choses sans les bousculer, et l'on se demande bien ce qui nous attend par la suite.
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Luciole21
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Re: 7 Shakespeares

Message non lu par Luciole21 » 03 oct. 2012, 19:12

Je trouve ce troisième volume moins bon que les deux précédents. Tout simplement parce que le manque de rythme dans les deux premier volumes (enfin surtout le second) était pallié par la découverte des personnages et de l'univers du manga. Ici, on reste en terrain connu, et on avance toujours très peu, malgré quelques passages captivants, il est temps que l'intrigue décolle.
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Guildo99
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Re: 7 Shakespeares

Message non lu par Guildo99 » 28 nov. 2012, 13:59

J'ai lu que le tome 1 et je trouve que l'histoire et un peu floue parfois :oops: mais c'est quand même un bon Seinen qui révèle pas mal de choses sur la vie de Shakespeare :) .

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Re: 7 Shakespeares

Message non lu par Luciole21 » 28 nov. 2012, 18:08

Dans le premier volumes on est quand même un peu limite niveau révélations sur Shakespeare ^^" D'ailleurs le manga développe une "théorie" d'imposture comme il y en a eu pour pas mal d'auteur (Platon, Molière...) et n'a pas de valeur historique prononcée.
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Re: 7 Shakespeares

Message non lu par Koiwai » 17 janv. 2013, 20:25

Tome 4 :

Une nouvelle partie s'ouvre dans ce quatrième volume, qui nous plonge plus encore dans le passé en nous invitant à suivre l'enfance de William Shakespeare, dans ses jeunes années marquée par un contexte historique en pleine évolution. Le premier coup de maître de Harold Sakuichi est de parvenir, en seulement quelques pages, à poser avec avec clarté ce contexte délicat, où la religion protestante désormais bien installée sous le règne d'Elisabeth I se lance dans la chasse aux Catholiques.
C'est au beau milieu de cette situation que grandit le jeune William, dans un environnement familial tout aussi délicat, aux côtés d'une mère devenue à moitié folle et délaissée par un mari obsédé par les hautes sphères de la société. Mais Will peut compter sur son ami de toujours, le jeune John Combe (que l'on reconnaît évidemment très vite), et sur diverses personnes de son entourage.

Comme toujours, le mangaka prend le temps de présenter un quotidien délicat. Le ton se veut posé, et pourrait presque paraître trop lent si l'auteur ne l'utilisait pas si bien pour faire ressortir tout ce qu'il faut. Ainsi voit on évoluer étape par étape le jeune William, aux côtés d'un ami avec qui il partage tout, entouré d'une famille pas facile à vivre ou d'un professeur qui cache bien son jeu, croisant la route du célèbre Sir Thomas Lucy que nous reverrons plus tard. Les rencontres que fait William et les malheurs de son entourage sont autant d'occasions de le voir s'affirmer, aidant des amis démunis malgré les interdictions de son père, voyant ce dernier chuter peu à peu dans sa vaine quête des hautes sphères, découvrant l'illégal Catholicisme au sein de la famille de son ami, assistant enfin pour la première fois aux extrémités auxquelles peut mener un amour fou, fougueux et aveugle.

Tout simplement, on se régale donc, car les choses se mêlent et s'enchaînent logiquement et clairement. Tout en nous immergeant dans l'Angleterre de l'époque, ses inégalités sociales, ses tensions religieuses et ses célèbres lieux sordides (la Tour de Londres), Harold Sakuichi amène petit à petit son héros à se forger, nous fait petit à petit comprendre ce qui les a poussés, lui et John/Wallace, à devoir changer de nom, et nous laisse deviner les événements marquants qui ont pu conditionner les histoires qu'il écrira plus tard (ici, le parcours de la jeune et belle Cathy Hamlet).

Maîtrisée, cette réinterprétation de la vie de William Shakespeare exploite parfaitement tout ce qu'elle met en place, et captive.
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Re: 7 Shakespeares

Message non lu par Koiwai » 08 mai 2013, 18:13

Tome 5 :

Grâce au professeur Hunt puis au prêtre John Cottam, le jeune William Shakespeare a trouvé une philosophie de vie salvatrice dans la foi catholique. Mais l'ombre de Sir Thomas Lucy, fervent protestant fidèle à l'implacable secrétaire d'état Francis Walsingham, plane de plus en plus. Le protestantisme dominant est en pleine chasse au catholicisme, Hunt en a déjà fait les frais en devant s'exiler, et le couperet menace de tomber sur John Cottam, dont le frère Thomas est déjà arrêté et torturé à la Tour de Londres. Ainsi Harold Sakuishi continue-t-il de captiver en nous plongeant avec une grande clarté dans les tensions entre le protestantisme dominant et le catholicisme traqué au coeur de l'Angleterre des années 1580. L'auteur offre de nouveaux exemples forts de cette chasse au catholicisme, chasse dont les conséquences se répercuteront forcément sur le jeune William, bien qu'une aide catholique encore mystérieuse semble pouvoir venir des hautes sphères du gouvernement...

Tandis que William reste impuissant face à la traque des catholiques, une autre épreuve plus personnelle l'attend en la personne d'Anne Hathaway, fille de fermiers qui, pour se sortir d'une situation délicate, n'hésitera pas à manipuler notre jeune héros afin d'en faire son mari. On découvre alors un nouveau personnage aussi attirant physiquement que sournois, ce que l'auteur fait très bien ressortir dans les rictus de cette jeune femme qui, à son tour, va faire basculer brutalement le destin du jeune Will.

Quant à la dernière partie du tome, elle place encore face à Will et son ami John Combe une nouvelle épreuve, qui va les amener à se frotter de près à Sir Thomas Lucy, et qui est l'occasion de découvrir un peu plus en ce dernier un homme a priori réellement implacable et dangereux, faisant peu de cas de la vie des petites gens.

Trois épreuves, pour trois nouvelles étapes continuant de faire évoluer le jeune William. Harold Sakuishi nous balade, on ne sait pas encore quelles seront toutes les retombées de ce qu'est en train de vivre Will, mais on se laisse sans problème porter par les talents narratifs du mangaka, qui bluffe encore et toujours dans sa réinterprétation de la vie de Shakespeare sans s'écarter des grandes réalités historiques. On se régale dans cette belle immersion dans le conflit protestantisme/catholicisme, on apprécie la justesse des références historiques comme l'exécution de Thomas Cottam le 30 mai 1982, l'écart d'âge de 8 ans entre William et Anne ou encore leur mariage, on reste séduit par la réinterprétation de certaines rumeurs comme celle voulant que William n'aimait pas sa femme. Les choses avancent vite, sont maîtrisées, sont limpides, et on se régale une nouvelle fois, en attendant de voir ce que donnera le sixième tome, qui marquera la fin de la première partie de la série. Espérons que celle-ci ne soit pas trop frustrante, la deuxième partie n'étant pas encore entamée au Japon, et Harold Sakuishi ne semblant pas prêt de s'y plonger...

Enfin, un petit mot sur l'édition, toujours impeccable aussi bien côté traduction que côté impression, mais qui risque de soulever quelques colères. En effet, si payer 9,99€ pour des premiers tomes de plus de 300 pages se justifiait, certains lecteurs pourraient se sentir floués par un prix qui reste identique alors que chaque tome est un peu moins épais que le précédent, ce cinquième opus étant désormais aussi épais que n'importe quel volume en atteignant tout juste les 200 pages.
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