Maria

Rubrique consacrée aux seinen, c'est à dire des séries se destinant à un lectorat adulte.
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Koiwai
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Maria

Message non lu par Koiwai » 19 nov. 2012, 19:33

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Tome 1 :

En plein Japon des années 70, Maria débarque dans son nouveau lycée pour filles, et crée rapidement des étincelles : ne se laissant pas marcher dessus par les chefs de l'établissement, elle attire la haine de certaines tandis qu'elle séduit les autres. Dans tous les cas, la jeune fille ne laisse pas indifférent. Elle ne laissera jamais personne indifférent. L'arrivée dans ce nouveau lycée n'est que le début de son histoire. De cette histoire qui se place parmi les premières oeuvres de Kazuo Kamimura. A ce jour, ils s'agit de la plus ancienne série de l'auteur parue en France, datant toutefois d'une époque où il a été très prolifique, à savoir le début des années 70.

De ce fait, on ressent un peu la jeunesse de l'auteur, à travers une narration parfois assez hachée entre les différents rebondissements. Une narration qui s'écoule un peu moins bien que dans la plupart des oeuvres postérieures de l'auteur, mais où l'on trouve déjà son goût si séduisant pour l'alternance de dialogues assez crus ou, au contraire, poétiques, plus posés et portés par des extraits de poèmes classiques japonais du plus bel effet. Les effets de style sont déjà nombreux et séduisent.

Dans les thèmes, on retrouve déjà aussi les éléments essentiels qui feront tout le style de Kamimura. Le portrait de jeune fille perdue rappelle le Fleuve Shinano, mais le caractère plus fort bien que fragile de Maria rappelle plutôt d'autres titres, de même que l'on pense à Lorsque nous vivions ensemble via l'époque, le Japon des années 70, en pleine émancipation des moeurs.

Cette émancipation est ici l'élément central, et passe avant tout par le sexe, ses dérivés et ses déviances, que Kamimura aborde plus que jamais ici sans concession, sans tabou, comme porté par la même fougue de la jeunesse que son héroïne. En s'appuyant notamment sur la symbolique d'un omniprésent soleil rouge, aussi rouge que le sang, aussi rouge que celui du drapeau japonais, l'auteur bouscule le lecteur et son propre pays au fil de la vie mouvementée de Maria, jeune fille qui a grandi dans une famille de nouveaux-riches détraquée où le père met de côté son épouse pour s'adonner aux plaisirs entre hommes, et qui est désormais confrontée à d'autres situations. Elle joue volontiers avec ses camarades de classe lesbiennes, noue une amitié sincère avec l'une d'elles, tombe amoureuse d'un jeune homme différent des autres mais dont les errances d'une mère incestueuse le mèneront en partie à sa perte. Maria se nourrit de tout cela, des ses rencontres, de ses séparations, des drames qui entourent déjà sa jeune vie, et fait de toutes ces possibles fragilités des forces pour aller de l'avant et vivre.

Comme déjà dit, ce Kamimura-là est celui qui aborde le plus les choses sans tabou, parfois de manière assez incisive, bien que l'auteur cherche constamment à trouver l'équilibre avec les tons plus mélancoliques, symboliques et poétiques qui feront toute sa force plus tard. De ce fait, certains pourraient être rebutés. Les autres découvriront une oeuvre parfois un peu maladroite, mais déjà visuellement très belle pour qui aime le style 'estampe" de l'auteur, et riche dans son fond, dans la peinture sulfureuse du Japon du début des années 70, et dans le portrait d'une héroïne aussi fragile que forte, qui séduit dès sa première apparition.

Du côté de l'édition, nous avons droit à un pavé de 255 pages en grand format, doté d'une traduction toujours aussi bonne, comme sur les autres titres de l'auteur. La finesse du papier, pas très dérangeante, pourra toutefois décevoir un peu.
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Re: Maria

Message non lu par Koiwai » 21 févr. 2013, 17:45

Tome 2 :

Plongée dans un Japon des années 70 troublé et en pleine émancipation, Maria traverse les épreuves de la vie avec force et une certaine provocation, croisant régulièrement l'immoralité, s'y plongeant elle-même parfois. Mais quelque chose a changé : elle est désormais enceinte du défunt Kirito, et doit poursuivre sa vie en prenant en compte le petit être qui pousse en elle.

Maria continue de voir surgir face à elle des êtres humains qui s'entredéchirent, que ce soit à travers le destin funeste d'une famille qu'elle fréquente pendant un temps, ou via le sort réservé à un gamin marginal qui a menti. Mais la jeune femme, elle, a gagné en maturité en traversant les épreuves et en se préparant à être mère. Elle est pourtant doublement plus fragile qu'avant.

Dans ce deuxième volume, Kazuo Kamimura offre un fond moins immoral et malsain, mais toujours porté par les nombreux coups durs de la vie et d'une époque troublée. Maria mûrit dans ce contexte, l'impétueuse et glaciale fille du tome 1 laisse place à une femme plus réfléchie, qui peut paraître plus humaine, et qui conserve donc son charisme mais dans un autre genre. Une seule espérance alors : voir Maria enfin accéder à un bonheur simple.

Un peu plus posé et moins malsain, le deuxième et dernier tome de Maria reste néanmoins porté par la patte d'un auteur qui continue de dresser, via plusieurs destins croisant celui de l'héroïne, un portrait sans concession d'une époque trouble et souvent un peu en proie à la folie. Le trait reste séduisant, les instants de poésie et les métaphores (notamment celles liées au rond) sont toujours là, et les fans de l'auteur devraient se régaler, à conditions de passer outre une narration à nouveau un peu hachée et des événements parfois trop exagérés et peu réalistes (par exemple, l'homme qui part chercher sa barque au milieu de l'eau en pleine tempête...).

On a avec Maria un nouvel exemple des thèmes qu'affectionne Kazuo Kamimura, mais avec un ton et une narration un peu maladroite, ce qui est dû à l'expérience encore peu présente chez l'auteur à cette époque. Voici donc une oeuvre qui ne restera pas parmi les meilleures de Kamimura : oeuvre de jeunesse un peu maladroite, mais fougueuse et sincère, qui devrait néanmoins ravir les fans et qui reste une étape indispensable pour qui veut appréhender dans son entièreté ce mangaka unique qu'était Kazuo Kamimura.
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