Man of Steel
Réalisateur: Zack Snyder.
Année: 2013.
Durée: 2h25.
Casting: Henry Cavill (Kal-El / Clark Kent), Amy Adams (Lois Lane), Michael Shannon (Général Zod), Russell Crowe (Jor-El), Diane Lane (Martha Kent), Laurence Fishburne (Perry White),
Kevin Costner (Jonathan Kent), Antje Traue (Faora) et Ayelet Zurer (Lara Lor-Van).
L'Histoire
La planète Krypton vit des heures sombres. Conséquence de l'exploitation de ses richesses naturelles, son noyau est devenu instable et le scientifique Jor-El prédit l'anéantissement de leur monde. Dans un dernier effort pour sauver la planète, le Général Zod, chef des armées, tente un coup d'état contre le conseil, mais leur tentative échoue. Condamnés pour haute-trahison, lui et ses partisans sont exilés dans la Zone Fantôme, une prison spatiale. Jor-El, lui, confie la survie de leur peuple à son nouveau-né, Kal-El, qui échappe ainsi à la destruction de la planète.
Kal-El arrive sur Terre où il est recueilli par un couple de fermiers et vit pendant des années sous l'identité de Clark Kent. Différent des autres enfants, possédant des capacités hors du commun et souvent bizarre, il a vécu toute son enfance en étant rejeté et exclu par les autres. Malgré les efforts de son père Jonathan pour cacher son existence, convaincu que le monde n'est pas prêt à l'accepter, Clark refuse de laisser des gens mourir et a dévoilé ses pouvoirs à certaines occasions pour sauver des vies. Malgré cela, il s'interroge sur le sens de son existence et sur ses origines. A la mort de son père, il s'exile de lui-même, voyageant à travers le monde sans pour autant chercher à s'y intégrer.
Sur un site en Arctique, une équipe d'explorateurs met à jour un monument datant de plusieurs millénaires. La reporter Lois Lane du Daily Planet est envoyé sur place pour couvrir l'événement. Elle y rencontre cet homme venu d'un autre monde qui devient son sauveur. Dès lors, elle décide de révéler au monde l'existence de cet homme parmi nous. Mais comment retrouver quelqu'un qui a passé sa vie à couvrir ses traces, ne voulant pas que son existence soit découverte ?
Tout change quand le Général Zod et ses acolytes, libérés de leur prison spatiale, arrivent sur Terre afin de retrouver Kal-El. Ce dernier possède sans le savoir la clé de la renaissance de leur peuple dont Zod a besoin afin de recréer Krypton. Dévoilant sa présence sur Terre, il donne 24h à Kal-El pour se rendre, prenant les vies des terriens en otages. L'heure est venue pour Kal-El de révéler son existence...
Commentaires
Avec Man of Steel, le réalisateur Zack Snyder s'est vu confier la lourde tâche de relancer la franchise Superman. Pour ce faire, il bénéficie de la bénédiction de Christopher Nolan, réalisateur de la trilogie Batman, et d'un atout-clé: Henry Cavill, jeune et talentueux acteur britannique connu pour sa malchance légendaire (l'éternel finaliste recalé des gros castings). Se voyant confier le rôle-titre, Cavill a pour lui sa jeunesse, son physique d'athlète, l'aura de sympathie et de noblesse qui l'accompagne naturellement, et surtout la sensation de puissance et la force de conviction qu'il véhicule dans son jeu autant d'atouts qui ne sont pas rappeler le casting du regretté Christopher Reeve, alors illustre inconnu, à l'époque des premiers films.
Man of Steel trouve son origine dans la vision du scénariste David Goyer qui, tout en travaillant sur le scénario du dernier Batman, imagina une réinterprétation moderne et réaliste de l'homme d'acier. Celui-ci, absent des écrans depuis le désastreux Superman Returns, causait alors bien des tracas aux exécutifs de la Warner qui ne savaient plus quoi faire avec l'homme au slip rouge. Avec l'appui de Christopher Nolan (dans les petits papiers de la Warner), Goyer réussit à leur vendre son projet et le nouveau film fut lancé avec, à la barre, le réalisateur Zack Snyder, connu notamment pour les films Watchmen et 300, une garantie de livrer aux fans un film bien "musclé" conformément à leurs attentes.
La vision de Goyer de Superman est similaire à son approche de Batman avec une étude approfondie du personnage. Si Batman est né des troubles de la société, Superman est un personnage très différent. C'est un être venu d'un autre monde, qui a vécu et grandi parmi les terriens mais qui ne pourra jamais totalement s'y intégrer du fait de sa différence. Goyer s'intéresse alors aux enjeux que présente l'existence d'un tel individu dans notre monde, pour lui et pour les autres. Pour Kal-El, ces enjeux consistent à découvrir ses origines et à trouver sa place en ce monde. Pour les autres, la question est autrement plus complexe: comment réagiraient les gens s'ils découvraient qu'un extraterrestre leur ressemblant mais possédant des pouvoirs défiant l'imagination vit depuis une trentaine d'année parmi eux ? Vont-ils accepter son existence dans ce monde ou vont-ils la rejeter et craindre ce dont il serait capable ?
De là, il nous bâtit toute une épopée qui commence sur la lointaine Krypton vivant ses dernières heures, nous présentant ce monde et son environnement politique. L'occasion aussi de nous introduire l'antagoniste du film, le Général Zod, et surtout de nous présenter Jor-El, le père de Kal-El. Et, histoire de bien amorcer les choses, il ne faudra pas attendre que Kal devienne adulte pour avoir de l'action puisque toute la première partie se déroulant sur Krypton pullule de scènes d'action, donnant l'occasion à Russell Crowe de montrer que, contrairement à Marlon Brando, la force de son personnage ne vient pas de ses mots mais bien de ses poings. Pour le reste, la partie sur Krypton est aussi l'occasion de découvrir un monde qui n'est pas sans rappeler la prélogie Star Wars (totalement même) à laquelle on aurait ajouté des créatures semblant sorties d'Avatar.
Suite à cette intro (15 à 20 minutes de bagarre), nous entrons dans la deuxième partie du film centrée sur les errances de Clark Kent à travers le monde. Nous découvrons un personnage en quête de soi qui ne cesse de changer de travail et de lieu, prenant soin d'effacer toute trace permettant d'être retrouvé. Il vit parmi les hommes mais il évite sans cesse de s'intégrer parmi eux, se tenant à l'écart des autres. C'est aussi un personnage hanté qui, à mesure de ses voyages, se rappelle des flash-back de son enfance ("Tiens, un bus scolaire ! Ca me rappelle la fois où le bus est tombé dans le fleuve et où je me suis jeté à l'eau pour sauver les passagers, révélant ainsi mes pouvoirs à certains de mes camarades terrifiés. Le réalisateur a même copié la mise en scène du premier épisode de Smallville pour cette scène, quand je sauvais mon ami Lex Luthor d'une mort certaine.").
Très franchement, l'intention de base est intéressante, permettant d'aborder l'enfance de Clark sur des événements significatifs et non de tout détailler, mais la manière dont c'est exécuté ne m'a pas convaincu. Le problème vient du fait que les errances n'ont aucun but en soi autre que d'activer ces flash-backs, amenés de manière souvent poussive et, au bout du compte, risible (la mort de Jonathan Kent, censé être le grand traumatisme du personnage, est l'une des séquences les plus clichées du film, à la limite du ridicule, ce qui gâche tout). Finalement, il aurait peut-être mieux valu abandonner cette idée et raconter simplement l'enfance, ou alors la retravailler. Il aurait fallu rendre les errances du personnage de Clark plus intéressantes car, finalement, celles-ci ne nous racontent rien, à part servir de stimuli aux flash-backs, amener des scènes d'action où Clark sauve des gens avant de disparaître, ou carrément de remaker la scène du bar de Superman II (mais ça, mieux vaut s'y habituer car le film ne va pas arrêter d'évoquer les deux Superman de Richard Donner et la série Smallville). Et puis surtout, si ces moments sont accompagnés d'une photographie superbe, le réalisateur Zack Snyder peine à véhiculer de l'émotion. On a plus l'impression de suivre une histoire qui nous est racontée que de la ressentir vraiment.
Cette partie amène Clark à rejoindre une expédition partant pour l'Arctique où des vestiges d'une civilisation inconnue datant de plusieurs millénaires ont été retrouvés dans les glaces. C'est là qu'il rencontre une jeune reporter envoyée pour couvrir l'événement, Lois Lane. Alors que Clark se rend dans les vestiges et découvre ses origines (car c'est bien sûr d'origine kryptonienne), il sauve Lois qui découvre dès lors l'existence de cet être venu d'un autre monde et qui, reconnaissante à la manière d'une journaliste, va vouloir exprimer sa gratitude à son sauveur en faisant connaître son existence de tous, révélant ainsi que nous ne sommes pas seuls dans cet univers et ruiner au passage tous les efforts de Clark pour couvrir ses traces. En fait, son personnage ressemble quelque peu à celui de Vicky Vale dans le film Batman de Tim Burton, sauf qu'ici le rôle n'est pas le même. Nous ne découvrons pas Clark à travers les yeux de Lois (son enquête, qui a duré des semaines, voire des mois, est brièvement résumée en une seule séquence), elle est ici pour incarner le personnage qui accepte l'existence de Kal-El et qui tente de la faire découvrir aux autres, sauf que le reste du monde ne sera pas forcément aussi enclin qu'elle à reconnaître l'existence de son "sauveur".
Ce qui nous amène à la troisième partie du film (et la plus longue) où les kryptoniens débarquent et menacent de détruire la Terre si Kal-El ne se rend pas dans les 24h. Sa présence sur Terre étant ainsi révélée, Clark va devoir faire le choix de se dévoiler aux yeux du monde. Initialement accueilli avec méfiance par les humains et livrés aux kryptoniens, il va devoir gagner leur confiance et c'est de là que va peu à peu venir le surnom de Superman (jusque là, il était simplement considéré comme un "homme d'acier"). Seulement, dans la logique de Zack Snyder, ce sont désormais les scènes d'action qui guident l'histoire et tout ce qui se passe désormais va devenir prétexte à les amener. Superman et Lois sont amenés sur un vaisseau spatial ? C'est l'occasion pour Lois de montrer qu'elle a des tripes et de se prendre pour le commandant Shepard qui dézingue à tout va. Zod menace Martha Kent ? Une bagarre éclate aussitôt entre lui et Superman et... bah, on oublie complètement Martha après (c'est dire le niveau de la menace !). Et la grande bataille finale à Métropolis ? C'est l'occasion de copier le style de la saga Matrix et de mettre une bonne claque aux Wachowski en créant l'une des scènes d'action les plus impressionnantes jamais réalisées. Et d'évoquer aussi le 11 Septembre dans l'imagerie (et non dans le traumatisme puisque, le désastre passé, tout le monde a tout oublié comme par magie).
S'il y a un mérite qu'il faut reconnaître à Zack Snyder, c'est qu'il sait y faire quand il s'agit de tourner de l'action bien musclée comme il faut, et le film en livre dans tous les sens. La bataille finale est certainement un monument du genre, bluffante comme c'est pas permis et nous faisant soudain réaliser qu'il s'est bien écoulé dix ans depuis le final de Matrix Revolutions.
Après, il faut aussi bien admettre que le film arrive aussi à nous surprendre là où on ne l'attendait pas. Alors qu'on s'attendait à un film qui fasse complètement fi des adaptations précédentes, on se retrouve contre toute attente avec une histoire qui remake plus ou moins les deux premiers films Superman de Richard Donner dans les grandes lignes, même si le traitement reste très différent. Les allusions à la série Smallville sont aussi nombreuses, c'est du bonus. Et puis, surtout, il n'a en soi pas grand chose d'un film de super-héros au sens où on le connait généralement. Ici, on est plus dans un film de science-fiction qui s'inspire (ou plutôt qui plagie à ce niveau) visuellement des éléments de grands classiques du genre tels que Star Wars, Avatar, Matrix, Alien, Terminator ou La Guerre des Mondes.
Au final, c'est un film qui ne tente pas de se conformer aux conventions du genre appliquées par nombre de films comme les Spider-man, Green Lantern, Les Quatre Fantastiques, et autres, à savoir raconter les origines du héros, lui créer une intrigue romantique avec un personnage féminin qui sert à rien et lui opposer ensuite un méchant que le héros doit bastonner (et qui, la plupart du temps, a enlevé la copine en question). Des stéréotypes que les films Superman et Batman avaient installés à l'époque et qui sont devenus des clichés du genre. Ironiquement, Man of Steel parvient à se défaire de cela et revient à une démarche similaire à celle des deux premiers films Superman que le genre a perdu avec le temps: faire avant tout des films qui nous racontent une histoire et créer cette histoire à partir des personnages. Car finalement, Man of Steel n'est pas vraiment un film de super-héros au sens où on l'entend, c'est l'histoire d'un extraterrestre qui vit parmi nous avec toutes les questions que ça pose, pour lui et pour les autres. On est plus proche du cinéma de science-fiction de Spielberg à l'époque de E.T. ou de Rencontres du Troisième Type que des films de Spider-man. Et franchement c'est pas plus mal car c'est là que se situe vraiment l'âme du film (et non dans les scènes d'action qui, bien que mises en avant, font surtout enrobage au final). Man of Steel, c'est l'histoire de Kal-El parmi les hommes, Superman agit plus comme un décor et une sorte de prétexte aux scènes d'action.
Mais c'est là aussi un peu le problème du film. Car si le personnage de Clark Kent est au centre de tout les enjeux du film, tout tourne autour de lui et les autres personnages ont plus de mal à exister. Ajoutons en plus à cela la prestation magistrale à tout point de vue de Henry Cavill, divin dans le rôle titre, on s'aperçoit vite que même Michael Shannon, qui fait pourtant d'énormes efforts pour endosser le rôle du méchant Zod, peine à exister face à l'aura dégagée par son partenaire. Alors ne parlons pas des autres acteurs, qui sont pour la plupart relégués à des seconds rôles. Le personnage de Lois Lane n'existe lui aussi qu'à travers son rôle par rapport à son "sauveur". Finalement, le seul autre personnage du film qui parvient à exister, c'est le protagoniste de l'intro, Jor-El, avec l'interprétation musclée de Russell Crowe qui semble n'en avoir rien à faire que Cavill soit le héros du film et qui se fait plaisir avec ce qu'il a.
La musique n'est pas non plus franchement mémorable. En sortant de la salle, j'avais même l'impression de n'avoir entendu quasiment que deux thèmes repris à longueur de temps (même si je sais que ce n'est pas le cas, mais c'est dire leur omniprésence), attribués respectivement à Superman et à Zod. Hans Zimmer, le compositeur des films Batman, s'est chargé de la BO et on reconnait bien son style, mais aussi sa tendance à surjouer la dimension épique à travers sa musique. Mais là où ça bloquait à mon sens sur les films Batman, ici je trouve que ça fonctionne parfaitement bien avec la démesure pleinement assumée par Zack Snyder dans sa réalisation, donnant toute sa puissance exagérée au personnage de Superman, capable de faire s'effrondrer un immeuble entier en le percutant ou de faire exploser les vitres en volant à côté à toute vitesse (le nouveau Néo !
).
Je dirais que Man of Steel est un film qui se savoure de la même manière que beaucoup de blockbusters: comme une attraction. Ca divertit, ça amuse, et force est d'admettre que Zack Snyder sait y faire en terme d'action. De ce côté là, on en a pour son argent. Mais à côté de ça, il y a aussi une histoire qui touche de manière intime au personnage de Superman et qui évoque de nombreuses thématiques qui lui sont intrinsèquement liées. Comme à son habitude (les films Batman), David Goyer a livré un scénario ultra-peaufiné et très complet avec énormément d'éléments. Le problème étant que cette histoire amenait un véritable potentiel que le film a traité de manière assez timide, Zack Snyder étant clairement plus à l'aise dans l'esbroufe visuelle (l'action) que dans l'émotion. Du coup, j'ai plus eu parfois la sensation qu'on me racontait une histoire plus que de me la faire ressentir. Etrangement, le "coeur" de ce Man of Steel a du mal à s'ouvrir au spectateur, à l'image de son héros sur la défensive. Reste que c'est un bon film d'action à grand spectacle bien efficace et qui lance des bases prometteuses pour une nouvelle saga, mais ce film aurait pu être beaucoup plus, tellement plus...
Verdict: Très Bon (15/20).