Tant que j'y suis, pour terminer avec la quadrilogie des années 90, le dernier film de cette ère: Batman & Robin.
Batman & Robin
Année de sortie: 1997.
Durée: 1h59.
Réalisateur: Joel Schumacher.
Scénariste: Akiva Goldsman.
Compositeur: Elliot Goldenthal.
Casting: Arnold Schwarzenegger (Mr. Freeze), George Clooney (Batman / Bruce Wayne), Chris O'Donnell (Robin / Richard "Dick" Grayson), Uma Thurman (Poison Ivy / Dr. Pamela Isley), Alicia Silverstone (Batgirl / Barbara Wilson), Michael Gough (Alfred Pennyworth), Jeep Swenson (Bane) et Elle Macpherson (Julie Madison).
Bande-annonce:
http://www.youtube.com/watch?v=ORAGHEV8 ... re=related
L'Histoire
Batman et Robin doivent arrêter le criminel Mr. Freeze, un mutant glacial qui pille les diamants les plus purs du monde pour alimenter sa combinaison de survie et pour trouver un remède à la maladie mortelle de sa femme. Mais, à cause d'une crise de confiance dans le Dynamic Duo, Freeze leur échappe.
Poison Ivy, une militante écologiste extrémiste nouvellement arrivée à Gotham, tombe sous le charme de Freeze et décide de l'aider dans sa volonté d'amener un nouvel Âge de Glace, auquel succédera son propre Eden, la renaissance de Mère Nature. Grâce à sa poudre d'amour, elle fait perdre la tête à Batman et Robin qui se battent l'un contre l'autre pour elle.
Egalement nouvellement arrivée à Gotham, Barbara Wilson, la nièce orpheline d'Alfred Pennyworth, s'installe au Manoir des Wayne pour veiller sur son oncle, mourant.
Commentaires
Batman & Robin est souvent considéré comme le plus mauvais film de super-héros de tous les temps (peu de personnes ayant vu Superman 4). Et sans surprise, le film est bien une immonde bouse.
Le film commence par l'armement de Batman et Robin en vue d'une nouvelle nuit de croisade contre le crime. Batman se prépare à monter dans sa Batmobile. Robin lance la première réplique du film:
"-J' veux une bagnole ! Les filles en sont dingues !
-C'est pour ça que Superman bosse seul !"
Le ton est donné: le film est tout simplement con.
Pourtant le casting est des plus alléchants, même à l'époque (et encore davantage aujourd'hui): la légende Arnold "Terminator" Schwarzenegger, George Clooney la star d'Urgences, Chris O'Donnell qui reprend son rôle du film précédent et Uma Thurman de Pulp Fiction et de Bienvenue à Gattaca. Tous ont prouvé, avant Batman & Robin et surtout après, qu'ils étaient d'excellents acteurs (j'émets en revanche davantage de réserves sur Alicia Silverstone).
Malheureusement, tous jouent affreusement mal dans ce film, aucun d'eux n'y croit vraiment et il n'y a donc aucune conviction (à part peut-être pour Thurman) dans leurs jeux plats ou totalement surjoués.
Contrairement à Batman Forever qui racontait l'histoire d'un homme hanté par les fantômes de son passé qui finit par leur faire face pour sauver l'âme d'un autre jeune orphelin, Batman & Robin n'a pas d'histoire à proprement parler. Il y a bien quelques semblants d'intrigues ça et là, mais rien n'est vraiment développé et ça sert au final plus de prétexte aux scènes d'action qu'autre chose. Et quand un film n'a pas vraiment d'histoire, il y a de quoi redouter le pire.
La première chose qui cloche, c'est que Batman et Robin, les personnages éponymes, n'ont pas de réelle implication dans l'histoire, si ce n'est se disputer à longueur de temps. Freeze serait davantage le "protagoniste" s'il n'était pas aussi ridicule, et Batgirl est beaucoup trop reléguée au second plan bien que son implication personnelle est bien grande que celle des deux héros éponymes. Du coup, à quel personnage s'attacher ?
Disons le simplement, Batman sans sa noirceur et ses névroses n'est plus vraiment Batman. Michael Keaton, Christian Bale et même Val Kilmer l'avaient bien compris et c'est pour ça qu'ils étaient convaincants.
Mais le Batman de George Clooney est différent. C'est juste un justicier qui tape sur les vilains, rien de plus. En cela il se rapproche beaucoup du Batman autrefois incarné par Adam West dans la série et le film des années 60, et il est au final très fade, très kitsch. On ne voit ni Batman ni Bruce Wayne, on ne voit que George Clooney et son image qui est à des années-lumière de l'esprit du personnage.
[Batman, perspicace]
"Pourquoi toutes les jolies filles sont des tueuses paranoïaques ? A cause de moi ?"
[Lors d'une vente aux enchères pour une soirée en compagnie de Poison Ivy, Batman et Robin se disputent pour la énième fois]
"-Et moi, un million de dollars !
-Deux millions !
-Tu ne les as pas ! Trois millions !
-Eh bien tu me les prêteras ! Quatre millions !
-Cinq millions !
-C'est un collant que tu portes là, pas un bas de laine ! Six millions !
-Alors sept millions !" [Il sort une carte de crédit à l'effigie de Batman Forever] "Je ne m'envole jamais sans elle !"
Robin est réduit au rôle du side-kick qui en a marre de vivre dans l'ombre de Batman et qui en a assez du manque de confiance que ce dernier démontre à son égard. Il est impulsif, arrogant, une parfaite tête à claques.
Chris O'Donnell avait sauvé son personnage dans Batman Forever parce qu'il y mettait talent et conviction. Là, il n'y croit pas un seul instant (avouant lui-même avoir l'impression de tourner une immense pub pour des jouets) et son jeu est aussi fade que celui de Clooney.
Robin ne cesse de se disputer avec Batman pendant tout le film, au point de vouloir travailler en solo. On aurait pu voir là sa démission en tant que Robin et ses débuts en tant que Nightwing comme dans les comics, mais même pas.
"-Où crois-tu aller comme ça ?
-C'est un Robin signal, pas un Batsignal. C'est moi qu'Ivy appelle !
-Cette femme est Pamela Isley. Je l'ai vu parler à Gordon. Elle a volé ses clés et modifié le signal...
-Oui ! Elle l'a fait pour moi ! Elle m'aime !"
Arnold Schwarzenegger est en surjeu total. Il est le stéréotype du vilain bête et méchant comme l'étaient Jim Carrey et Tommy Lee Jones dans Batman Forever.
Pourtant, la version du personnage est celle, dramatique, de la série animée contemporaine: le gentil Dr. Victor Fries tente de sauver sa femme, atteinte du syndrome de MacGregor, en la congelant et en développant un remède malgré le manque de moyens nécessaires. Un accident survient lors d'une expérience et Fries devient un mutant qui, désespéré et au coeur devenu froid à cause de l'indifférence du monde, vole les matières et l'argent nécessaires pour poursuivre ses recherches, étant prêt à sacrifier son âme si cela lui permet de sauver sa femme.
Malheureusement, si cet aspect dramatique est bien présent dans le film, il n'est jamais vraiment exploité et il sert davantage d'information que de véritable enjeu au personnage, ce qui gâche tout son potentiel dramatique.
"Freeze, t'es givré !"
"-Freezie ! Ooooh ! Je suis en chaleur !
-Ca me parait difficile à croire !
-Je sais ! Disons que mes cheveux sont cassants et que ma peau est toute sèche. Ca n'a rien de blizzard, je t'ai dans la peau !"
Uma Thurman, quant à elle, surjoue également pas mal dans le rôle de la femme fatale tout en y mettant davantage de conviction que les autres interprètes du film. Si bien qu'au final, elle parait totalement à côté de la plaque et sa prestation ne vaut guère mieux que le reste, faute d'un rôle mieux écrit.
"Tu vas perdre tes feuilles, vieille branche !"
"-Eh bien, elle aussi est maléfique ! C'est bizarre: au début elle m'obsédait complètement. Et ensuite...
-La passion s'est évanouie.
-On s'est même battu pour ce garçon manqué !
-Manqué, oui. Garçon, non.
-Bah moi je lui saute dessus dès que je la revois !
-Moi aussi, avant toi ! Elle a de jolies branches.
-Et des boutons de rose.
-Oui, très chouettes ! On y va !"
Alicia Silverstone, fade, mauvaise et au personnage totalement niais et inintéressant. Le choix de faire de Barbara la nièce d'Alfred plutôt que la fille de Gordon est certainement que ce dernier, bien que présent dans les quatre films (où il est incarné par l'acteur Pat Hingle), est totalement relégué au plan secondaire à partir de Batman Returns (dans lequel il était d'ailleurs plus un figurant qu'autre chose) alors qu'Alfred est beaucoup plus présent dans les quatre films.
[Batgirl, militante féministe]
"Tu joues les femmes fatales pour arriver à tes fins ! Renseigne-toi soeurette, le genre plante carnivore c'est plus du tout au goût du jour. Ton attitude compromet l'image de la femme !"
Finalement, Michael Gough est le seul acteur du film à s'en tirer honorablement, livrant comme toujours un Alfred sympathique, personnage apportant une légère touche de dramaturgie à une histoire inexistante (non pas que ça change grand chose malheureusement). Il offre quelques trop rares belles scènes au film par sa seule présence.
Je reviens un instant sur le choix des deux méchants, Freeze et Poison Ivy. Comme pour Batman Forever, n'importe qui d'autre aurait pu faire l'affaire (surtout lorsque l'histoire existe à peine) et ce choix est donc certainement plus motivé par la popularité de ces deux personnages que par des intentions artistiques (surtout que ces deux "alliés" sont pourtant complètement opposés, l'Âge de Glace et Mère Nature).
"-Parce que toi et moi, nous serons les seuls à survivre à l'ancien monde !
-Ooouuuiii ! Adam... et Crève !"
Comment ça "il y a un troisième méchant" ? Bane ? Le colosse qui, dans les comics, a été suffisamment intelligent pour deviner la véritable identité de Batman et suffisamment fort pour lui démolir la colonne vertébrale (forçant Azrael, puis Dick Grayson, à porter temporairement le masque de Batman pour le remplacer durant sa guérison) ?
Je n'ai rien vu de tel ! Juste un faire-valoir complètement idiot qui passe son temps à suivre Freeze et Poison Ivy et à répéter de manière débile un mot sur deux que ces derniers prononcent ! C'est à peine si on le remarque !
"-La belle n'est pas là !
-Il n'y a que la bête !"
Les choix esthétiques de Schumacher ? Bah, ils n'ont pas changé: univers coloré, costumes couleurs fluo pour les vilains et kitschs dans le design...
Et puisqu'on parle de designs, je parlais de l'aspect merchantile de ceux de Batman Forever, tout en disant qu'ils avaient un certain style fidèle à l'esprit Batman et que ça ne gênait pas. Bah là, c'est tout l'inverse.
L'aspect conceptuel des costumes, des accessoires et des véhicules a été confié à des fabriquants de jouets. En ressortant des costumes colorés, une Batmobile avec un girophare dans son moteur... Ridicule !
Et à ce niveau, les accessoires et véhicules se succèdent à vitesse grand V. On ne les compte plus ! On a l'impression d'assister au défilé de la nouvelle collection Batman & Robin d'un catalogue pour jouets (ce qui, ne nous leurrons pas, est bel et bien le cas ici !).
Le plus grotesque est certainement la scène finale où de nouveaux véhicules colorés flashy et de nouveaux costumes "argentés" sortent de nulle part. Ca fait toujours trois véhicules et trois figurines de plus à ajouter au catalogue.
Les scènes d'action ? Bah, elles se taillent la part du lion et sont toujours aussi colorées et kitschs. La maîtrise technique de Schumacher est indéniable mais sert des choix esthétiques de mauvais goût (Schumacher voulant retrouver le fun de la série parodique des 60's avec Adam West et Burt Ward et faire un "film cartoon") et un scénario vraiment pourri que le scénariste a certainement dû écrire en regardant son fils jouer avec ses figurines et ses véhicules.
Ca commence dans un musée où, en guise de bataille contre Freeze et ses sbires joueurs de hockey, Batman et Robin se livrent à un match de hockey sur glace avec un diamant et transforment leurs bottes en patins à glace.
"Ils nous cherchent des crosses, vieux frère !"
Une fois son objectif atteint, Freeze s'enfuit à l'aide d'une fusée dissimulée dans son camion (WTF ?) et la course-poursuite s'achève dans le ciel de Gotham, avec Freeze qui déploit ses ailes de papillon métalliques (c'est une figurine, je vous dis !) et Batman et Robin qui le poursuivent en se servant de portes comme de planches de surf, course-poursuite qui s'achève dans une cheminée d'usine.
"Ca gèle dans la chaudièèèèèèèèère !"
Avec une introduction pareille, que peut-on attendre du film franchement ? Scènes d'action ou autres, toutes les scènes sont plus kitschs les unes que les autres. Ca culmine lors d'une scène où Freeze, ayant revêtu ses chaussons en forme d'ours polaires, monte une chorale-karaoké avec ses hommes de main (WTF ? bis).
Sans oublier les deux héros insupportables qui passent leur temps à se disputer durant tout le film. Ils sont souvent agaçants et leurs discutes sont de plus en plus grotesques. Leur seule autre activité, c'est de taper sur des vilains et c'est présenté de telle manière qu'on se demande où sont les "Paf ! Pouf !" censés accompagner les coups d'Adam West et de Burt Ward (ah bon, c'est pas eux ?).
Heureusement, maigre consolation, la musique d'Elliot Goldenthal est, elle, très bonne, reprenant les meilleurs thèmes de Batman Forever et en rajoutant d'autres eux aussi réussis. Contrairement à Forever où le thème de combat tape sérieusement sur les nerfs (seul raté dans une très bonne bande originale), la bande originale de Batman & Robin est presque un sans-faute.
La BO de Goldenthal est d'ailleurs, avec l'interprétation de Michael Gough, l'un des deux seuls points positifs que je trouve à cette daube.
En définitive, Batman & Robin est un film vraiment pourri, une honte colossale pour les fans du personnage. Avec l'implication des fabricants de jouets dans l'aspect créatif du film, la Warner espérait doper ses revenus avec les ventes de figurines et de véhicules.
De ce côté là, c'est une réussite: les jouets se sont bien vendus. Mais le box-office et les retours critiques et publics ont été une catastrophe sans précédent, et la franchise a été tué pendant huit ans avant de repartir complètement de zéro, seul moyen de se débarrasser de cet héritage trop encombrant.
Suite à Batman Forever, qui s'en sortait encore relativement bien, la sonnette d'alarme avait été tirée sur de nombreux problèmes. Et à juste titre car Batman & Robin fait non seulement totale abstraction de toutes les qualités qui avaient permis de sauver Forever, mais accentue davantage tous les défauts qui avaient été formulées suite au film précédent. Et le résultat est là: un massacre intégral.
Maintenant, toutes ces critiques étant émises et l'ampleur du désastre étant claire, il est important de signaler que le film a néanmoins magistralement réussi son coup là où personne, pas même le réalisateur, ne l'attendait. Et c'est ce qui a vraiment sauvé le film des méandres du désintérêt total.
Batman & Robin est l'anthologie nanaresque ultime, servie sur un plateau d'argent (film à gros budget et de très bons effets visuels à l'époque). Le film est tellement grotesque que de nombreux choix esthétiques en deviennent involontairement à pisser de rire. Ceux qui ont vu le film de 1966 avec Adam West et Burt Ward se rappellent certainement du téléphone rouge dans la Batmobile, du Bat-spray anti-requin et autres réjouissances kitschs. Bah là, on en tient l'héritier spirituel !
Et, si les comédiens originaux tentent désespérément de sauver le film malgré un scénario catastrophique et une avalanche de jouets dans tous les sens, une bonne partie du mérite en revient aux traducteurs et comédiens ayant officié sur le doublage français et qui ont su rattraper la balle là où personne n'y aurait songé.
En effet, loin de sauver le film de la connerie, l'adaptation française en rajoute une ENORME couche tout en restant suffisamment fidèle aux dialogues originaux. Les répliques françaises sont du caviar, les comédiens ont excellé à montrer que les personnages sont de parfaits abrutis et les voix de Batman et de Robin prennent un ton exagérément sérieux pour sortir des répliques complètement farfelues (ce qui donne un résultat hilarant), réitérant ainsi complètement l'exploit humoristique du duo composé d'Adam West et de Burt Ward dans la série et le film des années 60.
Grâce à eux, Batman & Robin est un plat du choix servi avec un assortiment de caviar (les répliques) qui rend le film tout simplement hilarant. C'est extrêmement drôle et je vois mal comment on peut résister à ce doublage bien plus fun que l'agaçante version originale.
Du coup, Batman & Robin en VF est un incontournable des soirées nanars entre potes, celui qu'on mate en mâchant sa part de pizza. Loin d'être sans intérêt, la connerie du film est ultimement ce qui le sauve. Et là, il est tout simplement irrésistible !
Ainsi, si le film est conspué par l'intégralité de la communauté des Batfans comme le plus gros revers que la licence ait jamais connu, sa valeur nanaresque incontestable est telle que le film mérite malgré tout le détour pour les amateurs de second degré et une place de choix parmi les films parodiques. Parodie involontaire, certes, mais sublime !
