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Tome 1 :
Après les très efficaces Chonchu et Jackals, le talentueux dessinateur Kim Byung Jin s'essaie à la dark fantasy avec Warlord, une série toujours en cours en Corée, pour laquelle il a retrouvé le scénariste Kim Sung Jae, avec lequel il avait déjà collaboré sur Chonchu.
Depuis que les démons ont envahi le monde il y a 5 ans en massacrant tout homme, femme ou enfant se trouvant sur leur route, l'humanité périclite dangereusement, au point que Sharmarkal, dirigeant de l'Empire Kartan, a envoyé sa fille la princesse Arasol à la recherche de Bayren et de ses vaillants mercenaires, regroupés depuis toujours au sein de la mythique forteresse d'Arkanzel, une citadelle imprenable perchée en haut des montagnes. Attaqués en route par des démons, Arasol et ses compagnons sont sur le point de se faire massacrer, quand arrive devant eux un redoutable guerrier qui, armé de son très long sabre, commence à éliminer les féroces créatures. Arasol et ses hommes voient en lui un salut venu d'Arkanzel, mais le mystérieux jeune homme ne tarde pas à retourner son épée contre eux...
Ainsi se présente Warlord, qui nous plonge très vite dans le vif du sujet, avec des morts et de l'action dès les premières pages. Les auteurs annoncent donc vite la couleur : leur récit ne fera pas vraiment dans la dentelle, et, pour cela, peut s'appuyer sur les talents d'un dessinateur qui prouve globalement qu'il n'a rien perdu de sa verve depuis le très intense Jackals : trait vif, épais et assez anguleux, visages un peu taillés à la serpe et dotés de larges sourcils souvent froncés histoire de mieux faire ressortir la hargne et la furie des protagonistes au combat... Les caractéristiques de Kim Byung Jin sont là, mais laissent toutefois un peu le lecteur sur sa faim sur certains points. En effet, si le dynamisme est certain, l'ensemble manque étonnamment de vraie violence. Les coups sont brutaux, mais le sang est relativement rare, et l'action manque régulièrement d'intensité et d'horreur pour un récit de ce genre, le dessinateur préférant souvent, pour représenter les coups portés, utiliser des traits à effets de vitesse plutôt que de montrer franchement les choses. On voit donc assez rarement les corps se faire massacrer, les armes s'entrechoquer (alors que certaines se veulent impressionnantes, comme le long sabre de notre héros ou la hache massive de son compagnon), on a l'impression d'avoir un Kim Byung Jin un peu aseptisé, d'autant que certains visages sont parfois trop relâchés, et qu'il y a par-ci par-là quelques erreurs de proportion flagrantes (à la page 38, par exemple). Egalement, il est un peu dommage que les nombreux démons aient pour l'instant tous la même tête, et qu'ils ressemblent plus à des gros trolls pas malins qu'autre chose. Enfin, on a malheureusement pas mal de petites facilités qui viennent parsemer l'action, comme ce passage où un démon se montre incapable de viser convenablement le dos de notre héros alors que celui-ci est occupé à tout autre chose, ou encore la facilité avec laquelle le Lord (un démon en plus gros et plus puissant, la seule variation du tome côté physique des démons) se fait mettre à terre par un héros qu'il a pourtant violemment éclaté contre un arbre deux pages avant. On a donc un héros ultra fort, qui survit à des coups de folie, fait des bonds de taré dans les airs avec des galipettes, et finalement se sort assez facilement des combats. Dans le fond, pourquoi pas, au moins il en impose à sa manière, mais dommage qu'à côté de ça les démons paraissent si idiots ou impuissants...
Côté histoire, les choses se mettent en place de façon plus ou moins réussie. Les auteurs ont le mérite de très vite faire évoluer les choses, de nombreuses interrogations étant rapidement levées, à commencer par l'identité du mystérieux combattant. De même, les différents camps sont clairement mis en place, et avec eux les grandes figures qui les dirigent. Ainsi, on reste plutôt scotché par la princesse Arasol, combattante hors pair au caractère bien trempé. Pour le coup, on peut dire que c'est une femme qui en a (qui en a tellement que physiquement elle ressemble assez plus à un homme qu'à une femme).
En dehors de cette dernière et de notre héros, les autres protagonistes sont juste clairement placés et sont pour l'instant encore très lisses. On découvre donc très vaguement un compagnon fiable en la personne du gentil colosse boucher à la hache Jaebawu, ou encore un méchant conspirateur allié des démons en la personne du shogun (oui, un shogun ici, ça pourra paraître bizarre pour certains). D'autres personnages à la stature imposante sont juste présents physiquement sans être présentés, d'autres encore sont encore très peu présents mais sont déjà porteurs de diverses informations, notamment Shamarkal ou la petite fille Anna, qui via leur passé lié à l'arrivée des démons annoncent clairement la bataille à venir contre ces féroces créatures.
Globalement, les choses sont donc bien rythmées au niveau du scénario, qui avance déjà assez vite en restant clair, même si certaines informations ne sont pas détaillées (par exemple, si l'on devine facilement de qui il s'agit par la suite, la première fois qu'il est évoqué on se demande qui est le "King Lord" ou "Roi des Lords"). Mais ne pas être clair là-dessus aurait presque été un scandale, l'histoire restant pour l'instant sur des choses très classiques, à savoir une guerre entre humains et démons ou vient s'immiscer un vil manipulateur qui convoite le trône. Espérons que les auteurs sauront rebondir par la suite, histoire de sortir des sentiers battus.
Warlord offre donc un début pas déplaisant, mais on en attendait sans doute plus. C'est rythmé, dynamique, ça avance vite, ça se lit sans déplaisir, mais certains éléments comme les combats paraissent pour l'instant trop aseptisés. On attend donc un peu plus de la suite, après ce premier tome qui part globalement sur de bonnes bases.