Oldman

Cette rubrique est consacrée à toutes les séries qui ne sont pas issues du Japon mais qui s'apparentent au manga. Vous y retrouverez donc les manwhas (Corée), les manhuas (Chine), mais aussi les séries appartenant au "Global manga" (courant qui regroupe notamment des auteurs français).
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Koiwai
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Oldman

Message non lu par Koiwai » 30 janv. 2016, 18:56

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Tome 1 :

L'auteur taïwanais Chang Sheng n'est pas un inconnu en France : ses deux premières oeuvres, Stanle (2004) et X Girl (2005-2007) furent publiés il y a quelques années chez nous chez Paquet. Aujourd'hui, il nous revient avec une série en 4 tomes, Oldman, dessinée de 2013 à 2015 et ayant joui d'une petite réputation assez flatteuse avant son arrivée chez nous, remportant notamment une médaille de bronze au Japon aux International Manga Awards en 2013. Visiblement, la série intéressait quelques éditeurs français, mais c'est Kotoji qui a raflé la mise et qui, sur ce premier tome, nous offre une édition plaisante avec une traduction efficace et un papier à la fois souple et assez épais.

Mais de quoi parle Oldman ? Hé bien, après un tome, difficile de le dire avec certitude, tant cet opus de mise en place offre différentes possibilités. Une chose est sûre : nous voici plongés dans un royaume lointain qu n'est pas clairement défini, et à une époque qui n'est jamais citées mais que l'éditeur situe au début du XVIIème siècle. Dans les geôles du château royal, un vieil homme, est emprisonné : Billy Oldman, c'est son nom, déclare pourtant à son geôlier qu'il s'apprête à s'échapper, et demande donc à ce que la Reine vienne en personne assister à cela. Quelques pages plus tard, l'homme est de l'autre côté des barreaux : après quelques illusions, ce magicien parvient à s'échapper, non sans quitter les lieux en emportant ce qui deviendra une précieuse alliée : Rebecca, autrefois surnommée "Déesse de la guerre", qui croupissait dans une cellule, oubliée de tous et, surtout, les quatre membres coupés. Il apporte la femme-tronc au Docteur Vincent, une vieille connaissance connue pour être un médecin anatomiste de génie, qui va concevoir pour elle quatre prothèses aux facultés exceptionnelles... Un an s'écoule, le trio effectue désormais des tours de passe-passe médiocres dans un petit théâtre, incognito, afin d'échapper à la Reine pour mieux préparer une vengeance envers elle. Mais les choses se gâtent quand débarque devant eux une étrange jeune fille qui va les reconnaître et précipiter les événements en les rejoignant bien malgré eux...

Vous l'aurez donc compris, ce premier volume ne semble être qu'une introduction, mettant en place un groupe de personnages principaux inattendu et original. Jugez vous-même : un vieil homme dont on ne sait pas trop s'il est réellement un magicien de génie ou un illusionniste arnaqueur, une femme guerrière aux membres de marionnette recelant une puissance prodigieuse, un docteur aussi génial dans ses invention que pervers et un peu pathétique dans son comportement, et une jeune fille excentrique autoproclamée prophétesse et petite amie d'Oldman. C'est bien la formation de ce groupe qui fait l'essentiel de ce premier tome, tant l'auteur s'applique à bien faire ressortir chacun d'eux.

Pour entretenir le rythme, quelques scènes d'action sont déjà au rendez-vous, que celles ci soient empreintes de magie ou de vrais combats. Ceux-ci, pour l'heure, sont surtout un moyen de constater les capacités intéressantes de chacun des héros. Armé de ses tours de passe-passe dont on ne sait pas toujours s'il les maîtrise totalement ou non, Billy Oldman apparaît décidément comme un vieil homme étrange, dont la façon de se battre a le mérite d'être originale. Rebecca, elle, éblouira le lecteur dans les facultés hors-normes que lui offrent ses quatre prothèses, via déjà quelques coups d'éclats. Quant à la prophétesse Neleh, en plus d'être parfois amusante dans ses réflexions décalées, elle montrera elle aussi quelques talents impressionnants au combat à l'arc... Le Docteur Vincent, lui, reste surtout un élément comique dans ces moments-là.

En dehors de la mise en place de ces quatre personnages originaux et intrigants, que retenir côté scénario ? Des pistes. Plusieurs pistes. En effet, rapidement, on comprend que la Reine cache un prodigieux secret : elle ne vieillit pas, reste toujours jeune. Par quel procédé ? Seul Oldman semble connaître la vérité... Mais lui-même, qui est-il ? Rebecca, de son côté, est mue par un passé de Déesse de la guerre qui la conduit à vouloir elle aussi se venger de la Reine, et sans doute de celui qui l'a battue, un dénommé Hammer... En découvrirons-nous plus sur son passé ? Quant à Neleh, sous ses abords de jeune fille un peu décalée et excentrique, elle regorge de mystères : qui est-elle exactement ? D'où vient-elle ? Quelle est la nature exacte de ses sois-disant dons de prophétesse ?

Des pistes qui ne sont que posées, et qui peuvent faire partir la suite du récit dans diverses direction. Récit d'action sur fond un peu médiéval ? Récit fantastique et magique porté par les talents d'illusionniste/magicien d'Oldman ? Récit emprunt de science-fiction autour de la Reine ou de Neleh ? Pour l'instant, tout semble possible, et on ne demande qu'à être surpris.

La seule chose certaine : la qualité des dessins de Chang Sheng, qui frappe dès sa couverture très étrange, affichant Rebecca dans un style très réaliste que l'on retrouvera ensuite régulièrement dans les pages d'ouverture de chapitre. Pour le reste, néanmoins, on trouve plutôt un trait assez épais et anguleux, porté notamment par des regards très perçants qui offrent aux personnages toute leur expressivité. Les décors et costumes bien présents et travaillés semblent plutôt inspirés de l'époque élisabéthaine et entretiennent grandement l'ambiance. Quant aux physiques des personnages, certains vous rappelleront forcément des visages connus, à commencer par Oldman, pour lequel l'auteur avoue clairement s'être basé sur Sean Connery, ce qui ne fait aucun doute tout au long de la lecture : l'auteur voulait renvoyer l'image d'un homme d’un certain âge ayant un grand charisme et une image d’apaisement... qui de mieux que ce bon vieux Sean ? Mais les autres héros donnent régulièrement l'impression d'être eux aussi inspirés d'acteurs, surtout sur les pages d'ouverture de chapitre les plus réalistes. Chang Sheng nie pourtant s'être inspiré d'autres acteurs, même si l'on ne peut s'empêcher d'avoir envie d'y voir d'autres références. Par exemple, sur la double-page d'ouverture du chapitre 1, la Reine rappelle Cate Blanchett, qui a justement joué Elizabeth au cinéma. Mais elle rappelle beaucoup mins l'actrice dans le reste du volume.
A tout cela, il faut ajouter des scènes d'action découpées de façon assez académique, ce qui colle plutôt bien à l'ambiance d'époque, mais très efficaces dans leur mise en scène très mouvementée et limpide. Et l'humour n'est pas en reste, que ce soit dans les réflexions un peu cyniques, dans les phrases et phases d'action décalées comme le coup de la poêle, dans les quelques moments légèrement grivois souvent liés à Vincent...

Au bout du compte, Oldman intrigue donc fortement. On se demande quelle orientation l'auteur va offrir à cette série courte qui, sur son premier volume, captive par son dessin d'excellente facture et par l'étrangeté qui s'en dégage.
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