Alors, un peu plus de développement sur
Skyfall :
Sam Mendes ne m'a jamais déçu. Tous ses films m'ont mis une claque, quel que soit leur genre, d'American Beauty à Jarhead en passant par les Noces rebelles ou Away we go. Alors quand j'ai appris récemment qu'il se chargeait de Skyfall, ça a totalement éveillé ma curiosité. Qu'allait-il donnait sur la saga James Bond ? Sur un tel blockbuster ? On connaît le réalisateur pour sa capacité à s'immiscer finement dans la psychologie de ses personnages et leurs évolutions, chose qu'on n'a pas l'habitude de voir dans du James Bond. Du coup, allait-il trahir son style et tomber dans la facilité du blockbuster made in Bond ? Absolument pas, bien au contraire ! Mendes s'est réapproprié le mythe en apportant réellement sa patte et en nous offrant le plus intime des James Bond. Mais tout n'est pas parfait, loin de là.
Dans Skyfall, tout passe par un triangle : Bond-M-Silva, dont on saisit globalement la relation, même si je ne peux m'empêcher de trouver le personnage de Silva sous-exploité et mal mis en avant : finalement, les explications sur sa façon de penser et sur son ressentiment envers M restent très basiques, le personnage étant plus mis en avant dans sa façon d'être : le gars est un peu beaucoup dérangé, pour faire ressortir ça on peut compter sur le cabotinage efficace d'un Javier Bardem un peu à contre-emploi et qui prouve qu'il peut fort bien varier les genres, mais le cabotinage devient tellement présent et le développement du personnage tellement peu consistant que Silva devient vite plus ridicule qu'autre chose. Pour moi, c'est le mot : ridicule. Le méchant est inconsistant et m'a même parfois fait sourire tant je finissais par le trouver minable.
Restent donc Bond et M. Et là, c'est du tout bon. Mendes a su faire ressortir le lien tout à fait particulier entre ces deux personnages, qui se prennent souvent le bec, s'opposent, mais se vouent une relation de confiance poussée dans ses derniers retranchements, et parfaitement mise en exergue par un Silva qui est un peu l'opposé du loyal Bond (le méchant réussit au moins ça).
Pour bien mettre en valeur tout ça, Sam Mendes a su tirer le meilleur parti de son trio d'acteurs. J'ai déjà évoqué Bardem, bon dans son cabotinage. Ensuite, on sait à quel point il peut être difficile de tirer le meilleur de Daniel Craig
mais là le gars fait bien son boulot, et colle bien au Bond voulu par Mendes.
Mais c'est définitivement l'actrice la moins connue du trio qui tire tous les honneurs : Judi Dench a toujours été excellente dans son rôle de M, mais là, elle est éblouissante, elle a su faire ressortir toute la finesse du personnage, implacable, intransigeante quand il le faut, au visage toujours sévère et dotée de répliques cinglantes absolument délicieuses, mais qui cache toujours dans son regard une fragilité qui finit pas totalement se découvrir dans une fin vraiment excellente.
D'ailleurs, pour marquer les 50 ans de Bond au cinéma, je pense qu'on ne pouvait pas trouver meilleure fin, meilleure pirouette. Tout s'emboîte bien et une boucle est bouclée, chapeau au réalisateur.
En ce qui concerne la réalisation elle-même, c'est bon. Je regrette des longueurs, surtout dans la première moitié du film, mais ça laisse le temps d'apprécier le talent de Sam Mendes pour sublimer les images. Notamment, les vues de Shanghai, de ses lumières, de sa modernité, sont superbes. Côté scènes d'action, j'ai eu le sentiment qu'il y en avait encore moins que dans Casino Royale, qu'elles n'avaient rien de bien exceptionnel, mais étaient toutefois efficaces. Par exemple, la course-poursuite de début est plaisante bien que très banale finalement, mais au bout d'un moment elle a fini par me gonfler. Je garde un meilleur souvenir de la scène sur les échafaudages de Casino Royale. Par la suite, c'est toujours très classique, mais Mendes sait y mettre la tension, sait filmer ça avec brio pour nous immerger, jusqu'à cette dernière ligne droite [spoiler]en Ecosse, bien fichue, qui laisse entrevoir un Bond plus intime puisqu'on découvre un peu de son passé, bien que ça reste assez inconsistant car ça arrive un peu comme un cheveu sur la soupe[/spoiler]. L'ambiance est là jusqu'au final, même si je pense que je me serais plus pris au jeu si certains moments n'étaient pas aussi ridicules [spoiler](la surenchère d'explosions, ou la baston dans le lac gelé avec un Bond qui s'en sort sans qu'on sache trop comment... alors qu'il est dans un lac gelé, quand même, il a une sacrée condition... Bon, on le voit tirer sur la glace, mais après ?)[/spoiler] et si le personnage de Silva avait été mieux exploité, parce que là, j'ai trouvé [spoiler]sa mort dans la chapelle[/spoiler] risible.
A part ça, on sent que Sam Mendes a bien étudié sa copie, et il nous offre de nombreux clins d'oeil et hommages assez délicieux à ce que fut Bond au cinéma. Certaines scènes, comme la scène de début sur le train ou le duel au pistolet, rappellent d'anciens James Bond, mais la mention spéciale revient au passage où [spoiler]Bond récupère dans le garage la vieille voiture, avec l'ancienne musique originale de James Bond qui arrive en fond... Jouissif ! Vers la fin, j'ai également adoré le petit regain de vengeance de Bond quand il voit Silva exploser cette chère voiture ^^[/spoiler]
Enfin, côté histoire, si Mendes a parfaitement su exploiter le personnage de M, qui n'a jamais été aussi bien mis en valeur, et sa relation avec Bond, je regrette de nombreuses petites facilités propres aux blockbusters, facilités que j'aurais facilement acceptées dans des films plus orientés action type les Bond ancienne génération, Die Hard, etc... mais que j'ai du mal à concéder dans un film qui se prétend mieux construit et plus approfondi, dans un film issu d'un vrai génie du cinéma. L'histoire est donc parsemée de ces petites facilités, de ces petites ellipses flemmardes propres aux blockbusters.
Mais ce n'est pas le plus grave, car il y a l'incohérence totale de Silva.
[spoiler]Mais attendez, le gars est un cerveau brillant qui peaufine son plan pendant des années, a tout calculé, a hacké le MI6, a deviné où celui-ci allait migrer (gné ? Il est devin ??), a tellement bien peaufiné son truc qu'il a réussi à mettre dans sa poche plein de mercenaires, de faux-flics et a pu placer pépère ses explosifs dans les souterrains (tout ça sans qu'on sache trop comment, quand je parle d'ellipses flemmardes...), a même su prévoir qu'un métro vide allait venir se casser la gueule sur Bond après l'explosion souterraine... Bref, le gars a tout prévu, même ce qui est imprévisible, tel un dieu, et une fois dans le tribunal, une fois devant M, il prend son temps alors qu'il se sait poursuivi, et pire, il... il rate son tir et après il se casse ?? Mais... mais OMG ! Mais quel gros bouffon !! Tout ça pour ça ??
Et le gars, un coup il veut juste buter M dans le tribunal par vengeance, et à la fin il veut se tuer avec elle en la nommant subitement maman alors qu'il n'en était pas question longtemps avant... C'est... illogique...[/spoiler]
Bref, en fait, pour faire un comparatif avec un autre film récent, je ne peux m'empêcher de faire un rapprochement entre ce Bond et le dernier Batman de Nolan : on a deux réalisateurs de génie, deux metteurs en scène parfaits, deux vraies personnalités du cinéma, qui savent saisir la beauté des images, savent créer des ambiances, savent tirer le meilleur de leurs acteurs, ont la volonté d'offrir un véritable fond sur les personnages et réussissent à en sublimer certains comme ils ne l'avaient jamais été (je le redis : M, bon dieu, n'a jamais été aussi merveilleuse...), mais cèdent totalement aux petites facilités et incohérences propres aux blockbusters. Du coup, j'espère vivement lire un article de l'Odieux Connard sur Skyfall, comme il l'avait fait pour Dark Knight Rises
A part ça, on a fait tout un foin sur la frenchy Bérénice Marlohe, qui a en fait un rôle de merde. Par contre, Naomie Harris
Gros coup de coeur, elle n'a jamais été aussi sublime. Elle est à tomber lors du passage au casino tant elle est séduisante
Reste que la vraie James Bond Girl de Skyfall, c'est M