Cesare

Rubrique consacrée aux seinen, c'est à dire des séries se destinant à un lectorat adulte.
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Koiwai
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Cesare

Message non lu par Koiwai » 20 mars 2013, 08:05

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La fiche sur le site


Tome 1 :

Les Borgia. Depuis toujours, il existe une certaine fascination pour cette famille historique à la réputation sulfureuse, arrivée d'Espagne dans une Italie troublée de la pré-Renaissance, s'imposant petit à petit dans les sphères du pouvoir en imposant deux de ses membres au poste de Pape. Les adaptations en tout genre ont vu le jour, que ce soit en roman chez Alexandre Dumas, au théâtre chez Victor Hugo, en BD chez Jodorowsky et Manara, ou même à la télévision dans des séries TV bien connues.
Parmi eux, l'un des noms les plus connus, sujet à nombre de fantasmes, reste celui de Cesare Borgia (1475-1507), rejeton non-assumé du futur pape Alexandre VI (alias Rodrigo Borgia, Pape de 1492 à 1503), reconnu comme l'une des figures les plus fascinantes de l'histoire. A la fois ange et démon, connu pour sa grande culture, sa prestance, son éloquence, son intelligence, des qualités qui l'ont amené à approcher les sphères du pouvoir avec des ambitions révolutionnaires louables (en gros, réunifier une Europe divisée et pourrie, ni plus ni moins). Mais aussi pourvu de nombreuses rumeurs bien moins glorieuses : dans une famille descendue pour ses luttes de pouvoir, ses morts et sa débauche, Cesare est décrit par ses détracteurs comme un manipulateur, ne reculant devant rien pour arriver à ses fins, pas même à tuer son frère et à violer sa propre soeur, entre autres. Un homme tout en contrastes, donc, qui a suscité bien des interrogations au fil des siècles, y compris une première fois en manga avec Cantarella, shôjo fantastique de You Higuri partiellement paru en France aux éditions Asuka.

C'est en 2006 que débarque au Japon le manga qui nous intéresse ici, oeuvre d'une mangaka reconnue, forte de ses 30 ans de carrière. Quand Fuyumi Soryo, auteure de l'excellent shôjo Mars et du non moins superbe thriller psychologique ES - Eternal Sabbath, décide de se lancer dans Cesare, elle se fixe de répondre à une question claire : "Comment un homme réputé priser l'amusement et préférer la chasse à l'étude, capable de violer sa soeur et d'assassiner son frère, pouvait-il en même temps être respecté de ses hommes et aimé du peuple ?". Pour répondre au mieux à cela, Soryo choisit d'offrir un récit historique rigoureusement documenté, et se fait assister pour cela par Motoaki Hara, professeur d'université renommé et spécialiste de la littérature et de l'histoire de l'Italie, dont il maîtrise parfaitement la langue et où il a étudié en profondeur l'époque de la Renaissance. Oeuvre richement documentée et extrêmement rigoureuse au point de paraître très lentement et de façon relâchée au Japon (entre 2006 et mars 2013, seuls 10 tomes sont sortis), Cesare débarque enfin en langue française aux éditions Ki-oon.

Après un excellent préambule expliquant de façon claire et concise le contexte de l'Europe des siècles précédents et le partage de pouvoir entre les dirigeants politiques et l'Eglise, l'histoire commence par l'arrivée à l'Université de Pise d'un jeune homme du nom d'Angelo da Canossa. Roturier très studieux mais naïf, ne connaissant aucunement les spécificités de la vie mondaine, il s'y attire rapidement les foudres des siens, notamment de Giovanni de Medicis, fils de son précepteur Lorenzo, et personne hautement influente à l'Université. Enchaînant les bévues avec une naïveté confondante, ce héros fictif peut d'abord irriter tant il paraît naïf, mais il permet surtout à la mangaka d'instaurer clairement tout ce qu'il faut savoir sur le contexte de l'époque. Ainsi ce premier volume se consacre-t-il particulièrement à expliquer le fonctionnement de l'Université de Pise, son système de cercles d'étudiants, et les luttes de pouvoir qui sévissent entre trois grandes factions, luttes destinées à se répercuter jusqu'aux plus hautes sphères du pouvoir religieux... Et de fil en aiguille, chaque personnage historique important se voit mis en place clairement, les rôles étant clairement présentés, du jeune et hautain Giovanni à l'inquiétant dominicain Savonarole, en passant par Rodrigo Borgia, futur Pape Alexandre VI et père de Cesare, n'hésitant pas à utiliser son fils caché comme un vulgaire pion sur un échiquier destiné à le faire arriver au pouvoir.

Au beau milieu de tout ceci arrive donc la fameux Cesare Borgia, que l'on découvre petit à petit tandis qu'il se rapproche de plus en plus d'Angel, voyant en notre héros un possible futur révolutionnaire. Et l'on prend plaisir à déjà entrevoir les différents facettes du personnage, préférant aller se promener à cheval plutôt qu'étudié bien qu'il ait pourtant une culture irréprochable, défendant avec éloquence Angelo... mais n'ayant que peu d'estime pour un père qui cherche à l'utiliser, et n'hésitant pas à laisser agir de façon menaçante s'il le faut son fidèle bras droit, Michelotto da Corella.

Tout est donc bien mis en place dans ce premier volume captivant, d'une précision graphique rare quand il le faut (les fonds sont omniprésents, les costumes bien travaillés, et il y a de quoi rester admiratifs devant les détails extérieurs et intérieurs de la ville de Pise, retranscrite fidèlement dans son architecture) et pourvu d'une narration posée et très claire, où tout coule de source (même les discours théologiques, c'est dire !) et où l'on ressent à chaque page l'énorme travail de documentation (dont vous retrouverez le détail complet en fin de volume... Plus d'une cinquantaine de références de différentes nationalités allant des biographies de Cesare à celles d'autres personnages historiques en passant par des documents de recherche architecturale et historique, l'outil majeur restant la biographie de Cesare Borgia par Gustavo Sacerdote, reconnue comme étant la plus fidèle et précise de toutes).

D'une densité et d'une rigueur historique encore jamais vues dans un manga publié en France, Cesare se paie pourtant le luxe de ne pas oublier d'être divertissant. On peut toujours chipoter (les petites scènes d'action, rendues assez basiquement, ne sont pas ce que la mangaka fait de mieux ici), mais l'équilibre est parfait, le contexte est passionnant, chaque personnage bien mis en place, et gageons que Cesare Borgia, déjà assez fascinant, n'a pas fini de nous intriguer.

L'édition de Ki-oon est impeccable : couverture magnifique dotée en plus d'un effet granuleux luxueux, biographies des deux auteurs fournies, pas de fautes de frappe ou d'orthographe... Du côté de la traduction, on retrouve Sébastien Ludmann, dont on a déjà pu apprécier l'excellence du travail sur Moonlight Act, Broken Blade ou encore Otaku Girls, et qui nous offre ici un version française aux petits oignons, extrêmement limpide malgré la densité du sujet.
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yukiijapan
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Re: Cesare

Message non lu par yukiijapan » 24 mars 2013, 18:07

Un peu deçue par l'extrait (Tome 1) que j'ai lu :(

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Koiwai
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Re: Cesare

Message non lu par Koiwai » 08 avr. 2013, 18:12

Tome 2 :

A peine arrivé à l'université de Pise, le naïf Angelo da Canossa provoque involontairement Giovanni de Médicis, le fils de son protecteur, qui le prend alors en grippe. Enchaînant les bourdes à cause de son ignorance totale des coutumes mondaines, le jeune homme se serait même fait poignarder un soir si Cesare Borgia et son allié Michelotto ne l'avaient pas sauvé ! Petit à petit, c'est plutôt auprès de Cesare qu'Angelo trouve un camarade de poids, le jeune espagnol allant jusqu'à lui faire visiter la face sombre de la ville de Pise, celle située de l'autre côté du fleuve, en proie à la misère et à la mort...

Dans ce deuxième volume, le lecteur découvre d'abord, en même temps qu'Angelo, l'autre facette de Pise, en proie à la pauvreté, et théâtre de luttes religieuses pour le pouvoir. Puis le volume met petit à petit de côté Angelo, qui était un bon moyen d'immerger le lecteur dans le récit, pour plus se focaliser sur Cesare et son entourage (notamment son père, candidat à la papauté), sur les ambitions et manigances de chacun, sur la façon dont chacun s'utilise ou accepte d'être utilise rpour mieux servir ses desseins ensuite.

Avec une minutie rare, Fuyumi Soryo et Motoaki Hara nous plongent alors totalement dans les différents enjeux de l'époque, des conflits religieux et manigances pour le pouvoir aux alliances et divisions entre les différents partis. De ce fait, la lecture se veut plus exigeante encore que pour le premier volume, et un réel effort d'attention doit alors être fait pour tout bien cerner. Mais la narration claire et le trait élégant de la mangaka aidant, c'est avec un grand plaisir que l'on plonge dans cet entremêlement de conflits d'intérêt au beau milieu duquel Cesare, pour l'instant surtout jouet de son père, dévoile déjà quelque grande ambition, et montre, en plus de son esprit brillant et de son caractère difficile à cerner, de fins talents de négociation et de manipulation qui ne finissent plus de le rendre intrigant .
A cela s'ajoutent les apparitions d'autres très célèbres figures historiques en les personnes de Christophe Colomb et Léonard de Vinci, qui permettent de toujours mieux poser le cadre de l'époque avec les futures grandes découvertes et le renouveau des hommes d'esprit.

Ce deuxième tome accomplit donc haut la main sa mission. Plus dense, il demande un effort d'attention plus important encore, mais le jeu en vaut la chandelle et les auteurs n'oublient jamais le souci de divertir.
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Koiwai
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Re: Cesare

Message non lu par Koiwai » 09 mai 2013, 15:58

Tome 3 :

A l'aube de la mort du Pape, les tensions augmentent entre les cardinaux en vue du prochain conclave. Grâce à Cesare, Rodrigo Borgia s'assure le soutien de Raffaele Riario et Lorenzo de Medicis, tandis qu'il apprend que Bologne s'alliera à Giuliano Della Rovere, son principal rival. La tension est telle que les manigances de toutes sortes sont permises, Giuliano ayant été jusqu'à envoyer un sbire assassiner Cesare.

Dans ce troisième volume, Fuyumi Soryo continue de nous plonger dans les manigances entourant Cesare Borgia, mettant toutefois un peu de côté les tensions directes entre Rodrigo et Giuliano, pour continuer de dépeindre avec une minutie exemplaire un contexte d'une grande richesse. Ainsi voit-on le contexte historique continuer d'être dépeint via par exemple les évocations du voyage de Christophe Colomb pour le nouveau monde, et voit-on mieux présentés certains protagonistes historiques comme Francesco Remolines et surtout le mystérieux Niccolo, qui s'intéresse de près à Cesare, et dont l'identité ne reste pas longtemps énigmatique et annonce bien des choses.

Les tensions entre les différents partis s'étendent jusqu'au sein de l'université de Pise, et la mangaka insiste particulièrement sur les tensions animant les différents cercles, notamment celles opposant le cercle des espagnols de Cesare au cercle des français mené par Henri. Fuyumi Soryo nous offre ici une longue rixe qui joue volontiers sur quelques clichés : un Angelo toujours un peu désespérément naïf ce qui lui permet toutefois d'être toujours sincère, puis un affrontement un peu too much dans le portrait très bovin du détestable Henri et dans le duel façon corrida. Mais affrontement qui permet d'approfondir encore les choses, notamment autour du passé de l'Espagne à l'époque des Maures, et surtout autour d'un Cesare qui n'en finit pas de séduire tout le monde, de rallier les gens à sa cause en se montrant habile combattant et brillant orateur. Comme le dit Niccolo, "flamboyant" est le mot juste pour qualifier Cesare, dont les paroles témoignent encore et toujours d'un esprit brillant, révolutionnaire, désireux de briser des idées préétablies qui n'ont selon lui pas leur place.

Quant à la suite du volume, elle poursuit le plan des Borgia visant à assurer la Papauté à Rodrigo, le projet de manufacture prenant forme petit à petit, Cesare se faisant un plaisir de tirer les ficelles dans l'ombre en n'hésitant pas à manipuler aussi bien Giovanni qu'Angelo. Ainsi, s'il apparaît fascinant, Cesare conserve néanmoins une part sombre plus inquiétante, dans sa faculté de manipulation.

Au final, la série de Fuyumi Soryo et Motoaki Hara continue donc de séduire de par sa richesse sur de nombreux plans, la mangaka et son superviseur prenant réellement le temps de dépeindre tout le contexte de l'époque, sans jamais perdre de vue cette peinture habile et nuancée d'un Cesare Borgia qui n'a pas fini d'intriguer.

Quant à l'édition de Ki-oon, elle s'avère toujours exemplaire. Les premières pages en couleur sont un plus appréciable, mais on appréciera surtout les premières pages replaçant les personnages et rappelant clairement les différents axes des deux premiers tomes, ainsi que les bonus de fin de volume, soit plus d'une dizaine de pages revenant plus profondément sur différents axes abordés, comme l'illégitimité de Cesare, la vie universitaire de l'époque, la Reconquista espagnole ou l'immersion dans la ville de Pise.
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John Doe
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Re: Cesare

Message non lu par John Doe » 10 mai 2013, 19:16

Très bon premier tome, qui présente une figure historique fascinante, avec un dessin somptueux.
L'auteur a un sens de la profondeur de champ (notamment les scènes dans le palais de Cesare) remarquable. Un très bon début.
"Better a life like a falling star, brief and bright across the dark, than the long, long waiting of the immortals, loveless and cheerlessly wise" - The Broken Sword

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Re: Cesare

Message non lu par Koiwai » 25 juil. 2013, 18:05

Tome 4 :

Alors qu'on laissait Angelo à la supervision de la manufacture, le début de ce quatrième tome nous invite à enfin découvrir la jolie jeune femme qui était présente dès la couverture du tome 1, à savoir Lucrezia, plus connue dans notre pays sous le nom de Lucrèce, la petite soeur de Cesare, dont nous découvrons plusieurs instants de l'enfance vers la fin des années 1480 et début des années 1490. Sorte d'interlude empli d'une douceur féminine, avec une fillette mignonne et innocente qui se montre très attachée à son grand frère, et des instants légers comme la danse, ce passage d'une soixantaine de pages contraste alors un peu avec l'ambiance de complots habituelle, mais ne se limite pas à son ambiance plus agréable, puisqu'il est aussi l'occasion d'entrevoir les relations pas toujours très nettes du père de Cesare avec son entourage féminin, l'intelligence de Fuyumi Soryo étant de suggérer les choses plutôt que de les montrer.

Puis les choses plus sérieuses reprennent. Angelo, qui s'est vu confier la supervision du chantier de la manufacture, offre sa totale confiance à Cesare et n'hésite pas à lui raconter l'avancement du chantier. Mais bien qu'il soit le bras droit de Cesare, Miguel n'hésite pas à mettre en garde Angelo au sujet du fils Borgia : Cesare est un jeune homme qui cache bien son jeu, et il n'hésiterait pas à retourner sa veste si c'est dans son intérêt...
C'est à cette période précise qu'Angelo est témoin d'une tentative d'incendie volontaire du chantier. Qui se cache derrière cet acte ? Sont-ce réellement les Dominicains, comme tendent à le laisser penser les habits des incendiaires ? Y a-t-il un complot plus profond derrière ceci ?

Tandis que l'énigme a du mal à se résoudre, Cesare, inlassablement, poursuit son plan auprès de Raffaele Riario et de Giovanni de Médicis, tentant de rapprocher les deux partis, tout en cherchant à en apprendre davantage sur les membres de la Fiorentina... Doucement mais sûrement, les alliances et complots continuent de prendre forme, se faisant à nouveau autant de témoins de l'habileté et du génie de Cesare, tandis que les doutes à son sujet sont de plus en plus présents, puisque l'insistance est toujours plus forte quant à sa façon de manipuler les gens à son avantage... Et si Angelo, lui aussi, n'était qu'un pion ? A force d'observer Cesare et d'écouter les mises en garde de Miguel, Angelo est évidemment poussé à s'interroger lui-même, et sort alors un tant soit peu, enfin, de sa trop grande naïveté. Ce qui, en fin de tome, n'empêche pas Angelo d'accompagner Cesare dans l'un de ses caprices qui voit les deux jeunes hommes se rendre dans un quartier populaire de Pise sans dévoiler leur identité. C'est un autre monde qui s'ouvre alors à Cesare, qui, du haut de son statut de mondain, ne comprend pas toujours les us du bas peuple. On découvre donc une autre facette de Cesare, curieux de tout en découvrant un univers plus populaire, ce qui donne lieu à des choses un peu plus légères, en attendant sans doute le retour aux choses sérieuses, au vu de la dernière page du volume.

Les choses avancent donc à leur rythme, et entre la douceur de Lucrezia en début de tome et l'incursion plutôt légère dans le monde populaire en fin de volume, on se régale toujours des alliances et complots qui prennent forme autour des plans de Cesare, un homme qui n'a décidément pas fini de nous passionner, au détour de ses différents visages.
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Re: Cesare

Message non lu par Koiwai » 11 sept. 2013, 00:47

Tome 5 :

Histoire de goûter un peu à une liberté qu'il ne connaît pas, Cesare, avec l'aide d'Angelo, a faussé compagnie à sa garde pour se mêler au peuple de Pise. Il s'illustre aux jeux d'une fête foraine, puis compte fleurette à un groupe de jolies jeunes femmes, au grand dam d'Angelo qui se demande bien où ilv eut en venir... Mais bientôt, le véritalbe objectif de Cesare se concrétise : s'il prend un malin plaisir à goûter aux joies populaires qu'il n'avait jamais connues, il tâche surtout de se faire remarquer pour attirer à lui l'assassin qui en veut à sa vie et qui le guette, dans l'ombre, prêt à intenter à sa vie...

Après des débuts qui sont l'occasion d'entrevoir le Cesare séducteur, la suite confronte Cesare à l'un de ses assassins... pour un résultat qui, à vrai dire, ne nous apprend aps grand chose de plus, Miguel intervenant au bon moment pour empêcher un éventuel malheur. On ressort de cet assez long passage de l'évasion de Cesare un peu circonspect, satisfait par la vision d'un Cesare qui s'intéresse de près au peuple, mais frustré par le manque d'informations concrète quant à l'identité de celui qui en veut à la vie de Cesare.

Puis par la suite, l'heure n'est plus à la recherche des assassins et de ceux qui ont tenté de brûler la manufacture, car se profile une simulation militaire devant opposer l'armée du Sud à celle du Nord. Dans la première, on retrouve notamment le cercle des Espagnols et la Fiorentine, Cesare et Angelo étant donc dans le même camp. Quant au camp du Nord, il est sous l'égide des Français menés par Henri, ce dernier étant toujours aussi décidé à terrasser Cesare...
Prenant tout le reste du volume, ce long passage permet d'apporter de nouveaux petits détails sur le contexte de l'époque, notamment via l'évocation de la famille française des Balue et de leur lien avec Della Rovere, de la célèbre Caterina Sforza, de l'opposition passée entre Pise et Florence, de celle opposant Français et Espagnols... le tout alors que l'on a aussi un aperçu du concept de simulation militaire, longtemps utilisé au Moyen-Âge. Mais au-delà des détails historiques, c'est plutôt l'action qui domine, Fuyumi Soryo s'appliquant toutefois à détailler les stratégie de déplacement, les armes ou le choix des armures, tout en s'appuyant sur un rendu de la bataille assez honnête.
Evidemment, cette simulation de bataille est une nouvelle occasion d'apprécier le Cesare provocateur et audacieux, mais aussi l'habile combattant chevaleresque, même s'il doit une fier chandelle à ses compagnons lors de son affrontement tout en contraste contre un Henri toujours un peu cliché dans son rôle d'homme robuste et vaillant mais rustre.

Cesare séducteur, Cesare provocateur, Cesare beau-parleur, audacieux, fier... La série de Fuyumi Soryo reste plaisante à suivre grâce aux différentes facettes de ce personnage toujours intrigant, et les petits détails historiques ainsi que la mise en avant de la simulation militaire sont plutôt bien orchestrés. Mais il y a dans ce cinquième volume un sentiment de trop peu. L'impression qu'au final on n'a pas appris grand chose de nouveau autour de Cesare, de son entourage, et des tentatives d'assassinat sur sa personne.
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Re: Cesare

Message non lu par Koiwai » 19 nov. 2013, 20:59

Tome 6 :

La mêlée à cheval s'est achevée sur une victoire des troupes de Cesare, Angelo ayant offert cette victoire au sien sans vraiment s'en rendre compte ! La joie se lit sur les visages, mais sera de courte durée. Car au-delà de cet événement qui était sans doute son dernier instant de liberté, Cesare a eu l'occasion de mieux cerner certains de ses ennemis, dont Jean Balue du Cercle des Français, allié de Della Rovere. Surtout, un drame ne tarde pas à se jouer quand Angelo découvre malgré lui l'identité des traîtres se cachant près de Cesare et ayant mis le feu à la manufacture...

L'après mêlée passé, les choses prennent donc un tour plus sérieux, car l'heure est venue pour Cesare et ses plus fidèles acolytes de refermer le piège qu'ils ont dressé autour des traîtres. Ne pouvant qu'être dramatique, l'issue soulève à nouveau bon nombre d'interrogations, notamment autour du statut social qui peut conditionner les vies, les traîtres ayant finalement été contraints d'agir ainsi s'ils souhaitent conserver une place un tant soit peu importante. On devine que ce nouveau coup dur sera une nouvelle leçon pour Cesare, qui, sans rien laisser paraître, doit sans doute avoir trouvé là une nouvelles source d'inspiration pour la volonté de changer le monde qu'il affichera bien plus tard. Et bien sûr, c'est aussi Cesare lui-même qui soulève à nouveau les interrogations : il se montre de nouveau fin stratège quand le piège se referme autour des traîtres, mais il reste ambivalent dans sa manière de considérer Angelo, qu'il n'hésite pas à utiliser malgré lui dans son piège, quitte à lui faire frôler la mort. Mais au bout du compte, la relation entre les deux jeunes hommes pourrait gagner énormément en confiance, une fois que le doute sera totalement effacé.

On tient donc une première partie de volume excellente, car elle distille son lot d'informations et d'évolutions, tout en faisant enfin progresser plus concrètement l'histoire des traîtres. Et la suite du volume ne démérite pas, en revenant enfin sur les agissements des autres personnages : les grands projets de Rodrigo pour son fils son bien mis en avant, les enjeux liés aux alliances entre les différentes familles sont bien expliqués, et l'on découvre deux nouveaux personnages plutôt intéressants, qui sont les deux Juan. Quant à la toute fin du volume, elle prépare une étape importante dans le parcours religieux de Cesare, tandis que Fuyumi Soryo prend le temps de revenir avec talent sur la rencontre et l'enfance commune de son héros et de Miguel, ce qui vient joliment expliquer le lien très solide qui unit ces deux-là.

Un excellent volume, qui fait avancer les choses de façon plus concrète, tout en prenant encore et toujours le temps de détailler le contexte de l'époque et les relations entre les personnages.
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Re: Cesare

Message non lu par Koiwai » 29 janv. 2014, 12:19

Tome 7 :

Une fois les traîtres éliminés, et pendant qu'Angelo se remet de sa blessure, Cesare se prépare à mener les célébrations de la Nativité à Pise, en compagnie du Cardinal Riario et de Giovanni, parallèlement aux même célébrations menées par son père à Rome. Une situation qui ne plaît évidemment pas aux opposants, mais cela n'empêchera pas Cesare d'y participer dans un début de tome qui fait donc la part belle à des images de tout beauté. Costumes des célébrations, intérieur de la cathédrale de Pise... Fuyumi Soryo nous offre des planches ultra détaillés, réalistes et totalement immersives, qui démontrent à nouveau un énorme travail de documentation pas seulement historique, mais aussi architectural.

C'est toutefois une autre problématique qui occupe la majeure partie du volume : le tombeau d'Henri VII présent dans l'enceinte de la cathédrale de Pise laisse interrogateur Cesare, qui connaît bien les oppositions régnant entre les deux principaux pouvoir de l'époque : l'Empire et le Clergé...
C'est alors tout un cours d'histoire, s'étalant sur plusieurs siècles, qui attend autant Cesare que le lecteur. De la percée du Christianisme jusqu'à l'époque de Henri VII et Dante Alighieri, en passant par la christianisation de Constantin ou l'opposition entre le Pape Grégoire VII et Henri IV (pas celui de France, bien sûr, mais celui du Saint-Empire), Soryo et Hara parviennent à expliquer clairement les grandes étapes de l'opposition entre le pouvoir impérial et le pouvoir du Clergé, en s'attardant principalement sur deux périodes.
Tout d'abord, celle qui a vu s'opposer Henri IV et Grégoire VII lors de la querelle des investitures, aboutissant sur la fameuse pénitence de Canossa (qui offre son nom à Angelo), un événement qui a vu l'Empereur s'incliner devant le Pape, marquant ainsi un important renforcement du pouvoir papal.
Puis, deux siècles plus tard, le parcours du célèbre Dante Alighieri, proche d'Henri VII alors qu'il est historiquement resté connu comme un partisan du Pape. Ici, les auteurs nous exposent avec clarté et passion le parcours de Dante, ses ambitions vis à vis d'Henri VII, et l'impact que tout cela a eu dans l'écriture de la Divine Comédie. Dans les grandes lignes, rien n'est oublié et otu est limpide, ce qui n'était pas forcément évident à réalisé en quelques dizaines de pages. Et cela trouve évidemment un écho avec les propres ambitions de Cesare, que Soryo confirme via quelques phrases de notre héros.

Cerise sur le gâteau, les auteurs en profitent même pour livrer des interprétation un peu plus personnelles, notamment au sujet des 11 apôtres sur le tombeau. Puis après ce cours historique, c'est un cours architectural qui nous attend, sur l'unicité de la cathédrale de Pise. La fin du tome est également l'occasion pour Fuyumi Soryo de glisser un nouveau personnage historique de l'époque, à l'importance capitale : cette fois-ci, c'est Michel-Ange qui apparaît brièvement...

Raconter en quelques dizaines de pages quelques siècles sous un angle précis (ici, le lien et les évolutions entre pouvoir de l'Empire et pouvoir de l'Eglise) n'est pas forcément chose aisée, mais Fuyumi Soryô et Motoaki Hara s'en tirent brillamment en restant constamment clairs. Il y a toutefois un petit "mais" : ce long aparté, bien que nécessaire, marque une rupture dans le récit, et on a bien plus l'impression de lire un manuel d'histoire et d'histoire de l'art qu'un manga... Mais cette impression passée, Cesare reste passionnant et fascinant !
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Re: Cesare

Message non lu par Koiwai » 01 avr. 2014, 14:35

Tome 8 :

Angelo peut enfin quitter le lit, et il a désormais toute la confiance de Cesare, qui lui a remis la clé de son cabinet de travail et a demandé à Silenzio de lui enseigner l'Espagnol. Angelo doit toutefois rester à Pise pendant que Cesare, de son côté, est invité par les Médicis à aller à Florence avec Raffaele Riario afin de participer aux célébrations marquant la fin de la Reconquista. Une fois sur place, Cesare, l'archevêque de Pise et Lorenzo de Médicis devront trouver un terrain d'entente pour contrer les nouvelles alliances et menaces qui se profilent et qui feraient le jeu de Giuliano Della Rovere...

Avec la prise de Grenade, la Reconquista prend fin, et Fuyurmi Soryo s'applique dans un premier temps à dépeindre ce que cela pourrait impliquer dans le contexte : pendant que l'Espagne s'est enfin libérée des hérétiques, le jeune roi de France Charles VIII a terminé la réunification de son territoire et pourrait désormais tourner ses ambitions vers l'étranger. Les villes proches de la frontière française, comme Milan et Gênes, pourraient souffrir de ce possible danger, et certaines familles comme les Sforza commencent à prendre un peu plus de poids dans le récit.

En ce début d'année 1492, une année charnière dans l'Histoire de l'Occident, les regards se tournent toutefois surtout sur ce qui va se jouer à Florence, les célébrations de la Reconquista cachant surtout les retrouvailles entre Cesare, Lorenzo et Riario, qui doivent faire le point sur la situation et trouver des solutions pour empêcher Giuliano Della Rovere de renforcer sa position. Cesare profite d'abord de sa visite à Florence pour retrouver Orsino Orsini, qui lui apprend une nouvelle vérité sur les manigances de Rodrigo mais aussi sur celles de la mère d'Orsino. Puis l'heure d'en apprendre plus sur la ville d'accueil de Cesare est venue : que ce soit le passé ou le présent, Soryo s'applique à dépeindre tous les enjeux liés à la cité de Florence. Le passé est dominé par le drame de la conjuration des Pazzi, un événement souvent évoqué et sur lequel nous en découvrons enfin plus, notamment en ce qui concerne les véritable instigateurs de cette conjuration. Quant au présent, la mangaka y narre avec une clarté exemplaire les enjeux liés aux alliances entre les villes. Pour faire face aux agissements de Giuliano dans l'axe fort unissant Rome et les états pontificaux à Venise, Florence était au coeur d'un axe l'alliant à Milan et Naples. Mais l'alliance est fragilisée : Milan est proche de la menaçante frontière, Giuliano manigance habilement pour faire de Naples un allié, et la cité florentine risque fort de voir son principal pilier s'effondre : évoqué à plusieurs reprises, Lorenzo de Médicis est enfin au coeur de la série, et celui qui fut un pilier de la péninsule et de sa ville est désormais affaibli, ce qui, dans les dernières pages, annonce une suite toujours aussi passionnante, et qui risque de faire beaucoup bouger les choses.

Cesare s'offre une nouvelle fois un tome passionnant, qui s'éloigne encore un peu plus des intrigues de l'Université pour aborder des choses beaucoup plus amples. Epaulée par le savoir de Motoaki Hara, Fuyumi Soryo continue de dépeindre les choses avec une clarté et une passion communicatives. Et malgré la grande densité et la richesse des enjeux liés notamment à Florence, la mangaka trouve encore le temps d'apporter ces débuts d'intrigues autour d'autres personnages (retenons Savonarole, car nous serons amenés à le revoir dans un rôle important), de croquer quelques passages sur l'Art dont elle a le secret, et même d'apporter un peu de légèreté et d'humour du côté d'Angelo avec une scène vaguement érotique et un peu touchante qui amène une pause de quelques pages au bon moment !
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