Hideout

Rubrique consacrée aux seinen, c'est à dire des séries se destinant à un lectorat adulte.
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Koiwai
Rider on the Storm
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Hideout

Message non lu par Koiwai » 27 oct. 2011, 21:59

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La fiche sur le site


Révélé en France pour les dessins de la série Rainbow (en cours de parution chez Kazé Manga), Masasumi Kakizaki a vite su faire parler de lui, grâce à un coup de crayon dense et immersif. Cette fois-ci, l'auteur revient aux éditions Ki-oon, sur une oeuvre où il est dessinateur et scénariste, un one-shot où il s'essaie à l'épouvante, la couverture, du plus bel effet, ne laissant d'ailleurs pas le moindre doute à ce sujet. Tout comme les premières pages, en couleurs, qui mettent directement dans l'ambiance tout en intrigant fortement quant au contenu, de par les premières phrases prononcées par le héros. Le doute n'est déjà plus permis: vous ne ressortirez pas indemnes de Hideout, pour peu que vous en ressortiez.

Tout commence pourtant comme pour n'importe quel couple: pour retrouver l'inspiration ou essayer de recoller les morceaux avec son épouse Miki, Seiichi Kirishima, écrivain, part avec elle en vacances sur une île. La plage s'offre à eux, de même que les coins les plus reculés de l'île, dont une forêt riche de légendes macabres. Tout pour passer des vacances excitantes, mais Seiichi n'est pas là pour ça. C'est décidé, ce soir, il tuera sa femme.
Au coeur de la forêt, une course-poursuite commence entre le chasseur et sa proie, les deux se retrouvant bientôt dans une grotte pour le moins étrange, où les apparitions se succèdent. Et alors qu'il pense avoir enfin assassiné son épouse, Seiichi commence à peine à entrevoir les ténèbres dans lesquelles il vient de plonger...

Comme déjà dit, Hideout nous met dans l'ambiance dès la première page. D'emblée, on devine que Seiichi ne sera pas un personnage principal banal, et que la noirceur de son objectif n'a d'égale que la noirceur de l'enfer qui l'attend, au plus profond de cette forêt où un autre chasseur guette lui aussi sa proie....
Fort d'une narration qui sait amener habilement les éléments angoissants, Kakizaki nous propose une histoire tout ce qu'il y a de plus classique, un récit de chasse à l'homme à plusieurs niveaux, qui finit par se transformer en huis-clos oppressant et crade, tout en développant le portrait psychologique d'un homme en pleine déchéance. La principale force du scénario sera d'ailleurs là, car la vérité, implacable, nous enseignera que le plus monstrueux n'est pas forcément celui que l'on croit...

Histoire assez classique oui, et pourtant, rarement (jamais ?) un manga d'épouvante n'a si bien rempli sa fonction. D'un bout à l'autre, de la première page jusqu'à une conclusion qui fait froid dans le dos, Kakizaki ne relâche jamais l'ambiance éprouvante qu'il a instaurée, cela grâce à un travail narratif et visuel de haute volée.

Pour l'immersion, on n'aurait pu rêver mieux que cette histoire racontée de manière autobiographique par le héros lui-même. Au fil de ses écrits parsemant l'oeuvre, ce héros nous invite pour une véritable plongée dans ses pensées, tout en dévoilant le fil des événements ayant amené sa soif d'abattre son épouse. Car oui, avant d'en arriver là, Seiichi avait tout pour être heureux: un emploi, une belle maison, un fils adorable... Mais qu'un seul de ces éléments s'envole, et tout s'effondre. Cela, Masasumi Kakizaki nous le fait découvrir en entrecoupant son sombre et horrifique récit de courts flashbacks venant apporter à chaque fois un nouvel élément de la déchéance de Seiichi, pour un résultat du plus bel effet, le récit variant entre présent et passé sans y perdre en rythme, venant expliquer spontanément les tenants et aboutissants de la psychologie de ce héros plus torturé qu'on n'aurait pu le croire.

Etouffant, angoissant, Hideout, en plus d'une narration de haute volée, jouit également d'une véritable virtuosité graphique. On s'en doutait, le trait de Kakizaki pouvait très bien coller à un récit d'épouvante... mais à ce point !
En effet, d'un bout à l'autre, l'oeuvre profite d'un coup de crayon maîtrisé. Découpage et mise en scène sont le fruit d'un travail élaboré et susceptible de nous faire sursauter à tout moment, tant l'auteur se fait une joie de nous offrir des petits détails appuyant sans cesse l'atmosphère malsaine et crade, ou de proposer des pleines pages ou double-pages d'une grande densité, à glacer le sang, celles-ci débarquant souvent quand on s'y attend le moins. Et de manière constante, difficile de rester insensible au souci du détail de l'auteur, qui ne laisse pas une case blanche, propose toujours en arrière-plan des fonds très travaillés, griffonnés et noircis dans un souci de réalisme pour un rendu du plus bel effet. Au coeur de cela, vient tout juste contraster la clarté de la majorité des pages de flashbacks, des souvenirs plus heureux, pour un résultat saisissant ne faisant qu'accentuer encore plus la chute psychologique et la noirceur de l'âme de Seiichi qui se dessinent de plus en plus.
Du côté du dessin des personnages, c'est tout bonnement parfait. Les expressions de Seiichi et, quand il le faut, de Miki ont de quoi mettre mal à l'aise, la noirceur de leurs sentiments ressortant parfaitement. Mais l'auteur atteint des sommets dans la représentation des êtres prenant en chasse le couple. Bouche édentée, détails crades sur la peau, et, surtout, yeux exhorbités: le résultat obtenu est saisissant et propice aux sueurs froides. Ces personnages en apparence inhumains, et qui, comme dit plus haut, ne sont finalement peut-être pas les moins humains, sont un véritable tour de force de l'auteur, surtout quand il les fait apparaître soudainement, et d'autant plus que finalement rien n'est clairement dit à leur sujet. Angoissant, vous dit-on.

Définitivement, il paraît difficile de rester indifférent à ce Hideout, et cela de l'ouverture du récit jusqu'à une conclusion nuançant l'ensemble, tant aucun personnage n'apparaît tout blanc ou tout noir et a plus ou moins de bonnes raisons d'agir tel qu'il le fait, même si cela fait ressortir toute la noirceur qui peut animer un humain repoussé dans ses derniers retranchements.

Mené tambour battant, éprouvant, totalement immersif, développant habilement la psyché de son personnage principal, Hideout est un petit bijou d'épouvante pure, qui vous tiendra en haleine d'un bout à l'autre et confirme la virtuosité de son auteur, que l'on espère désormais vivement retrouver à l'avenir.

Comme si cela ne suffisait pas, les éditions Ki-oon se sont surpassées pour nous offrir une édition de haute volée. La couverture légèrement granuleuse renferme un travail jouissant d'une qualité d'impression excellente et d'une traduction ne trahissant jamais l'ambiance de l'oeuvre. Avec en prime huit pages en couleur, que demander de plus ?
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Einah
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Re: Hideout

Message non lu par Einah » 01 nov. 2011, 12:03

Comme j'adore les récits d'horreur (surtout les films) je ne pouvais passer à coté de Hideout. Cette histoire m'a beaucoup plu.
J'ai apprécié les passages d'horreur avec les flashback du passé car petit à petit on comprend pourquoi le héros en est arrivé là et le pourquoi de ses intentions de départ.
Ensuite sur le déroulement de l'histoire, rien à redire, j'ai vraiment bien accroché et la fin m'a beaucoup plu également.
Jusqu'où peut mener les folies humaines ? :twisted: j'adore
Côté graphisme c'est très très noirs, voir trop par moment car j'avais du mal à voir correctement certaines scènes (mais ca n'est pas arrivé souvent). C'est le seul petit bémol que je peux faire sur ce manga.
Ce que j'ai bien aimé c'est les petites traits blancs sur les cases très noirs, comme si c'était une toile d'araignée.
Ravie d'avoir lu cette oeuvre :twisted:
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DeathNote
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Hideout

Message non lu par DeathNote » 01 nov. 2011, 16:03

Ce One-shot est tout simplement genial! Histoire parfaitement bien ficelée et graphismes sublimes (bien q'un peu sombre quelque fois..mais pas genant) ce manga est d'une noirceur parfaite.A lire et re/lire!


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Sorrow
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Re: Hideout

Message non lu par Sorrow » 02 nov. 2011, 22:06

Avis assez mitigé sur Hideout...

C'est propre, c'est efficace, le dessin est sublime (je pense commencer Rainbow un de ces quatre), on sent que l'auteur maîtrise le genre, et le twist final est sympathique (bien que prévisible après un moment), et l'édition de Ki-oon est excellente. L'alternance entre les moments dans la grotte, remplie de ténèbres, et les flashbacks, remplis de lumière (bien que de plus en plus sombre), est du plus bel effet et donne un sentiment "d'éblouissement", comme si nous aussi nous nous trouvions dans la grotte. On voit également bien les références à des films récents tels que "The descent" pour l'espace fermé et souterrain, ainsi que "Wrong Turn" pour le monstre et son comportement. Le récit est fluide, ça se lit d'une traite et on ne voit pas le temps passer.

Mais il manque indubitablement un petit quelque chose.

Peut-être simplement une accroche émotionnelle avec les personnages principaux, pour lesquels je n'ai ressenti absolument aucune empathie, et par conséquent, aucune frayeur pour leur survie. Seiichi ne s'accroche qu'à l'illusion d'une famille heureuse, même si c'est juste en apparence, et ce dès le début (j'entends par là, dans les flashbacks), lui conférant déjà une aura assez dérangeante, qui explose d'ailleurs rapidement après l'évènement tragique (et ça me dépasse qu'on lui en attribue la cause de cette façon...). Miki est une pouffe, avec très peu de considération pour son mari (et ce, de nouveau bien avant ses derniers moments), qui n'attend de lui que de l'argent, et qui révèle son vrai visage une fois que tout a disparu. À la rigueur, le monstre est encore le plus attachant...

Certes, on sent une descente vers la folie, vers le désespoir, vers quelque chose de très sombre dans l'âme humaine, et le thème est abordé de façon intéressante... Mais c'est très froid du point de vue du lecteur, et j'y ai porté un regard vraiment détaché. Rien ne m'a choqué, rien ne m'a dérangé. Je voyais un homme abandonner de plus en plus sa raison, et ça ne me faisait rien. Et pourtant, je l'ai relu deux fois, à suffisamment de temps d'intervalle et dans de bonnes conditions...
En comparaison, "Monster" de Urusawa m'a causé un bien plus vif malaise, et un vrai sentiment de peur à certaines occasions. Par exemple quand "je-ne-sais-plus-qui" explore une maison vide, et découvre des photos avec des yeux découpés... La tension est palpable, on sent vraiment que quelque chose est arrivé ici, et même s'il ne se passe rien dans la scène, on se dit qu'il y a une présence dans la demeure, une aura. Mais il n'y a pas ça dans Hideout.
Je crois vraiment que le titre aurait eu plus d'impact si on avait ressenti plus d'attachement aux victimes. Ou bien qu'à la manière d'un Silent Hill, le monstre soit le reflet de la culpabilité de Seiichi pour avoir tenté de tuer sa femme, ce que je m'imaginais plus ou moins quand j'ai vu la couverture et les premières pages.

Intéressant, intriguant, avec un bon rythme, Hideout se lit bien, mais il n'en ressort pas une impression inoubliable... Maintenant, reste à voir comment je vais tourner ça pour mon texte...
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Koiwai
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Re: Hideout

Message non lu par Koiwai » 03 nov. 2011, 00:24

Le manque de sympathie pour les personnages, je trouve justement que c'est un des principaux points forts du bouquin.
Kakizaki conserve volontairement un ton neutre et assez lointain en nous présentant le passé heureux et la chute de son héros. De manière générale, aucun personnage n'est mis en valeur, surtout ceux censés être les humains justement, qui paraissent limite plus monstrueux que les monstres. L'auteur fait ressortir habilement toute la noirceur de ses personnages, ce qui ne fait que rendre l'ambiance générale plus sombre, et s'il avait cherché à les rendre plus attachants à mon avis ça aurait tout cassé. Pas de frayeur pour leur survie, car ce n'est clairement pas l'objectif de l'auteur, à mon avis.
Bref, de mon côté, je pense vivement que l'intérêt de ce titre aurait baissé au moins de moitié si l'on avait ressenti plus d'attachement pour les protagonistes.
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shinob

Re: Hideout

Message non lu par shinob » 03 nov. 2011, 11:39

Ma chronique de Hideout. A noter que je n'avais pas lu les différents avis postés ici pour ne pas être influencé. Moins emballé que Koiwai, mais tout de même content. Comme sorrow, je souligne cette fin prévisible, qui a un peu gâché ma lecture.

Seiichi Kirishima, écrivain sans travail, encore traumatisé par la récente mort de son fils, part en vacances avec sa conjointe avec qui il ne s'entend plus. Derrière cette envie de soleil se cache en réalité un bien plus sombre dessin: celui de tuer sa femme, devenue trop encombrante, et faisant obstacle à la reconstruction, aussi professionnelle que psychologique, de notre héros.
Ce dernier l'emmène donc dans un coin reculé de l'île, en pleine forêt, afin d'accomplir ce meurtre ignominieux. Mais l'épouse, bien décidée à vendre chèrement sa peau, parvient à sa réfugier dans une grotte, suivie de près par son mari. Dans les profondeurs moites de cette grotte, tapie dans l'obscurité, une mystérieuse silhouette observe, attend son heure pour agir. Et de chasseur, Seichii devient la proie: l'enfer commence... pour de bon!

Derrière Hideout se cache Masasumi Kakizaki, à qui l'on doit les dessins de la série Rainbow, disponible dans un premier temps chez SEEBD puis chez Kazé Manga. Cet auteur est connu pour style graphique, très expressif, ciselé et réaliste. Avec Hideout, Kakizaki revêt le costume de scénariste en plus de celui de dessinateur, et s'aventure dans le genre horrifique. Parviendra-t-il à nous donner le grand frisson? Réponse dans les lignes qui suivent...

Avant même d'ouvrir l'ouvrage, Hideout impressionne par sa couverture. Rarement on a vu quelque chose de si effrayant! Sans compter que cette illustration est la synthèse parfaite de ce que l'on va retrouver dans ce one shot, à savoir une obscurité qui déchire, lacère, envahit tout: la lumière, la raison, et même l'âme...

Alors qu'on croyait lire un face à face implacable entre des époux haineux, notre auteur introduit un nouvel élément perturbateur, de taille, qui va profondément modifier la donne. Il s'agit d'un homme, hirsute, famélique, mais doté d'une force certaine. Ses traits profondément altérés par une vie souterraine, ainsi que sa folie sauvage, lui donnent un aspect particulièrement effrayant, surtout dans la première partie de l'ouvrage, quand on ne sait pas encore vraiment avec qui l'on a affaire. Lors des scènes où ce mystérieux troglodyte apparait, par des cadrages astucieux et des planches saisissantes, Masasumi Kakizaki va nous saisir par les tripes, et même faire ressurgir des terreurs enfantines liées à l'obscurité et au silence, que nous avions oubliées au fil du temps.

Malheureusement, à partir du chapitre 6, le récit va perdre en intensité pour devenir plus ou moins prévisible. Une seule et unique fin possible se met petit à petit en place, et tout lecteur attentif la devinera assez rapidement. Néanmoins, cela ne retire en rien les nombreuses autres qualités de ce récit: les graphismes saisissants tout d'abord, mais aussi et surtout la mise en scène efficace: afin de renforcer l'horreur de la situation et le désespoir de notre héros tout en ménageant le suspense, Kakizaki introduit de temps en temps des lumineux flash-back qui permettent de mieux saisir les tenants et aboutissants de l'histoire, tout en créant un jeu de clair obscur renforçant la tension dramatique. C'est fort!

En définitive, Hideout s'avère être un excellent surprise. On aurait aimé une deuxième partie aussi déroutante que la première, mais l'ensemble reste tout de même cohérent et remplit à merveille son rôle: faire peur. Une dernière fois, saluons les graphismes de Kakizaki, remarquables et particulièrement adaptés au genre horrifique.

sainfoins
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Re: Hideout

Message non lu par sainfoins » 04 nov. 2011, 18:00

Déjà grand fan de "Rainbow", j'ai bien aimé ce one shot. L'histoire est assez classique quand on est habitué aux films d'horreur, mais il n'empêche que j'ai passé un agréable moment de lecture. Je le conseille vivement. Je me demande bien ce que l'auteur a comme projet pour la suite. Si quelqu'un le sait, je veux bien des p'tites infos. :wink:

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Koiwai
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Re: Hideout

Message non lu par Koiwai » 05 nov. 2011, 13:37

Il a commencé cet été Green Blood, une série ancrée dans un univers western. En somme le genre de truc qui devrait coller à merveille avec son trait, et qui me fait baver d'avance... Pourvu qu'elle arrive en France quand elle sera plus avancée ^^
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sainfoins
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Re: Hideout

Message non lu par sainfoins » 05 nov. 2011, 13:59

Koiwai a écrit :Il a commencé cet été Green Blood, une série ancrée dans un univers western. En somme le genre de truc qui devrait coller à merveille avec son trait, et qui me fait baver d'avance... Pourvu qu'elle arrive en France quand elle sera plus avancée ^^
Je viens de voir quelques images, j'en bave sur mon clavier. J'espère que cette série n'orientera vers le genre western spaghettis.

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Wang Tianjun
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Re: Hideout

Message non lu par Wang Tianjun » 06 nov. 2011, 12:27

A mon tour ! :twisted:

J'ai suivi de loin le débat pour ne pas trop me faire influencer, mais je rejoindrai plutôt Sorrow et shinob.
Même si je me suis laissé un peu plus emporter par le récit, il y a quelques points du scénario qui m'ont fait un peu sortir de la lecture.




Sur une île servant de club de vacances, un couple en crise essaie tant bien que mal de recoller les morceaux. Mais pour Seiichi Kirishima, le mari, ce voyage a une toute autre motivation. Ce soir, il tuera son épouse, et cachera son corps parmi les nombreux cadavres de soldats tombés lors de la dernière guerre et n'ayant pour sépulture que l'épaisse jungle environnante. Mais les choses ne se passent pas comme prévu, et Miki, son épouse, parvient à s'échapper dans une grotte mystérieuse, habitée par d'étranges individus...

One-shot évènementiel pour l'éditeur Ki-oon en cette fin d'année 2011, Hideout est un titre de Masasumi Kakizaki, que nous connaissons déjà comme dessinateur pour la série Rainbow chez Kazé Manga. Cependant, c'est ici la première fois que nous le voyons s'illustrer également en tant que scénariste. Comme le laisse présupposer la couverture , l'auteur a pour ambition de nous entraîner vers une histoire particulièrement horrifique et perturbante. Suivons-le donc dans les méandres de cette île terrifiante, quitte à ne pas en ressortir entier...

L'idée majeure du récit est de mettre en scène son héros en tant que victime, et ce, dès les premières pages couleurs où on le découvre nu, attaché et mutilé, alors qu'il est lui-même un assassin de la pire espèce. Seiichi a en effet prémédité le meurtre de sa femme depuis bien longtemps, et présente rapidement un visage des plus menaçants. Ainsi, l'île paradisiaque, qui constitue pour lui le meilleur endroit pour passer à l'acte, se transforme peu à peu en purgatoire où il sera confronté à sa propre monstruosité, personnifiée par un ermite psychopathe qui capture, mutile et tue des touristes un peu trop curieux. A dément, dément et demi, et la cruauté de ce redoutable Némésis sans une once de pitié emporte Seiichi dans une spirale de haine et de violence, au point que le lecteur puisse en frissonner pour lui.

Afin de contrebalancer cette atmosphère suintant de douleur et de sang, l'auteur offre de quoi s'attacher au protagoniste au travers de nombreuses respirations vers le passé. On y découvre la vie de Seiichi l'écrivain, en partant des instants joyeux de sa vie de couple pour suivre sa longue descente aux enfers. Son quotidien est érodé peu à peu par les réalités matérialistes accablantes, jusqu'à un tragique évènement finissant par briser sa vie de couple définitivement. Hélas, certaines exagérations mettent à mal notre empathie, notamment le caractère implacable de Miki, véritable garce vénale qui ne fait qu'enfoncer le héros sans jamais lui tendre la main, sans oublier les ultimes péripéties en contradiction avec la logique du héros. De même, l'auteur a délibérément délaissé le passif des autres personnages, en particulier le "monstre" de la caverne, afin de les déshumaniser au maximum. Un choix qui ne sera pas au goût de tous.

Fort heureusement, le talent narratif de Kakizaki, qui a déjà fait des merveilles dans Rainbow, occulte les faiblesses scénaristiques. L'ambiance sombre et macabre des lieux envahit le lecteur, alors prompt à se faire manipuler par les sursauts du récit. Le rythme ne faiblit jamais ailleurs que dans les flashbacks, au point que les plus sensibles d'entre nous appréhenderont chaque page tournée. En outre, l'auteur n'épargne rien dans sa représentation de la violence et des corps mutilés, rendant l'atmosphère toujours plus étouffante. Il est cependant dommage que la prévisibilité des dernières péripéties nous sortent peu à peu de la tension narrative, mais dans l'ensemble, il est difficile de décrocher de l'aventure jusqu'à ses dernières pages qui offrent une conclusion particulièrement aboutie.

Cet univers sans espoir de salut est également renforcé par le graphisme très incisif du mangaka. Déjà connu (mais pas toujours apprécié) pour les visages très caricaturaux des ordures de Rainbow, le dessinateur a d'autant plus laissé libre cours à son exagération graphique pour offrir des faciès particulièrement terrifiants et hideux à certains protagonistes. Le trait est vif et détaillé, l'encrage et le tramage profonds, et l'auteur s'adonne à ses favorites lignes blanches pour fendre l'atmosphère ou donner l'impression que son héros est pris dans une toile qui ne fait que se resserrer autour de lui. En parallèle, les séquences de flashback contrastent par leur lumière nous ramenant en surface, mais aussi par une certaine froideur, exhibant un quotidien peu enthousiasmant.

Pour un jeu d'ombre et lumière aussi pertinent, la qualité de l'édition se devait d'être irréprochable. Mais avec Ki-oon à la barre, y avait-il du souci à se faire ? On peut, comme toujours, compter sur un papier de qualité et un encrage profond pour ne rien perdre de l'intensité du titre. Notons également une transcription complète des onomatopées (facilitée par l'usage de phylactères qu'affectionne l'auteur) et une couverture à la texture rugueuse pour ne pas décrocher du tome, au sens figuré comme au sens propre !

Dans le registre du suspens et de l'horreur, il faudra donc à présent compter sur Hideout, en attendant les futurs travaux de l'auteur. Les ambitions scénaristiques de départ pourront être mis à mal par certains évènements exagérés, mais d'aucuns ne contesteront la prouesse graphique et l'efficacité narrative du récit, accrochant les lecteurs dans ses filets pour l'emmener dans un univers noir, sanglant, et impitoyable. Et vous, y survivrez-vous ?
"Ah.. je suis en train.... de tomber en morceaux..."
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