:REverSAL
Posté : 07 janv. 2014, 19:07

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Tome 1 :
Adepte des séries courtes, Doki Doki, pour sa première nouveauté de 2014, nous propose de découvrir :REverSAL, une oeuvre qui marque l'arrivée en France d'un nouvel auteur, Kemuri Karakara, et qui a connu une publication sur le web avant de sortir en librairie en deux volumes reliés.
A Kyôto, dans le quartier de Gyon, vit Ayame, une jeune maiko (apprentie geisha) qui suit son apprentissage aux côtés de sa mère et de sa grande soeur. Si elle doit se plier à une élégance et un raffinement de chaque instant, la demoiselle est néanmoins fan de super-héros et éprise de justice. Son monde bascule soudainement quand, après avoir trouvé une console par terre et y avoir inscrit son nom, elle se retrouve, à cause d'une comptine, transportée dans un univers parallèle. Elle y retrouve sa ville de Kyôto, mais tout y semble différent... Plus précisément, la ville est inversée, comme si on la voyait d'un miroir ! Plus embêtant encore, les habitants y sont pour le moins particuliers, puisqu'il s'agit de sortes de zombies qu'il faut visiblement tuer pour pouvoir s'en sortir...
C'est sur ces bases que se présente la série. Après une introduction rapide qui permet d'introduire les principaux personnages, voici Ayame propulsée dans un univers qu'elle connaît sans le connaître, puisqu'il s'agit de sa ville vue sous un angle différent. Dans ce cadre, elle devra rapidement se faire quelques alliés, le principal étant... Al, un chien malin s'étant retrouvé doué de parole dans ce monde, et qui offrira plus d'un conseil avisé. Plongée dans cet univers glauque, la jeune maiko devra prendre garde à ne pas céder à la panique. La peur sera présente, mais elle se montrera forte à plus d'un égard, jusqu'à rencontrer de nouveaux alliés humains... Mais ces soi-disant alliés seront-ils totalement fiables ? Et, plus important encore, les habitants de ce monde sont-ils de simples zombies dépourvus de conscience ? Sont-ils réellement méchants et juste assoiffés de sang ? Rien n'est moins sûr... Du haut de sa soif de justice et de son envie de comprendre l'autre, Ayame pourrait vite ébranler quelques-unes de nos premières certitudes.
De ce fait, si vous attendez de :REverSAL un défouloir où une ravissante maiko dégommera à tout va du zombie, sachez que vous ne trouverez rien de cela ici. Du dégommage de zombie avec tripes qui volent, il y en aura par moments, mais ce ne sera pas cette chère Ayame qui sèmera le chaos autour d'elle. Bien au contraire, au-delà de l'effroi, vous découvrirez chez elle un altruisme et une volonté de comprendre ce qui se passe qui la pousseront à ne jamais tomber dans la violence irraisonnée. Voila qui est plutôt intéressant, mais en contrepartie, on vous redit que si vous vouliez un bête défouloir badass, vous risquez d'être décontenancé.
Pour le reste, si l'idée a de quoi être intéressante, elle peine à décoller. Car si Ayame cherche un peu à comprendre les choses, il n'y a pour l'instant aucune révélation concrète sur le pourquoi du comment de tout ceci. On se contente de suivre les déboires de notre héroïne dans un univers très particulier... et c'est précisément dans ces particularités que le bât blesse.
L'idée d'un Kyoto inversé est intrigante, mais est pour l'instant sous-exploitée. Elle se limite aux faits que le chien se mette à parler, que les panneaux publicitaires soient écrits dans l'autre sens... et c'est à peu près tout. Rien ne vient vraiment marquer cette inversion dans les décors, qui sont d'ailleurs un peu trop absents parfois, et qui n'exploitent pas spécialement la ficelle de l'inversion quand ils sont présents, si ce n'est pour souligner quelques rares petites boulettes (page 99, le petit panneau "temple Yasaka" est écrit dans le sens normal). Attention, quand les décors sont bien présents la ville reste très joliment retranscrite, est plutôt immersive et exploite plutôt bien certains lieux connus (par exemple, le temple Yasaka justement, et ses deux statues à l'entrée, qui poseront un joli problème), mais l'aspect inversé est loin d'y être flagrant.
Avec le concept de la console et quelques autres détails comme les cubes en l'air où se trouvent soins et munitions, on devine également une volonté de l'auteur d'offrir un monde façon jeu vidéo, ce qu'il confirme dans sa postface. Mais malheureusement, il s'agit là aussi d'une idée pas totalement exploitée, car hormis cette console, ces cubes et le côté "shoot de zombies" qui sont présents seulement sur quelques pages éparses, il n'y a pas grand chose d'autre qui évoque un jeu vidéo.
Visuellement, on a déjà évoqué le soin apporté aux décors quand ils sont présents, ainsi que les quelques relents sanglants avec quelques gros plans sur des tripes qui volent, mais il faut également souligner la qualité du design des personnages. Tous les protagonistes secondaires sont classiques mais néanmoins soignés, et le design des zombies ne sort pas des normes (tout en restant bien fait), mais il y a par contre une vraie beauté qui se dégage d'Ayame. Son vêtement traditionnel de maiko est plutôt joli, ses traits sont fins... et, surtout, l'auteur parvient à lui offrir une belle palette d'expressions sans jamais trahir son élégance. En utilisant habilement la finesse des sourcils, des cils maquillés, des yeux et de la bouche d'Ayame, Kemuri Karakara dévoile chez sa jolie héroïne des expressions d'incompréhension, d'effroi, de peur (avec bouche pincée, par exemple), de colère face à l'injustice, de douceur quand elle s'intéresse aux zombies... sans jamais en faire trop, en sachant apporter suffisamment de nuances, afin de ne jamais trahir l'aspect raffiné que doit avoir une maiko. En somme, une héroïne visuellement réussie.
Par contre, il y a des réserves à émettre côte action et narration. Dès que le récit s'emballe, le découpage peine à rester clair, et en dehors des quelques tripes qui volent les scènes d'action peinent à décoller car elles restent expéditives et basiques dans leur mise en scène.
A la fin du premier volume, beaucoup de questions se posent, et l'on se demande si l'auteur y répondra dans le deuxième et dernier tome. En attendant de voir ça, on tient un divertissement de série B assez bancal, qui ne manque pas de charme, notamment grâce à son héroïne et au toutou parlant, mais qui reste trop succinct dans l'exploitation de son univers, pourtant suffisamment curieux pour susciter l'attention.