Histoires courtes de Naoki Urasawa

Rubrique consacrée aux seinen, c'est à dire des séries se destinant à un lectorat adulte.
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Wang Tianjun
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Histoires courtes de Naoki Urasawa

Message non lu par Wang Tianjun » 27 oct. 2011, 19:25

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Histoires courtes de Naoki Urasawa
Fiche du volume sur le site
Naoki Urasawa aime se faire désirer. Le célèbre auteur a qui l’on doit de grands succès comme Monster, 20th Century Boys ou Pluto a longtemps été réticent quant à la publication de ses œuvres plus anciennes, ressentant une certaine honte à voir des travaux qu’il juge imparfait ressortir des archives. Pourtant, la donne a été changée avec l’arrivée d’Happy ! en 2010, et voilà qu’aujourd’hui sort sous nos latitudes le recueil des histoires les plus vieilles, les plus maladroites, les moins abouties qu’Urasawa a produit. Quel changement de cap !

Histoires courtes de Naoki Urasawa est une compilation, sortie au Japon il y a plus de dix ans, qui regroupe les travaux de l’auteur à ses débuts, tout au long des années 80, en s’ouvrant par Beta (renommé Trop classique !), nouvelle d’à peine huit pages qui l’ont révélé au monde professionnel en 1983. Vingt histoires ponctuent cet imposant ouvrage, en un seul chapitre pour la plupart, hormis trois exceptions. La saga du Dancing Policeman nous narre les mésaventures d’un jeune officier de police désinvolte et dragouilleur, enfreignant la loi autant qu’il la protège. Tout aussi intrépide, le héros de Mighty Boy est un acteur (raté) de sentai, dont le rôle de justicier lui est un peu trop monté au casque. Enfin, Nasa nous emmène vers la conquête spatiale avec une petite bande d’adultes désabusés voulant créer leur propre fusée pour faire un vol en orbite. Pour le reste, la diversité des humeurs, des époques et des lieux dépeints par le mangaka nous invite à découvrir une pléthore de protagonistes, livrant un peu d’eux-mêmes le temps de quelques feuilles.

Le lecteur adepte d’Urasawa ne peut avoir qu’un regard attendri sur ces essais, témoignages des tâtonnements de l’auteur dans le genre du divertissement pour jeunes adultes. Parfois, au détour d’une histoire, on retrouve quelques pistes chères à l’auteur, quelques éléments rappelant ses titres phares, comme une sorte de clin d’œil rétroactif. Son penchant pour l’action et les séquences de gunfight n’est guère éloigné de l’esprit de Pineapple Army, son premier succès. Ses petits malfrats aux ambitions modestes rappellent les yakuzas d’Happy. Avec sa cohabition difficile entre humains et robots, Return pourrait très bien figurer comme préquelle de Pluto. Enfin, le costume explicite d’Au revoir Mr Bunny rappellera une des meilleures époques de Kenji, héros de 20th Century Boys. Tant d’autres moments nous ramèneront à notre connaissance de son œuvre sans le vouloir…

Pour autant, le jeune Urasawa nous surprend par quelques pistes qu’il aura mis de côté dans le reste de sa carrière. Comme son nom l’indique, Magie nous transporte dans un univers ésotérique. A la manière des mystères de Taisho de Kei Toumé, l’auteur nous entraîne dans cette époque d’entre deux guerres le temps d’une enquête. Mais surtout, nous sommes surpris par son penchant pour l’humour, avec des saynètes burlesques ou tirant sur un humour absurde très inattendu. La joie de vivre des nombreux personnages est communicative et nous emporte dans un climat de sourire permanent. Et c’est à instant qu’éclatent les figures de styles chères à l’auteur : ses enfants plus malins qu’on ne le croit, ses petits vieux qui n’ont plus rien à prouver, et des adultes dépassés par les évènements, véritables héros malgré eux. Tout comme eux, le lecteur s’étonne, appréhende l’univers dépeint par ces quelques planches, avant de passer à une autre aventure juste au moment ou la surprise s’estompe.

Pour autant, si l’on s’amuse à déceler les marques d’un futur grand nom du manga, d’autres aspects sont encore bien absents : en particulier, sa légendaire maîtrise du suspens ne peut s’exprimer dans des formats aussi brefs. Ainsi, la plupart des nouvelles, auto-conclusives, manquent d’un impact au moment de leur chute. Certaines seront oubliées aussi vite qu’elles ont été lues, et il faudra sans doute temporiser la lecture de l’épais recueil pour ne pas s’assommer entre toutes ces nouvelles. De plus, si l’adepte d’Urasawa trouvera un intérêt certain dans cette compilation, qu’en est-il des néophytes ? Sorties de leur vocation de témoignages de débuts d’un maître du genre, ces histoires restent également des travaux de débutant, avec les maladresses que cela peut impliquer dans la mise en scène et dans la finalité. L’ouvrage se limite donc à un lectorat de connaisseurs, à l’instar des autres livres sortis dans la collection Sensei le même jour.

L’analyse graphique de cette compilation est tout aussi intéressant, puisque, hormis pour les rares possesseurs de l’unique volume de Pineapple Army, on découvre chez Urasawa un dessin bien éloigné du style qu’il n’adoptera qu’à partir de Master Keaton. Le jeune Naoki est encore dans l’influence de son maître qu’est Osamu Tezuka, notamment dans sa narration. Son trait se rapproche des carcans de l’époque et surtout d’un de ces contemporains majeurs, Katsuhiro Otomo, sans que l’on puisse pour autant le soupçonner de plagiat. Des histoires les plus anciennes, maladroites, aux plus récentes, abouties, la patte Urasawa finit par s’établir et s’équilibrer. On y retrouve déjà des visages expressifs, mais moins réalistes, et une peinture des décors urbains déjà très respectable.

Du côté de l’édition, Kana nous délivre un volume à peine plus grand que le format Big réservé aux seinens, mais autrement plus épais avec ses 576 pages. Hélas, à 15 euros, on aurait apprécié un meilleur travail sur le support, car quelques problèmes d’encrage sont à déplorer. En contrepartie, nous pouvons nous consoler avec l’interview d’Urasawa conservée en fin d’ouvrage, ainsi que par une préface inédite de Karyn Poupée, offrant une analyse intéressante pour mieux entrer en matière. Profitons de cette initiative trop rare à l’heure actuelle…

En définitive, ce recueil des Histoires courtes de Naoki Urasawa réussit le paradoxe d’être à la fois dispensable et indispensable. Dispensable, pour ceux qui n’auraient jamais ouvert un manga de l’auteur, et qui seraient mal inspiré de commencer par ce one-shot qui regroupe des travaux imparfaits, inachevés et sans grande ambition. Indispensable, pour tous les lecteurs d’Urasawa qui trouveront leur bonheur dans la recherche des indices démasquant le talent latent du mangaka, et qui lui découvriront des facettes inédites, joyeuses, un brin naïves. Ce retour aux sources complète l’édifice culturel du lecteur en finissant par les bases, et il ne nous restera qu’à nous tourner à nouveau vers un avenir tout aussi réjouissant. Reculer pour mieux sauter, en quelque sorte…
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Koiwai
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Re: Histoires courtes de Naoki Urasawa

Message non lu par Koiwai » 27 oct. 2011, 22:02

Pas encore fini la lecture, mais pour l'instant j'ai bien aimé ce que j'en ai lu (la moitié à peu près).

On retrouve des thèmes qu'Urasawa adore comme la musique, des persos principaux en pleine difficulté mais bien trempés, les robots et la technologie, les évolutions humaines, et on ressent énormément l'influence de Tezuka dans le découpage (surtout sur la première histoire) ou dans le caractère de certains personnages.

Voir l'évolution petit à petit de l'auteur, voir la formation de son coup de crayon (tantôt assez méconnaissable, je trouve, et tantôt tout de suite reconnaissable, à l'image du gamin de je ne sais plus quelle histoire qui ressemble comme deux gouttes d'eau au plus jeune frère de Miyuki dans Happy, mais, dans tous les cas, déjà toujours doté de ce goût pour les visages marqués), la naissance de différents tons qu'on retrouvera plus tard (les histoires du policeman m'ont un peu rappelé l'ambiance de Happy), c'est très intéressant pour quiconque apprécie l'auteur.

La préface de Karyn Poupée possède quelques petites choses intéressantes, de même que l'interview à la fin.

Bref, tout ça pour dire que pour le moment, si les histoires sont basiques, le talent de narrateur d'Urasawa est déjà là pour les rendre agréables, et cette lecture est vraiment intéressante sur beaucoup de points.
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né un11septembre
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Re: Histoires courtes de Naoki Urasawa

Message non lu par né un11septembre » 02 nov. 2011, 20:31

pour le coup, je comprends que Urasawa fasse tant de difficultés à reimprimer ses premiers travaux parce qu'il n'y a pas grand chose à sauver.
j'ai bien aimé les chapitres NASA et la moitié des dancing policeman pour un humour décalé qui lui manque enormément aujourd'hui qu'il est un "grand" auteur.
ce même vision décalée que l'on trouve dans pineapple army (dont j'ai non pas le glenat mais un volume en anglais de chez viz) ou yawara mais déjà moins dans happy!

les histoires courtes sont anecdotiques et passeraient inapercues si on ne savait pas qu'elles sont d'Urasawa. on est fan inconditionnel d'Urasawa et on verra les maladresses des débuts comme les experimentations d'un mangaka qui se cherche sans se prendre le chou ou on restera un lecteur objectif et (comme moi) on eprouvera de la lassitude et le temps long sur des saynetes aux fins éculées et des bouts de séries sans suite.

en bref, fond de tiroir pour fanatiques essentiellement
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shun
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Re: Histoires courtes de Naoki Urasawa

Message non lu par shun » 11 nov. 2011, 12:01

la meilleur est celle du policier avec une bonne ambiance année 90, les autres sont clairement anecdotiques et sans intérêts, quel évolution quand même pour ce mangaka ...
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