Hotel

Rubrique consacrée aux seinen, c'est à dire des séries se destinant à un lectorat adulte.
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Koiwai
Rider on the Storm
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Hotel

Message non lu par Koiwai » 27 oct. 2011, 19:58

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Boichi, Boichi, Boichi... On le sait tous, voici typiquement le genre d'auteur capable d'alterner l'excellent et le très mauvais, mais un auteur qui, dans tous les cas, a facilement su imposer sa patte graphique, aisément reconnaissable. Après la baston, l'humour de plus ou moins bon goût et l'érotisme parfois poussé que l'on a pu voir dans ses précédentes oeuvres parues en France, Sun-Ken Rock et le nanardesque Space Chef Caesar, le mangaka s'essaie ici, au détour des histoires courtes de science-fiction formant ce recueil, à un tout autre genre, résolument plus dramatique, et cherchant à dénoncer les bassesses d'hommes foutant peu à peu la planète en l'air ou devant faire face à la maladie ou à leur propres erreurs. Dit comme ça, c'est très prometteur, mais finalement, que veut l'ensemble ?

Pour se mettre directement dans l'ambiance, le recueil s'ouvre sur la nouvelle éponyme, d'une quarantaine de page. Sur Terre, l'humanité est finie. Le réchauffement climatique enclenché par les pollutions humaines a accéléré la formation d'une nouvelle ère, où, sous les effets de vents d'une violence sans pareil ou d'un assèchement généralisé, l'humanité n'a plus sa place. Pour survivre, deux projets voient le jour. Ainsi, avant qu'une gigantesque arche n'emmène vers l'espace lointain les humains, est construite sur Terre, pendant plusieurs dizaines d'années, une gigantesque tour devant renfermer, en attendant d'hypothétiques jours meilleurs, l'adn de toutes les espèces vivantes... Toutes, sauf l'homme.
Pour surveiller cet "hotel" est construit un robot, nommé Louis Armstrong. Pendant quarante pages, ce robot ne sera autre que notre narrateur, et nous vivrons, via ses monologues, la lente agonie, au fil des années, des décennies puis des millénaires, de sa mission.
Un concept de base intéressant, déjà largement vu dans la bande dessinée ou au cinéma, par exemple dans Wall-E. Mais ici, contrairement au film de Pixar, pas de positivisme et peu d'espoir. Cela, on le comprend d'emblée en voyant l'univers dépeint par Boichi, en découvrant en premier lieu des premières pages en couleurs aux teintes rouges apocalyptiques.
Puis débarque le principal personnage: le robot, qui n'a pour seul but dans la vie que d'accomplir sa mission pour satisfaire ses parents humains (signalons, au passage, un clin d'oeil à l'actrice Keira Knightley, probablement parce que l'auteur l'aime bien). Pur dans sa volonté de bien faire et dans la façon qu'il a d'être uniquement concentré sur sa mission, plus pur que les humains qui ont saccagé leur planète, Louis finit assez facilement par toucher, dans la solitude auquel il fait face sans sourciller, et en voyant peu à peu la situation se compliquer pour lui, malgré tout ses efforts.
Voici donc une base qui a tout pour séduire, et pourtant, tout n'est pas parfait. La faute, en premier lieu, à un rythme qui souffre atrocement des très nombreux monologues de Louis, des monologues s'enfonçant dans de longues tirades expliquant les situations de manière scientifique ou en se basant de manière incessante sur les technologies à portée du robot. Des histoires de modules ou d'énergie, par exemple, qui finissent par lasser tant elles manquent d'explications. On aurait presque envie de passer des pages, ce qui, quelque part, ne gênerait pas tant que ça dans la bonne compréhension de l'oeuvre. L'autre problème vient d'une gestion du temps plus qu'hasardeuse. Au fil des pages, nous comprenons que les écarts de temps sont de plus en plus nombreux: un an passe, puis dix, puis un siècle, un millénaire, plusieurs dizaines de milliers d'années... L'idée est excellente, mais mal exploitée, Boichi ne parvenant pas, en ces quelques pages, à bien mettre en valeur cet état de fait, et parvenant même à tomber dans les incohérences, comme lorsqu'on nous dit que 500 années sont passées alors que l'on se retrouve de 2079 à 5000 et quelques...
Les maladresses sont donc là, le récit s'éternise sur des futilités, le mélange entre la pureté des pensées du robot et le jargon technologique finit par coincer, mais au moins, n'enlevons pas un mérite à l'auteur: un coup de crayon parfois ahurissant de beauté, notamment dès qu'il s'agit de dépeindre des paysages. On appréciera beaucoup ceux montrés sur les paroles de What a Wonderful World, la chanson d'Armstrong, qui propose ici l'un des plus beaux instant d'émotion de la nouvelle.

Après cette première histoire maladroite, le ton change dans "Present". Tout commence par un cadeau, offert par une lycéenne mignonne, sincère et intrépide à son professeur, qu'elle aime plus que tout. Un amour impossible entre prof et élève comme on peut en voir dans beaucoup d'oeuvres, du moins à première vue. Les années ont passé, les deux amants se sont mariés, mais lorsque nous la retrouvons, la jeune fille est clouée dans un lit d'hôpital, amnésique et dans le coma. Quand elle se réveille, tout le monde, sauf elle, sait qu'elle n'a plus que trois jours à vivre. A présent, à chacun d'accepter la réalité... mais encore faut-il la connaître. Encore via un jeu sur le temps, ici beaucoup plus habile que dans Hotel, Boichi nous réserve une véritable originalité dans cette histoire, une vérité que l'on cerne petit à petit avant de la voir magistralement confirmée. Si la SF est toujours là via les technologies appliquées sur notre jeune malade, pas d'apocalypse générale ici, mais une ambiance plus intimiste, centrée sur un drame personnel que Boichi fait joliment ressortir, notamment via les expressions faciales de ses personnages, qui reflètent à merveilles leurs plus profonds sentiments. L'histoire commence par un cadeau, s'achève par un cadeau, et l'on trouve ici une facette de Boichi que l'on ne connaissait pas, et où, étonnamment, il est capable d'exceller. A vrai dire, "Present" est probablement l'histoire la plus maîtrisée du recueil, d'autant plus lorsqu'on voit les trois dernières nouvelles.

Pourtant, on ne pourra pas qualifier la troisième nouvelle, "Rien que pour les thons", de médiocre, très loin de là, mais il faudra accepter d'entrer dans le jeu de Boichi, tant le synopsis de base est aussi improbable qu'intéressant.
Dans un petit restaurant, un père emmène son fils manger du thon rouge. Le cuisinier est passionné, le régal est là, et pourtant, les larmes coulent: le jeune garçon vient de manger le dernier thon de la planète.
Les années passent, le garçon a grandi, n'a jamais pu oublier le thon, et est bien décidé à tout faire pour ressusciter l'espèce. Recherches sur l'ADN de thon, fouilles, rencontres heureuses... La vie de cet homme, d'un bout à l'autre, est dominée par le thon.
Sur cette histoire de base dénonçant de manière originale, une nouvelle fois, les tares de l'homme bousillant la planète au point de faire disparaître des espèces entières, et où l'on retrouve l'amour de l'auteur pour la bouffe, Boichi nous sert un bien étrange cocktail, se partageant entre une forte dramatisation, et des instants d'humour idiot pointant subitement le bout de leur nez. De ce fait, régulièrement, on se demande si l'auteur se veut totalement sérieux, ce que l'on se demandait déjà en voyant le concept de base de son histoire déjà joliment tiré par les cheveux. On se demande sur quel pied l'auteur souhaite nous faire danser, et une seule pensée finit par nous animer: WTF ?
Plutôt bancal, intéressant mais bizarrement tourné, "Rien que pour les thons" est un trip que l'on aimera ou pas, mais dans tous les cas, après l'improbable Space Chef Caesar, on se dit que seul l'esprit de Boichi pouvait nous servir sur un plateau un tel récit.

Après une première histoire inégale, une deuxième excellente, une troisième qui divisera les foules, on trouve en "Stephanos" une quatrième nouvelle pas déplaisante, mais qui laisse un petit arrière-goût amer. On y découvre une jeune fille d'une extrême pureté, amoureuse d'un médecin marié qui finit par la mettre enceinte. L'homme, de son côté, souhaite obliger son amante à avorter. Est-ce par souci pour elle, ou pour éviter les problèmes ? Dans tous les cas, la jeune fille, elle, souhaite plus que tout mettre cet enfant au monde... Mais si ça grossesse n'était pas une grossesse normale ?
Au fil des pages, c'est ce que nous comprenons. De fil en aiguille, Boichi développe une petite trame autour de la question de la grossesse anormale de la jeune fille, tout en développant une autre facette pessimiste de l'homme, ici capable du pire pour se protéger lui-même par égoïsme. On se retrouve avec quelque chose d'assez classique, peu développé du fait du faible nombre de page, et c'est ce même nombre de pages qui pose problème lorsque l'heure est venue de découvrir la vérité sur la grossesse. On se retrouve avec une idée apocalyptique intéressante, mais qui, malheureusement, ne possède pas l'effet escompté, la faute à une vérité qui arrive dans son entièreté à la dernière page, en un petit bloc de texte. Auparavant, quelques indices glauques étaient laissés, comme lorsque notre héroïne se vide de son sang sous les yeux de son amie, mais ils sont trop peu nombreux et trop brefs pour vraiment intriguer, et ne proposent aucun véritable indice.
En somme, on se retrouve avec une bonne idée, pas originale mais intéressante, mais malheureusement mal exploitée et qui passe à côté de l'effet escompté.

Enfin,"anecdotique" est sans doute le mot correspondant le mieux à "Diadem", la dernière histoire, composée d'une dizaine de pages toutes en couleur. Une occasion d'admirer la qualité des colorisations de Boichi, colorisations qui participent totalement à l'ambiance, et c'est à peu près tout, le récit ne proposant qu'une vague histoire de guerre classique dont les quelques rebondissements sont survolés.

Enfin, sachez que chaque nouvelle est séparée par un petit récit en deux pages, aux dessins plus relâchés et plus propices à l'humour typique de l'auteur.

Hotel est à prendre comme un coup d'essai de Boichi dans d'autres genres, largement plus dramatiques, parfois dotés d'une intimité touchante. Un coup d'essai clairement intéressant, mais aussi indéniablement très maladroit, tant le développement des histoires s'avère bancal.
En fait, après cette lecture, une envie nous vient: celle de voir Boichi s'essayer à nouveau dans un registre de ce genre, mais sur une histoire plus longue. Qui sait, peut-être que Sanctum, autre série de l'auteur prévue chez Glénat début 2012, ira dans cette direction ?

"Inégale" est également le mot convenant le mieux à l'édition, qui a toutes les peines du monde à justifier son prix élevé. Pour 10,55€, on se retrouve certes avec une vingtaine de pages en couleur, mais surtout avec un petit format, un papier et une impression de qualité médiocre (sauf pour les dites pages en couleur), et une traduction à quelques reprises à la limite du compréhensible.
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shun
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Re: Hotel

Message non lu par shun » 02 nov. 2011, 11:45

Hotel

la première nouvelle qui donne son nom est bien sympa, même si j'ai l’impression qu'il manque une petite moral final.
les autres sont variables, y'a de l'idée mais c'est souvent très mal exploité, mis en scène, brouillon, dommage car la base est bonne.
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sainfoins
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Re: Hotel

Message non lu par sainfoins » 04 nov. 2011, 20:29

Je ne l'ai pas lu car j'ai été vachement surpris du prix 10,50 euros. Ils sont malades??!! :shock:

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