Auteure : Julietta Suzuki
Nom original : Kamisama Hajimemashita
Éditeur : Akata/Delcourt
Traducteur : Ryoko Sekiguchi
Adaptation : P.O.M.
Adaptation graphique : Isabelle Bovey
Conception graphique : Trait pour Trait
Nombre de volumes au Japon : 10 (en cours)
Nombre de volumes en francophonie : 4 (en cours)
Tome 1
Peu après s'être retrouvée à la rue à cause d'un père irresponsable et joueur invétéré, la jeune Nanami Momozono se retrouve propulsée au rang de déesse après sa rencontre avec un être mystérieux, qui la gratifia d'un baiser sur le front avant de disparaître. Par ce geste, généralement associé à l'affection, elle se retrouve investie du pouvoir de gardien d'un ancien sanctuaire dédiée à l'amour. Une aubaine pour une fille sans toit. Cependant, tout n'est pas rose pour autant, et elle aura fort à faire pour remplir ses devoirs de déesse, et surtout amadouer son nouveau serviteur, le renard Tomoé, qui ne voit pas d'un très bon oeil ce changement de propriétaire qui s'est fait bien contre son gré.
Assez classique dans ses bases et son déroulement, ce premier tome de "Divine Nanami" est néanmoins une véritable bouffée d'air frais. Si la prémisse semble assez improbable, elle est menée tambour battant et sans fausse note, introduisant de manière très fluide tous les éléments qui seront amenés à jouer un rôle important par la suite. Les relations entre les personnages et la romance se mettent en place patiemment, l'auteure prend son temps pour bien poser les bases de son histoire et nous habituer à les voir interagir. Les protagonistes n'ont en soi rien de bien original, mais la sympathie et l'entrain qu'ils dégagent tous nous amène à nous intéresser à leur devenir, et les touches d'humour bien placées achèvent de nous convaincre qu'on tient là un excellent début pour une série qui s'annonce plus que sympathique. Encore faut-il que l'ambiance yôkai et traditionnel japonais du titre n'en refroidisse pas certains...
On retiendra également le trait de l'auteure, Julietta Suzuki, qui sait sans conteste créer une ambiance, jouer de ses cadrages pour rendre l'action dynamique, et rendre ses personnages beaux sans être des gravures de mode. Un graphisme qui génère une ambiance douce et reposante, à la manière des sentiments dévoilés dans ce premier tome. Notons également d'excellents bonus en fin de tome de la part d'Akata, véritable valeur ajoutée, à la fois simples et instructifs, même pour des gens rompus à l'ambiance yôkai, ça fait plaisir.
Ainsi, "Divine Nanami" démarre en douceur, prend son temps pour s'installer et nous plonger dans son univers joyeux, un peu triste, mais empreint d'une grande douceur et d'une force qui nous donne le sourire aux lèvres. Un titre qui rappelle un peu Le Pacte des Yôkai (également publié chez Akata/Delcourt) avec une touche romantique, tout en gardant le même type de sensibilité propre au genre fantastique/traditionnel japonais. Une très bonne surprise, et vivement la suite !
Tome 2
L'éternelle question mystique : après un bon début, est-ce que l'auteur va plonger dans la médiocrité et le convenu, ou conserver toute sa personnalité et nous donner toujours envie d'en lire plus ? Dans le cas de ce deuxième tome de Divine Nanami, la question ne se pose même pas. Dès la première page, on se souvient pourquoi le premier volume était si plaisant. Un trait vraiment agréable, tout en douceur, épuré, où les bishônens ne sont pas de femmelettes précieux et féminisées à l'extrême, rendant la lecture agréable aussi bien pour le genre féminin (cible première) que féminin, et terriblement efficace aussi bien dans l'humour que dans les aspects plus ésotériques.
La relation entre Nanami et Tomoe évolue par petites touches subtiles, tout en douceur, oscillant entre respect, affection et germes d'amour. Avec cette différence de race (yôkai et humaine) ainsi que la relation maître/serviteur encore mal définie (qui est le maître de l'autre en réalité ?), difficile de savoir dans quelle voie l'auteure compte se lancer. Un élément qui nous pousse donc à poursuivre notre lecture avec d'autant plus de plaisir de voir leur histoire s'épanouir, quelle que soit la finalité.
La série se caractérise aussi par un dynamisme sans failles, ce qui nous fait grandement oublier les incohérences et les ficelles de l'intrigue de départ pour nous plonger avec plaisir dans cet univers. Le caractère de Nanami y est également pour beaucoup, car très crédible dans le contexte, pas cruche pour un sou, mais pas si forte non plus que pour compter entièrement sur elle-même, et surtout, qui évolue avec ses expériences. Une héroïne réellement attachante et qu'on prend plaisir à voir évoluer. D'autant plus que Tomoe commence à sortir de son cliché de bad-boy en colère pour nous montrer une part plus fragile de sa personnalité, tout en sachant rester impitoyable par moment, pour le plaisir de nos zygomatiques.
Véritable manga d'ambiance, classique sur bien des aspects mais mené d'une main experte, assurée et sincère, on se plonge volontiers dans l'univers de Divine Nanami, là où se concentre toute l'âme japonaise, c'est-à-dire dans la frontière ténue entre le profane et le sacré, entre le monde ancien et la modernité. Un titre à rapprocher du Pacte des yokaî (chez Akata également) pour son ambiance et son thème, mais dont le dynamisme de la narration et de son héroïne lui confère une personnalité propre et authentique, comparable à aucun autre. En résumé, un vrai vent de fraîcheur, dont on attend la suite avec impatience.
Tome 3
Premier titre en francophonie pour l'auteure, seconde tentative de chronique après crash de l'ordinateur, troisième volume paru en librairie, quatre ambiances dans ce tome pour une série qui prend son envol en francophonie.
Une première histoire où la jeune Nanami se découvre des sentiments de plus en plus forts pour son messager, dans la plus pure tradition fleur-bleue, mais sans la moindre goût de guimauve et tout en subtilité, agrémentée de décors et de kimonos superbes. Une seconde où le destin de messager des dieux est mis en avant, dans toute leur fragilité malgré leurs pouvoirs, ainsi que dans leur attachement à leur mission sacrée et à ce sanctuaire devenu leur foyer. Une narration mêlant suspens, profonde tristesse, action, avec un zeste d'humour, tout en faisant avancer les relations entre Tomoe et Nanami, difficile de faire plus complet. Une troisième sur ton de comédie scolaire, où Tomoe doit prendre la place de sa déesse au lycée, cette dernière étant clouée au lit par la fièvre et risquant le redoublement si elle accumulait encore des points d'absentéisme à l'école. Quand un renard blanc pas toujours bien luné se fait passer pour une jeune fille dans la fleur de l'âge, malentendus, aura de fleurs (avec poussée mammaire de surcroît) et regards diaboliques sont de rigueur, pour notre plus grand plaisir. Et enfin, la quatrième, une plongée dans le passé, période déterminante pour comprendre notre présent, et dont les erreurs doivent servir à construire notre futur, tout en portant le fardeau de nos actes et de nos errements. C'est à nous seul d'en assumer la responsabilité. Et pour ceux qui entrapercevraient une vision de ce que nous étions, c'est à eux de décider quelle personne nous sommes en réalité : la personne figée dans le passé, ou bien le produit de nombreux évènements, qui nous impactent et trouvent leur sens dans la présente réalité.
Divertissant, drôle, touchant, et bien d'autres adjectifs encore, ce tome 3 de "Divine Nanami" achève de prouver une fois pour toute la qualité de la série. Julietta Suzuki semble à l'aise dans tous les types de narration, aussi bien dans l'humour, que dans la romance, que dans les phases d'action, et que celles plus contemplatives. Son style est superbe : simple, clair, mais plein de vie, immersif, le tout agrémenté d'un découpage des planches efficace. Et avec une Nanami attachante, enjouée, douce, ainsi que réfléchie et bien décidée à ne pas subir uniquement les évènements, et un Tomoe vif, intelligent, amusant quand il se met en colère (sauf pour ses ennemis), qui n'est pas juste là pour les beaux yeux des demoiselles et n'a pas un passé sombre juste pour faire "dark" (bref, qui casse un peu les clichés), mais possède une vraie personnalité, difficile de faire un tableau plus complet. On ressent une réelle empathie pour les personnages, qui prennent quasiment vie à travers les pages. "Vivant", peut-être la meilleure façon de définir "Divine Nanami", série sans prétention au premier abord, mais avec une force d'âme qui fait qu'on s'y attache énormément à la lecture, et à laquelle on revient avec plaisir.