L'Ombre de Shanghaï

Cette rubrique est consacrée à toutes les séries qui ne sont pas issues du Japon mais qui s'apparentent au manga. Vous y retrouverez donc les manwhas (Corée), les manhuas (Chine), mais aussi les séries appartenant au "Global manga" (courant qui regroupe notamment des auteurs français).
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Koiwai
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L'Ombre de Shanghaï

Message non lu par Koiwai » 25 nov. 2014, 14:22

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La fiche sur le site


Tome 1 :

Continuant de faire un pont entre culture chinoise et culture française, les éditions Fei nous proposent de découvrir une nouvelle collaboration franco-chinoise où l'on retrouve au scénario Patick Marty, qui a déjà officié sur le Juge Bao et la Balade de Yaya. Il s'associe ici au co-scénariste Williams Crépin et à la dessinatrice chinoise Li Lu pour nous plonger dans une époque qui le fascine particulièrement, la Chine des années 1930.

L'Ombre de Shanghai, c'est l'histoire d'une amitié qui a l'air brisée. Elevée depuis l'enfance par les époux Cartier, riche famille française vivant dans les quartiers de luxe de Shanghai, Lila est une jeune Chinoise qui, depuis plusieurs années, attend le retour au Pays de Gaspard, son frère d'adoption et ami d'enfance, parti il y a longtemps en France pour des raisons de santé, et devant enfin faire son retour. Quand les retrouvailles ont enfin lieu, Gaspard est devenu un jeune homme certes beau, mais étonnamment froid avec Lila. Malgré leur promesse d'enfance de se retrouver un jour, Lila ne peut qu'être déçue : celui qu'elle adore est devenu un garçon odieux, refusant de s'intéresser à une vulgaire "chinetoque", et préférant largement plus fricoter avec Clara Von Herling, belle jeune fille riche rencontrée sur le bateau du retour et future camarade de classe de Gaspard dans sa nouvelle école.
Pour Lila, le dur retour à la réalité ne s'arrête pas là. Remarquant les talents de sa fille adoptive, Eva Cartier décide de tout faire pour l'inscrire dans la même école que Gaspard, école pourtant censée être réservée aux occidentaux. Et les premiers pas de la jeune fille dans cet établissement seront difficiles : observée d'un mauvais oeil par la plupart des jeunes occidentaux, elle est même sévèrement prise à parti par Clara qui ne supporte pas qu'on lui fasse de l'ombre, puis par Dino, gorille faisant les yeux doux à Clara, le tout sans que Gaspard réagisse...
Lila va de déception en déception, mais au bout du chemin, le bonheur lui reviendra peut-être ? C'est ce que laisse penser un étrange événements : une ombre mystérieuse qui, depuis peu, s'immisce en elle pour la protéger dès qu'elle est en danger, tel un ange gardien...

Dans le fond, L'ombre de Shanghai n'offre pas de surprise : on nage en plein récit adolescent, avec ce que ça implique de tourments amoureux et de manigances scolaires, entre l'amour (?) transi de Lila, le triangle voire carré amoureux qui se dessine entre elle, Gaspard, Clara et Dino, et les coups durs que la jeune chinoise doit affronter. Evidemment, Lila est un symbole de pureté et de gentillesse, là où Carla et Dino, derrière leurs belles apparences, s'avèrent être une peste hautaine pour la première, et une brute pour le deuxième. Au fil des 80 pages qui composent ce premier tome, i ly a néanmoins suffisamment d'éléments intrigants pour se laisser emballer. Les personnages ont beau être des stéréotypes, ils sont bien mis en place et bien campés. On découvre avec intérêt es origines de l'adoption de Lila par les Cartier, ou encore la jalousie qui semble avoir rongé un Gaspard seul en France face à la maladie. On se demande forcément si cette jalousie apparente est la seule raison qui l'a tant fait changer, tout comme on a envie de découvrir la nature de l'ombre protégeant Lila, qui apporte au récit une petite touche fantastique bienvenue.

Classique mais plutôt efficace, le récit semble surtout être un prétexte pour nous immerger dans un lieu précis à une époque souvent méconnue chez nous : le Shanghai des années 1930, en plein foisonnement culturel. A l'époque, celle que l'on nomme la "Perle d'Asie" rivalise avec les plus grandes villes occidentales, attirant à elle des commerces de choix, des lieux de culture et des personnalités reconnues autant que des tripots, des mafias et homme d'affaires douteux (Mr Li dans la série), puis se développant suffisamment pour attirer nombre d'étrangers vivant près des quartiers historiques, dans la concession française et la concession internationale. Regroupant les familles étrangères les plus aisées, la concession française est vue comme un endroit calme où tous aimeraient habiter, et où l'on trouve des Français tels les Cartier, des Allemands comme Clara, ou des Italiens à l'image de Dino. A deux pas de là, pourtant le petit peuple tente de survivre comme il le peut, quitte à faire dans le petit banditisme, à l'instar de Feng, l'homme qui s'occuper de Lila avant son adoption par les Cartier.
C'est donc dans un milieu très éclectique que vont évoluer les personnages, dont une Lila, petite chinoise prise dans un contexte raciste.

L'immersion dans ce Shanghaï des années 1930 est parfaitement servi par les dessins de Li Lu, qui, avec précision et en usant d'une belle palette de couleurs variées et non agressives, croque avec détail les rues, les bâtiments, les intérieurs et les vêtements de l'époque, qui sont autant de témoins de cette ville en deux temps, partagée entre son essor international et son Histoire où les traditions croisent les croyances magiques, entre ses nouveaux habitants aisés et son peuple plus pauvre cherchant à survivre.

Sur un fond pourtant classique voire banal, le voyage dans l'espace et le temps que nous offrent les trois auteurs commence de belle manière.
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Koiwai
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Re: L'Ombre de Shanghaï

Message non lu par Koiwai » 02 juin 2015, 15:10

Tome 2 :

Après des années d'absence, Lila s'attendait à retrouver en Gaspard son ami d'autrefois. Elle a vu revenir un homme arrogant, qui s'intéresse peu à elle et semble la dédaigner, et qui préfère largement se rapprocher de Clara Von Herling, belle et très prétentieuse demoiselle faisant partie du me^me lycée que lui.

Ainsi le quotidien de Lila et Gaspard débute-t-il dans leur lycée d'époque, où la jeune chinoise essuie les foudres de certains adolescents occidentaux qui la considèrent avec mépris, Clara en tête. Mais malgré tout, la douce Lila conserve tout son courage, a d'ailleurs des meilleures notes que Gaspard au lycée (ce qui lui vaut les félicitations de ses parents adoptifs), et reste profondément bienveillante envers son ami d'enfance... y compris quand celui-ci est sur le point de tomber dans un piège tendu par Dino, l'Italien amoureux de Clara, à l'occasion de la représentation de la cantatrice Gucci à l'opéra de Shanghai ! Mais au sein de l'opéra, nos héros ne sont pas au bout de leurs surprises, et un drame n'est pas loin de frapper...

Après un premier tome qui nous immergeait efficacement dans le Shanghai des années 1930, alors en pleine émancipation mondiale et intensité culturelle, le deuxième volume de L'ombre de Shanghai poursuit doucement mais efficacement l'intrigue mise en place autour de la relation Lila/Gaspard, de l'étrange ombre veillant sur la jeune fille, des manigances adolescentes de Clara et Dino, et de celles beaucoup plus graves de Monsieur Li et ses hommes de main. Le tout dans un cadre historique qui se veut fidèle (le Lyceum Theatre de Shanghai, théâtre principal des événements ici, et que l'on découvre via un intéressant avant-propos) et qui est le théâtre de rebondissements encore difficile à cerner mais dont concerne bien toute la dangerosité. Entrant plus concrètement en scène, la mystérieuse ombre métamorphose notre héroïne dans des atours forts et séduisants, amène un peu d'action finement croquée, et ne fait qu'accentuer ce grand mystère sur sa nature exacte.

Les dessins de Li Lu font à nouveau des merveilles. Fins, riches, précis, nuancés dans leur colorisation, ravissants dans leurs bâtisses, costumes et coiffures d'époque, ils contribuent grandement à l'immersion dans cette intrigue aux multiples facettes.

L'ombre de Shanghaï reste donc une lecture séduisante et intrigante, qui nous réserve sans doute encore des surprises et rebondissements au vu de ce qui se trame dans ce deuxième volume.
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Re: L'Ombre de Shanghaï

Message non lu par Koiwai » 23 mars 2016, 10:15

Tome 3 :

A l'opéra, Gaspard a été sauvé par une belle et mystérieuse créature qui n'est autre que l'ombre envahissant parfois le corps de Lila. Et tandis qu'il guérit miraculeusement de ses blessures, il a bien conscience que cette envoûtante si silhouette lui a sauvé la vie... mais dehors, on se persuade du contraire. La police, certaine qu'il s'agit là de l'instigatrice des problèmes récents, fait tout pour la retrouver, tandis que le peuple effrayé la voit comme un monstre. Dans ces conditions, comment Lila, qui ne sait jamais quand l'ombre va de nouveau apparaître en elle, va-t-elle pouvoir s'en sortir ? Traquée par les hommes du commissaire Leclaire, elle ne doit son salut qu'au vieux Feng, qui estime que l'heure est venue de révéler à sa fille adoptive une vérité on ne peut plus terrible...

Dans ce troisième opus, on met en retrait les intrigues liées à Gaspard, Clara ou encore Monsieur Li, pour se concentrer essentiellement sur les terribles choses tombant sur Lila. En effet, la jeune fille découvre avec stupeur la vérité sur les circonstances de son adoption, sur ses parents... et ces révélations sont dures, remettant en cause le rôle de Feng à ses côtés. Tout en se confrontant à cette terrible nouvelle, la jeune fille doit apprend à composer avec cette ombre, s'emparant de son corps semble-t-il dès que l'émotion la submerge, et l'on se demande vraiment si elle parviendra à contrôler cette entité surnaturelle qui semble pourtant là pour la protéger... Enfin, le rythme la tension s'accentuent quelque peu avec la traque de plus en plus oppressante du commissaire Leclaire, ce qui promet un quatrième opus mouvementé.

Concrètement, on peut regretter que les choses aillent parfois trop vite, trop à l'essentiel, en ne laissant que peu de temps pour profiter de certains éléments importants. Il en ressort une narration qui paraît régulièrement assez artificielle, et cela atténue l'intensité de scènes-clés comme les révélations de Feng. Mais cela ne gâche pas vraiment le plaisir que procure cette incursion dans un Shanghai d'époque finement retranscrit par une dessinatrice s'appliquant toujours autant dans les décors intérieurs et extérieurs, dans les costumes, mais aussi dans certains moments plus vifs, comme lors des séquence de fuite de l'ombre qui offrent plusieurs angles de vues très intéressants. Le travail sur les couleurs restent lui aussi plaisant, et l'on peut également retenir que la prise d'importance du commissaire Leclaire et de ses troupes permet dans une moindre mesure l'abord du rôle de la police dans la concession française. Elément joliment exposé dans la préface du tome, par ailleurs.

Côté édition, on note une petite bévue sur la première édition : on a un "2" au lieu du "3" sur la première de couverture (mais pas sur la tranche, heureusement). Pour le reste, il reste agréable de prendre en main cette édition, toujours portée par une belle couverture cartonnée, un papier de bonne qualité et une impression rendant honneur au travail des couleurs.
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