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Tome 1 :
Marre des zombies ? Ca tombe bien, les éditions Glénat ont pensé à vous, en nous amenant en France une série s'intéressant à un autre type de mort-vivant, les goules, dévoreurs d'humains se fondant parmi ceux-ci. La série en question, Tokyo Ghoul, et les première oeuvre de son auteur Sui Ishida, et paraît toujours dans les pages du célèbre Young Jump, magazine seinen généralement orienté young, mais pas que, puisqu'on y a trouvé aussi bien du titre très mâture comme L'affaire Sugaya ou Sidooh, que des seinen plutôt dédiés aux ados tels Liar Game ou le manga dont il est question aujourd'hui.
Tokyo Ghoul prend place dans la capitale japonaise, où le jeune étudiant Ken Kaneki, 18 ans, mène une vie tout à fait classique aux côtés de son ami d'enfance Hide. Ensemble, les deux garçons suivent leurs cours, matent les filles... D'ailleurs, Ken en a repéré une très jolie dans un café où ils ont l'habitude d'aller. Un petit coup de foudre, mais le garçon, depuis toujours renfermé et préférant se réfugier dans ses lectures, n'ose pas vraiment l'aborder, au contraire de son meilleur ami, beaucoup plus extraverti. Mais de fil en aiguille, voici que le destin pousse Ken vers celle qu'il aime, celle-ci ayant la même passion que lui pour la lecture.
Bref, tout semble se passer tout à fait normalement dans cette ville. Pourtant, il y a un problème : les goules. Ces monstres cannibales peuplent les nuits tokyoïtes, se fondent parmi les humains pour mieux les dévorer une fois que ces derniers sont à leur portée. Des cadavres sont constamment retrouvés, et si Ken flippe un peu, il ne se sent pas spécialement concerné. Pourtant, sa vie va bientôt être changée à jamais par sa rencontre avec l'une d'elles. Mortellement blessé, il est sauvé d ejustesse par la greffe des organes de son agresseur, dont l'identité de goule était ignorée.
Quelques semaines après son opération, Ken peut sortir. Il tente de reprendre une vie normale, mais il se sent très vite différent. Son sens de l'odorat est désormais décuplé, et la majorité des odeurs lui donnent envie de vomir, en particulier celle de tous les plats qu'il adorait encore il y a quelques semaines. Pire, il se sent de plus en plus attiré par les émanations que dégagent ses congénères humains... La vérité ne tarde pas à apparaître sous ses yeux : son opération l'a transformé, et Ken est devenu un hybride, mi-humain, mi-goule...
Pour l'heure, le premier tome se limite à une introduction assez mouvementée, où l'enfer de Ken en fait que commencer, s'agrandissant petit à petit. Car désormais, il n'est plus totalement humain, et ses relations avec ses congénères ne seront plus les mêmes. Car son physique change un peu dès que ses pulsions de goule font surface, et maintenant qu'il a des envies de goules il croquerait bien quelques humains, mais afin de ne pas perdre totalement l'humanité qui lui reste il se retient envers et contre tout, quitte à souffrir de martyre puisqu'il ne peut plus rien manger d'autre sans avoir de nausées. Pire, c'est son meilleur ami Hide qu'il met aussi en danger. Celui qui a toujours été là pour lui, mais qu'il est bien décidé à ne pas croquer et à protéger des autres goules. La souffrance est là, l'auteur s'applique à la mettre constamment en avant via les tortures intérieures et physiques que s'inflige Ken, partagé entre l'humain et la goule... à tel point qu'il se demande s'il a encore sa place quelque part, lui qui n'est plus totalement humain et pas totalement goule. Les dernières pages du tome pourraient alors lui ouvrir une sorte d'issue de secours, lui faisant prendre conscience de son unicité tout en l'invitant à découvrir plus en profondeur l'univers des goules, visiblement loin de se limiter à de simples mangeurs de chair humaine...
Nous promettant une immersion aux côtés d'un humain qui ne l'est plus totalement, Tokyo Ghoul séduit en ceci qu'il nous offre une vision un peu différente, un point de vue qui n'est plus uniquement humain, et qui s'étire aussi à celui des goules, auxquelles Ken va peu à peu être obligé de se mêler, même s'il aurait préféré que rien de tout ceci ne lui arrive.
Notre héros découvre alors que des goules, il en côtoyait déjà, mais qu'elles étaient bien cachées parmi les humains et ne se révèlent que la nuit. Le jeune homme fait déjà des rencontres décisives et délicates, qui le mettent face à certaines vérités vérités approfondissant ces créatures de la nuit, comme le système de partage des territoires, pour l'instant juste évoqué. Et également, le jeune verra déjà que des goules, il en existe différentes sortes. Il y a les sadiques ne voyant les humains que comme du bétail et n'aimant rien de plus que de voir leurs proies humaines apeurées avant de se faire bouffer. Mais à côté, il y en a aussi qui sont un peu plus raisonnées, et peuvent comprendre la situation dans laquelle se trouve Ken, voire peuvent l'aider.
Indéniablement, il y a donc du potentiel dès ce premier tome, Sui Ishida mettant en place un univers intéressant et un héros qui n'a sans doute pas fini de se torturer. Toutefois, tout n'est que mis en place pour l'instant, et il faut dire que le rythme aurait peut-être gagné à être un peu plus vif, car il y a certaines choses sur lesquelles l'auteur a tendance à trop s'étirer, à commencer par les tortures intérieures de Ken, que l'on cerne vite et qui s'étirent alors un peu trop ensuite pour ne plus amener grand chose, ou les premiers face à face du jeune garçon avec des goules, toutes très prévisibles (dès les apparitions des personnages, on se doute vite de qui est goule...). Si l'univers se met bien en place, Sui Ishida n'évite pas une tonne de petits clichés pour parvenir à cette mise en place.
Egalement, et on pourrait décevoir un peu certains lecteurs, car là où l'on aurait pu s'attendre à une ambiance très sombre et malsaine, Sui Ishida reste finalement très sage. Globalement, le trait reste propre, le look goule de Ken, avec son oeil différent, n'a rien de dérangeant, les petites scènes d'action et de souffrance se veulent plus stylisées mais sont un peu trop illisibles et manquent de violence, les courts passages gores restent très légers, et les scènes qui auraient pu mettre réellement mal à l'aise (en tête des scènes de goules dévorant des humains) sont en grande partie occultées. On a certes un travail graphique globalement très plaisant avec un trait assez maîtrisé, mais si vous espériez quelque chose de réellement très malsain dans l'ambiance et d'un peu gore, vous risquez d'être déçu par ce rendu un peu édulcoré, qui a toutefois le mérite de rendre l'oeuvre accessible à un plus grand monde (et de ce fait, la catégorisation du titre en shônen dans son édition française n'apparaît pas mal choisie).
Globalement, on a donc un premier volume de bonne facture, qui met en place un univers intéressant et lance déjà quelques pistes autour des goules et de l'aspect hybride de Ken. Mais cela se fait sur les bases d'une introduction un peu longuette, prévisible et globalement trop sage sur pas mal de points. On attend donc de l'ensemble qu'il décolle bel et bien.