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Vertical

Posté : 28 août 2013, 17:31
par Luciole21
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http://www.manga-news.com/index.php/serie/Vertical

Tome 1 :

Le risque, lorsque l’on décide de publier un manga d’alpinisme aujourd’hui, c’est que l’on passe après au moins deux titres déjà particulièrement bons que sont Le sommet des dieux et Ascension. Glénat aura-t-il eu le nez fin en publiant Ishizuka Shinichi, et en décidant de faire découvrir cet auteur au lectorat français à travers Vertical ? Voyons cela.

Sampo Shimazaki a 47 ans. Après avoir gravit les monts les plus ardus et les pics les plus techniques, ce dernier décide de rentrer dans son Japon natal pour y travailler comme sauveteur bénévole en montagne. Ascension et Le sommet des dieux étaient déjà très différents entre eux, Vertical traitera d’alpinisme sous un autre jour encore.

Ici, les chapitres sont presque indépendants entre eux, et pour le moment, aucune véritable intrigue ne vient enrichir l’univers du manga. Un chapitre correspond la plupart du temps à un sauvetage, ou à un flash-back autour du personnage principal, et justement, parlons-en. Shinichi Ishizuka dresse à travers Sampo un portrait particulièrement humain, celui d’un homme qui a vu la mort à de multiples reprises, que la montagne a forgé comme elle forge quiconque la fréquente trop longtemps. Ce passé douloureux tranche pourtant de façon drastique avec la personnalité de notre protagoniste, toujours souriant, plus que prompte au dialogue et faisant preuve d’une bonhomie à toute épreuve. L’auteur nous présente de façon subtile un individu qui connaît les dangers de la montagne, qui la redoute et qui l’aime, qui désire par-dessus tout aider ceux qu’elle maltraite parfois. Le personnage peut paraitre trop parfais, c’est le gentil absolu, mais il apparaît pourtant très réaliste et le lecteur est rapidement pris d’affection pour ce héros altruiste. Héros oui, sauveur inconditionnel non. Le manga prend un parti pris réaliste vis-à-vis du sauvetage en haute montagne, ce qui implique son lot de réussite, mais aussi d’échec. Pour vivre la sensation grisante du vent glacé et vivifiant de la montagne ou pour se délecter de ses plus beaux paysages, certains perdrons jusqu’à la vie. Ce côté est particulièrement bien rendu, et à tous les niveaux, puisque l’auteur prends la peine de nous présenter les multiples réactions en cas de drame, que ce soit du côté de la victime elle-même (avant sa mort, bien entendu), du sauveteur et du deuil permanent qu’ils doit entretenir sans pour autant se laisser abattre, ou des proches de la victime. Un aspect qui donnera notamment lieu à un passage particulièrement fort en émotions, et à plusieurs répliques renvoyant à des faits durs, mais nécessaires.

Si l’œuvre fait essentiellement la part belle à Sampo et aux sauvetages qu’il opère, elle met également en avant une certaine Kumi Shiina qui effectue un stage au près des sauveteurs dans le cadre de son métier de policière. Jeune et dynamique, cette dernière contraste avec notre héros de par ses réactions plus franche et démonstrative lorsqu’elle est confrontée à la dure réalité, incapable dans un premier temps de comprendre qu’il puisse être parfois nécessaire d’abandonner des victimes à leur sort pour le bien d’une majorité. Peu à peu, elle apprendra et surtout comprendra les motivations qui peuvent pousser certains individus à prendre de gros risque en montagne, et ce malgré les dangers évidents.

Enfin, le manga aborde également une portée sociale et tranche de vie.
Sociale à travers les relations entre les différents acteurs de la vie en montagnes évoqués ci-dessus, et aussi à travers les parcours des alpinistes, de ce qui les a poussés à vouloir en découdre avec la nature. Encore timide, cette aspect est en lien directe avec des thématiques plus discrètes et plus simples, comme celle de l’amour ou de l’amitié. L’auteur mêle également à son récit un humour naturel et bon enfant, introduit efficacement et subtilement.

Graphiquement, le trait de l’auteur est assez simple mais néanmoins facilement reconnaissable de par sa capacité à créer des visages atypiques et rapidement identifiables, à la frontière des productions japonaise et européennes. La représentation des paysages, bien que moins détaillée que dans Ascension par exemple, n’en demeure pas moins une vraie réussite.

Dramatique et humain, ce premier volume de Vertical s’offre le luxe de ne pas offrir de scénario encore très développé, tout en demeurant passionnant et riche en de nombreux points. Fort d’une identité graphique simple mais efficace, le manga traite de nombreuses thématique et particuliers celle du rapport de l’homme à la montagne, et de l’homme à l’homme. Un titre qui commence fort bien, et qui ont l’espère, continuera sur cette lancée réaliste, accessible et au nombreuses facettes aussi intéressantes que plaisantes.

17/20

Re: Vertical

Posté : 28 août 2013, 23:09
par Koiwai
Je viens conforter l'avis de Luciole sur cette série très prometteuse (mais on n'en attendait pas moins) :)



Lauréat du grand prix des Manga Taisho Awards en 2008, du prix général des Shogakukan Awards en 2009 et du prix d'excellence du Japan Media Arts Festival en 2013, adapté en un film live... C'est auréolé d'une solide réputation que débarque en France Vertical, de son nom original Gaku - Minna no Yama, un seinen qui vient se ranger dans la petite liste des mangas d'alpinisme, aux côtés du Sommet des Dieux, de K ou d'Ascension. Cependant, c'est un sujet beaucoup plus ciblé que le simple alpinisme qu'aborde la série : le secourisme en montagne et tout ce que cela implique de connaissances, de mentalités, de réussites et d'échecs.

Sanpo Shimazaki est un alpiniste chevronné, qui a écumé tous les sommets du monde, de l'Himalaya aux Andes en passant par l'Amérique du Nord, L'Europe, le Pakistan... Fin connaisseur des montagnes, de leur infinie beauté, des techniques pour les escalader et des dangers qu'elles peuvent représenter, il a rencontré toutes sortes de gens, et en a vu certains disparaître dans les cimes montagneuses. Ainsi a-t-il choisi, une fois revenu dans son Japon natal, de devenir un secouriste bénévole, venant alors en aide à tous ceux qui se retrouvent piégés par la montagne. Cette histoire commence alors que Kumi Shiina, une jeune policière de Nagano, se retrouve propulsée en haute montagne où elle suit une formation...

Au fil des 8 chapitres de 24 pages qui composent ce premier volume, l'auteur Shinichi Ishizuka nous invite alors à suivre autant de petites histoires où Sanpo vole à la rescousse des personnes piégées par la montagne. De l'étudiant au retraité en passant par les collègues accompagnés de leur directeur, il croise toutes sortes de personnes différentes, tentant de les sauver de tout autant de dangers variés : chute dans une crevasse, avalanche, tempête de neige, orage... Les situations s'avèrent d'emblée très variées et donnent un bon aperçu des différents dangers qui peuvent surgir en montagne, et Sanpo doit alors se démener pour faire face à des situations souvent délicates. Mais en plus de sa technique exemplaire en montagne, Sanpo possède d'autres qualités, très humaines, toujours aptes à réconforter simplement les victimes.
Car bien souvent, les personnes qu'il aide ont diverses raisons pour s'être aventurées un peu négligemment en montagne, tout comme elles peuvent émettre des regrets en ayant embarqué des proches avec eux dans leur galère. Que ce soit ce père se retrouvant au bord de la mort avec son fils, cet homme qui veut se prouver qu'il n'est pas un raté, cet étudiant voulant honorer le souhait d'un mort ou ce directeur regrettant d'avoir emmené dans sa galère les hommes qui travaillent pour lui, le mangaka s'applique à dépeindre brièvement mais de façon convaincante des petits portraits humains qui contribuent beaucoup à la portée sociale de l'oeuvre. C'est alors à Sanpo de les sauver et de les réconforter, à l'aide de paroles justes et d'un sourire à toute épreuve, même dans les situations les plus tristes ou critiques.

Alors, Sanpo, le héros parfait ? Oui et non. Car sous ses talents en montagne, sa jovialité quasiment permanente et sa bonhommie, il reste avant tout un homme, avec tout ce que ça implique : s'il émet toujours le souhait de sauver son prochain, il n'est pas un surhomme, et n'y parvient pas toujours. Ses missions peuvent alors être autant des réussites que des échecs tragiques, mais il sait rester fort pour ne pas vaciller lui-même, et préfère conserver le sourire que s'enfoncer dans des doutes qui le rendraient inutile. Et être secouriste, c'est aussi devoir faire parfois des choix difficiles, par exemple en choisissant de ne pas tenter de sauver tout le monde face à un danger trop grand qui pourrait finir par coûter la vie à tous, ou accepter les reproches injustifiés de personnes venant de perdre l'un des leurs, histoire de leur permettre d'évacuer leur tristesse. Redisons-le, s'il présente admirablement positivisme ou abnégation, Sanpo ne reste qu'un homme, n'est jamais un superhéros, et on appréciera alors le souci de réalisme du récit, qui n'embellit jamais les choses. Sans pour autant tomber dans du tragique pathos, ce qui est souvent habilement évité par le positivisme de notre secouriste.
Ce qui finit aussi de rendre le récit crédible, c'est le passé de Sanpo, qui se dévoile par petites doses, par-ci par-là, et qui vient préciser peu à peu les rencontres et les drames qui ont forgé ce vaillant secouriste. Des visages, il en a croisés beaucoup, en retrouve via certains chapitres, en a vu d'autres disparaître... Un portrait subtil se dessine alors, petit à petit.

Quant à l'éventuel fil rouge... pour le moment il n'y en a pas vraiment, si ce n'est via un personnage : la policière Kumi Shiina, qui apparaît par-ci par-là pour devenir de plus en plus présente au fil des chapitres, et dont on devine la formation longue et fastidieuse, car la jeune femme, face au danger, à la tristesse et à la mort, ne peut réprimer des émotions que Sanpo, lui, a appris à contenir. Il se crée alors un contraste très intéressant entre un homme expérimenté et une jeune femme qui a tout à apprendre, et gageons que cet aspect sera important par la suite.

Pour le reste, il faut noter que si Vertical s'ancre dans le milieu de l'alpinisme et des montagnes, il s'avère graphiquement bien différent de ses illustres prédécesseurs. Là où le Sommet des Dieux ou Ascension en mettent plein la vue et s'appliquent à dépeindre une montagne visuellement très riche et des ascensions impressionnantes, Vertical reste plus humble, avec une narration qui va à l'essentiel (pas de longues recherches folles des victimes, de présentations de techniques de folie, de longs parcours dans les cimes enneigées... C'est aussi pour ça que chaque histoire parvient à tenir en une vingtaine de pages), des vues montagneuses moins impressionnantes mais néanmoins détaillées et réussies, et le récit de Shinichi Ishizuka s'applique surtout à faire ressortir l'humanité de ses nombreux protagonistes, qu'ils soient récurrents ou n'apparaissent que le temps d'un chapitre. Pour cela, on peut compter sur un design des personnages un peu particulier au premier abord, un peu vieillot diront certains, mais qui a le grand mérite de permettre de grandes nuances dans l'expressivité des protagonistes, qui n'en ressortent que plus vrais et humains. En somme, les graphismes peuvent rebuter un peu au départ, mais une fois qu'on s'y est fait on en apprécie toute la subtilité.

Au vu de ce premier tome de très bonne facture, Vertical est donc une oeuvre riche en promesses, qui aborde la montagne sous un angle nouveau, via le secourisme, pour un rendu très humain et doté d'une jolie portée sociale. Des choses que l'on espère voir toujours plus approfondies par la suite, en espérant notamment des histoires plus longues et un fil rouge plus visible via l'apprentissage de Shiina.

Re: Vertical

Posté : 25 févr. 2015, 17:55
par Koiwai
Tome 8 :
Bientôt la moitié de la série atteinte et aucune lassitude dans cette succession de récits qui, dans ce tome, se renouvellent très bien et possèdent toujours cette forte portée humaine aussi simple que touchante.
Les cas et les ambiances sont variés mais sont toujours forts en valeurs. Et on continue de mieux cerner, petit à petit, les principaux visages de la série.
Un régal !