Le Chant de mon père

Cette rubrique est consacrée à toutes les séries qui ne sont pas issues du Japon mais qui s'apparentent au manga. Vous y retrouverez donc les manwhas (Corée), les manhuas (Chine), mais aussi les séries appartenant au "Global manga" (courant qui regroupe notamment des auteurs français).
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Koiwai
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Le Chant de mon père

Message non lu par Koiwai » 16 janv. 2012, 18:11

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Paris, 2010. Une femme coréenne reçoit, pour la première fois depuis qu'elle est installée en France, la visite de sa mère. Toutes les deux, elles visitent la ville, tout en se replongeant dans les souvenirs de famille, y compris les plus enfouis, et les plus douloureux. Cette vie, c'est ce que nous allons découvrir au fil des 160 pages du Chant de mon père. Cette vie, c'est celle de l'auteure, Keum Suk Gendry-Kim, qui a travaillé en collaboration avec les éditions Sarbacane pour offrir cet ouvrage à mi-chemin entre la bande dessinée et le roman graphique, autobiographique.

On découvre donc plusieurs chapitres s'ouvrant à chaque fois sur un élément de la visite parisienne de la mère à sa fille, qui va être le point de départ du retour à la mémoire de souvenirs profondément enfouis. Souvenirs de l'enfance de l'auteure dans la demeure campagnarde familiale où tous étaient encore heureux, et où ses parents avaient encore le temps de profiter d'un peu de temps libre. Puis souvenirs du déménagement laborieux à Tokyo où sa couleur de peau plus foncée lui valut quelque mises à l'écart. Souvenirs d'oncles peu scrupuleux, de professeurs pas toujours respectables, d'événements difficiles, d'amitiés plus ou moins sincères, de drames familiaux...
Au fil des pages, l'auteure dresse un portrait de son parcours peu commode et difficile, où les épreuves n'ont jamais cessé d'être, et avec lesquelles elle semble régler ses comptes. Keum Suk Gendry-Kim n'a pas sa langue dans sa poche et décrit les choses avec sincérité et franchise, avoue sans grands états d'âme ses erreurs d'amitié, ou sa haine et son dégoût pour certaines personnes qui lui ont laissé indéfiniment un souvenir horrible à plus ou moins juste titre. On trouve ici des thèmes difficiles, parfois juste évoqués, comme l'égoïsme de personnes n'hésitant pas à arnaquer leur propre famille, la difficulté de s'adapter à la vie citadine, le racisme, la mise à l'écart des pauvres, la pédophilie, la maladie, la mort d'un proche, le tout sur fond de réalités historiques dans une Corée en constante mutation. Mais petit à petit, c'est avant tout une impressionnante galerie de portraits qui se dessine, des portraits avec lesquels l'auteure n'est pas toujours tendre, des oncles de petite vertu à la grande soeur courageuse, en passant par des parents pourvus d'un grand sens du sacrifice.
Mais pas question pour l'auteure de tomber dans le moindre pathos. Elle évite avec habileté toute surenchère, se contentant de raconter les grands bouleversements de sa vie sans se plaindre et sans s'attarder dessus plus que de raison, tout juste en laissant aller son franc parler comme une sorte d'exutoire via des phrases simples, qui vont à l'essentiel.

Pour appuyer le fond, on trouve une forme qui l'accompagne tout en contrastes. Le dessin des personnages se veut volontairement enfantin et simple, mais dose les émotions justement, sans en faire trop. Les protagonistes évoluent dans des décors de toute beauté, faits en aquarelle à l'encre de Chine. Le rendu est original, saisissant, et procure une expérience unique.

On trouve donc en ce Chant de mon père un ouvrage assez unique en son genre, dont le style ne plaira pas à tout le monde, mais qui constitue une lecture intéressante, loin des sentiers battus. Keum Suk Gendry-Kim nous offre un témoignage habile, percutant, voire un peu déstabilisant, mais jamais larmoyant, de sa vie et de son pays.

Rien à redire du côté de l'édition : le grand format permet de profiter pleinement des aquarelles, l'impression et le papier sont de grande qualité.
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