Toys of War
Posté : 18 juin 2015, 13:36
La fiche sur le site
Après Save me Pythie l'année dernière, la nouvelle création 100% Kana se nomme Toys of War, série issue de la collaboration entre le scénariste Gôsuto Hage qui était jusque là inconnu au bataillon, et le dessinateur Hiroyuki Ooshima, un auteur qui s'est un peu fait remarquer au Japon au début des années 2000 avant de disparaître de la circulation et de venir s'installer en France en 2008. Depuis, nous avons pu apercevoir son nom sur quelques créations BD, dont Spirou, Le Guide de l’aventure à Tokyo et Les Chroniques de Sillage.
Toys of War nous plonge dans un monde d'anticipation où les jouets, dotés d'une intelligence artificielle, ont pris le pouvoir dans leur guerre contre les humains et utilisent désormais les enfants humains pour élever leurs nouveaux jouets de combat avant des les envoyer mourir dans le Hommeland, un lieu qu'ils présentent comme idyllique alors qu'il s'agit d'un enfer où ils sont condamnés à succomber dans d'atroces souffrances.
Mais tout ça, vous ne le comprendrez que si vous lisez le synopsis au dos de la couverture, car dans les faits la lecture et plombée dès le début par l'absence totale de contextualisation. Nous n'avons guère droit qu'à quelques pages d'introduction montrant que le Hommeland est un lieu horrible, mais dans l'immédiat on s'en fiche un peu puisqu'on ne sait pas ce que c'est et qu'il n'est jamais dit dans quelle situation se trouve désormais le monde...
Quoi qu'il en soit, après cette très vague introduction, nous plongeons d'emblée aux cotés de Djiral, notre héros, et de ses quelques amis : son meilleur pote Hermo, et la mignonne Ubityy pour qui il en pince sans se l'avouer (et c'est totalement réciproque). En attendant d'être assez mûrs pour aller dans le Hommeland qu'ils pensent idyllique, ils sont à leur tour chargés d'élever de nouveau jouets, nommés nouvo-bots. Djiral hérite d'un Paymol nommé Wul, avec lequel il entame l'entraînement et noue une relation amicale... jusqu'à ce que tout dégénère en fin de tome.
Il faut voir ce premier volume comme une mise en place... Mais une mise en place de quoi, exactement ? On se le demande, tant tout semble vide et cliché. En plus de l'absence de réelle contextualisation, on note l'absence d'intérêt des principaux personnages, trop profondément enfoncés dans des stéréotypes irritants comme on n'en avait pas vus depuis longtemps. Ainsi, Ubityy et Djiral risquent fort d'en gonfler plus d'un à cause de leur relation complètement coincée et incohérente : alors qu'ils passent leur temps à se regarder avec passion, à se câliner voire à se faire quelques bisous en rougissant, ils sont bizarrement incapables de s'avouer leur amour alors qu'il est évident. Et c'est chiant, et tellement forcé. Et ne parlons pas de Hermo, déjà insupportable dans ses quelques réflexions un peu graveleuses et dépourvues de finesse (aaah, parler cash des premières règles d'Ubityy, quelle grande classe).
Et si seulement c'était tout... car la narration est basique à souhait, les dialogues cousus de fil blanc et beaucoup trop insistants sur certains points qui enfoncent des portes ouvertes (le "hin hin" démoniaque du jouet annonçant les élus du Hommeland pour montrer qu'oulala il est mauvais, les paroles de Wul sur l'amitié, la "réflexion" de Djiral sur l'amour qui est le meilleur moyen d'effacer la haine... pitié...), et la plupart des rebondissements paraissent trop expédiés pour être crédibles ou immersifs, à commencer par l'amitié entre Djiral et Wul, qui semble se consolider en deux temps trois mouvements au point que tous deux sont vite prêts à se sacrifier pour l'autre (sauf qu'une amitié, ça ne naît pas en 30 pages et ça prend le temps de se forger). Enfin, quand il y a des idées intrigantes comme cette histoire de matière noire qu'il faut apprendre à contrôler pour ne pas sombrer dans la sauvagerie, elles sont à peine présentées et sont expédiées.
A ce récit brouillon enfonçant à peu près tous les pires clichés répond un style graphique qui accuse 15 ans de retard pour une production "française" (rappelons-le, le dessinateur est japonais mais vit en France, et la série est une création de Kana). Car ça saute aux yeux dès les premières pages : Toys of War est moche, très moche, ne serait-ce que pour ses décors peu recherchés et inégaux, pour ses trames d'un autre temps faites de gros points noirs, ou pour ses lignes droites censées représenter vitesse et dynamisme. Mais le design des personnages n'est pas en reste : les visages sont certes expressifs mais sont laids et dépourvus de personnalité, les corps subissent d'affreux problèmes de proportion à quasiment chaque page... et, surtout, le design des jouets souffre d'un incroyable manque d'inventivité : ils ont tous la même dégaine simpliste à souhait... Là où l'on pouvait vraiment s'attendre à quelque chose de plaisant avec de méchants jouets aux designs variés, c'est en réalité le vide total. A tel point que l'on n'a même pas l'impression d'avoir affaire à des jouets (plutôt à des extraterrestres, limite).
Quant à l'édition... Que penser de l'absence totalement de traduction sur les onomatopées ? Pour une production française, c'est un comble.
Bref, dommage. Dommage, car dans les faits, cette idée de jouets dominant l'espèce humaine et la réduisant en esclavage était assez alléchante, et il n'est d'ailleurs pas dit que la série ne décolle pas plus tard quand on voit les toutes dernières pages. Mais dans l'immédiat, on a affaire à une torture, une entrée en matière ratée sur toute la ligne.