Je viens de finir la lecture du tome 1 (qui réunit les quatre premiers numéros de la nouvelle série de comics en cours). Dévoré d'une seule traite !
Comme je l'ai dit, le fait de rebooter l'univers de mes héros d'enfance ne m'enchantait guère. Mais là, en l'occurrence, c'est du très bon reboot.
La série se déroule de nos jours. Splinter, un vieux rat mutant, et ses élèves Léonardo, Donatello et Michaelangelo, des tortues mutantes elles aussi, affrontent un gang mené par Old Hub, un chat mutant. Tous se connaissent, partagent un passé commun, mais on ignore lequel.
Nous découvrons assez vite une quatrième tortue mutante, anonyme, amnésique et SDF, qui fait sa tournée de poubelles pour chercher de quoi se nourrir. Véritable paria, elle rencontre Casey Jones, un jeune homme troublé qui traverse ses propres problèmes avec un père alcoolique et violent. Ces deux rejetés de la société se reconnaissent et s'acceptent, le début d'une amitié forte.
Qui sont tout ces mutants et d'où sortent-ils ? Tout commence 15 mois auparavant dans un centre de recherche. La jeune April O'Neil, une étudiante stagiaire, vient d'être engagée et elle fait la connaissance du laboratoire et de quatre tortues et d'un vieux rat, spécimens de laboratoire. La jeune femme l'ignore mais ces spécimens sont censés servir de cobayes pour la création d'une formule chimique de supersoldat que le mystérieux général Krang pourra utiliser sur ses troupes pour les rendre invincibles. Jusqu'au jour où le projet devient la cible d'une organisation rivale composée de ninjas...
J'avoue que je suis vraiment surpris par la qualité de cette relecture des origines des tortues. On a l'impression d'être toujours en territoire connu et, en même temps, on redécouvre vraiment les origines des tortues dans une version neuve qui dépoussière le mythe et rend son univers plus réaliste et plus sérieux. On retrouve toutefois l'ambiance sombre et violente des comics d'origine mais, au-delà du sérum du supersoldat, tout l'aspect un peu kitsch de la série d'origine a entièrement disparu. Et ce premier tome apporte aussi son lot de nouvelles idées brillantes qui, si elles ne sont pas encore vraiment développées dans ce premier tome, portent néanmoins de véritables promesses pour les développements futurs de la série.
Après, au niveau des personnages, je trouve que ce premier tome ne met pas tous les personnages sur le même plan. Raphaël est au centre des enjeux de ce tome et, en conséquence, sa psychologie est particulièrement développée. Séparé de ses frères et ayant rencontré l'hostilité du monde réel, il s'est forgé une carapace et, en conséquence, il est devenu un être colérique et brutal mais néanmoins d'une grande sensibilité au fond de lui.
Les trois autres tortues sont davantage mises en retrait, se contentant de rechercher leur frère disparu, sans pour autant avoir aucune assurance qu'il soit toujours en vie. Il y a toutefois une scène à un moment qui dévoile leurs psychologies respectives. Ainsi, Léonardo n'est pas à l'aise dans son rôle de leader, se contentant de suivre les ordres de Splinter sans prendre aucune initiative personnelle, une attitude qui insupporte ses frères. Donatello a repris le rôle de Raphaël et, bien que moins sévère, sera de contrepoids nécessaire face à l'indécision de Léonardo. Enfin, Michaelangelo est fidèle à lui-même.
Splinter devient un simple rat de laboratoire. Ses origines deviennent donc nettement plus réalistes que l'animal de compagnie d'Hamato yoshi qui apprit les arts martiaux en imitant son maître. Du coup, on peut se demander où il a appris les arts martiaux (ok, c'est kitsch comme idée ! Mais c'est important quand même !
). Toutefois, ses origines conservent leur aspect "héroïque", réinventées de manière convaincante qui collent bien avec l'ambiance plus sérieuse du reboot.
Enfin, Casey Jones est, avec Raphaël, le personnage le plus développé de ce premier tome. On découvre un jeune homme dans la détresse, pommé, ce qui confère là aussi un aspect plus réaliste à la série. Il n'y a pas besoin de plus pour le rendre attachant. Malgré ça, visiblement dopé aux comics, il s'est construit une carrière de justicier masqué (toujours avec son masque de hockey et sa batte) et, la nuit venue, il lutte contre le crime. Oui, complètement pommé, c'est bien ce que j'ai dit.
A part ça, d'autres figures connues sont au rendez-vous dans des rôles secondaires qui ont ici toutes un lien avec les origines des tortues. April O'Neil retrouve ici son emploi de scientifique mais elle n'a pas encore l'importance qu'elle est censée acquérir plus tard, n'ayant pas encore véritablement croisé les tortues mutantes. Shredder semble aussi être présent, bien qu'on ne le connaisse pas encore sous cette identité.
Enfin, le personnage qui a peut-être le plus changé est certainement Krang, l'extraterrestre en forme de cervelle. Ici, il est réinventé en Blodelf ou en Dr. Gang, ce qui plaira ou non aux fans. Son influence et la terreur qu'il inspire sont omniprésentes, mais le personnage même reste dans l'ombre et apparait à peine. On sait juste de lui qu'il est général de l'armée et qu'il est le commanditaire du projet mutagène. Pour l'instant, tout semble l'annoncer comme le grand méchant de la série, mais Shredder ne s'est pas encore pleinement dévoilé.
En fait, en guise de méchant, on a droit à un nouveau-venu, Old Hob, nemesis de Splinter et véritable cauchemar de Raphaël, sorte de chat de gouttière mutant qui fait office de premier adversaire des tortues et qui risque d'être récurrent. S'il n'a pas l'impact d'un Shredder, il remplit toutefois bien son office de premier méchant, tenant davantage la route par lui-même qu'un Bebop ou un Rocksteady ne le seraient (pour leur part, ils ne peuvent être que les larbins d'un autre personnage).
Ce premier tome tourne autour de la thématique de la famille. On assiste à une famille en perdition en l'absence de l'un de ses membres et qui se met à sa recherche sans même savoir s'il est encore en vie. De l'autre côté, on trouve un individu égaré, amnésique et seul qui recherche justement son clan, perdu et errant dans les rues. L'une des (nombreuses) réussites de ce livre est de réussir à nous faire croire à cette famille, au fait que les tortues ne sont pas "complètes" quand elles ne sont pas quatre et que Raphaël leur est donc indispensable pour démarrer véritablement leur nouvelle existence.
Comme cette quête du frère disparu prend tout le tome, nous n'avons ainsi droit qu'aux origines et l'histoire ne va malheureusement pas au-delà. C'est justement là un peu le problème, on sent que ce tome, aussi réussi soit-il, 'est qu'un prologue et, comme le dit Splinter à la fin, les choses ne peuvent commencer vraiment qu'une fois la famille réunie. Si ce prologue est excellent et que son histoire fonctionne, j'en ressors toutefois vraiment dans l'attente d'une suite. Il y a de nombreuses idées géniales qui ont été introduites et qui n'ont pas encore été développées et on sent que l'intrigue principale a démarré entretemps. Loin d'être anodin, l'accident ayant abouti à la mutation des tortues est ici un point clé du scénario, prenant place au centre d'une intrigue énorme qui réunit plusieurs éléments importants de la mythologie de la franchise.
Et très sincèrement, vu la qualité de cet ouvrage, j'ai de grandes espérances pour la nouvelle série. Vraiment un excellent prologue !
Au niveau des dessins, là c'est difficile de juger tant l'auteur (en l'occurence Kevin Eastman, le co-créateur des tortues) a vraiment un style particulier, qui plaira ou non selon les goûts. Les couleurs sont aussi vraiment très sombres. Techniquement, je trouve que c'est réussi et ce style colle vraiment bien avec l'ambiance sombre du titre, mais tout le monde n'appréciera pas forcément (surtout ceux qui sont attachés à l'ambiance colorée de la série animée des années 80/90). Pour autant, la lecture est vraiment fluide et se lie avec grand plaisir. En définitive, ça dépendra vraiment des sensibilités.
Maintenant, j'attends de voir ce qu'en aura pensé Hdix.